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Trémaouézan pendant la Révolution.

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Au moment où éclatèrent les premiers troubles révolutionnaires, M. Guillaume Huguen était curé de Trémaouézan depuis 1775 ; M. Yves Berthou y avait été nommé vicaire en 1786. Ils purent tous deux rester à leur poste pendant près de trois années, sans avoir été, du moins que nous sachions, trop inquiétés. Ce n'est que dans le courant de 1792 que le curé dut se cacher et le vicaire s'en aller.

M. Berthou paraît être parti au commencement du printemps de 1792, car le dernier acte qu'il signe — un baptême — est du 19 Février de cette même année. Il est probable qu'il se retira dans son pays, où il réussit pendant longtemps à échapper aux recherches des terroristes. Toutefois, il ne fut pas heureux jusqu'au bout : il eut la malchance de se faire prendre quand la Révolution touchait à sa fin [Note : Il fut arrêté le 5 Ventôse, an 7 (23 Février 1799) par une colonne mobile partie de Landerneau sous le commandement du citoyen lieutenant Bigou, 1799), conduit aussitôt à Landerneau, et de là transféré à Quimper (Archives municipales de Landerneau, Dossiers de la Police, pièce n°. 100)], et il fut déporté à l'Ile de Ré, où il arriva le 29 Avril 1799. Il était alors âgé de 45 ans (Tresvaux, Histoire de la persécution en Bretagne, T, II, p. 539). Nous pensons qu'après quelques mois de détention, il rentra sain et sauf au pays, et que c'est lui qui signe un certificat de publication de bans mentionné dans un acte de mariage célébré à Trémaouézan le 26 Janvier 1801 : Yves Berthou, curé d'office à Tréflévénez.

M. Huguen, lui, continua de gouverner la paroisse jusqu'à la fin de l'été 1792. Le dernier acte qu'il rédige au registre de décès est du 26 Septembre. M. Inizan, prêtre de Ploudaniel le remplace à un enterrement, le 28 Octobre. M. Porlodec, vicaire à Ploudaniel, signe un autre acte de décès le 30 du même mois. A la suite de cet acte, le cahier de décès et aussi celui des baptêmes et mariages portent : Arrêté le 8 Novembre 1792, l'an Ier de la République française. Signé : Jean Hely, maire, Jacques Pers, officier municipal, Guillaume Corcuff, procureur de la commune.

Une loi venait, de paraître (7 Septembre 1792) qui obligeait les ecclésiastiques non assermentés à sortir du royaume dans les quinze jours. Cette loi, portée au lendemain des horribles massacres de prêtres qui avaient eu lieu à Paris, eut pour résultat de déterminer à prendre le chemin de l'exil la plupart des recteurs et vicaires de la région de Landerneau qui n'étaient pas déjà en fuite ou détenus au château de Brest.

Au moment où M. Huguen clôt ses registres de catholicité, ses confrères des paroisses voisines, Plouédern, Plounéventer, Lanneufret, s'embarquent à Roscoff pour gagner l'Angleterre [Note : Cf. Chanoine Peyron (Documents pour servir à l'histoire du clergé et des communautés religieuses dans le Finistère pendant la Révolution, T. I, p. 317). — Un procès-verbal du 31 Mars 1793, consigné dans un registre ayant appartenu à la mairie de Trémaouézan, et dressé en exécution d'un arrêt du Département du 7 mars précédent, ordonnant de rechercher les prêtres réfractaires, constate qu'il n'y en a plus à Trémaouézan : « ils ont quitté depuis le 27 septembre 1792 »].

Que devint le. curé de Trémaouézan à partir de cette époque et pendant toute l'année 1793 ? Nous ne saurions le dire. Nous sommes tenté de croire qu'il dût, lui aussi, s'éloigner de son troupeau. Ce qui nous le fait penser, c'est que rien ne trahit sa présence dans la trève durant cette année, et qu'en outre, de toute la période révolutionnaire, le registre des baptêmes et mariages de 1793 est le seul à manquer dans nos archives. Il est donc probable que Trémaouézan est resté sans prêtre depuis l'automne de 1792 jusqu'à la fin de 1793.

