Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

TREGASTEL ET LA REVOLUTION

  Retour page d'accueil      Retour page "Ville de Trégastel et la Révolution"   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

LE CLERGE DE TREGASTEL DURANT LA REVOLUTION.

Le 12 juillet 1790, la Constitution Civile du Clergé est votée qui institue en France une église chrétienne schismatique avec des curés et des évêques élus par les assemblées électorales et rétribués par l'Etat. Le roi, malgré les protestations de ROME et sous la pression de l'Assemblée, approuvera cette nouvelle organisation du Clergé français le 24 août suivant. L'évêque de TREGUIER, Monseigneur LE MINTIER [Note : né à Sévignac en 1728. Evêque de TREGUIER en 1780. Mort en exil à Londres en 1801], qui avait déjà en septembre 1789, par un mandement, condamné sans appel les principes révolutionnaires, lance sa fameuse lettre pastorale en novembre 1790, dans laquelle il déclare "intrus tout ecclésiastique promu à l'épiscopat ou préposé au gouvernement d'une paroisse suivant la forme prescrite par les décrets du 12 juillet dernier". Cette lettre protestataire, largement diffusée dans tout le diocèse, reçoit l'adhésion de la large majorité du clergé des paroisses. POMMERET (L'Esprit public. p. 120) relève 225 signatures dont celles de Jerome GUYOMARD [Note : né à Brélévenez en 1722. Nommé recteur de TREGASTEL en 1783], recteur de TREGASTEL et de son curé François KERGOAT (3 novembre 1790).

L'Assemblée Nationale, constatant les oppositions du même type qui se manifestent un peu partout en France, décrète le 26 Janvier 1791 que les ecclésiastiques devront prêter serment de fidélité à la Constitution Civile du Clergé [Note : "Veiller avec soin sur les fidèles, être fidèle à la nation, au roi, maintenir de tout son pouvoir la Constitution ". C'était un engagement de même nature que le serment patriotique que venaient de prononcer les maires, officiers municipaux, etc...] ; Les récalcitrants seront remplacés.

Le dimanche 14 février 1791, François KERGOAT, curé, célèbre la grand messe dans l'église paroissiale de TREGASTEL. A l'issue de l'office, devant l'assemblée communale ayant à sa tête le curé-maire Yves LE TENSORER, le recteur et son fidèle curé refusent solennellement de prêter le serment. Cependant ces deux prêtres continueront d'exercer leur ministère à TREGASTEL sans être inquiétés, la municipalité, d'ailleurs conduite par un des leurs, voulant éviter les troubles qui naissent en plusieurs endroits, surtout après la publication des brefs du Saint-Siège (10 mars et 30 avril) qui condamnaient enfin la Constitution Civile, les évêques qui l'avaient acceptée et les principes de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. François KERGOAT se décidera à s'assermenter le 2 août 1791 et quittera TREGASTEL en octobre pour remplir les fonctions de curé constitutionnel à TREMEL.

C'est à la fin de cette année 91, le 20 novembre, que François THOMAS sera élu maire à la place d'Yves LE TENSORER et qu'Yves ROPARS cédera son poste de procureur à François NICOLAS.

Mais revenons à nos ecclésiastiques. Jérome GUYOMARD se serait trouvé bien seul dans son presbytère s'il n'avait reçu l'aide d'un prêtre insermenté, Jacques JAN, 51 ans, natif de TREBEURDEN et vicaire de BRELEVENEZ. Dès septembre, ayant dû quitter sa paroisse à cause de son refus de prêter serment, il trouve asile au presbytère de TREGASTEL. Au cours de son interrogatoire après son arrestation en fin 1793, il déclarera : "Depuis que j'ai quitté la cure de BRELEVENEZ (29/8/1791), j'ai célébré la messe matinale publiquement en l'église paroissiale de TREGASTEL, par intervalles, environ neuf mois jusqu'au mois d'août 1792. Je n'ai fait aucune fonction écclésiastique, vu que j"ai aidé le curé de TREGASTEL lors de la Pâques en 1792, pour la confession seulement. J'ai demeuré pendant tout ce temps chez le sieur GUYOMARD, curé de cette paroisse, aujourd'hui détenu en la maison commune de cette ville de SAINT BRIEUC" (A. LE MASSON. Les actes des prêtres insermentés. II).

