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CAPITULATION DU CHATEAU DE KEROUZÉRÉ EN 1590.

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Le château de Kerouzéré est édifié entre 1425 et 1458 par Jean de Kérouzéré, chambellan du duc Jean V de Bretagne, au lieu-dit Coat-an-Tour, siège d'une motte sur laquelle s'élevait jadis un donjon et où vivaient, en 1340, Yvon ou Eon de Kérouzéré ainsi que sa femme, née Marie de Pennanec'h. Vers 1590, le château appartenait à Pierre de Boiséon, seigneur de Coëtnizan, époux de Jeanne de Rieux, décédé en 1627 et soutien d'Henri IV, qui le défendait, aidé notamment par le sieur de Kerandraon, le sieur de Goëzbriant et plusieurs autres alliés contre les Ligueurs commandés par les seigneurs Gabriel de Goulaine, de Carné, de Rosampoul, du Faouët, de Kergomar, etc.. En Bretagne, seuls les châteaux de Brest et de Kérouzéré étaient acquis à la cause du roi Henri IV.

Les détails de la prise du château de Kerouzéré sont trop connus [Note : Voyez : Mémoires du chanoine Moreau, édités par M. de Mesmeur chez L. Prud'homme, 1857, pp. 86 et suiv. et p. 103. — Histoire de Bretagne, Dom Taillandier, 1756, t. II, p. 397 et CCXLIII et suiv. — Etudes historiques sur le Finistère, par R. F. Le Men, chez Jacob et Salaün, à Quimper, 1873, pp. 90 et suiv.] pour que nous revenions sur ce sujet. Le chanoine Moreau les a rapportés tels qu'il les connaissait ; les Bénédictins ont publié le texte de la capitulation définitive ; M. Le Men, dans ses Etudes historiques sur le Finistère, a donné l'analyse d'un « Mémoire de François de Goesbriand  », qui relate l'ensemble des négociations avec les chefs ligueurs en vue d'arriver à une capitulation honorable, et la violation de cette même capitulation ; son récit rectifie sur certains points celui du chanoine Moreau.

Sibiril (Bretagne) : château de Kérouzéré.

Le résumé de cet épisode de l'histoire de la Ligue s'établit ainsi d'après ces divers récits.

Dans les derniers mois de l'année 1590, le seigneur de Coatnizan [Note : Pierre de Boiseon : La seigneurie de Coatnizan appartenait au XVème siècle à la famille de Kerimel ; au XVIème, Marie de Kerimel épousa Claude de Boiseon], accompagné des seigneurs de Goazbriand [Note : Voyez les détails biographiques sur M. de Goazbriand dans les Etudes de Le Men indiquées ci-dessus] et de Kerandraon (Kerandraon était un cadet de la maison de Boiseon), fut assiégé dans son château de Kerouzéré, par les seigneurs de Goulaine, de Rosampoul, du Faouet, de Kerhir [Note : Kerhir, le sieur de Kerhir était de la famille de Kerousy. La seigneurie de Kerhir était située en Trédarzec. Voyez: Archives des Côtes-de-Nord (auj. Côtes-d'Armor) F. 2031], de Coatredres [Note : La famille de Coatrédrez, très ancienne en Tréguier. La seigneurie de ce nom, en Trédrez, près de Lannion, sous la mouvance de Runfao passa aux du Parc à la suite du mariage de Françoise de Coatrédrez au XVIIème siècle. Voyez: Archives des Côtes-d'Armor, Titres de la seigneurie de Coatrédrez, série E], de Kerven, du Rusquec, de Mesle de Cremeur, de Kerrom, des Isles, les garnisons voisines de la Ligue [Note : La seigneurie des Isles, en Plouisy, à la famille Le Carme] et les communes des environs.

Les assiégeants ayant fait brèche avec le canon, on en vint aux négociations pour capituler. Les seigneurs de Kerandraon et de Goazbriand, chargés de parlementer avec les assiégeants, obtinrent des conditions satisfaisantes, mais comme ils s'étaient rendus pour traiter au manoir de Kerlan, voisin de Kerouzéré, ils furent attaqués par les gens des communes ; Kerandraon fut tué, Goazbriand retenu prisonnier et conduit à Morlaix. M. de Coatnizan se rendit plus tard et négocia une nouvelle capitulation ; le duc de Mercœur se le fit amener, le retint prisonnier ainsi que M. de Goazbriand et le mit à rançon, au mépris de la capitulation signée par les chefs ligueurs.