 

I. Ministère de M. Huguen.

En feuilletant les registres qui relatent les baptêmes et mariages célébrés dans la trève pendant la période révolutionnaire, nous n'avons pas été peu surpris de trouver à ces registres des dimensions tout à fait insolites. Alors que de minces cahiers suffisent pour consigner les actes des époques précédentes et suivantes, les cahiers de la Révolution forment de véritables volumes, pleins depuis la première page jusqu'à la dernière.

Pour établir une comparaison, disons que, pendant la période des huit années qui s'écoulent de 1785 à 1793, il y a eu dans la trève 305 baptêmes et 46 mariages, soit une moyenne d'environ 38 baptêmes et 6 mariages par an. Du commencement de 1794 à la fin de 1801, on y a célébré 1.164 baptêmes et 520 mariages, ce qui fait monter la moyenne des baptêmes de 38 à 145, et celles des mariages de 6 à 65. La Révolution a donc produit à Trémaouézan le phénomène bizarre d'y quadrupler les baptêmes et d'y décupler les mariages.

Le lecteur a trouvé le mot de l'énigme ; M. Huguen, qui paraît avoir quitté sa paroisse à l'époque que nous avons dit, n'avait pas dû aller bien loin, car, au commencement de 1794, il est de nouveau à Trémaouézan. Ses confrères du voisinage n'ayant pu ou osé faire de même, le curé de Trémaouézan vit venir à lui quantité de fidèles privés de pasteurs. On voit, d'après les chiffres donnés plus haut, que l'intrépide curé ne recula pas devant l'énorme surcroît de besogne qui lui fût apporté.

 

II. Extraits des cahiers de M. HUGUEN.

Mariages.

Nous transcrivons ici en entier un acte de mariage de personnes domiciliées hors de Trémaouézan et venues solliciter les bons offices de M. Huguen. Les observations dont nous le faisons suivre s'appliquent à tous les autres.

« Ce mardy vingt un Mai mil sept quatre vingt quatorze, après les fiançailles canoniquement faites, je soussigné curé, avoir conjoint, en mariage par paroles du présent, du consentement de qui de droit, Pierre Marguet, fils majeur des feux Jacques Marguet et d'Anne Tomascin, originaire de la paroisse de Notre Dame de Phalsbourg, diocèse de Strasbourg, province de La Lorraine et domicilié sur la paroisse, de Saint-Houardon de Landerneau, et Marie Françoise Cariou de Goasven, fille majeure de feu Jean Briant Cariou de Goasven et de Marie Josèphe Thépaut de Lambertz, originaire de la paroisse de Saint Martin de Morlaix et domiciliée sur la paroisse de Saint-Houardon de Landerneau et leur ai administré la bénédiction nuptiale selon la forme prescrite par notre Mère la Sainte Eglise, en présence de Jean Herry, de Guillaume Simon, d'Yves Madec et de Goulvin Chopin qui avec les nouveaux mariés déclarent ne savoir, signer : de ce interpellés suivant l'ordonnance. Le contrat civil se trouvera sur le registre de Saint Houardon. G. HUGUEN, curé de Trémaouézan. ».

M. Huguen administrait la bénédiction nuptiale aux étrangers qui venaient la lui demander « du consentement de qui de droit », c'est-à-dire du consentement de l'évêque de Léon, Mgr de la Marche, réfugié en Angleterre. Le prélat, du lieu de son exil, avait conféré à ceux d'entre ses prêtres qui avaient pu rester à leur poste, tous les pouvoirs dont ils avaient besoin pour exercer leur ministère pendant les temps difficiles que l'on traversait.

Autre remarque : Alors qu'avant la Révolution, les cahiers, qui servaient à enregistrer les mariages, sont couverts de signatures, signatures des nouveaux mariés, des témoins, des assistants, ceux de la période révolutionnaire ne portent d'autre signature que celle de M. Huguen. Invariablement, les jeunes époux ainsi que les témoins et autres assistants, fussent-ils avocats, notaires ou capitaines de vaisseau, « déclarent ne savoir signer ». Le bon curé ne voulait sans doute compromettre personne, et il est probable que les braves gens qui venaient à lui ne tenaient pas non plus à ce qu'on put exploiter à leur détriment la preuve flagrante qu'ils avaient contrevenu aux lois en recourant au ministère d'un prêtre insermenté.

