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LES SŒURS BLANCHES OU FILLES DU SAINT-ESPRIT.

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Les Demoiselles de Saint-Thomas de Villeneuve se rattachent directement à l'institut charitable dont saint Vincent de Paule dota le catholicisme. Les Filles du Saint-Esprit, dont je veux fixer, pour la première fois, les traditions modestes, sont un des innombrables rameaux de l'arbre que le B. Pierre Fourier a planté dans l'Eglise de Dieu, et qui a pour fruits principaux l'éducation des petites filles et le soin des malades à la campagne.

Soeur Blanche ou Fille du Saint-Esprit.

On lit dans les Annales Briochines de l'abbé Ruffelet, sous l'année 1706 [Note : Annales briochines, ou Histoire du diocèse de Saint-Brieuc, par l'abbé Ruffelet, nouvelle édition avec une notice par M. S. Ropartz (L. Prud'homme, 1850 ; in-8° et in-12)].

« Premier établissement des Filles du Saint-Esprit dans la paroisse de Plérin. Cet établissement est dû à la charité d'une pauvre veuve nommée Marie Balavoine, qui, sous la direction de. M. Leuduger, chanoine et scolastique de la cathédrale de Saint-Brieuc, s'était entièrement consacrée au service des pauvres malades. Elle inspira le même dessein à une pieuse fille appelée Renée Burel, ensuite à quelques autres, et devint ainsi, sans y penser, fondatrice d'une nouvelle société religieuse fort utile et déjà fort répandue. M. Allenou, recteur de Plérin, dressa des règlements pour cette société naissante, qui turent approuvés par M. de Montclus, évêque de Saint-Brieuc. Le principal but de cet institut est le soulagement des pauvres malades et l'instruction des petites filles de la campagne. Il s'est déjà étendu dans les évêchés de Nantes, Rennes, Saint-Paul-de-Léon, Quimper, Saint-Malo, Tréguier et Dol. Il a des établissements dans trois ou quatre paroisses de l'évêché de Saint-Brieuc. Il serait à désirer qu'il en eût dans toutes. C'est la seconde société religieuse qui prend naissance dans le diocèse de Saint-Brieuc : celle des Filles de Saint-Thomas à Lamballe, environ 1659, et celle des Filles du Saint-Esprit, dans la paroisse de Plérin, en 1706 ».

C'est, avec quelques lignes, encore plus laconiques et disant exactement la même chose, insérées dans le Tome VI de l'édition des Vies des Saints de Bretagne, de M. l'abbé Tresvaux, tout ce que je sais avoir été imprimé touchant les Filles du Saint-Esprit.

Maison mère des Filles du Saint-Esprit à Saint-Brieuc ou Plérin (Bretagne).

Il ne faut pas être très-amoureux de ce qui concerne l'histoire de son pays pour trouver que c'est trop peu et que quelques détails ne seraient pas sans intérêt.

Ces détails, je les dois surtout à l'obligeance extrême des Dames du Saint-Esprit elles-mêmes qui ont bien voulu me confier les registres domestiques où sont consignées les traditions de l'ordre.

J'ai eu, de plus, le manuscrit de 1723, dont j'ai tiré la vie de M. Leuduger.

Enfin, M. Gaultier du Mottay, dont l'érudition n'est égalée que par l'inépuisable complaisance avec laquelle il met son savoir à la disposition de tous ceux qui s'occupent de notre histoire, relevé pour moi plusieurs faits et plusieurs dates qui se rapportent à la fondation des Sœurs Blanches et qui sont consignés, soit dans les registres de Plérin, soit dans quelques titres des Archives des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor).

J'ai indiqué mes sources ; je n'y reviendrai plus. Rien ne me semblerait moins à sa place ici que le déploiement d'un bagage scientifique et critique. Je voudrais, au contraire, donner à ces récits toute la naïveté des vieilles annales monastiques ; et pour cela je reproduirai souvent, sans changement aucun, les registres domestiques qui m'ont été confiés.