Telle est dans son ensemble l'histoire de la capitulation de Kerouzéré. Nous apportons à l'Association Bretonne comme renseignements nouveaux : les pièces de la première capitulation, négociée par Kerandraon et de Goazbriand ; quelques lettres signées du duc de Mercœur et des chefs ligueurs, elles sont relatives au sort réservé aux assiégés ; enfin les ouvertures et offres de services faites au duc de Mercœur par M. de Coatnisan après la capitulation.

Ces pièces ont été acquises de rencontre par mon père, M. Hippolyte Raison du Cleuziou, et elles sont inédites, je le crois. L'une d'elles est un original et signée de quelques chefs ligueurs ; d'autres ne sont pas signées, de qui ne veut pas dire que ce ne soit pas des originaux ; d'autres enfin ne sont que des copies, mais l'écriture est bien de la fin du XVIème siècle, et elles semblent presque toutes de la même main que la pièce originale signée. Il semble donc que ce soit un dossier qu'on ait composé peu de temps après les évènements. C'est ce dossier que nous offrons au Congrès de l'Association Bretonne.

La première de ces pièces est en quelque sorte le procès-verbal de la capitulation accordée aux seigneurs de Goazbriand et de Kerandraon, et des négociations qui l'ont précédée. C'est une pièce originale, signée par quelques chefs ligueurs.

Du 9 et Xme de novembre 1590.
Cappitulations accordées par tous les chefs de guerre estans au siège de Kerouzéré sous l’auctorité de Monseigneur le duc de Mercoeur, gouverneur de Bretaigne. — Et le sr de Coatinisan pour la reddition de luy et de sondit chateau en l'obéissance de mondit seigneur.

Sur les sommations par cy davant faictes à Monsieur de Couatinisan et au sieur de Kerandraon de se remettre eux et leurs trouppes avecques la place et chateau de Kerouzéré en l'obéissance de Monseigneur le duc de Mercœur, gouverneur et protecteur des Catollicques en ce duché de Bretaigne et recognoistre son auctorité soubz ung Roy très crestien et, catolicque.

Monsieur du Fauet, assisté des seigneurs chefs de guerre et gentilshommes commandés par mondit seigneur au siège dudit chateau, aiant ouy le sieur de Kerandraon aussi assisté de trois gentilshommes députés de la part dudit sieur de Couatinizan auroit ledit sieur de Kerandraon pryé monda sieur du Fauet mettre par escript les conditions soubz lesquelles luy et lesdits seigneurs et chefs de guerre entendent que ledit sieur de Couatinizan entre en capitulation, ce que luy a esté accordé par lesdits seigneurs.

Lesquels seigneurs, commandés par mondit seigneur le gouverneur, prient en premier ledit sieur de Couatinizan, le sieur de Kerandraon et les gentilshommes catollicques qui sont avecques eux de ne tenir la main à ung prince héréticque pour se faire roy, ains aider de tout leur pouvoir à maintenir l'église de Dieu et se réunir avecques tous les bons catollicques pour la conservation du pais et soulagement du pauvre peuple. Et pour donner quelque bonne entrée à l'exécution de sy sainct effect :

Ledict sieur de Couatinizan remetra ledit chateau de Kerouzéré entre les mains de l'un desdits seigneurs pour le conserver et garder en l'obéissance et soubz l'auctorité de monda seigneur le gouverneur.

Et pour le regard des personnes dudit sieur de Couatinizan de Kerandraon et les gentilshommes catollicques qui sont avecques eux seront randus en toutte seurté à mondit seigneur le gouverneur s'assurantz lesdits seigneurs que Son Excellence les recevra et verra de bon oeil avecques touttes les gratiffications qu'ils pourront souhaittér d'ung grand et bon prince tel que mondit seigneur le gouverneur.

