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La paroisse de Tréméreuc durant la Révolution.

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Renseignements ecclésiastiques. — Tréméreuc, cure de l'ancien diocèse de Saint-Malo, relevait de l'archidiaconé de Dinan et du doyenné de Poudouvre, au siège de Saint-Enogat. Cette paroisse était et est encore sous le patronage de Saint Laurent, dont un vaste tableau représentant le martyre de ce diacre se voit au fond du choeur. C'est un don de Jean-Laurent d'Avaugour, alors seigneur du Bois de la Motte et de Tréméreuc, aux débuts du XVIIème siècle, Mais, l'an 1163, Tréméreuc avait pour titulaire la T. S. Vierge, et on le désigne sous le nom de Sainte-Marie de Tréméreuc dans une lettre du pape Alexandre III en faveur des moines de Saint-Jacut (Cf. Abbé Lemasson : Histoire du Royal Monastère de Saint-Jacut de l'Isle de la Mer, op. cit., p. 24 et 88).

Lors de la Révolution, M. de la Haye, comte de Ploër, était seigneur de Tréméreuc, fondateur et prééminencier dans cette église, et jouissait à ce titre, alternativement avec l'abbé de Saint-Jacut, du droit de présentation du recteur.

L'abbaye de Saint-Jacut avait, en effet, à l'origine, possédé toute ou presque toute l'église de Tréméreuc. Son prieuré de Saint-Cadreuc, en Ploubalay, avait été lui aussi largement possessionné dans cette paroisse, si bien que, le 26 octobre 1649, Julien Dubois, recteur de Tréméreuc, qui était alors à portion congrue, obtint arrêt du Grand Conseil du Roi, obligeant le prieur de Saint-Cadreuc à lui payer pour sa dite, portion 200 livres franches et quittes de toutes charges, en raison des dîmes que ce prieur récoltait à Tréméreuc. Un peu plus tard, l'an 1687, le titulaire de Saint-Cadreuc fit abandon au recteur de Tréméreuc, pour la pension qu'il lui devait, de toutes les dîmes qu'il levait dans sa paroisse. Si bien que, lors de la Révolution, le pasteur de Tréméreuc se trouvait être le seul décimateur de cette localité. Le Pouillé de Mgr. de la Bastie estime son revenu à 1.550 livres, sur lesquelles il avait à rétribuer un vicaire, car, le 27 mars 1669, nous ignorons pour quelles raisons, on avait créé un vicariat dans cette petite paroisse, dont les faibles ressources ne permettent même pas à l'heure actuelle à un recteur d'équilibrer son modeste budget, alors qu'en 1790, M. Fouace déclarait que son rectorat lui avait rapporté 1.337 livres de dîmes cette année, plus 154 livres pour des fondations ou prestimonies dont il assurait le desservice.

Le Pouillé de la Bastie note l'église comme « à peu près passable » ; mais, en 1769, à l'occasion d'une visite pastorale, l'on constate « qu'elle manque de la plupart des ornements essentiels au culte divin ». L'église possédait alors une chapelle prohibitive, dite de la Herviais, en fort mauvais état, et interdite, d'après le Pouillé de la Bastie. On en décida la démolition en 1764. En 1730, l'autel dédié à Saint Firmin s'appelait autel Saint-Jean. L'on voit encore présentement dans cette église les statues de bois de Saint Firmin, de Saint Guillaume et de Saint Laurent. Ces deux dernières existaient dès 1764 et sans doute auparavant.

Quant au presbytère, qui comprenait, outre le bâtiment principal, un cellier, une grange et une étable, avec aire, cour et jardin de trois quarts de journal, le Pouillé que nous utilisons l'indique comme « pas absolument mal, mais fort éloigné de l’église », et le général de cette époque n'émettait pas la prétention saugrenue de le faire payer 200 livres à son recteur.

Le même document attribue « 80 l. de revenu fixe à la fabrique, dont 60 l. assises sur le tiers d'un dîmereau qui se lève aux environs du Pontfilly ». Parmi les fondations de la fabrique, notons celles de messires Jean Le Saichot et Yves Le Bachelier, prêtres, et celles de Pierre Huet, Mathurin Le Moine et Julien Le Saichot, cette dernière consistant en un verger attenant au jardin du presbytère, et celle de Mathurin Le Moine en quatre pièces de terre.

Les Archives des Côtes-d'Armor ne possèdent, série G, aucune pièce concernant Tréméreuc, et nous n'avons retrouvé aucun vieux compte de la fabrique de cette église. Elle possédait lors de la Révolution une belle croix d'argent pesant 12 marcs (c'est-à-dire environ 3 k. 320), laquelle avait coûté 393 livres en 1631, ainsi qu'un encensoir d'argent payé 290 livres le 4 juin 1780. Tout disparut durant les mauvais jours. Le 24 août 1794, les jacobins dinannais inventoriaient, avant de l'envoyer à la Monnaie : un ostensoir, deux pieds de calice, et une couverture de petite custode, pesant 4 marcs, 3 onces d'argent blanc ; un encensoir pesant 3 marcs, 5 onces, 7 gros ; deux coupes de calice, un ciboire, deux patènes, une coupe de petite custode, et un croissant, pesant 3 marcs, 1 once, 4 gros d'argent doré ; une croix pesant 11 marcs, 2 onces. 2 gros et demi d'argent blanc. C'est sans doute celle signalée plus haut.

Les ornements de l'église de Tréméreuc, que l'on avait dû eux aussi envoyer à Dinan, furent vendus 145 frs. 45 le 13 juin 1794. Une nouvelle liquidation de chapes, de chasubles et de linge d'autel rapporta 80 frs au mois de juillet de cette même année.