Chose assez singulière : l'effroyable crise que l'on avait traversé n'était déjà plus qu'un lointain et mauvais souvenir, personne ne risquait plus rien à fréquenter les prêtres ni à laisser sur papier une attestation de présence à une cérémonie religieuse, et M. Huguen continue à écarter de ses cahiers toute signature autre que la sienne. La formule « déclarent ne savoir signer » revient dans tous les actes, jusque par delà la chute de l'Empire, même quand par surprise ou pour faire une niche au vieillard, quelques assistants ont signé. Tyrannie de l'habitude ou phobie contractée aux mauvais jours du passé et que le retour de la sécurité n'avait pu disparaître !

19 Janvier 1795. — Mariage « de Pierre Anne de Saisi de Kerampouil, fils majeur des feux Charles Saisi de Kerampouil et de Charlotte Silvi du Rosmar, originaire de la paroisse de Saint-Etienne, diocèse de Tréguier, et domicilié sur la paroisse de Plouguer-Carhaix, et Louise Doissant (d'Oixant), fille majeure de feu Charles Gabriel Doissant et de Marguerite de Guernissac, originaire de la paroisse de Ploumoguer et domiciliée sur la paroisse de Saint-Houardon ».

25 Mai 1796. — Mariage « de Joseph Leger Hippolyte Xavier Duval, fils de Paul Marie Catherine et de feue Marie Anne Le Tullier originaire de la paroisse de Larcahai, Ile et Côtes de Saint Domingue en l'Amérique, et domicilié sur la paroisse de Castelnau de Médoc, diocèse de Bordau, et Marie Anne Legris de Lanrinou, fille de feu Guillaume Jacques Legris de Lanrinou et de Françoise Renée de Saint Maudez Nayl, née et domiciliée sur la paroisse de Saint-Houardon ».

10 Août 1796. — Mariage de « René Bazin, fils des feux Louis Bazin et Julienne Jouannin, né et domicilié sur la trève de Saint-Julien, paroisse de Ploudiri, et Marie Josèphe Laurence Kerebel, fille de Jean Valentin Kerebel et de feue Marie Anne Déniel, née et domiciliée sur la paroisse de Saint-Houardon, ... en présence de Joseph Bazin, frère du nouveau marié et de Philibert du Chemin, cousin germain... ».

12 Octobre 1796. — Mariage de « Sire Alexandre Le Paige, fils majeur des feux Michel Pierre Alexandre Le Paige, chevalier, ancien écuier de Madame La Dauphine, seigneur de Quinci, et Charlotte Julie Benoist Lullot de Cremont, originaire de la paroisse de Saint-Sulpice de Paris et domicilé sur la paroisse de Saint-Michel de Lesneven, et Marie Jeanne Yvone Grée-Villeneuve, fille majeure de feu Joseph Julien Grée-Villeneuve et de dame Marie Renée Godefroy Kersengar, née et domiciliée sur la ditte paroisse de Saint-Michel de Lesneven ... en présence d'Yves Marie Grée-Villeneuve, frère de la nouvelle mariée et de Joachim Marie Godefroy oncle, Yves Mathurin Tual-Boiroger, d'Ollivier Pierre Marie Tual-Boiroger... ».

15 Novembre 1796. — Mariage de « Yves Guy Marie Pastoure Kerjean, fils de François Toussaint Marie Pastoure Kerjean et de Magdalaine Marie Désirée Goasbrian Pastoure Kerjean, originaire de la paroisse de Plouganou, diocèse de Tréguier, et domicilié sur la paroisse de Direnone (Dirinon), diocèse de Quimper, et Silvie Marie Désirée Le Bègue, fille de Jean Antoine Le Bègue et de feue Marie Josèphe Parcevau dame Le Bègue, originaire de la paroisse de Saint Louis de Brest et domiciliée sur la paroisse de Plouédern ... en présence de ... François de Noncé... et de Louis Marie Goury... ».

17 Janvier 1797. — Mariage de « Jean George Willmann, fils majeur de feu Ignace Willmann et de Magdeleine Bruustein, originaire de la paroisse de Bolzenhein, diocèse de Penfelt dans la paroisse de l'Alsace et domicilié sur la paroisse de Saint-Houardon et Julienne Marie Le Corre, fille de feu Corentin Le Corre et de Marie Anne Morry, née et domiciliée sur la paroisse de Saint-Houardon ».