Et là où ils ne voudroient entrer au saint party de l'union et recognoistre l'auctorité de sadicte excellence lesdits seigneurs cy dessus promettent et s'obligent faire tant envers elle qui les fera randre en tel lieu de seureté qu'ils voiront et trouveront pour leur meilleur pourveu qu'il ne soit esloigné de dix ou douze lieues toutesfois hors l'evesché de Léon. Et pour le regard des autres gentilshommes cappitaires et soldats qui voudront prendre party soit soubz mondit seigneur le gouverneur et les seigneurs, gentilshommes et chefs de guerre de son obéissance, prometent lesdits seigneurs leur faire recevoir et donner bon et honneste appointement à chacun selon son méritte.

Et là où ceux de la qualité cy dessus ne voudroint prendre party lesdits seigneurs s'obligent les rendre pareillement soubz lesdits lieux en tel lieu de seureté qui voudront choisir pourveu aussi que ne soit a dedans dudit evesché de Léon.

Lesdits seigneurs de Couatinizan et de Kerandraon randront leur responce dedans ce jour avant la nuit sans autre delay. Faict au siège de Kerouzéré le 9me jour de Novembre 1590, soubz les signes des seigneurs du Fauet. de Rosampoul et de Couatedres pour tous les autres seigneurs des trois éveschés : Leon, Treiguer et Cornouaille.
Pierre DE QUOITTREDREZ. Françoys DE CARNÉ.

Lesdits articles, présentés audit sieur de Kerandraon pour y faire respondre dans le soir dudit jour, 9me de novembre, a demandé temps pour ce faire jusques au landemain. huict heures du matin.

Et advenant ledit jour et heure dixme dudit présent mois de novembre 1590 ledit sieur de Kerandraon demanda encore temps d'une heure.

Sur le midy dudit jour lesdits de Kerandraon, de Gouasbriand et de députés de rechef par ledit sieur de Couatinizan pour conferer avecques lesdits seigneurs du Fauet, de Couatedrez, de Rosampoul, Dezilles, pour le faict de la capitulation, se trouvèrent ensemble sur la chaussée dudit chateau de Kerouzéré et le sieur de la Motte, gentilhomme ordinaire de la maison de mondit seigneur le gouverneur et son agent en ce pais pour les affaires de la sainte union ou lesdits de Gouazbriand et de Kerandraon baillèrent quelque responce par escrit non signée et sur ce qu'ils représantèrent verballement fut advisé d'une part et d'autre que l'on parleroit au sieur de Couatinizan qui pour cest effect sortit hors ledict château davant l'entrée et portal d’ïcelluy entre les tranchées et contrescarpes.

Et sur une heure appris le midy dudit jour furent les points de la capitulation accordés entre ledit sieur de Couatinizan et lesdits seigneurs cy dessus en présent dudit sieur de la Motte en la forme qui sensuilt :

Que le sieur de Couatinizan remet son chateau de Kerouzéré en l'obéissance de mondit seigneur le duc de Mercoeur gouverneur et protecteur des cattolicques en ce pais et duché de Bretaigne et que mondit seigneur du Fauet y mettra ung gentilhomme agreable audit sieur de Couatinisan pour le conserver soubz l'auctorité de mondit seigneur sans avoir garnison.

Que le landemain XIme dudit mois les soldartz dudit sieur de Couatinizan sortiront dudit chateau et tous les prisonniers qui y sont mis en liberté sans auculne rançon comme les sieurs de Pleven, Caodou et autres.

Que le 14me jour dudit présent mois ensuivant ledit sieur de Coatinizan et les gentilhommes qui y sont avecques luy sortiront dudit chateau.

Et pour assurance de la foy dudict sieur de Couatinizan ledit sieur a baillé en hostaige et es mains dudict sieur du Fauet lesdits sieurs de Kerandraon et de Goazbriand promectant aussi de sa part signer le mesure jour les points et articles cy dessus, comme aussi feront lesdits seigneurs du Fauet, de Rosampoul, de Couatedrez et des Isles pour tous les seigneurs et gentilshommes de Léon, Treiguer et Cornouaille.
Et ont promis lesdits seigneurs faire retirer le canon de devant le chasteau dans ce jour. Faict audit siège de Kerouzéré sous les signes desdits seigneurs le Xme de novembre 1590.
Pierre DE QUOITTREDREZ, François DE CARNÉ, Sieur de Rosampoul,
Jacques LE CARME, Sieur des Islles.