Du reste, il y avait presque un an que l'on travaillait à dépouiller complètement l'église de Tréméreuc, supprimée comme centre paroissial et fermée définitivement au culte, croyaient les révolutionnaires. Dès le 17 mars 1794, on avait apporté à Ploubalay une cloche, six chandeliers, trois lampes, trois clochettes, un bénitier avec son goupillon, un sceau de plomb, deux boîtes à saintes huiles sans couvercle et une burette d'étain, le tout provenant de Tréméreuc.

Par ailleurs, on avait tout bouleversé et brisé dans l'église de cette localité, sous prétexte d'y trouver du salpêtre. Une lettre du 2 février 1795, signée Malo Leyritz, ex-maire ; Jean Briand, secrétaire, et André Bugault, va nous renseigner sur ces actes de vandalisme :

« Le citoyen Dereuse, de Taden, dit ce document, établit son atelier de lessivage pour les salpêtres dans l'église de Tréméreuc, dans les mois d'août et septembre 1793. Pour y trouver du salpêtre, il a fait dépaver tous les saints cas (dalles de l'église), et en a cassé et débrisé (1) une grande partie et déboisé l'autel et les marchepieds de l'autel St-Firmin, et en a brûlé une grande partie.

A l'autel de la Sainte Vierge, il a démembré, cassé et mis en morceaux une superbe statue de la Vierge. Il s'est permis de la casser et de la brûler.

Au maître-autel, il a brisé plusieurs corniches et ornements et cassé aux anges adorateurs les ailes et les bras, et enlevé plusieurs petits écussons de plomb.

Tous ces dégâts ont été faits malicieusement par le sieur Dereuse, sans l'ordre et à l'imprévu de la municipalité ».

Les biens-fonds de l'église de Tréméreuc n'eurent pas un meilleur sort que son mobilier. Cependant, ils ne furent adjugés qu'assez tard, le 14 juillet 1800, à une personne de Tréméreuc. Ils comprenaient une prairie, un champ dit les Vergers des Closets, un autre dit le Verger de la Roche, et la pièce de La Lande.

Le 25 novembre 1796, Jean Briand et Malo Leyritz, de Tréméreuc, déclaraient dans un rapport aux autorités départementales « que leur église avait été rendue au culte l'année précédente, et que le seul usage qu'ils voyaient pouvoir en faire, c'était de la conserver pour le culte, tant désiré par les habitants de leur commune ». Ils ajoutent que l'on pourrait continuer « d'utiliser la sacristie comme local pour la maison commune ». Quant au clocher, « on a dû, déclarent-ils, le démolir récemment comme menaçant ruines ». Ce ne sont assurément pas là les paroles et les maximes d'une municipalité révolutionnaire.

Avant la Révolution, Tréméreuc était groupé, pour la station des prédications, avec Pleurtuit et Langrolay, et son jour d'adorations annuel fixé au 15 février.

 

CLERGÉ.JOSEPH-LOUIS FOUACE, sieur de la Paumerais, recteur, naquit le 11 février 1749, au village de la Paumerais, en Plouër, de noble homme Germain, sieur de la Paumerais et capitaine de navires, et d'Hélène Humphry, d'origine irlandaise.

Après avoir fait de brillantes études au collège de Dinan, où nous le trouvons en philosophie en 1765, puis au Grand Séminaire, où on le note comme « ayant excellemment répondit et possédant beaucoup de facilités », il reçut le diaconat le 16 mars 1771, puis, après sa prêtrise, l'abbé Fouace revint vicaire dans sa paroisse natale, y demeura peu de temps, puis fut nommé professeur de philosophie au Collège des Laurents, au départ de M. Bêttaux pour Concoret.

Sur la présentation de M. le comte de Plouër, pour lors seigneur de Tréméreuc, M. Fouace fut pourvu le 27 septembre 1779 du rectorat de cette agréable paroisse, devenu vacant par la mort de M. Julien Raciné, d'abord prêtre de Languenan, puis recteur de Cherrueix, dont il permuta la cure pour celle de Tréméreuc avec le recteur de celle-ci, M. Bougères, le 15 décembre 1766, et où il décéda le 14 août 1779.

Les registres de catholicité que tint l'abbé Fouace à Tréméreuc, sont tout émaillés de sentences de la Sainte Ecriture, choisies à propos, qui témoignent et de l'esprit de foi et des connaissances scripturaires de leur auteur. Lors de l'épidémie qui désola sa paroisse de 1781 à 1785, ce bon prêtre se dépensa sans compter et avança en grande partie les sommes nécessaires pour payer les secours alimentaires et les médicaments aux malades pauvres. Dans une de ses lettres en faveur de ses paroissiens, il déclare « qu'il devra, vu la sécheresse, leur fournir des semences à ses frais » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1363). Il donna aussi à ses ouailles, du 11 au 26 juillet 1784, une grande mission où huit prêtres vinrent travailler.

Voici le portrait que trace de sa personne M. Fouace, à l'aurore de la Révolution : « Je ne suis, écrit-il, ni beau, ni laid ; je suis maigre, pâle et de la taille de plus de cinq pieds. J'ai été blond, mais à l'âge de bientôt 40 ans, je suis tout gris ». Le recteur de Tréméreuc très populaire parmi ses paroissiens, fut choisi par eux comme le premier maire de leur localité, et signe encore recteur et maire durant les premiers mois de 1791.

Cependant, M. Fouace avait un sens catholique trop avisé pour approuver l'oeuvre religieuse de la Révolution Française. Aussi, sur une dénonciation datée du 14 avril 1791, et signée par le sieur Gallet, recteur de Pleurtuit, qui venait de s'assermenter, le district de Dinan décida-t-il, le 27 mai suivant, d'entreprendre une procédure criminelle contre le recteur de Tréméreuc, « coupable d'infraction aux lois constitutionnelles » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 12).