M. Leuduger, étant scolastique de la cathédrale de Saint-Brieuc, tant pour s'acquitter de cette charge que pour satisfaire à son zèle, qui embrassait toutes les bonnes œuvres, s'occupa trés-activement de la création et de l'organisation des Petites Ecoles dans les paroisses. Il avait une parente, fille comme lui de paysans aisés, pieuse et dévouée qui songea d'abord à entrer chez les Ursulines. C'était Renée Burel. Je ne sais si ce fut de l'avis de M. Leuduger ou pour un autre motif, mais Renée Burel renonça aux Ursulines et se voua à l'œuvre des Petites Ecoles, après s'étre simplement affiliée au Tiers-Ordre de Saint François. A côté de Renée Burel, il faut nommer Marie Balavoine (ou Marie Balavenne) : celle-ci, née aussi à Plérin, d'une famille de cultivateurs, était la pénitente de M. Leuduger. Elle était veuve. Elle s'unit à Renée Burel ; deux ou trois autres filles du Tiers-Ordre se joignirent à elles : sous la direction et le patronage de M. Leuduger et de M. Allenou de La Garde, recteur de Plérin, ces cinq femmes habitèrent ensemble au Légué, dans une maison appartenant à Renée Burel, et dont Mgr de Boissieux avait posé la première pierre. Le biographe de M Leuduger affirme que le scolastique contribua beaucoup de ses deniers à l'acquisition el à la construction de cette maison. Ce qu'il y a de certain, c'est que M. Leuduger rédigea pour l'usage de ces pieuses filles une sorte de règle, et leur prescrivit divers exercices qui furent approuvés par Mgr de Boissieux [Note : On conserve à la maison principale de l'ordre à Saint-Brieuc, un exemplaire de cette règle paraphé par Mgr de Fretat de Boissieux lui-même].

Il est de tradition dans l'ordre que dès le principe Renée Burel, Marie Balavoine et leurs compagnes prirent l'habit que les Sœurs du Saint-Esprit portent aujourd'hui et qui était exactement celui des femmes du peuple, à Plérin et dans les paroisses voisines, au commencement du XVIIIème siècle ; sauf la couleur qui est entièrement blanche. Dans l'origine, les Sœurs s'appelèrent Sœurs de la Charité ou Filles des maisons et écoles charitables. Ce ne fut que plus tard qu'elles prirent le titre de Filles du Saint-Esprit : à cause de leur vétement, le peuple les appela et les appelle encore Sœurs Blanches.

Maison mère des Filles du Saint-Esprit à Saint-Brieuc ou Plérin (Bretagne).

Renée Burel mourut en 1720. Par son testament du 8 décembre 1718, elle léguait à ses sœurs en Jésus-Christ, une rente de cinq perrées de froment, pour les aider à vivre en communauté, « à la condition qu'elles s'appliqueraient au soin des pauvres et des petites écoles charitables ». Cette date du 8 décembre avait déjà une signification dans la congrégation naissante. C'était le 8 décembre que Renée Burel et Marie Balavoine avaient pris l'habit. C'était la seconde fête de l'ordre ; la principale était la Pentecôte. Renée Burel ne l'oublia pas, et ce même testament contient un autre legs destiné à faire célébrer une messe chantée dans ce jour solennel.

Bien peu de temps après la mort de Renée Burel, l’école et la maison de charité de Plérin firent une perte encore plus grande dans la personne de M. Leuduger.

Mais la Providence avait déjà doté ces bonnes filles d'un protecteur, dont la vertu, le mérite et le dévouement devaient assurer l'avenir de la congrégation. C'était M. René-Jean Allenou de La Ville-Angevin [Note : Cette famille maintenue au Conseil en 1708, portait d'argent au chef endenché de gueule. (De Courcy, Nobiliaire de Bretagne). La Ville-Angevin est un petit manoir de la paroisse de Pordic] qui avait succédé, dans le rectorat de Plérin, à son oncle M. Allenou de La Garde. Les Sœurs du Saint-Esprit ne veulent pas reconnaître d'autre fondateur, et il est vrai que si M. Allenou de La Garde et M. Leuduger ont fondé l'école de Plérin et ont donné une règle particulière aux filles du Tiers-Ordre qui tenaient cette école, c'est M. Allenou de La Ville-Angevin qui a fait sortir de ce noyau une congrégation nouvelle, ayant sa vie propre, indépendante des divers Tiers-Ordres.