Le récit écrit quelques années plus tard par François de Goasbriand, récit publié par M. Le Men, confirme l'authenticité de cette pièce qui le complète toutefois, en relatant exactement les faits que M. de Goazbriand se borne à résumer en dix lignes.

La seconde pièce que nous publions est cette note non signée, présentée de la part de M. de Coatnizan aux chefs ligueurs en réponse à leur sommation, note dont il est question dans l'acte ci-dessus. C'est un morceau assez curieux et que aurait pu être signé par un Révérend Père Jacobin ou Cordelier, plutôt que par un chef de guerre discutant la capitulation de sa forteresse. M. de Coatnizan, devant un assaut imminent qu'il n'était pas à même de repousser, cherchait peut être à se donner du coeur et à mettre sa conscience à couvert en faisant un sermon à ses adversaires.

Cette pièce n'est pas signée, mais nous avons vu dans l'acte précédent qu'elle ne l’était pas. Ce n'est donc pas une raison pour que le document que nous avons en main ne soit pas la minute originale.

Responce du sieur de Couatinisan aux articles qui luy furent baillés.

Pour respondre à certaines coppies d'articles concernantz les sommations faictes par les seigneurs du Faoet, Coatedrez et Rosanpoul au seigneur de Coatinisan et autres gentilzhommes, capitaines, gens de guerre qui l'assistent à presant dans son chasteau de Kerouzéré de se rendre eux et ladicte place en l'obéissance de Monseigneur le duc de Mercure et de Pentièvre duquel lesdicts seigneurs du Fauoet, Coatedrez et Rosampoul se disent estre commandés au presant siège dudict chasteau ladite coppie refferant à l'original estre signée desdits seigneurs de Faoet, de Coatedrez et Rosampoul pour les seigneurs et gentilshommes des trois éveschés de Léon, Treguer et Cornouaille estans audict siège.

Ledict seigneur de Coatenisan et les gentilshommes qui l'assistent à présant dans ladicte place prient en premier lesdicts seigneurs du Faoet, Coatedrez et Rosampoul et le sieur des Isles et tous ceux qui sont avecques eux de se remettre et réunir en l'obéissance qu'ils doibvent à la Magesté du Roy notre sire Henry de Bourbon, quatriesme, légitime successeur de la coronne de France, de la Majesté duquel ils seront receuz humainement estant de tous les princes de l'Europpe le plus doux le plus benign, le plus magnanime et le plus valeureux. Et les prient de ne bailler à l'advenir auchune faveur, secours ny aide à aulcune personne qui vouldroict attanter contre sadicte Majesté quelque beau manteaul et prétexte de religion pourroinct avoir emprunté nestant loysible a aulcun bon chrétien de désobéir à son prince tant s'en fault qu'il doibve bailler aucun ayde ny faveur à gentz qui le vouldroinct déchasser et déprincer pour aultant que les chrétiens et catollicques ont la loy qui dict que qui résiste à la puissance et précipaulté il résiste à l'ordonnance de Dieu : ils ont semblablement les commandemens et l'exemple de Jésus-Christ qui commande de rendre à César ce qui appartient à César comme luy et ses apostres l'ont praticqué obéissans à ceux qui commandoient pour les Romains de leurs temps lesquels ils scavoient estre tirans, plusieurs chrétiens guerroient soubz Julien l'Apostat et lui obéissoinct, encores qu'ils sceusent qu'ils fussent tirans, David ne voulut offenser Saül pour estre l'oing de Dieu : Pourquoy doncques n'obéira le bon catholicque et chrestien à sadicte Majesté très richement décorée de toutes les vertus et perfections que l'on pourroict souhaicter en ung tres maganirne prince. Il n'est auchunement de besoing en la France comme il faillait aultreffois en la Bépublicque romaine de tribun du peuple pour ne pouvoir observer ces loys et ordonnances de sadicte Majesté, aulchune injustice ny corruption en l'estat : sadicte Majesté ne commande chose contraire à la loy de Dieu ny à son église pour la maintention et conservation de laquelle ledict seigneur de Coatenisan et tous ceux qui sont à présant avecques luy dans sondict chasteau protestent et jurent d'emploier leurs vies, biens et moyens et mesmes de conserver le païs en paix et soulager le pauvre commun peuple le mieux qu'ils pourront. Et prient de recheif, lesdicts sieurs du Faoet, Coatedrez, Rosampoul et des Isles et tous ceux qui sont avecques eux audit siège de se remémorer comme Dieu a puny les rebellions faictes par ces vassaulx à leurs supérieurs encore que leurs supérieurs eussent esté méchants comme Corre, Datam, Abiram, Absalon, et nombre d'autres qu'ils peuvent voir es histoires, lesquels ont esté punis des céditions et rebellions contre leurs princes et seigneurs à plus forte raison seroient punies les rebellions que lon feroit à si ungne digne Majesté qu'est celle du nostre dict Boy en l'obéissance duquel estons tous bons chatholicques réunis et estant tous retournés chacun à son ordre et estat en telle splendeur qu'il avoit pleu à Dieu l'establir et permettant à sadicte Majesté, tuy obéissant, traicter ses subjetcs comme il appartient et qu'il le sait trop mieux, et cessant de métamorphoser ou transmuer le soc et coustre en coutelats et mousquet et autre instrument bellique, ains faisant transformer le coutelas, lance et mousquet en soc coustre et aultre insturmant rustique, sera la loy de Dieu mieux conservée et maintenue le païs plus paisible et le commun peuple plus soullagé que ne scauroit estre ; pour l'entrée et ouverture proposée : Sy pour exécuter ung si sainct effect pour le second desdicts articles.