Ce fut bien pis quand Gallet, après s'être rétracté, fut remplacé dans sa cure par l'ex-bénédictin Hamart-La Chapelle. La présence à Tréméreuc, à proximité de Pleurtuit, d'un prêtre de la valeur de M. Fouace, les instructions qu'il donnait à ses ouailles pour les mettre en garde contre le schisme constitutionnel et ses conséquences, le grand nombre de fidèles qui désertaient les offices de Pleurtuit pour assister à ceux de Tréméreuc, exaspérèrent l'ancien moine et le clan de ses partisans, qui s'appelaient bravement « les patriotes ».

Dès le 18 juillet 1791, le district de Dinan informe celui de Saint-Malo que « la garde nationale de Pleurtuit était dans l'intention de descendre à Tréméreuc pour y insulter le curé et lui faire violence. On l'a même menacé de le tirer de coups de fusil à l'autel. Plusieurs Trémereuchains ont été aussi insultés et se sont plaints à la municipalité de Pleurtuit, qui n'a rien fait pour réprimer de pareils excès... ».

Pour obtenir la paix, une seule solution s'offrait à la pensée des dirigeants : faire l'abbé Fouace abandonner sa paroisse. Mais l'on ne pouvait songer à le remplacer, faute de candidats, et, d'autre part, on n'arrivait pas à faire aboutir le projet de réduction des cures. Heureusement qu'Hamard, « homme de mérite et d'un patriotisme reconnu », était aussi un homme de ressources. Il possédait alors à Pleurtuit, trois vicaire constitutionnels : il proposa de charger l'un d'eux, nommé Barret, irlandais de nation, d'administrer sous sa surveillance la paroisse de Tréméreuc, avec le titre de vicaire provisoire. Que l'évêque Jacob et l'administration centrale des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) donnassent la main à ce beau projet, et le tour était joué : Tréméreuc passait sous le domination d’Hamard ; Fouace était obligé de déguerpir, et l'ex-bénédictin, débarrassé enfin de tout fâcheux voisinage, coulerait désormais des jours paisibles.

A la suite d'une requête en ce sens, formulée le 27 septembre 1791 par le district de Dinan au Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), les désirs d'Hamard se virent accomplis. L'on décréta, à Saint-Brieuc, l'abbé Fouace désormais « déchu de ses fonctions », comme insermenté, et Jacob envoya commission à Barret de s'établir à Tréméreuc pour y prêcher « le respect pour les lois et la pratique des vertus civiques et chrétiennes ». Comme on le voit, dans le programme, la religion prenait la dernière place.

Mais l'on avait compté sans les Trémereuchains, qui n'entendaient point de cette oreille. Aussi, quand Hamart, flanqué de l'ex-Père Jamyot, arriva, le dimanche 9 octobre, pour installer son vicaire, trouva-t-il belles et bien closes les portes de l'église de Tréméreuc, et tous les trois durent se retirer. Peu s'en fallut même que les gens de Tréméreuc n'entrassent en lutte ouverte avec les gardes nationaux de Pleurtuit.

Cependant, l'abbé Fouace avait été obligé de déménager de son presbytère, où Barret était venu s'établir, mais, à l'amer regret de celui-ci, le pasteur légitime n'avait pas quitté sa paroisse ; le décret du 18 juin 1791, qui obligeait tous les prêtres remplacés à s'éloigner à une distance d'au moins six lieues de leur ancien domicile, ayant été abrogé le 21 septembre suivant, à la suite de l'amnistie qui suivit l'acceptation par le Roi de la Constitution Française.

Du reste, les Trémereuchains conservaient encore l'espoir de recouvrer leur bien-aimé recteur. Aussi, le 6 novembre 1791, adressaient-ils dans ce but, au Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), une pétition dont voici quelques extraits : « ... Le premier parti, à Tréméreuc, composé de 420 sur 430 âmes... demande l'exercice du culte fait par des prêtres non assermentés... et que l'unique temple qui soit dans son ensainte (sic) leur soit ouvert pour y exercer les cérémonies du culte religieux qu'ils préfèrent, sans pouvoir être inquiétés ni troublés par le petit nombre des partisans d'un autre culte. Se propose en outre d'esder (sic) à subvenir pour l'entretien de sesdits prêtres » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 23).

Ont signé, dit-on, au bas de cette pièce, « ceux qui le savent », dont « Bugault, maire ; Rouxel, procureur ; Rault, officier ; Leclerc, notable ; deux Briand, trois Guéras, deux Lemoine, deux Aucoin, deux Besrest, Cathenot, Chollou, Daniel, Durand, Rigault, Rouillé ».

Le seul résultat de cette touchante supplique fut de voir le district de Dinan exprimer l'avis « que les portes de l'église de Tréméreuc fussent au plus tôt fermées, et cette paroisse réunie à Pleslin ». Telle était alors la Liberté des Jacobins !

Par quels stratagèmes la municipalité de Tréméreuc trouva-t-elle moyen de faire entendre à Barret que l'abbé Fouace était autorisé à célébrer la grand'messe et les vêpres à Tréméreuc le dimanche 15 novembre, fête de Saint-Malo ? Nous l'ignorons. Toujours est-il que cette nouvelle mit en émoi le district de Dinan, qui écrivit d'urgence à Hamart et à la municipalité de Tréméreuc, mais les deux gendarmes envoyés en toute hâte pour rétablir l'ordre, déclarèrent dans leur rapport « que les sieurs Fouace, curé et vicaire, leur avaient remis la permission par écrit du sieur Barret, et que la cérémonie n'avait causé aucun tapage ».

Les Trémereuchains eussent aussi bien désiré que leur ancien pasteur obtint la permission de célébrer chaque dimanche une messe dans leur église, mais le district de Dinan les renvoya à Hamart, et, de l'ex-moine, aucune concession de cette sorte n'était à espérer.