M. de La Ville-Angevin résolut d'abord de fixer au bourg même de Plérin l'école de la paroisse et le berceau de la société qui était dès-lors bien arrêtée. Le 5 février 1720, il acheta dans ce but, une vieille maison située au bourg.

Le 18 unit 1724, il obtenait de M. Regnouard de La Villayers, seigneur de Couvran, la permission de réunir les « Filles de la Congrégation qu'il souhaite d'établir, dans la chapelle privative de Couvran ».

Dès l'année 1723, le biographe de M. Leuduger constate que l'école établie au bourg de Plérin est « la mieux formée de tout le pays et la plus nombreuse qui soit dans les campagnes ». Les classes proprement dites ne comptaient pas moins de quatre-vingts petites filles ; le dimanche, le nombre des écolières montait jusqu'à deux cents : car, beaucoup de jeunes filles et d'enfants qui ne fréquentaient pas l'école sur la semaine venaient le dimanche pour apprendre le catéchisme et les prières. Par ailleurs, et pour remplir le double but de leur vocation, les Sœurs distribuaient aux pauvres malades qu'elles allaient visiter du linge et des bouillons ; elles pansaient les plaies et composaient des remèdes conformément aux ordonnances des médecins.

Maison mère des Filles du Saint-Esprit à Saint-Brieuc ou Plérin (Bretagne).

Le règlement de Leuduger contenait, en outre, la prescription de veiller à ce que les assemblées mensuelles du Tiers-Ordre [Note : Les registres domestiques qualifient ce Tiers-Ordre de « Tiers-Ordre du Saint Amour »] fussent régulièrement tenues.

Le 20 mars, 1727, M. de La Ville-Angevin acheta une autre maison contiguë à la première, pour agrandir l'école.

Il y avait alors huit Sœurs : Marie Balaven ou Balavoine, de Plérin ; Charlotte Corbel, de Plérin ; Marie Allenou de Grands-Champs, de Pordic, nièce de M. de La Ville-Angevin ; Louise Desbois, de Plérin ; Marguerite Quémard, de Plérin ; Angélique Allenou de Grands-Champs, sœur de Marie ; Jeanne Sylvestre, de Plérin ; Mauricette Majol, de Plérin. Ainsi, à l'exception des deux nièces du recteur, toutes étaient de pauvres filles de la paroisse de Plérin. Marie de Grands-Champs avait voulu être carmélite ; sa santé s'y opposant, elle vint se mettre à la disposition de son oncle et amena avec elle sa jeune sœur. C'était en 1721.

Enfin, le 27 mars 1733, la congrégation se fondait définitivement, suivant acte au rapport de Perrier, « notaire royal apostolique ».

Le 11 avril suivant, M. Guibert, prêtre, chanoine de Saint-Guillaume et chapelain des Dames du Calvaire, adressait, au nom des Sœurs de Plérin, une supplique à l'évêque de Saint-Brieuc, pour qu'il lui plut d'approuver l'acte de fondation et de nommer Marie Balavoine, supérieure des dix Sœurs qui vivent en commun et « dont les exercices sont approuvés depuis près de vingt ans » [Note : Ce sont évidemment les statuts de M. Leuduger, approuvés, comme nous l'avons dit, par Mgr de Boissieux].