Respondant auquel ledit seigneur de Coatinisan dict qu'il ne peult croire que ladite coppie desdits articles n'a esté vitiée par le copiste d'icelle en l'endroict dudict second article et aultre subséquent ou qu'il n’ont esté mis et insérés par la meschante solicitation de quelque sien malveillant et ennemy. Car il s'asure que mondict seigneur le duc de Merceur ny auchuns desdicts seigneurs du Faoet, Coatedrez et Rosampoul, lesquels se disent ses parens et amis, ne voudroinct le prier de quicter sadicte maison de laquelle ils souhaitent plus la réparation et conservation que la ruyne n'ayant iceluy seigneur de Coatenisan baillé à son sceu occasion à personne de luy souhaiter aultrement, estant tant s'en fault bien serviteur à mondict seigneur de Merceur hors ce party ainsi qu'il a faict paroistre auparavant ses jours, et n'ayant jamais eu auchune volunté de se servir dicelle maison ny aulchune aultre pour troubler le repos du païs.

Et pour le regard des troisiesme, quatriesme et dernier article ledict seigneur de Coatenisan et les gentilzhommes capitaines et gens de guerre qui sont a presant avecques luy dans sondict chasteau disent qu'ils n'ont délibéré pour le présant d'aller trouver mondict seigneur le duc de Merceur et moings tenir son party de l'unyon hors mis lequel ils luy sont serviteurs.

Que sy lesdicts seigneurs qui sont audict siège s'advisent de quelque plus expédiant moien pour paciffier et assoupir les affaires qui se présantent aujourd'huy, il leur plaira d'en faire les propositions à Messieurs de Gouazbriant et de Kerandraon, lesquels ledict seigneur de Couatinisan a supplié en prendre les résolutions et advis et qui les acertaineront aussy de l'advis et oppinion dudit seigneur de Couatenisan.

Les deux actes qui précèdent sont relatifs non à la capitulation définitive, mais à celle qui ne put aboutir, par suite du meurtre de Kerandraon. Le chanoine Moreau, et M. Le Men, dans sa publication du Mémoire de M. de Goazbriand, ont retracé cette scène de sauvagerie.

Les pièces que nous allons donner maintenant ne sont que des copies : deux lettres du duc de Mercœur, une note de M. de Coatnizan pour communiquer au duc de Mercœur, une lettre de M. du Faouet.

N° 1. — Lettre du duc de Mercœur à Monsieur de la Motte.