Nous avons trouvé que M. Fouace fit encore officiellement une inhumation à Tréméreuc le 9 décembre 1791. Bien plus, quoique Barret se fût efforcé de faire partir ce prêtre dès le mois de mai 1792, l'abbé Fouace ne quitta sa paroisse que le 14 juillet suivant, alors qu'il était depuis quatre jours sous le coup d'un ordre d'arrestation signé par le Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), comme « coupable de continuer d'exercer à Tréméreuc les fonctions curiales, d'y administrer les sacrements, d'y célébrer des grand'messes et des processions, d'y avoir marié le maire Leyritz, enfin d'avoir agité sans cesse les esprits dans cette paroisse, et d'être fortement soupçonné d'être l'auteur des catéchismes incendiaires » (Archives des Côtes-d'Armor, L 161, folio 76, et Lm 5, 24).

Bien que doublement menacé par elle, M. Fouace n'obéit pas non plus à la cruelle loi du 26 août 1792, qui l'obligeait à quitter la France, et passa les mauvais jours de 1793 et de 1794 caché, soit à Saint-Jouan des Guérets, chez Madame Danycan, soit à Plouër, chez le notaire Gendron, son beau-frère.

Le calme semblant renaître au printemps de 1795, l'abbé Fouace revint à Tréméreuc, où ne pouvant encore paraître en public, il célébrait, a-t-il raconté, « les saints mystères dans une petite maison du bourg, dans une armoire placée dans sa chambre ». Mais Charles Beslay, agent national du district de Dinan, qui témoignait des dispositions très favorables « à la classe trop longtemps persécutée des prêtres, pourvu qu'ils fussent amis de l'ordre et de la paix », ne tarda pas à le rassurer, et M. Fouace put officier dans son église, ouverte au culte le 13 avril 1795. Vingt jours plus tard, sur sa demande, Beslay régularisait officiellement cette situation et lui promettait de s'occuper « de l'abaissement du clocher de Tréméreuc. ». Il profitait de l'occasion pour le conjurer d'user de toute son influence pour convaincre ses collègues irrédentistes, « qu'un faux zèle ou un ressentiment mal éteint peut encore égarer, que l'homme sage doit composer avec les circonstances, qu'il est dangereux de brusquer l'opinion, même favorable, qu'une indiscrète ardeur peut tout perdre et que le résultat inévitable d'une conduite mesurée sera en faveur de la religion et lui rendra son antique splendeur ». Nous avons en mains d'autres lettres, adressées par Beslay à l'abbé Fouace, qui témoignent quelle confiance cet homme politique plaçait dans cet ecclésiastique, qu'il appelle son « cher abbé ». Cependant, le recteur de Tréméreuc, qui voyait combien précaire était la trêve qu'avait imposée aux hommes de Thermidor leur situation embarrassée en Bretagne, n'osait trop insister pour rallier au culte public ceux des prêtres qui le jugeaient encore inopportun. « Vous ne trouverez pas mauvais, lui écrivait Beslay le 12 juin 1795, que je vous reproche particulièrement de n'avoir pas mis dans vos efforts tout le caractère (sic) que j'attendais de votre zèle et de votre amour pour la paix. Avec vos moyens, tout vous était possible, et je m'aperçois qu'il vous reste encore beaucoup à faire pour combler les espérances des amis de la patrie et de la paix ».

Du reste, les Conventionnels ne partageaient guère les sentiments de Beslay sur la pacification religieuse. Aussi, lors de l'application de leur loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), M. Fouace, pas plus que les mieux intentionnés des prêtres bretons, ne crut pas pouvoir, en conscience, s'y conformer. L'église de Tréméreuc fut donc à nouveau fermée et le recteur obligé désormais de se cacher du plus au moins, suivant le cours des événements. En septembre 1797, un rapport de police, conservé aux Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 121, parle en ces termes de M. Fouace : « A paru accidentellement à Plouër pendant la Révolution. On dit qu'il résidait en la commune de Tréméreuc ; a disparu depuis le 19 fructidor. Passe pour un homme instruit et pacifique ».

Vers 1802, Boullé, préfet des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), notait le recteur de Tréméreuc comme « instruit, honnête, religieux et sans fanatisme ». Pour cette fois, les renseignements officiels concordaient trop bien avec la vérité pour que Mgr. Cafarelli n'en tint pas grand compte, si bien que M. Fouace fut désigné premier curé concordataire de Ploubalay le 8 avril 1803, et prêta serment en cette qualité le 22 mai suivant.

Dès 1799, M. Fouace avait accepté de servir de précepteur à MM. Pierre et Thomas de Léhen ; mais, en même temps, voyant le besoin que l'Eglise allait avoir de prêtres, il entreprit de former des jeunes gens en vue du sacerdoce. Il débuta par trois ; puis d'autres vinrent ensuite, les premiers instruisant les derniers, si bien que lors de son transfert à Ploubalay en 1803, l'abbé Fouace éduquait déjà une vingtaine d'élèves destinés à combler les vides que la Révolution avait creusés dans l'Eglise.

Les écoliers de M. Fouace le suivirent dans son nouveau poste, où il les dissémina dans les maisons du bourg de Ploubalay. Lui-même voulut demeurer près d'eux pour être plus à même de surveiller ces jeunes gens, dont le nombre s'éleva jusqu'à cinquante, en 1807, d'après les Archives de l'Evêché de Saint-Brieuc.

Le collège de M. Fouace, antérieur à celui des Cordeliers de Dinan, dura à Ploubalay jusqu'en 1812, date à laquelle un décret impérial vint fermer tous les établissements d'instruction secondaire aux mains des partieuliers. Environ 50 prêtres, dont plusieurs d'un mérite distingué, tels que M. Renault, du Pontcornou, provincial des jésuites ; Homery, fondateur des Filles de la Divine Providence de Créhen ; Josselin, curé de St-Michel de Saint-Brieuc ; Merdrignac, curé de Plancoët ; Hamon, chanoine titulaire à Saint-Brieuc, sortirent de l'institution du curé de Ploubalay.