En août 1792, Jacques JAN disparaît donc, laissant son recteur face à une situation qui s'aggrave de jour en jour. C'est la guerre contre l'Autriche et l'Allemagne ; ROUGET DE L'ISLE écrit le "Chant de guerre pour l'Armée du Rhin" ; Le Roi coiffe le bonnet rouge qu'on lui a tendu au bout d'un pique et boit à la santé de la Nation ; On crie "Marie Antoinette à la lanterne" ; LONGWY et VERDUN tombent ; la prise des Tuileries sonne le glas de la monarchie. Les prêtres insermentés sont suspects de menées contre - révolutionnaires et la loi du 26 août déclare que tous les ecclésiastiques de moins de 60 ans qui n'auraient pas encore prêté le serment prescrit par la loi, ou qui, l'ayant prêté, l'on rétracté et ont persisté dans leur rétractation "seront tenus de sortir sous les huit jours des limites de la commune et du département de leur résidence et dans une quinzaine hors du royaume après avoir pris passeport". Le 13 septembre, le recteur de TREGASTEL, bien qu'âgé de 70 ans, se présente devant la municipalité pour déclarer que pour se conformer à la loi, il se retire "par devers le district de LANNION". Il remet au maire les registres paroissiaux, les clefs de l'église et de la sacristie [Note : Ces prêtres furent entassés dans 2 pontons du port de ROCHEFORT, en attendant un très problématique convoi pour l'Amérique. La Royale Navy veillait. Des 763 ecclésiastiques ainsi détenus, 543 moururent des suites de nourriture avariée et de mauvais traitements. Jacques JAN fut de ceux-là, de même que Gilles PRAT, prêtre de PLOUZELAMBRE et originaire de SAINT-QUAY-PERROS. (A. LE MASSON. Les actes des prêtres insermentés. II)]. Trois semaines plus tard, il est arrêté et mis en prison, d'abord à SAINT BRIEUC, dans le ci-devant couvent des Filles de la Croix (rue Saint Benoît), puis, à partir de novembre 1793, au couvent des Carmélites à GUINGAMP. Le 5 mars 1795, il décédera à l'hospice de cette ville.

Le 29 octobre 1792, le maire et les officiers municipaux de TREGASTEL se réunissent conformément à la loi pour procéder à l'inventaire de l'Eglise comme suit : Une croix d'argent pesant 17 livres ; l'encensoir, 2 livres et demi ; la boite d'encensoir, une demi-livre ; le tout faisant 20 livres. Le lendemain Yves GUELOU et François LE BIVIC iront à LANNION remettre ces objets précieux aux sieurs LE BRICQUIR et NAYROD, membres du Directoire de LANNION.

A la fin de l'année, Yves LE TENSORER retrouve sa charge de maire. Un prêtre contitutionnel défraiera la chronique locale à la Noël 1793. Voici le fait : "Aujourd'hui 25 du mois de décembre 1793 en l'ancien style [Note : L'administration locale elle-même a des difficultés avec le nouveau calendrier. (L'ancien style étant l'ancien calendrier)], nous maire et municipaux, procureur de la commune de TREGASTEL, vers quatre heures du soir, nous sommes été demandé ouverture amiablement au citoyen LE ROUX, notre vicaire, qui demeure au presbytère, après avoir heurté les portes, nous n'a rien été répondu. En cette cas nous voulions lui avoir demandé la cause qu'il a manqué de faire les offices pour la veille de Noël et le jour suivant, qui n'était en état selon la vue du peuple qu'ils étaient dans l'église environ la minuit à faire leurs prières et assister dans les messes s'il aurait pu agir à des fonctions. En voyant son incapacité avec la force du boisson le peuple fut obligé de se retirer voyant qu'il ne pouvait avoir la messe ni autre prière publique" [Note : Archives paroissiales (reproduction fidèle du texte, avec les fautes d'orthographe)].