Monsieur de la Motte. J'ay receu l'advis que m'avez donné par ce porteur et encore que je ne pense pas qu'il soit vray néanlmoins j'ay incontinant donné ordre d'y pourvoir et ne fault point qu'on se craigne de ce costé decza comme je vous ny dernierement amplement escript et que s'il estoict possible l'on n'eust faict aulcune capitulation desadvantageuse pour nous et que pour le moigns les gentilzhommes m'eussent estés représantés prisonniers pour les raisons que je vous ai mandé et espérant que sera à ceste heure faict ou failly je ne vous en dirai autre chose vous assurant que je suis toujours votre bien bon et plus affectioné amy Philippes Emmanuel de Loraine et au pied de ladite lettre est escript de la main de mondict seigneur ces mots : « Surtout je désire que Couatinisan me soit amené, car estant personne de quallitté comme il est, sa retention est nécessaire pour le public, mesmes pour la seurté, du bas pais ».

Et en la superscription : A Monsieur de la Motte, gentilhomme ordinaire de ma maison.

N° 2. — Lettre du duc de Mercoeur à Monsieur de la Motte.

Monsieur de la Motte, lorsque jay reçeu votre advis par ce porteur, j'estois bien en peine de savoir la véritté de ce qui c'estoit passé au siège de Kerouzéré, mais puisqu'il a pleu à Dieu que le secours des ennemis n'ait empesché que la place soict randue suivant la capitulation que m'avez envoiée, je désire pourvoir au repos de ce quartier la et, a ceste fin, qu'on retienne le sieur de Couatinisan et autres gentilshommes, qui ont esté prins audit Kerouzere, lesquels ont toujours voullu destourner et reduire au party des hereticques le païs bas. C'est pourquoy j'escry au sieur du Fauet et autres gentilzhommes qui ont tenu le siège devant ledit chateau que l'on garde surement ledit sieur de Couatinisan et autres qu'on a mené à Morlaix jusques à ce que j'ay resollu ce que je verray estre besoing de faire sur ladite cappitullation dont l'on a remis l'exécution à ma vollonté comme l'on a deub et y pouvoyré au contantement d'un chacun dans peu de jours et envoyré partye de ma cavallery pour faire quelque autre bon effect sur le secours qui estoit allé pour ledit Kerouzéré, s'il panse rien entreprandre es places que me servés et n'eusse tant attendu sinon que j'ay envoyé madite cavallerie quérir le canon qui estoit à Josselin et ny aura long retardement en attendant tenés main à ce que lesdits gentilzhommes prisonniers soient gardés surement audit Morlaix et vous assurés que je suis, Votre bien affectioné ami, Philippes Emanuel DE LORAINE.
Au camp, devant Henbond, ce XVIIIème novembre 1590.

Ce qui s'ensuilt est escrit de la main de mondit seigneur.

Vous serés bientost secourus et en telle sorte que les enemis seront battus ou contraints se retirer, cepandant mon intention est que le sieur de Couatinisan, avec les gentilzhommes qui l'assistent, soient retenus jusques à ce que j'ay advisé plus amplement à ceste affaire. Je veux aussi que la plasse de Kerouzéré soit razée, et à ceste fin vous envoye une commission en blanc que remplirés au nom de quelqu'un qu'aviserés.

Et en la saperscription : A Monsieur de la Motte, gentilhomme ordinaire de notre maison.

N° 3. — Lettre de Monseigneur adressée à Messieurs de la noblesse, cappitaines et autres, qui tenoint le siège devant Kerouzéré.

Messieurs, j'ay veu la capitullation qu'aveis faicte avec le sieur de Couatinisan et autres qui estoient dans le chateau de Kerouzéré par laquelle vous avés remis le tout en ma vollonté dont je suis bien aise et vous mercie, et parceque j'ay entendu qu'il estoit allé quelque secours ausdits assiégés et que néanmointz ils ont esté randus en la ville de Morlaix, je vous prye que ledict sieur de Couatinizan et autres gentilzhommes y soient retenus et surement gardés jusques à ce que je vous aye dans peu de jours mandé plus amplement mon intention que ne sera jamais que votre contantement et de tous les bons catolicques qui désirent le repos du païs comme moy, vous assurant que ne mancquerés de secours. En attendant je prye Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte garde. Du camp, devant Henbond, ce dix-huictiesme de novembre mil cinq centz quatre vingt dix. Et plus bas : votre bien bon affectioné amy Philippes Emanuel de Loraine, et en marge est escrict ces mots : « Parce que comme vous savés ledit chateau de Kerouzéré est de grande importance, j'envoye une commission par delà pour en faire desmollir les forteresses, à quoy je vous prye y tenir main ».