19 Février 1797. — Mariage de Jean Fortunat Baud-Vachères, ancien capitaine de vaisseau, fils de Firmin et de feue Marie Arnichand, originaire de la paroisse de Saint-Andeol, province du Languedoc, et domicilié sur la paroisse de Saint-Louis de Brest, et Victoire Hyacinthe Marie Gillard, fille de Pierre Gabriel et de Marie Charlotte Larcher de Kerascoët, née et domiciliée sur la trève de Saint-Julien, paroisse de Ploudiry.

26 Juin 1797. — Mariage de Antoine Laurent, directeur du jardin botanique, veuf majeur de feue Jeanne Marie Le Breton, né et domicilié sur la paroisse de Saint-Louis de Brest, et Marguerite Le Roux, fille majeure des feus Laurent et Toussainte Fortin, originaire de la paroisse de Toussaint, diocèse de Rennes, et domiciliée sur la trève de Saint-Julien de Landerneau, paroisse de Ploudiry, en présence d'Etienne Radiguet, etc...

14 Novembre. — Mariage de Jacques Auguste Monge, veuf majeur de feue Louise Dubuisson, originaire de la paroisse de Saint-Sauveur de Dinan, évéché de Dol, et domicilié à Saint-Louis de Brest, et Ursule Yvonne Le Gall, veuve majeure de feu Pierre Meilard, née et domiciliée à Saint-Houardon, en présence d'Etienne Radiguet, etc...

3 Février 1798. — Mariage de Louis Greviller, originaire de Saint-Gery, diocèse de Cambrai, province de la Flandre française, et Marie Jeanne Audrein, fille majeure de feu Jean et de Marguerite Mengui, originaire de Lanildut et domiciliée à Saint-Houardon.

19 Mars 1798. — Mariage de Louis Marie, La Fontaine Treaudet, fils majeur de feu René Gilles Germain et de Gérarde Françoise La Caze, originaire de Saint-Julien et domicilié à Saint-Houardon, et Urbane Jeanne Françoise Jacolot, fille de Pierre et de feue Françoise Favier, née et domiciliée à Saint-Houardon.

15 Juin 1798. — Mariage de Julien Lhermitte, originaire de Champsègre, diocèse du Mans, province de Normandie, et domicilié à Saint-Louis de Brest, et Marie Mondin, domiciliée au dit Saint-Louis.

17 Septembre 1798. — Mariage de Yves Bijeault, fils de Louis et de Catherine Goutet, né et domicilié à Saint-Louis de Brest, et Rose Françoise Lahille, fille de Jean Marie et de Gilonne Françoise Humeblot, originaire de Plounévez, et domiciliée à Saint-Houardon.

20 Octobre 1798. — Mariage de Joseph, Cyprien Ricord, originaire de Grasse, province de Provence, et domicilié à Saint-Louis de Brest, et Marie Françoise Lescop, fille d'André et de feue Marie Anne Longin, originaire de Saint-Houardon et domiciliée à Saint-Louis.

22 Novembre 1798. — Mariage de Nicolas Ignace Frêtre, originaire d'Alsace, et domicilié à Saint-Houardon, et Anne Botorel, originaire de Cléder et domiciliée à Saint-Houardon.

24 Janvier 1799. — Mariage de Joseph Mével, fils de René et Marguerite Le Gall, né et domicilié à Saint-Thomas de Landerneau, et Elisabeth Yvonne Trébaol, fille de Goulven et de Marie Jeanne Pilven, originaire de Milizac et domiciliée à Pencran.

28 Avril 1800. — Mariage de Jules Desgrisel, originaire de Sainte-Croix, diocèse de Lyon, et domicilié à Saint-Louis de Brest, et Antoinette Kerlégan, fille de François et de Madeleine Le Galentesec, née et domiciliée à Saint-Houardon.

26 Mai 1800. — Mariage de Marin Rouillard, originaire de Saint-Bré, diocèse du Mans et domicilié à Saint-Louis, et Marie Anne Hanin, fille de Jean Baptiste et de Marguerite Jestin, née à Ploumoguer et domiciliée à Saint-Louis de Brest.

Baptêmes.