M. Fouace mourut à Ploubalay, en fonctions, le 12 mars 1824, âgé de 75 ans. C'était, écrit quelqu'un qui l'a bien connu, « un prêtre distingué par ses talents, surtout pour la prédication, ce qui le faisait appeler à toutes les retraites et missions de nos villes et campagnes, y compris les retraites ecclésiastiques ». Durant ses loisirs forcés, au cours de la Terreur, il composa un Compendium de théologie qui lui fut fort utile dans la suite. Il a aussi rédigé vers 1809, avec un grand sens historique, à l'aide de documents disparus depuis, un fort précieux registre de paroisse, recopié en 1861 par M. Julien Macé, curé de Ploubalay. M. Fouace fit encore ajouter des bas-côtés à l'église de Ploubalay, devenue insuffisante pour la population, et refaire les autels détruits par la Révolution. Enfin, il acheta deux cloches et plusieurs statues.

Cependant, lors de son décès, l'abbé Fouace n'était même pas chanoine honoraire de la cathédrale de Saint-Brieuc, mais Napoléon Ier, par décret du 4 mars 1807, lui avait conféré le traitement des curés de première classe.

JEAN-FRANÇOIS-OLIVIER DOUDOUIT, sieur du Ruisseau, vicaire, était né à Saint-Malo, le 19 avril 1764, de Jean-Thomas et de Guyonne-Jeanne Bouchard. Après d'assez passables études théologiques, il reçut la prêtrise le 2 juin 1787, et, le 17 octobre de l'année suivante, il fut nommé vicaire de Tréméreuc, où il refusa nettement de s'assermenter.

Mgr. de Pressigny appela cet ecclésiastique en mai 1791 comme curé d'office de Lourmais. Le 27 avril 1792, il écrivait aux administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine pour souscrire à leur arrêté du 15 de ce mois et « s'engager à ne rien entreprendre contre la Constitution, abstraction faite de ses opinions religieuses ». Finalement, l'abbé Doudouit fut contraint de se déporter à Jersey, où le signalent les listes de Gofvry, Lefebvre d'Anneville et Asse. Un autre document nous l'indique résidant à Portsmouth le 1er avril 1793. Suivant l'évêque Grégoire, ce prêtre composa une grammaire latine au cours de son exil, et Louis Blanc ajoute qu'au cours de 1794, Monsieur Doudouit était secrétaire du Comité Central de Bretagne, qui s'employait à la fabrication des faux assignats. D'après les Mémoires du comte de Puisaye, 6 in-8, Londres, 1804, t. III, p. 51-56, l'auteur et son agent Prigent trouvèrent dans l'abbé Doudouit un collaborateur très précieux à cause de sa connaissance de la langue anglaise.

Mgr. Daly, Chancelier de l'Archevêché de Westminster, nous a aimablement appris que l'ancien vicaire de Tréméreuc, mourut à Londres au cours du mois de mars 1808.

Sur la fabrication des faux assignats à Londres, cf. Chassin : Les Pacifications de l'Ouest, t. Ier, p. 17, in-8, Paris, 1806. — Duine : in-Bul. Soc. Arch. I.- et –V., t. 43, p. 275 et sq., qui cite une lettre de désapprobation de Mgr. de Hercé en 1795, et une autre de l'évêque de Léon. — Kerbiriou : J.-F. de la Marche, etc., in-8, Paris, 1024, et Mémoires de Puisaye, op. cit. III, p. 375 et sq.

GERMAIN-MARIE-JOSEPH FOUACE, vicaire, frère cadet du recteur de Tréméreuc, mais d'un troisième lit, naquit à Plouër, le 14 (ou 24) juillet 1766, et étudia au collège des Laurents. On le note au séminaire comme « bon pour l'intelligence et la capacité, très pieux et studieux ». Ordonné prêtre à Saint-Malo le 18 septembre 1790, il remplaça M. Doudouit dans le vicariat de Tréméreuc le 14 mai de l'année suivante. Il y modela sa conduite sur celle de son aîné et dut quitter son poste vers le mois de novembre 1791, pour habiter à Plouër dans sa famille.

Lors de la loi du 26 août 1792, il ne s'éloigna point de son pays natal, où il se rendit utile durant toute la Révolution. D'après des notes laissées par le regretté chanoine Bondon, M. Fouace fit des baptêmes à Saint-Lunaire en octobre 1796, ainsi qu'en 1797, 1798, 1799 et jusqu'en 1800. A partir de novembre 1797, M. Fouace prend sur ces baptêmes le titre de curé (ou vicaire) de Plouër.

L'enquête de Boullé le note : « susceptible d'être placé vicaire sous un curé instruit ». Mgr. Cafarelli le jugeait plus favorablement, car au décès de M. Guérin, ce prélat, malgré l'opposition du préfet, qui désirait voir nommer l'ex-constitutionnel Clérivet, ancien curé de Lamballe, désigna M. Germain Fouace, alors âgé de 38 ans, comme recteur de Plouër, le 9 juin 1804. Ce prêtre mourut en fonctions le 27 avril 1819, âgé seulement de 53 ans. C'est aux intelligents travaux de ce prêtre que Plouër doit de pouvoir connaître les actes ecclésiastiques de 1792 à 1800.

FRANÇOIS-JOSEPH-JEAN HENRY, succéda comme recteur de Tréméreuc, à M. Joseph Fouace, en 1804.

Ce prêtre était né à la Gingandais, en Pleslin, le 13 avril 1764, dit mariage de Charles et de Marie Roussel. On le note durant son Séminaire, comme ayant « une bonne conduite et un bon caractère, comprenant assez bien ». Après avoir reçu la prêtrise à Saint-Méen à la Trinité 1790, l'abbé Henry chanta sa première grand'messe à Saint-Malo de Dinan le 6 juin suivant, et demeura attaché come prêtre de chœur à cette église de décembre 1790 à juin 1791. A la suite de son refus de s'assermenter, il fut contraint de se retirer à Saint-Malo de l'Isle, mais il y demeura peu de temps et revint habiter Pleslin à l'amnistie du mois de septembre de cette année.