Mgr Vivet de Montclus, accédant à cette supplique, donna sa sanction définitive le 24 avril, en nommant pour supérieure Marie Balavoine, ou plutôt en confirmant l'humble veuve dans le poste où l'avait placée l'humilité de ses compagnes [Note : Ce règlement définitif, approuvé par Mgr de Montclus est l'œuvre de M. de La Ville-Angevin : il est très-remarquable que l'on y ait supprimé toutes les prescriptions relatives au Tiers-Ordre qui se lisaient dans les exercices de M. Leuduger].

A peine la congrégation était-elle régulièrement fondée qu'obéissant à l'esprit de prosélytisme qui est inhérent à toute œuvre basée sur la foi et sur la charité, elle accepta une maison que lui offrait, à Saint-Herblon, évêché de Nantes, M. le président de Cornulier. Le contrat est du 7 juillet 1733. Marie de Grands-Champs entra dans cette première fondation le 9 septembre de la même année. Elle n'y resta que le temps nécessaire pour bien asseoir cette maison, et revint à Plérin avec le titre d'assistante de Marie Balavoine, avec les pouvoirs réels de supérieure générale. Elle fut l'âme de la congrégation, surtout après le départ de M. de La Ville-Angevin qui, obéissant à son zèle, se voua aux Missions Etrangères et partit pour le Canada. Il y mourut vers la fin de 1748. On conserve aux archives des Filles du Saint-Esprit, un fragment d'une lettre écrite de Québec, dans l'Octave de tous les Saints, 1748, par M. de La Ville-Angevin, « à ses chères filles des écoles charitables » [Note : Le registre des Sœurs Blanches ajoute ici que M. de La Ville-Angevin était alors évêque nommé de Québec, et qu'il mourut dans ce même temps avant d'être sacré ; il y a erreur soit sur le siége épiscopal auquel était appelé M. de La Ville-Angevin, soit sur la date de la lettre ; car Québec avait pour évêque, depuis 1740, Heuri-Marie Du Breil de Pontbriand, qui mourut à Montréal, le 8 juin 1760, et eut pour successeur Mgr Jean (alias Olivier) Briant, natif de Plérin, qui fut élu en 1765, sacré en France en 1766, et qui est mort le 23 juin 1794. Mgr Briant avait suivi au Canada M. de La Ville-Angevin et fut grand-vicaire de Mgr de Pontbriand]. Il leur rappelle leurs obligations et les exhorte à les remplir en leur disant qu'il a baptisé plusieurs d'entre elles, qu'il leur a fait faire la première communion, qu'il a reçu leurs vœux, et la lettre qui est comme un commentaire des statuts, se termine par ces mots : « Voilà, mes chères enfants, les dernières instructions de votre ancien père, de celui qui a formé vos règles ».

Maison mère des Filles du Saint-Esprit à Saint-Brieuc ou Plérin (Bretagne).

Marie Balavoine mourut le 28 novembre 1744. Marie de Grands-Champs lui succéda dans la charge de supérieure générale : nous avons dit comment depuis longtemps elle remplissait, de fait sinon de droit, ces importantes fonctions. Pendant trente-deux ans, elle se montra véritablement supérieure par ses talents comme par ses vertus. Secondée par Catherine Briant, sœur de l'évêque de Québec, elle vit sa congrégation se répandre dans toute la Province et quatorze maisons furent fondées pendant la durée de son gouvernement. Dans les premiers mois de 1777, elle tomba en enfance. Par un sentiment de reconnaissance profonde et de respect filial, les Sœurs du Saint-Esprit lui laissèrent son titre. Elle acheva de mourir le 25 novembre 1779. Les chroniques de la congrégation entourent la vénérable figure de sœur Marie d'une sorte d'auréole et on la regarde avec raison comme la seconde fondatrice de l'ordre : la vénération qui garde sa mémoire, a consigné sur les registres domestiques les moindres traits de sa vie, avec une naïveté à laquelle l'esprit de famille laisse tout son charme.

Nous avons dit comment la première colonie des Sœurs Blanches fut implantée à Saint-Herblon par le président de Cornulier. Nous allons produire la liste des maisons fondées en Bretagne, depuis la naissance de l'ordre jusqu'à la Révolution. En relevant les noms des fondateurs, il sera permis de douter qu'il y eût réellement besoin d'une demi-douzaine de bouleversements démocratiques pour doter chaque paroisse de Bretagne d'une école et d'une pharmacie.