C'est par caravanes que les fidèles des paroisses éloignées se dirigeaient sur Tréaouézan, où M. Huguen baptisait. Le 3 Septembre 1796, l'infatigable curé administre le baptême à dix enfants, dont six provenaient d'un groupe de villages situés sur les territoires de Dirinon, Trévarn et Saint-Urbain.

Le 8 Décembre de la même année, à la tombée du jour, une seconde caravane, partie des mêmes parages et de Daoulas, se dirige sur Trémaouézan. Evitant Landerneau, où les terroristes veillent, elle franchit l'Elorn sur le pont d'un moulin de la Roche, et se trouve avant le milieu de la nuit au hameau isolé où M. Huguen, prévenu, attend. La grange où il célèbre les saints mystères, quand les paotret ar C'hlub (les hommes du Club) ne le serrent pas de trop près, est parée comme aux grands jours. On célèbre d'ailleurs la Conception de la Vierge, et quelles complies plus émouvantes pourraient clôturer la fête que celle que chantent ces coeurs angoissés, confiants pourtant parce qu'ils sentent que, non loin d'eux, dans l'église de Trémaouézan, dont le clocher se profile dans l'ombre, Notre Dame emprisonnée, mais toute puissante, veille sur ses fidèles.

L'homme de Dieu s'est assis à son tribunal. Dans ces nouvelles catacombes, les pénitents se succèdent et, quand c'est fini, une autre cérémonie commence : le baptême des neuf enfants que l'on a amenés. Mais minuit sonne, et alors c'est la messe, la messe des noces, car il y a là aussi quatre fiancés qui vont recevoir la bénédiction nuptiale...

Une heure après, tout est terminé. Le curé consigne baptêmes et mariages sur ses registres, exhorte ces braves gens à rester forts dans leur foi, et les renvoie avec une dernière bénédiction. Les voyageurs alors reprennent dans les ténèbres le chemin par lequel ils sont venus, pendant que M. Huguen regagne sa pauvre couchette au milieu des ruines du Cosquer [Note : Nous avons compté trente-neuf personnes dans cette expédition nocturne : pères des enfants, parrains, marraines et fiancés. Il faut sans doute ajouter quelques mères, car les enfants présentés au baptême étaient presque tous âgés de plusieurs mois].

20 Mars 1798. — Baptême de Sophie Jeanne Hyacinthe, fille légitime de Louis Marie Goury et de Sophie Charlotte Marie Hyacinthe du Boisguehenneuc, son épouse, née le 9 mars à Trémaria, sur la paroisse de Saint-Houardon ; parrain, Jean Jacques Mascle du Beuze ; marraine, Hyacinthe Vincente Rose Le Moyne Kerincuff. — 8 Mars 1800. Baptême d'un autre enfant des mêmes, qui reçut les prénoms de Sébastien Charles. Parrain, Jean Sébastien Goury ; marraine, Caroline Lantivy du Bois Guéhenneuc.

10 Février 1799. — Baptême de Casimir Henry Joseph, fils légitime de Charles Marie Henry Boscalz de Réals et de Jeanne Henriette Salomé de la Tulaye, née à Landerneau, paroisse de Saint-Houardon. Parrain, Louis Marie Casimir Causse de Vallongne ; marraine, Marie Josèphe Montier de Réals.

17 Février 1799. — Baptême de Anne Eulalie Françoise, fille de Pierre Marie La Caze et de Eulalie Marie Creuzel, née à Saint-Houardon. Parrain et marraine : François Marie La Caze et Anne du Fossé, veuve Kermarrec.

 

III. M. Huguen traqué et volé.

Les cahiers de Trémaquézan ne nous révèlent qu'une partie de l'activité de M. Huguen pendant la Révolution. Ils ne nous disent rien de l'immense besogne des confessions, des visites aux malades dans tout le rayon, des prières faites au chevet des morts qu'on ne voulait pas mettre en terre sans la bénédiction du prêtre, des voyages de jour et de nuit à travers mille dangers. La tradition nous rapporte qu'il était appelé à porter le secours de son ministère jusqu'à Trégarantec et Saint-Méen et qu'il ne refusait jamais les services qu'on lui demandait, quelles que fussent sa fatigue et les risques qu'il courait. Lui aussi, il aurait pu, à l'instar de Saint Paul, faire une longue énumération des périls où il s'était trouvé, mais auxquels, par la grâce de Dieu, il échappa jusqu'à la fin.