D'après les notes que ce prêtre a consignées sur le registre paroissial de Tréméreuc, M. Henry, bien qu'il eut pris à Pleslin, le 10 septembre 1792, un passeport pour s'exiler, ne sortit cependant pas de France lors de l'application de la loi du 26 août précédent, mais il resta « caché dans l'arrondissement, exerçant nuit et jour, et le plus souvent la nuit, les fonctions de son ministère », en particulier à Corseul, à Matignon, à Saint-Cast et à Saint-Pôtan, où on le connaissait sous le surnom de Grandjean, « exposé, dit-il, à devenir à tout moment l'objet de la haine des révolutionnaires ».

En 1795, la pacification ayant donné quelques mois de répit, on ouvrit les églises. L'abbé Henry se rendit alors à Dinan, « où il était désiré ». Il y reçut, raconte-t-il, une lettre de M. Rozy, grand vicaire de l'évêché de Saint-Malo, l'invitant à se rendre à Bourseul comme curé d'office. Il y demeura depuis le 30 juin 1795 jusqu'au mois de septembre de cette année, époque à laquelle la persécution renaissante l'obligea à se cacher à nouveau jusqu'en 1800.

M. Henry reprit alors ouvertement ses fonctions à Bourseul, où il demeura jusqu'au 12 avril 1802. Boullé, dans son enquête, le donne « comme vivant à Corseul depuis deux mois » et le note « à laisser simple prêtre ». Cela n'empêcha pas Mgr. Cafarelli, après avoir songé à l'abbé Sauvage, de Plouër, devenu curé d'office de Tréméreuc après le départ de M. Fouace, de désigner M. Henry comme recteur de cette paroisse le 16 janvier 1804. M. Henry refusa tout d'abord ce poste, désirant, dit-il, « vivre vicaire ou simple prêtre », et n'accepta Tréméreuc que par obéissance. Il ne s'empressa guère non plus à prêter serment et n'accomplit cette formalité que le 17 novembre 1805. Une fois fixé dans cette petite paroisse, c'est en vain que ses supérieurs lui offrirent successivement Mégrit, Bourseul et Trigavou, M. Henry ne voulut point s'éloigner de son modeste clocher et mourut en fonctions le 22 janvier 1834, à l'âge de 60 ans.

 

CLERGÉ CONSTITUTIONNEL.DOMINIQUE BARRET, curé d'office. Comment le prêtre irlandais Barret vint-il à Pleurtuit comme troisième vicaire de l'ex-bénédictin Hamart ? Nous l'ignorons. Le sieur Barret fut installé dans ses fonctions le 25 septembre 1791, après avoir déclaré dans un bref discours qu'il « s'assermentait aussi bien par conviction que par devoir ». Nous avons vu comment Barret se vit investi de la charge de curé d'office de Tréméreuc, afin d'obliger au départ le recteur de cette paroisse. Nous avons aussi raconté comment les Trémereuchains accueillirent plutôt fraîchement, le dimanche 9 octobre, leur pseudo-pasteur, et lui refusèrent les clefs de leur église. Cependant, l'intrus put se faire installer l'après-midi de ce même jour, à la cérémonie des vêpres, nous ne savons grâce à quels moyens.

Sitôt fixé à Tréméreuc, Barret s'efforça de secouer la tutelle, trop lourde, à son gré, sous laquelle Hamart, « le fameux archimandrite de Plertile », ainsi qu'il le qualifie, prétendait le maintenir. Il accorda même à M. Fouace « la permission spéculative et circonscriptive de dire la messe à l'église, sans faire aucune autre fonction », et nous avons vu qu'il l'autorisa à célébrer la grand'messe à Tréméreuc à l'occasion de la fête de Saint Malo. Mais ses paroissiens par contrainte eurent tôt fait de remarquer quel pauvre sire la rage d'imposer partout la Constitution Civile, leur avait fait envoyer. La comparaison avec le précédent recteur était écrasante pour le malheureux Barret. Aussi le laissa-t-on dans la solitude la plus complète, et il s'en consolait comme il le pouvait, en caressant la dive bouteille et en écrivant au Directoire de Dinan, force lettres aussi cocasses les unes que les autres, et qui se terminent invariablement par une demande de fonds. En voici quelques extraits : les originaux existent aux Archives des Côtes-d'Armor, série I, nouvelles acquisitions, non cotées : « Il y a une bonne soeur ici, écrivait-il à Dinan le 25 octobre 1791, qui baptise des enfants. Les pères veulent qu'ils soient registez dans l'église sans les présenter au font du batême et que la liberté de conscience est décrété. Vous orez la liberté de m'instruire le pluto possible comment faut-il agir avec ces gens-là ». Quant à Barret, il est d'avis, « comme St Paul, que les bônes soeurs, elles font bocoup de mal dans l'Eglise ».

Mais il n'y avait pas que l'action des vieilles filles du Tiers-Ordre à gêner le brave Barret : « Il existait aussi, raconte-t-il, le 27 janvier 1792, des petites bestes semblables aux brebis, qui sont intérieurement des loups voraces et sangulants... qui vont d'une maison à l'autre pour détourner le monde de suivre la vérité et pour traîner après eux des femmes chargées de différents péchés ». Aussi implorait-il, le 30 mai suivant, le Directoire du District d'envoyer des ordres « pour empêcher les aspis et les vipères d'enfer de le mordre », en même temps qu'il informait cette administration qu'il avait interdit à l'abbé Fouate toute fonction ecclésiastique.

D'après les dires de Barret, tout le monde à Tréméreuc le persécutait ; aussi s'en vengeait-il le 30 mai en dénonçant de rechef à outrance « l'antimaire, archipolicon dont le bien qu'il possède, est le seul mérite avec son policonnery et son opposition à la loi » et qui se montre « capitaine, maire, juge de paix, greffier et évêque tout ensemble... ». « ... C'est, écrit-il, un petit antichrist qui se lève dans l'Eglise pour donner toutes sortes de pouvoir aux prêtres rebelles que le policon sacritz soutient lui aussi ».