Après Saint-Herblon, vint la maison de Marzan, évêché de Vannes, que créa au mois de juin 1743, Mademoiselle de Marzan. — En 1745, le comte et la comtesse de La Garaye appelèrent les Filles du Saint-Esprit à Taden ; cette fondation permit à quelques-unes des Sœurs de recevoir, du célèbre comte lui-même, des leçons de chimie appliquée à la pharmacie. — La maison de Saint-Pol-de-Léon fut établie en 1747 par les Dames qui composaient le bureau de Charité de la ville. — Celle de Quimper, qui date du 29 mars 1749, dut son origine à dame Marie-Anne de Kersula, veuve de M. Charles-Florimond Cardé. — Madame de Cornulier, douairière, fonda Trévé, évêché de Saint-Brieuc, le 3 mars 1751. — M. le comte et Madame la comtesse de Brilhac du Crevy furent les fondateurs de la maison de La Chapelle, évêché de Saint-Malo, en 1756. — A Etables, l'acte officiel de création du 25 mars 1761, porte les noms des autorités de la paroisse ; mais il est de tradition que cette fondation est due à la munificence du comte de La Garaye. — Lanvellec, évêché de Dol, le 16 avril 1762 ; fondateur, M. Louis Le Peltier, marquis de Rosambo. — Plougonven, évêché de Tréguier, le 24 juillet 1764 ; fondateur, M. le marquis de Kersauson. — Andel, évêché de St-Brieuc, le 5 novembre 1768 ; fondatrices, Madame veuve de Tréméreuc et Demoiselle Françoise Hingant. — Derval, évêché de Nantes, le 16 juin 1774 ; fondateur, M. le comte de La Bourdonuaye de Montluc. — Pléguien, évêché de Saint-Brieuc, le 13 mai 1777 ; fondateurs, Madame veuve de Méhérenc de Saint-Pierre et M. le marquis de Saint-Pierre, son fils aîné [Note : Cette maison a été rétablie le 6 janvier 1812, par Mademoiselle de Saint-Pierre]. — Plœuc, évêché de Saint-Brieuc, en 1777 ; fondateur, M. le comte de La Rivière. — Plaintel, même évêché, en 1778 ; fondateur, le même comte de La Rivière. — Blain, évêché de Nantes, le 6 avril 1778 ; fondateur, M. le duc de Rohan. — Trégomeur, évêché de Saint-Brieuc, M. le comte de Calan. — Plouaret, évêché de Tréguier. — Cette maison fut fondée par la congrégation elle-même avec des fonds qui furent versés par une personne dont l'anonime a été religieusement respecté.

Tel était l’état de la congrégation qui avait successivement compté cent dix-sept professes, quand la Révolution éclata. Catherine Briant la gouvernait depuis la mort de Marie de Grands-Champs. Le souffle révolutionnaire, qui balayait les institutions séculaires dont se glorifiait la France, ne pouvait manquer de disperser, à tout le moins, les petites familles religieuses qui peuplaient les modestes couvents des Filles du Saint-Esprit. Catherine Briant quitta la maison mère de Plérin, quand la place ne fut plus tenable, en 1793 : elle se réfugia tout auprès, dans la ferme de sa famille, au village de Saint-Eloy. M. Charles Rouxel-Villhelio s'empara de la maison abandonnée, et quand on se présenta pour accomplir les formalités préliminaires de la vente nationale, il protesta et se maintint en possession. On ne vérifia pas ce qu'il y avait d'étrange dans les prétentions du nouveau propriétaire et on ne passa pas outre. Cette pieuse ruse sauva la congrégation : car, dès la fin de 1799 ou les premiers mois de 1800, il fut possible aux Sœurs de reprendre la vie commune ; mais elles n'auraient plus trouvé d'asile, si M. Rouxel ne leur avait conservé l'humble maison qui fut leur bureau.