Et en la superscription : A Messieurs les gentilshommes cappitaines et autres, qui estoient au siège de Kerouzéré, estans à présent à Morlaix.
Par coppye, DE KERMERCHOU.

No 4. — Mémoire de la Créance que Monsieur de Couatinisan a donnée pour luy et les gentilzhommes qui l'ont assisté à Kerouzéré et qui sont a présant avec luy à Morlaix au sieur de Kerscau Quintin pour aller devers Monseigneur le duc de Mercoeur.

Premier supplier Son Altesse de l'excuser de la prince des arme par luy et lesdits gentilzhommes ses amis faicte puis ces derniers troubles attendu qu'à ce faire il a esté induit et suadé par le respect et révérante qu'il debvoit à Monsieur de Chateauneuf, son père [Note : Pierre de Boiséon avait épousé Jeanne de Rieux, fille de Guy de Rieux, sire de Châteauneuf, vicomte de Donges, chevalier de l'Ordre, capitaine de cinquante lances, gouverneur et lieutenant pour Sa Majesté en la ville et château de Brest. François Grignard de Champsavoy s'était attaché à la personne de M. de Châteauneuf, qui tenait pour le parti du roi] et ses plus proches alliés et avoir esgard qu'il a esté auparavant serviteur à Son Altesse.

Que ledit sieur de Couatinisan et lesdits gentilzhommes offrent dés à présent poser les armes et moiennant avoir délay de trois mois avec passeport et seurté de mondit seigneur pour demeurer en leurs maisons et retirer les biens et commodités qu'ils ont tant à Rennes, Brest, qu'ailleurs prandre et embrasser le sainct party et service de mondict seigneur, lequel considérera s'il luy plaît les grades que ledit sieur de Couatinisan a heues de Monsieur le prince de Dombes, laiant honnoré de sa cornette et aussi de ses pertes et celles desdits gentilzhommes qui tous sont gentz de méritte.

Pour assurance de quoy Iedict sieur de Couatinisan et lesdits gentilzhommes ont signé le présant acte et icelluy délivré entre les mains de l'Archidiacre de Plouegastel à Morlaix.

Et s'il plait à mondit seigneur avoir agréable ce que dessus restera retirer ledit passeport et ung commandement de mettre ledit sieur de Couatinisan et ses gentilzhommes en liberté et leur randre leurs armes et chevaulx ce que leur est aussi promis par la cappitulation faicte avec le sieur du Fauet sur la reddition du chateau de Kerouzéré.

Sur le repli on lit : Copie de novembre 1390. - Mémoire de la Créance baillée par le sieur de Couatnisan au sieur Kerscau Quintin.

N° 5. — Lettre de Monsieur de Rosampoul à Monsieur du Faouet.