Le maire Leyritz, en effet, avait jugé ingénieux, puisque l'autorité refusait d'écouter les réclamations de ses compatriotes, de faire enlever de l'église les ornements, les vases sacrés et les registres, mettant ainsi Barret dans l'impossibilité de célébrer, et ce fut même cette mesure qui détermina l'ordre d'arrestation de M. Fouace. Aux réclamations de Barret, Leyritz répondait au Directoire que leur protégé ne savait même pas dire la messe, non plus qu'administrer les sacrements ; ce qui faisait Barret bondir de colère et répondre : « Je pense bien que tout le monde tomberat d’accord avec moi que c'est une calomnie bien aristocrate. Si je ne sait pas dire la messe, le pape de Rome se troue (sic) dans le même embaras que moi » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 34).

Du reste, les déboires de l'intrus de Tréméreuc ne l'empêchaient pas de rêver d'étendre encore son champ d’action : « Les membres de ma municipalité, écrit-il, vont tous à Pleslin festes et dimanches. Si vous pensez à propos me laisser deservir les deux paroisses, vous ferez bien et cela empêchera beaucoup de mal ! ».

L'éloignement définitif de M. Fouace de Tréméreuc, vers le 14 juillet 1792, n'améliora nullement la situation de Barret. Voici ce que celui-ci écrivait, en effet, le 14 novembre de cette année, au procureur syndic du district de Dinan ; nous respectons toujours scrupuleusement l'extraordinaire orthographe du singulier ecclésiastique qui sévissait à Tréméreuc :

« Je vous pris d'envoyer deux comissaires ici pour prendre une inventaire des ornements de l'église de Tréméreuc. Lacriz et Martin, deux frères et plus que frères, ont volé l'église et administrent les saints sacrements par une sacrilège publique aux fanatiques. J'etois élevé et consacré pour être ministre : J. Lastot, Lacriz (Leyritz) m'a fait chassé de mon église. J'y ferais ma démission volontiers ». Singué (sic) : D. Barret, curé.

Nous n'aurions su comment Barret quitta Tréméreuc si l'abbé Manet n'avait pris soin de consigner son départ dans ses Grandes Recherches Manuscrites. Nous y lisons sous le titre « Une grande perte pour le clergé constitutionnel », que, le 10 août 1793, le Ministre de la Marine ayant permis aux administrateurs du district de Dinan de laisser le prêtre irlandais Barret retourner en Irlande, celui-ci s'embarqua à Saint-Malo dix ou douze jours après sur un navire parlementaire qui était alors en rade, et depuis lors, oncques n'en avons entendu parler.

CHARLES-FRANÇOIS HAMART-LA CHAPELLE, curé de Pleurtuit, ayant joué un rôle fort important dans les troubles qui affligèrent Tréméreuc, Ploubalay et Lancieux, nous croyons devoir consacrer une brève notice à cet intrigant et très remuant personnage. Nous devons une partie de ses principaux éléments à MM. les abbés Leray et Corbe, ainsi qu'à M. le chanoine Bondon, du collège de Saint-Malo.

Hamart naquit à Rennes, le 27 janvier 1746, de M. Jacques, sieur de la Chapelle et procureur au Présidial, dont M. Etienne Dupont a naguère narré les mésaventures conjugales dans le Nouvelliste de Bretagne, en février 1919, ainsi que dans l'Union Malouine, et de demoiselle Marie Vaujoye  [Note : La famille Hamart figurait à l'Armorial. Elle portait « d'argent au sanglier passant de sable, accompagné de six merlettes de même ». Le frère de Hamart, Patrice-Suzain, était greffier en chef des requêtes au Parlement de Bretagne. (Cf. F. Saulnier : Le Parlement de Bretagne, op. cit., p. 480)]. Ayant pris l'habit chez les Bénédictins, Hamart reçut la prêtrise en 1769, et lors de la dispersion de son ordre, il revint à Rennes, qu'il avait quitté en 1787.

C'est dans cette ville qu'il se signala le dimanche de Pâques, 26 avril 1791, en prononçant dans la Métropole du Nord-Ouest un discours patriotique dans lequel il célébrait les mérites de la Constitution Civile, et dont le Bulletin de la Correspondance de Rennes, t. V, p. 318, nous a conservé les périodes amphigouriques. Le résultat ne se fit pas attendre. Hamart, qui n'était que simple vicaire à l'église de Saint-Pierre de Rennes, le 15 mai 1791, se vit élire le 30 mai suivant à la cure de Pleurtuit, et le 6 juin à celle de Saint-M'Hervé. Bien entendu, Hamart opta pour Pleurtuit, alors l'une des plus grosses paroisses du diocèse de Rennes, et s'y fit installer le 12 juin de cette même année. Son arrivée ne manqna pas d'y déchaîner des luttes religieuses intenses, dont M. Corbe a raconté plusieurs épisodes dans le « Bulletin Paroissial » de cette localité, en 1911 et 1912. Signalons seulement ici que Hamart, très militant pour le nouvel état de choses, ayant publié en décembre 1791 chez L. Hovius, à Saint-Malo, un Catéchisme Constitutionnel, un anonyme, qui n'était autre que l'abbé Manet, lui répondit le mois suivant par une brochure sous ce titre : « Le curé Hamart en opposition avec lui-même, etc., ou réfutation du catéchisme à l'usage des paroissiens de Pleurtuit, par M. X... ». En mars 1792, parut encore un nouvel imprimé destiné à combattre Hamart et tout à fait significatif du diapason où étaient montés les esprits. Il est intitulé : « Dialogue de M. Hamart, curé constitutionnel de Pleurtuit, et de Modeste Béguin, vidangeur de la ville de Saint-Malo, à La Pie ». Il semble que ce libelle, encore sorti de la plume acérée de l'abbé Manet, ait été composé en réponse à un écrit d'Hamart intitulé La Guinguette aristocratique, qui ne nous est pas parvenu.