Il avait plusieurs cachettes dans le pays, et il se retirait tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre, suivant la gravité du danger. Quand les pourchasseurs de prêtres n'étaient pas signalés dans les environs, il résidait à deux pas du bourg, dans une maison de Kermaria. Il logeait dans la ferme solitaire du Menhir lorsque la menace se faisait plus grande, et enfin, son suprême refuge, son réduit central, était au Cosquer, où il s'était ménagé un abri sûr dans les ruines de l'ancien manoir. Eut-il été traqué dans cette retraite, qu'il n'avait qu'un bond à faire pour se trouver dans un immense champ de hauts genêts et, s'il craignait d'y être cerné, il avait devant lui toute l'étendue du marais de Langazen, alors entièrement recouvert de hautes herbes et d'inextricables fourrés, terrain perfide où des étrangers n'auraient pu s'engager sans courir le risque des pires aventures. M. Huguen, né sur les bords du marais, le connaissait parfaitement et il avait d'ailleurs dans la trève de nombreux parents dont les descendants habitent toujours Trémaouézan au XXème siècle. Vénéré de ses ouailles, il était aussi sûr d'elles que de lui-même, et quand on le sentait trop menacé on ne manquait pas de l'avertir. Le maire, les officiers municipaux et le procureur de la commune étaient de braves gens qui n'auraient pour rien au monde trahi leur vénérable pasteur. La preuve que l'entente était parfaite entre eux, c'est que M. Huguen rédigeait pour eux les actes de l'état-civil et qu'eux, de leur côté, servaient très souvent de témoins aux étrangers qui venaient demander au curé de Trémaouézan de bénir leur union. Nous pensons aussi — étant donné le nombre considérable des familles à Landerneau qui recouraient à son ministère — que M. Huguen avait, dans cette ville, des amis prompts à le mettre sur ses gardes lorsque le comité révolutionnaire tramait quelque machination contre lui.

Une fois, dit-on, il faillit être pris. Il se trouvait dans une ferme aux environs du bourg, quand un peloton de sans-culottes envoyé à sa recherche arriva à l'improviste. Mais les protecteurs de M. Huguen avaient tout prévu. Derrière la maison où il se tenait, il y avait un tas de bois dans lequel on avait pratiqué une cachette. Le chef de la bande paraissait l'avoir éventée. Mais, soit qu'il craignit des représailles de la part des habitants, ou qu'il n'eut aucune envie de faire aboutir sa mission, il ne trouva rien. Pour que, cependant, on ne put l'accuser de tiédeur, il mit la maison et ses dépendances sens dessus dessous, fouilla partout, sonda même le tas de bois de sa baïonnette, mais la muraille ligneuse était suffisamment épaisse, et rien ne révéla la présence du proscrit.

La même colonne mobile qui avait capturé M. Berthou et emporté son mobilier, le 23 février 1799, monta de Landerneau à Trémaouézan le 8 mars suivant, espérant que, cette fois, M. Huguen ne lui échapperait pas. Elle échoua et ne put s'emparer que d'un lot de pauvres effets cachés au bourg chez Nicolas Le Roux, cultivateur et marchand de beurre de la commune de Trémaouézan, dans l'aire duquel a été trouvé, dans un mulon de paille, les effets ci-après inventoriés.

Savoir : Une vieille soutane ; Deux vieilles vestes noires de velours ; Deux mauvaises culottes noires ; Une ceinture noire ; Un vieux bonnet quarré avec trois touffes ; Cinq aubes dont deux presque pourries ; Un surplis de mousseline ; Unne petite nappe d'autel.

Tels sont les objets trouvés dans le dit endroit... » (Rapport du citoyen Créspy, agent municipal à Landerneau ; Archives municipales de Landerneau, Dossiers de la Police, pièce 97).

Dès que les circonstances le lui permirent, M. Huguen écrivit au Préfet du Finistère et aux autorités municipales de Landerneau pour protester contre cette spoliation et une autre plus ancienne et plus grave dont il avait été victime.