Chapelle des religieuses du Saint-Esprit à Saint-Brieuc (Bretagne).

Les fondations eurent des sorts divers. La maison de Taden qui avait pris une importance considérable et dans laquelle on donnait des retraites fort suivies, depuis 1769 ; celles de Derval, de Blain, La Chapelle, Trévé, Lanvellec, Plougonven et Plouaret, vendues nationalement ne furent jamais reconstituées ; les dix autres furent successivement rendues, à des époques plus ou moins reculées, à la congrégation. Deux des établissements ne furent pas abandonnés même au plus fort de la Terreur ; je veux dire Saint-Herblon et Saint-Pol-de-Léon.

A Saint-Herblon, sœur Catherine Juhel et sa compagne furent, sur leur refus de déguerpir, mises en arrestation ; mais leur détention ne fut pas longue : la guerre civile donnait à la France une variété inconnue et héroïque de martyrs : on avait établi un dépôt de blessés à Saint-Herblon et une ambulance à Saint-Florent : sœur Catherine et sœur Marthe furent requises pour panser les blessés, et il ne fut plus question de les chasser une seconde fois de leur asile.

A Saint-Pol-de-Léon toute la communauté avec sœur Christine Potier, supérieure, fut incarcérée. Quelques jours après, on vint demander à la supérieure de vouloir bien donner des soins aux malades de l'hospice. Sœur Christine le prit de haut et répondit qu'elle ne sortirait de prison que si on lui rendait ses compagnes, sa liberté, sa maison et ses instruments de chirurgie : on se hâta de souscrire à ces conditions et pendant tout le reste de la Révolution, les Sœurs Blanches de Saint-Pol, par une exception qui honore à la fois la ville et les religieuses, purent ostensiblement et librement se livrer au soin des malades et aux autres devoirs de leur institut.

Les religieuses chassées de leurs maisons, se retirèrent dans leurs familles et y menèrent une vie plus ou moins cachée, pendant les jours affreux que cette génération eut à traverser. J'esquisse à grands traits l'histoire d'une de ces bonnes sœurs rentrées de force sous le toit paternel. Félicité-Marie de La Villéon, naquit à Plurien, le 19 mai 1749. Elle était si chétive et si frêle que l'on dût la baptiser au plus vite, et sans attendre le parrain et la marraine, on prit les deux premiers mendiants que l'on rencontra, pour tenir l'enfant sur les fonts baptismaux. Cette circonstance frappa beaucoup l'esprit de Mademoiselle de La Villéon, lorsqu'elle lui fut rappelée ; elle y vit comme le signe providentiel qui la destinait à être la servante des pauvres. Quand elle eut atteint l'âge de dix-huit ans, elle entra au noviciat des Filles du Saint-Esprit ; mais sa santé était si mauvaise que Marie de Grands-Champs la rendit à sa famille : la douleur de la jeune fille fut extrême, et quelques-mois plus tard, soit que sa santé se fût affermie, soit que sa persévérance eût touché le cœur de la supérieure, elle rentra au noviciat et fit profession le 16 septembre 1771. Elle était supérieure de la maison de Taden, quand l'orage révolutionnaire éclata ; elle se réfugia au Fresche-Clos, paroisse de Pommeret , chez M. de La Villéon, son frère aîné. La demeure de ce gentilhomme se transforma à l'instant, et devint une école et un hospice. Sa sœur s'en alla chercher toutes les petites filles de Pommeret et tous les pauvres malades des environs. Quelque temps après, M. de La Villéon et toute sa famille furent arrêtés et jetés dans une maison de détention. Il ne resta au Fresche-Clos que deux enfants qui eussent été complètement abandonnés, si la Providence n'avait envoyé la sœur Félicité pour prendre soin de ses petites nièces et remplacer leur mère. Dans cette maison que la proscription avait si cruellement frappée, la religieuse proscrite elle-même, put compléter en paix l'éducation de ses nièces. Quand la plus jeune fut en âge de faire sa première communion, elle fut conduite par sa tante dans la paroisse de Quessoy, dont le recteur M. Boscher était resté caché au milieu de ses ouailles fidèles. Sœur Félicité disait que cette première communion, administrée dans quelque grange, au milieu de mille dangers qui menaçaient à la fois le prêtre, la religieuse et l'enfant elle-même, avait été pour elle la source des plus douces et des plus vives émotions qu'elle eût ressenties. Quant à sa nièce, élevée sous de pareils auspices, elle se montra digne de son institutrice et se consacra plus tard à Dieu dans le monastère de Notre-Dame-de-Charité à Saint-Brieuc.