Le curé de Pleurtuit prêta, le 1er octobre 1792, le serment de Liberté-Egalité. Le 6 décembre 1793, la municipalité de Pleurtuit prenait connaissance d'une lettre d'Hamart, l'invitant « à assembler la commune afin de manifester son voeu pour savoir ceux qui voudraient rester attachés au culte catholique et conserver les ministres de ce culte », mais les municipaux de Pleurtuit refusèrent de prendre sa demande en considération, et le schismatique Hamart, jugeant désormais son rôle fini à Pleurtuit, quitta cette localité quelques semaines plus tard et s'en alla à Rennes, où il déposa ses lettres de prêtrise des premiers, le 18 janvier 1794, et, pour que personne ne l'ignorât, il s'empressa, dès le lendemain, d'en aviser la Convention Nationale par une adresse dont on peut lire le texte au tome XXIIème, p. 136, du Journal des Départements, districts et municipalités, etc., publication citée.

Interné cependant au Mont Saint-Michel en mars ou en avril de cette année, en qualité d'ex-ecclésiastique, Hamart en sortit le 18 mai suivant, par ordre de Le Carpentier, ainsi que Lochet, Bigarré, et trois autres assermentés, « vu que ces ci-devant curés ont constamment donné des preuves du plus pur civisme… qu’ils ont remis leurs lettres de prêtrise avant le 24 germinal… et que la résolution qu’ils annoncent avoir formée de contracter mariage annonce de leur part un éloignement absolu de tout ce qui pourrait les faire soupçonner de fanatisme ».

Trois jours plus tard, Hamart, confirmant son apostasie, épousait à Saint-Malo une fille de Pleurtuit déjà mûre, appelée Joséphine-Thomase T…, née dans cette paroisse le 17 mai 1761 de Joseph-Hyacinthe T…, capitaine des navires de commerce, et de feue Angélique Ch… A Saint-Malo, où l’ex-moine remplissait les fonctions de commissaire bibliographe, il en eut deux enfants, Joseph-Charles et Charles-Louis, qui l’un et l’autre décédèrent en bas-âge.

Deux mois après la naissance du second, Hamart, métamorphosé soudain, écrivait, à la date du 4 octobre 1796, « qu’il regardait son mariage comme un crime et un scandale public, pour l’expiation duquel, ainsi que de toutes ses autres fautes, il se soumet de bon coeur à toutes les peines que l’Eglise a portées ou portera contre lui… ».

Dans cette lettre, dont un exemplaire imprimé à Saint-Malo est conservé aux Archives Nationales, série F 19, 1007, numéro 5158 B 3, l'ex-bénédictin déclare en même temps regarder « son élection aux cures de Pleurtuit et de Tréméreuc, comme contraire à la discipline, et nulle de plein droit » [Note : Voir l'article que Tresvaux, au tome II, p. 261, de son Histoire de la Persécution en Bretagne, op. cit., consacre à la rétractation d’Hamart, ainsi que la note où il cite les titres, un peu différents de ceux que nous donnons, de diverses brochures de polémique composées contre Hamart en 1792].

Cette rétractation ne fut pas du goût de la belle famille du sieur Hamart. Un de ses beaux-frères prit la plume pour protester « qu'il n'était dans la circonstance qu'un hypocrite et un imposteur, qui espère recouvrer par cet acte la confiance des crédules béates. Au Mont Saint-Michel, ajoute-t-il, vous vous permîtes une diatribe contre le mariage des prêtres quelques jours avant de vous marier vous-même ! — Rendrez-vous l'honneur à votre victime et à une famille respectable ? — Malheureuse Angélique, que vous nous arrachâtes pour l'immoler à votre immoralité ! ».

Chose plus grave encore pour Hamart, son écrit et le bruit qui se fit tout autour, eurent l'heur d'irriter au suprême degré le citoyen Cochon (de Lapparent), ministre de la Police (cf. Delarue : District de Dol, op. cit., VI, p. 287), et valurent à son auteur d'être mis en prison au cours du mois de décembre 1796 et d'y demeurer près de deux ans. De son Cachot, « où il expiait depuis plus de vingt mois, dit-il, le crime de la publication de la lettre ci dessus, publication faite à son insu et contre ses intentions », Hamart écrivit aux administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine « qu'il rétracte tout ce que sa précédente lettre renferme de contraire à la soumission qu'il doit aux lois de la République ». Il affirme qu'il ne remplira jamais plus aucune fonction de ministre du culte, et il sollicite sa liberté, en disant que leur intention mutuelle, à son épouse et à lui, est de se réunir et de vivre ensemble, en bons et fidèles républicains. Cette lettre est signée de Hamart et d'Angélique T..., mais elle n'est pas datée. Les administrateurs furent impitoyables, et Hamart, écroué le 12 mai 1798 à la prison Saint-Michel, de Rennes, fut condamné le 9 juin à être déporté. Il partit de Rennes le 21 août 98, arriva à destination le 31 août, et mourut à l'hôpital de l'île de Ré le 28 août 1799 [Note : Voir sur Hamart : Haize, Histoire de St-Servan de 1789 à 1800 , in-8, Saint-Servan, 1907, p. 137, et P. Roussel : Correspondance de Le Coz, in-8, Paris, 1900, p. 207. Opinion de Le Coz sur Hamart. — Annales Catholiques, t. II, 1796, an V, p 659 et sq., à la Bibliothèque Nationale].

Voici quel était, en 1793, le signalement de ce peu intéressant, mais très remuant personnage « taille 5 pieds, 1 pouce, cheveux et sourcils bruns, un oeil brun, l'autre coulé, bouche moyenne, nez retroussé, front haut, menton court, visage maigre ». (A. Lemasson).

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