Voici une de ses lettres : Aux Citoyens, Citoyens Maire et adjoint de Landerneau, à Landerneau. Citoyens, Environ le quatorze pluviôse an 7 de la république française (3 Février 1799), une colonne mobile, partie de Landerneau, se transporta à mon domicile. J'étais absent. Elle enleva mon linge, mes hardes, quelques pièces de toilles, mes couvertures, mes chemisses, mes bas, enfin tout ce qui était susceptible d'être transporté ; je ne sçais par quel ordre fut opérée cette saisie. Trois chevaux auraient à peine suffi au transport de tous les effets qui furent pris chez moi. Errant et proscrit, je ne pus faire entendre mes réclamations, elles n'auraient eu d'autre effet que d'activer encore les poursuites dont j'étais l'objet et dont j'eusse peut-être été la victime.

La déclaration que j'ai faite à l'administration de Ploudaniel m'a réintégré dans tous mes droits de citoyen. J'ai celui de réclamer mes effets pris injustement chez moi, et transportés en la maison commune de Landerneau. Ils doivent s'y trouver encore. Aucune loi n'en autorisait l'enlèvement. Cette colonne mobile était seulement autorisée à me poursuivre et à m'arrêter, elle n'avait aucun droit sur mes effets.

Veuillez bien, citoyens maire et adjoint, chercher les moyens requis et nécessaires pour que je sois remis en possession de tous les objets saisis chez moi et transportés par une colonne mobile en la maison commune de Landerneau. Salut et respects. Guillaume HUGUEN, prêtre, à Trémaouézan. Le vingt-deux Nivôse. An 9 Républicain (13 Janvier 1801) (Archives municipales de Landerneau, Dossiers de la Police, pièce 99).

Moins de trois mois après, M. Huguen rentra dans son bien, ainsi qu'en fait foi la pièce suivante :

Je soussigné, Maire de Trémaouézan, reconnais avoir été resaisi de tous les objets ci-dessus mentionnés à la charge de les remettre au Cn. Huguen, Ex-Curé dudit Trémaouézan, en conformité de la lettre du Cn. Rudler, préfet du département du finistère, en date du 27 courant, écrit au Cn. Goury, maire de Landerneau, dont décharge. Landerneau le 29 Ventôse, an Neuf (19 Mars 1801). Jacques PERS, maire (Id. n° 98).

 

NOTES : Déclarations de M. Huguen du 18 Août 1795.

S'est présenté Guillaume Huguen, prêtre, vicaire du culte catholique, apostolique et romain, résidant en cette commune de Trémaouézan, faisant la déclaration suivante :

« Les ennemis des ministres du culte catholique, apostolique et romain ci devant détenus et cachés à raison du refus de serment, ne cessent de leur imputer d'être réfractaires à la loi et d'insinuer qu'ils sont en révolte contre le gouvernement. Les dits ministres ne sont pas et n'ont pas été réfractaires à la loi. Une loi a prescrit aux fonctionnaires publics de jurer la ci devant constitution civile du clergé ou d'abandonner leurs bénéfices. Ils n'ont pas fait le serment, mais ils ont abandonné leurs bénéfices ; ils ont donc obéi et ne sont pas réfractaires ; ils ne sont point, ils n'ont pas été, et ne seront jamais en révolte contre le gouvernement, disciples d'un maître qui leur a dit que son gouvernement n'est point de ce monde. Ils sont par état et par principe soumis au gouvernement civil de tous pays qu'ils habitent. Lorsque Jésus-Christ a envoyé ses disciples et ses apôtres prêcher l'Evangile dans tout l'univers, il les envoya dans les républiques comme dans les monarchies, et telle est l'excellence de cette religion toute divine, qu'elle s'adapte à toutes les formes de gouvernement. Dire que le culte catholique, apostolique et romain ne peut s'exercer dans les républiques comme dans les monarchies, c'est calomnier ce culte et ses ministres. Je déclare fixer mon domicile sur le territoire de la commune de Trémaouézan. Tels sont et tels seront toujours les sentiments du soussigné qui en requiert acte. Ce jour premier fructidor l'an troisième de la république française une et indivisible. G. HUGUEN, vicaire ».

Le même jour, une autre déclaration, qui n'est que la reproduction de celle que l'on vient de lire est signée : Y : M : Berthou, prêtre.