Chapelle des religieuses du Saint-Esprit à Saint-Brieuc (Bretagne).

Cependant, parmi les religieuses qui rentrèrent à la maison mère de Plérin, dès que le calme leur permit de se réunir, on fut étrangement surpris de ne point compter des premières, sœur Félicité de La Villéon ; d'autant plus que l'on songeait hautement à elle pour la mettre à la tête de la congrégation et la charger de sa restauration : mission délicate et difficile pour laquelle la sœur Catherine Briant semblait peu propre, surtout à cause de son âge. Or, c'était précisément le motif pour lequel Mademoiselle de La Villéon se tenait à l'écart. Elle le montra de la manière la plus claire ; car on la vit apparaître en 1804, le lendemain du jour où la communauté eut solennellement élu Yvonne Cleich pour remplacer Catherine Briant ; sûre désormais d'échapper à des honneurs qu'elle redoutait par dessus tout, l'humble récluse du Fresche-Clos, rentra dans le nid qu'elle s'était choisi dès son enfance et loin duquel elle se regardait toujours comme une exilée. Elle fut aussitôt chargée de diriger l'hospice de Ploërmel qui était tenu jusque là par des laïques et ne quitta cette fonction que pour venir en 1814 prendre enfin la direction générale de la congrégation, à laquelle elle ne pouvait échapper deux fois. La Mère de La Villéon est à bon droit considérée comme la restauratrice de l'ordre. Elle rendit surtout aux Filles du Saint-Esprit l'immense service de leur donner pour supérieur ecclésiastique en 1827 M. l'abbé Le Mée, devenu évêque de Saint-Brieuc et Tréguier. M. Le Mée a inspiré à la congrégation une vie nouvelle [Note : A M. de La Ville-Angevin avaient succédé comme supérieurs ecclésiastiques : 1° M. de Robien, vicaire-général ; 2° M. de La Nouë vicaire-général, qui visita toutes les fondations de l'ordre ; 3° M. Gofvry, vicaire-général ; 4° M. Manoir, vicaire général ; 5° M. J.-M. de Lamennais, vicaire-général ; 6° M. de Nantois, vicaire-général ; enfin M Le Mée, qui a voulu rester supérieur des Sœurs Blanches, même après son élévation à l’épiscopat] : c'est lui qui a bâti le splendide monastère de Saint-Brieuc, dans lequel a été transféré en 1834 le siége principal de l'institut; c'est lui qui a réformé la règle. Tout cela s'accomplit avec le concours de la sœur de La Villéon, qui fut supérieure pendant près de vingt-quatre ans. Elle mourut à son poste le 19 octobre 1838 ; elle allait atteindre sa quatre-vingt-dixième année.

En 1850 a été posée la première pierre de la chapelle qui a été ajoutée au monastère de Saint-Brieuc, sur les dessins de M. Guépin, architecte.

La congrégation du Saint-Esprit, qui, au moment de sa restauration après la Terreur, comptait dix maisons et cinquante-huit religieuses, possède vers 1857 cent trente-deux établissements disséminés dans les cinq départements de la Bretagne, à laquelle elle se consacre exclusivement et dont elle a toujours refusé de sortir, et le nombre des professes est de cinq cents.

(M. S. Ropartz).

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