Outre l'intempérance notoire du vicaire Jacques Corentin LE ROUX, il faut noter que les Trégastellois ne manquaient pas de célébrer la naissance du Sauveur malgré la politique de déchristianisation alors en vigueur. Deux semaines après, le 10 janvier 1794, J.C. LE ROUX sera nommé président de l'Assemblée communale puis, trois jours plus tard président du Comité de surveillance. Dans chaque commune venait d'être créé un Comité de surveillance composé de républicains fidèles aux doctrines de ROBESPIERRE qui venait de déclarer : "Il faut exalter l'enthousiasme républicain par tous les moyens". Ces Comités doublaient les municipalités, les contrôlaient. C'étaient les agents zèlés du pouvoir révolutionnaire. Le Comité de TREGASTEL était composé des membres suivants, outre le "vicaire – président LE ROUX" : François THOMAS (ancien maire), Yves LE PENHUEL, Pierre LE CREN, Yves LE BIVIC le jeune, Jean PLATINEC, Mathieu TOUDIC, François NICOL, François LE BIVIC, de Golgon, Jacques LESBLEIZ le vieux, Yves LE GUERN, François LE BRAS et Jean LE GUILLOUZER, secrétaire. Le 17 mai, LE ROUX, logique avec lui-même et en application d'un arrêté du représentant du peuple LE CARPENTIER [Note : "Pour anéantir le sacerdotisme, réprimons les prêtres, non comme ministres de tel ou tel culte, mais comme mauvais citoyens, comme perturbateurs évidents ou secrets". (arrêté du 4 mars 1794)], remettait à la Municipalité ses lettres de prêtrise datées du 23 septembre 1769 en déclarant "qu'ayant toujours cherché de son pouvoir l'affermissement de la République française, l'anéantissement de tous ses ennemis, abdiquer absolument toutes les fonctions sacerdotales". Ce genre de prêtre était qualifié "assermenté abdicataire".

Du 17 mai 1794 au 23 juin 1795, le culte catholique était suspendu à TREGASTEL. Mais les manifestations extérieures furent maintenues, telles les sonneries de cloches : le 11 octobre, lorsqu'on nomme un successeur au "sacriste" démissionnaire il est stipulé qu'il sonnera la cloche "au temps nécessaire et à l'angélus".

Le 19 juin 1794, on procède à l'inventaire des linges provenant des chapelles et église de TREGASTEL

Le 23 juin 1795, le maire et les notables se réunissent pour choisir Christophe LANNOU comme curé constitutionnel. Le citoyen-évêque JACOB adhère à ce choix.

Le 11 octobre 1795, Yves Marie LE BONNIEC, prêtre originaire de PEDERNEC, déclare qu'il consent à exercer le culte catholique, apostolique et romain, suivant les lois. Le 9 novembre suivant, se disant "recteur de Kerillis", il déclare promettre soumission, obéissance aux lois de la République. Ce curé consitutionnel restera en exercice à TREGASTEL jusqu'au Concordat. Né à PEDERNEC le 15 août 1762, il était simple prêtre à LOUANNEC à la veille de la Révolution. Il signa la protestation de Monseigneur LE MINTIER (3 novembre 1790) mais prêta serment le 2 avril 1791 et alla à KERMARIA-SULARD où il refusa de remettre ses lettres de prêtrise, ce qui lui valut d'être détenu au couvent des Filles de la Croix de TREGUIER. Le préfet impérial du département des Côtes du Nord, BOULLE, fit une enquête sur le clergé du département en 1802-1803. Il y est dit du curé de TREGASTEL : "LE BONNIEC (Yves Marie), 39 ans, né à PEDERNEC, domicilié à LANNION depuis fructidor an IX. Autrefois simple prêtre, aujourd'hui curé constitutionnel de TREGASTEL. Assermenté, non déporté. Capable et instruit, de bonnes moeurs, bien disposé envers le gouvernement".