Déclaration du 21 Juillet 1801. « Le deux thermidor an neuf de la République, s'est présenté devant nous, maire de Trémaouézan, Guillaume Huguen, ministre du culte catholique, lequel a dit : " Je viens donner à la puissance temporelle une garantie de ma soumission, et, en conséquence, sauf la religion catholique, je promets d'être fidèle à la constitution de l'an huit ", et a requis acte que nous lui avons octroyé et a signé avec nous. G. HUGUEN, prêtre à Trémaouézan, — Jacques PERS, maire ».

 

Autre Acte concernant M. Huguen (11 Janvier 1804).

Département du Finistère - Premier arrondissement. Je sousssigné, Etienne Catherine Lefebvre Lapaquerie, sous-préfet du premier arrondissement du département du Finistère, certifie que, aujourd'hui vingt nivôse de l'an douze de la République française, devant moi séant dans l'église paroissiale de St Louis à Brest, s'est présenté Monsieur Huguen (Guillaume), nommé desservant de la succursale de Trémaouézan par arrêté de Monsieur l'évêque du 15 frimaire an douze, approuvé par le premier consul.

Lequel s'est mis à genoux, et, la main droite placée sur l'évangile, a prêté serment dans les termes suivants :

Je jure promets à Dieu, sur les saints Evangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitution de la République française ; je promets aussi de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au dedans soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique, et si, dans l'arrondissement de ma succursale ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir au gouvernement. Duquel serment j'ai donné acte et rapporté le présent procès-verbal. En foi de quoi j'ai délivré le présent acte. Le Sous-Préfet, LAPAQUERIE.

 

Vote d'un traitement à M. Huguen.

« Le Conseil (municipal de Trémaouézan), considérant que M. Huguen, prêtre desservant l'église succursale de cette commune, rend depuis très longtemps de grands services aux habitants, qu'il est de l'intérêt de tous de l'attacher à son église, et qu'il convient pour cela de lui assurer un traitement qui suffise à son existence : Arrête qu'il sera payé à Monsieur Huguen, pour la desserte de l'église succursale de cette commune, une pension annuelle de cinq cents francs, sans préjudice des obligations et autres droits qui pourront lui être attribués par M. l'Evêque de Quimper... ». Fait et arrêté le 5 Mai 1807. Guillaume Corcuff, Yves Frémont, Alain Kerouanton, François Le Guen, Pierre Nicolas, C. F. Jézéquel, Jean Masson, H. Kerriou, Jean Hamon, Nicolas Norroy, J. Bourhis, T. Humili, Y. Fur, F. Roux, Jacques Pers, maire.

 

24 Décembre 1792. — Inventaire et dénomination des effets appartenant à l'église succursale de Trémaouézan, en la paroisse de Ploudaniel, chef-lieu de canton au district de Lesneven, département du Finistère :

1. Quatre clefs sur l'église, qui sont entre les mains des Bedeaux.

2. Une sur la sacristie, déposée entre les mains du maire.

3. Quatre armoires dans la sacristie, dont chacune a des clefs.

4. Un soleil et un cihoire, deux calices.

5. Deux petites croix de cuivre jaune.

6. Quatre ornements de diverses couleurs.

7. Trois chapes de différentes couleurs.

8. Trois aubes avec leurs amicts et cordons.

9. Un plat pour la quête.

10. Deux grands missels dans le choeur, et deux moindres pour la messe.

11. Cinq nappes d'autel.

12. Une lampe de cuivre.

13. Tous les registres des baptêmes, mariages et sépultures qui se trouvent au nombre de cinquante-deux.

14. Trois clefs sur les archives, dont une est entre les mains du maire, l'autre entre les mains du procureur, et la troisième entre les mains d'Yves Grall, notable.

15. Cinq autres clefs, déposées entre les mains de Pierre Le Jeune, fabrique en charge, qui en est chargé.

Déjà, le 12 Octobre 1792, on avait, pour se soumettre à la loi du 10 Septembre précédent, transporté à Lesneven « toute l'argenterie d'or (sic) et d'argent » qui se trouvait dans l'église de N.-D. de Trémaouézan, dont : on avait toutefois excepté le soleil, le ciboire) et les deux calices mentionnés au N° 4 de) l'inventaire ci-dessus.

Le 18 août 1794, on dût envoyer au district tous les objets qui sont énumérés dans l'inventaire. Ainsi fut consommée la spoliation du vénérable sanctuaire, et, puisque les clefs furent également enlevées, l'église fut nécessairement fermée. (J. Mével).

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