Monsieur mon neveu, j’ay communicqué vos lettres à Messieurs de Couatedres, de Carné, mon neveu Dezilles, de la Motte, Fleury de Gotro et au sieur de la Motte qui est en ce païs pour les affaires de Monseigneur, après avoir aussi veu les lettres de M. de Couatinizan à vous et à Monsieur de Gouazbriand, nous sommes résollus que les articles de la capitulation accordée soit de point en point entretenu, ne pouvantz mieux faire pour le saint party, service à son altesse, que pour le bien et repos du païs, lui remetant la place et ceux de dedans en son obéissance, à laquelle avons envoié aultant de ladite capitulation qu'avons signée comme a faict ledit sieur de Gouazbriant, nous la vous envoions, à ce que vous et Monsieur de Couatinizan la signent aussi, s'il vous plaist, pour la garder et entretenir. Nous ne pouvons trouver bon d'aucuns que l'on cognoit assés estre de tout temps peu zellés au satín party et service de mon seigneur d'avoir esmeu le peuple contre nous [Note : M. de Rosampoul fait peut-être allusion ici aux violences populaires dont furent victimes quelques chefs ligueurs lors du meurtre de Kerandraon ; c'est peut-être aussi du même objet qu'il est question à la fin de la lettre] au hasard de nos vies, perte de nos gens et de nos équipages, et pour n'estre de l'évesché mais très bons serviteurs de sadite altesse et fort zellateurs de la sainte union des catollicques, c'est notre résollution et advis à laquelle nous assentons que vous demeurés pour nous avoir appelés à votre aide et secours au siège qu'avés entreprins que Monseigneur a trouvé bon apprès luy avoir représenté l'importance d'iceluy comme voisrés par la lettre qu'il nous en a escripte, vous suppliant dilligenter à ce que tous ensemble si voullez estre de la partie nous l'allions trouver avecques le plus grand nombre de nos amis que se pourra, et luy mener les assiégés suivant ladite capitulation. Monsieur des Iles vous envoit encore quelques lettres de Monseigneur qu’il avoit charge bailler aux gentilzhommes de vostre evesché, il vous supplie les leur faire délivrer, et nous manderés s'il vous plaît si ferez ce voiaige et dans quel temps vous pouvez estre pret pour vous attendre, aiantz trouvé pour le plus expédiant partir de aujourd'huy en huict jours à ce que ung chacun aye temps de ce préparer, son altesse est avecques son armée davant Hennebond et presse sa noblesse, nous vous prions aussi nous faire rendre ce que les paisants ont à nous, le temps en fera la raison.

Sur le repli on lit : Du ....novembre [Note : La date, surchargée et raturée plusieurs fois, est incertaine]. — Lettre de Monsieur de Rosempol à Monsieur du Faouet.

Nous ne reproduisons pas ici les termes de la capitulation publiée par les Bénédictins. On sait comment elle fut respectée par le duc de Mercœur, et la condamnation qu'il eut à subir plus tard, pour avoir manqué à la parole donnée.

Je ne me suis pas proposé de raconter à nouveau l'histoire du siège de Kerouzéré, mais seulement de faire connaître quelques documents inédits, qui complètent les données qu'on possédait jusqu'ici sur cet épisode des guerres de la Ligue. Je me bornerai donc à faire remarquer que ces pièces confirment l'attitude attribuée au duc de Mercœur dans cette affaire : il a rançonné et emprisonné Coatnisan au mépris des termes de la capitulation ; toutefois, d'après ces lettres, il semble dire que cette capitulation était remise à sa discrétion, et le chanoine Moreau l'affirme aussi. Les pièces que je publie établissent à mon avis la vérité sur ce point, les gentilshommes ligueurs demandent à M. de Coatnisan de se fier à la générosité du duc de Mercœur pour rentrer dans ses charges et honneurs, au cas où il voudrait prendre parti pour la Ligue ; dans le cas contraire, les conditions stipulées par la capitulation étaient formelles et ne pouvaient être violées à son détriment sans mauvaise foi.

Les lettres du duc, de Mercœur, datées de Hennebond, sont du 18 novembre, la signature de la capitulation est du 19 du même mois, elle ne fait que régulariser une situation bien déterminée et des conventions formellement arrêtées, car, à ce jour, M. de Coatnisan est prisonnier à Morlaix et fait ses offres de service à Mercœur. Il est donc impossible que les chefs ligueurs qui l'ont signée aient écrit à ce dernier dans le sens qu'il dit, ils se seraient contredits eux-mêmes. Mercœur nous semble donc jouer sur les mots, en disant que la capitulation a été remise à sa volonté. Toutefois, il est peut-être juste d'ajouter que, d'après la lettre de M. du Faouet, quelques chefs semblaient assez disposés à la violer, et que leurs conseils auront facilité cet acte de déloyauté de la part de Mercœur, qui ne s'en fût peut-être pas rendu coupable si les gentilshommes ligueurs eussent été unanimes à assurer l'exécution de la capitulation.

(Alain RAISON DU CLEUZIOU).

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