Le Concordat entre BONAPARTE et PIE VII, conclu le 16 juillet 1801 règlait les rapports de la France avec le Saint-Siège. Il assura la paix religieuse. Dans le département des Côtes-du-Nord la mise en ordre des affaires ecclésiastiques fut l'oeuvre de l'évêque CAFARELLI et du préfet BOULLE dont l'enquête permit les nominations des curés et des vicaires. Yves Marie LE BONNIEC alla à BEGARD et le premier recteur concordataire de TREGASTEL fut Côme Marie François JOURAND, âgé de 67 ans. Né à PLESTIN-LES-GREVES, il était recteur de SAINT-MICHEL-EN-GREVE en 1789. Il refusa le serment et passa à JERSEY puis séjourna à PLOUGUIEL. L'enquête BOULLE : "le dit capable et bien considéré".

Quelques mots enfin sur le prêtre Yves GODEST, né à TREGASTEL le 7 août 1765. Au début de la Révolution il exerçait son ministère de vicaire à TREGLAMUS. Il prêta le serment en 1791 et remet ses lettres de prêtrise le 12 avril. Mais, contrairement à LE ROUX, tourmenté par sa conscience il se rétracta le 15 mai en ces termes : "Le motif de cette cessation a été les tracasseries et les insultes qu'éprouvaient mes tréviens de la part des passants sur la grand-route qui traverse le milieu de la trêve. Mais en faisant cette démarche je n'ai jamais prétendu renoncer au sacerdoce, quoiqu'indigne d'un caractère aussi auguste. Si posé mes lettres de prêtrise ce n'a été seulement que par rapport à ces armoiries dont elles se trouvaient cousues [Note : il s'agit des armoiries du Comte évêque LE MINTIER qui l'avait ordonné]. Ainsi s'il n'y a pas d'autre moyen pour se mettre à couvert des coups de la loi que la renonciation à la prêtrise, disposez de moi comme vous le jugerez à propos. Je me rendrai au lieu de mon arrestation à votre volonté" [Note : Cité par H. LE GOFF dans "La Révolution dans le Trégor" pages 93 et 94]. Yves GODEST est effectivement arrêté et incarcéré à GUINGAMP. Le 13 juin un deuxième arrêté de LE CARPENTIER autorisait tous les prêtres incarcérés pour rétraction à sortir de prison à condition qu'ils promettent de se marier. Quelques uns acceptèrent ce marché. Ainsi ALLANET de PLOUAGAT, Denis de COADOUT, LE BRICQUIR de PERROS-GUIREC [Note : Curé constitutionnel de PERROS-GUIREC. Il était aussi président de la société populaire de Perros]. Malgré sa promesse, Yves GODET ne se maria pas [Note : D'autres firent des simulacres de mariage comme J.C. LE ROUX de LOUARGAT qui "convola" avec une octogénaire, aveugle et sourde et qui mourut quelques jours après les noces]. Il continua son sacerdoce à TREGLAMUS jusqu'à la signature du Concordat. En 1804, il fut nommé curé des succursales de LANDEBAERON et de KERMORACH.

Les nominations, en vertu des dispositions concordataires, ne pouvaient être effectives qu'avec l'aval du préfet BOULLE. Celle d'Yves GODEST, fit l'objet d'un petit différend entre le préfet et l'évêque. Celui-ci avait désigné pour QUEMPER-GUEZENNEC B.J. LE LEPVRIER, insermenté. Or le préfet voulait y installer Y; GODEST, "l'homme instruit, de bonnes moeurs, actif, zélé, conciliateur, propre à faire le bien dans cette commune qui est grande et qui a besoin d'avoir un homme actif comme principal desservant". L'évêque répliqua que Monsieur GODEST est trop jeune pour être chargé d'une paroisse aussi grande et qu'il n'a ni assez de science, ni assez de caractère. On transigea en nommant LE LEPVRIER à PLOUAMAGOAR, Pierre Marie DURAND, 42 ans, à QUEMPER-GUEZENNEC et Yves GODEST à LANDEBAERON - KERMOROCH. La mise en place de l'Eglise concordataire ne fut pas chose aisée !

(Emmanuel Mazé).

© Copyright - Tous droits réservés.