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LE CLERGE DE SEVIGNAC ET ROUILLAC, SA TREVE

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CLERGÉ.PIERRE LE FORESTIER, recteur, était né à la Ville-Besnou en Saint-Pern près de Plouasne, le 26 juin 1740 du mariage de Raoul et d'Anne Bazouges. Il fit ses études au collège de Dinan où on le note durant son séminaire comme « ayant une voix passable, mais faible, et méritant d'assez bonnes notes à ses examens ». M. Le Forestier obtint un dimissoire pour la prêtrise le 22 janvier 1767. Après avoir été vicaire à Médréac de 1772 à 1774 cet ecclésiastique obtint le 6 juin 1788 le visa pour le rectorat de Sévignac, vacant par la démission pure et simple de Gilles Chevillon, lequel administrait cette paroisse depuis la mort de son prédécesseur Pierre Guitton advenue le 25 septembre 1749.

Dans les premiers jours de janvier 1791, M. Le Forestier refusa ainsi que ses vicaires de donner lecture en chaire des nouveaux décrets dont les innovations sacrilèges prétendaient bouleverser l'organisation séculaire de l'Eglise de France. Le 19 de ce même mois, le Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) décida sur le refus du recteur de Sévignac, qu'on paierait à sa place un lecteur « patriote » dont le salaire serait retenu sur son traitement. (Cf. A. Mathiez : La Révolution et l'Eglise, in-12, Paris, 1910, p. 49 et Dubreuil : La Vente des biens nationaux dans les C.-du-N., op. cit. , p. 79).

Un prêtre aussi ferme dans l'orthodoxie, refusa naturellement ainsi que ses deux vicaires de prêter serment à la Constitution Civile, le 24 février de cette année, puis il signa avec eux l'Exposition des Principes du clergé, que nous avons déjà plusieurs fois mentionnée. (Archives C.-du-N., Lm 5, 9).

Le 12 juin 1791, M. Le Forestier refusa encore de lire, « comme contraire à sa conscience », la première lettre pastorale de Jacob [Note : Il refusa églement de le reconnaître comme évêque] et comme on lui avait notifié son décret de destitution, il s'apprêtait à déménager de son presbytère pour s'en aller résider au village de Kergonan, quand sur les instances de la municipalité, il consentit cependant le 16 juin à assurer encore la grand'messe le dimanche suivant, à condition que les municipaux le fissent jusqu'à ce jour garder en son presbytère ainsi que ses vicaires, preuve évidente qu'ils devaient tous les trois se trouver en butte aux maltraitements du petit clan des « patriotes », d'autant plus hardi que ses adversaires n'opposaient aucune véritable résistance. (Archives C.-du-N., Lm 5, 15).

Le 20 juin 1791, les électeurs du district de Broons élurent pour remplacer l'abbé Le Forestier dans la cure de Sévignac un bas-breton nommé YVES-MARIE LE ROUX, qu'ils s'en allèrent quérir jusqu'à Lanloup, la pénurie des prêtres assermentés obligeant de les recruter là où on les trouvait. Celui-ci accepta son élection, qu'il avait peut-être sollicitée et reçut son institution canonique le 10 juillet. Il se fit solennellement installer le 31 de ce même mois.

Malheureusement pour les révolutionnaires, Yves Le Roux abandonna clandestinement son poste le 28 août de cette même année, sans attendre son successeur, donnant pour prétexte « son ignorance de la langue française qui l'empêchait de se faire entendre des fidèles confiés à ses soins », et emportant 338 l. 17 s. qu'il avait reçues à l'avance sur son trimestre.

Un ex-récollet du couvent de Tours, VINCENT LEROUX, originaire de Caulnes, vint au mois de septembre remplacer le fugitif en qualité de vicaire provisoire et le 25 de ce mois, le maire Petitbon et vingt-cinq autres « patriotes » de Sévignac demandaient que le sieur Leroux « dont ils connaissaient les excellentes qualités, soit désigné comme curé définitif de leur paroisse ». Nous ignorons pourquoi leur vœu ne fut pas rempli Quoi qu'il en soit, Leroux après être demeuré à Sévignac jusqu'en mars 1792, à titre provisoire, quitta cette localité pour la cure de Dolo à laquelle il avait été nommé le 4 dudit mois.

Son successeur fut RENÉ CHAUVIÈRE, auquel nous consacrerons plus loin un article spécial et dont pour l'instant nous nous bornerons à noter son installation à Sévignac, laquelle eut lieu le 8 avril 1792.

Que devenait durant ce temps le véritable recteur de Sévignac. Obéit-il aux décrets du Directoire des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor) du 18 juin 1791 qui lui prescrivait ainsi qu'à ses vicaires de s'éloigner de ses paroissiens ; jugea-t-il pour lui la situation intenable ou demeura-t-il caché dans quelque hameau isolé de sa vaste paroisse ? — Nous avouons n'avoir trouvé aucun indice nous permettant de répondre à ces questions. Tout ce que nous pouvons assurer au sujet de M. Le Forestier, c'est qu'il ne figure, à notre connaissance, ni sur les listes de prêtres auxquels on accorda des passeports pour se déporter; ni parmi les ecclésiastiques qui séjournèrent à Jersey ou en Angleterre. Nous pouvons donc croire que ce vaillant pasteur vécut toute la Révolution caché en Bretagne, soit à Saint-Pern, son pays natal, soit à Plouasne, où il fit un baptême le 15 novembre 1794, soit à Sévignac, ne demeurant jamais longtemps dans le même lieu pour dépister les recherches.

Un rapport de police de Gabriel Huet, en date du 26 novembre 1797, signale cet ecclésiastique comme résidant à Sévignac et l'indique comme « fort dangereux ». (Archives C.-du-N., Lm 5, 113). Du reste, le commissaire du Directoire Exécutif près le canton de Broons, écrivait le 14 février 1798, qu'à la suite d'une perquisition opérée à Sévignac, « l'administration municipale trouva à la Villeblanc, une chasuble et des linges d'église avec une boëte de pain à dire la messe. C'est un nommé Le Colinet, cultivateur et fermier de ce local, ci-devant seigneurial, qui a protégé de tout temps et protège encore et les ex-nobles et les prêtres réfractaires. C'estoit chez lui, où avant le 18 fructidor (4 septembre 1797), le nommé Forestier, ex-recteur de Sévignac, exerçoit publiquement dans sa grange. » (Lm 5, 115).

Boullé dans son enquête indique M. Le Forestier comme « pouvant être laissé à Sévignac, où il réside depuis quatorze ans », ce qui démontre assez que ce prêtre n'était pas aussi dangereux que les révolutionnaires le prétendaient en 1797. Réintégré officiellement dans ses fonctions rectorales le 16 janvier 1804, l'abbé Le Forestier mourut à Sévignac le 5 septembre suivant. M. PIERRE-RENÉ PICQUET, précédemment vicaire à Yvignac et dont on trouvera la biographie à l'article de cette paroisse, fut désigné le 13 septembre de cette même année pour lui succéder.

Lors de la Révolution, M. MATHURIN REGNARD, né croyons-nous, à Concoret le 15 juillet 1752 et ordonné prêtre à la Trinité 1780, était vicaire à Sévignac. Nous avons vu qu'il adopta la même conduite que son recteur. Nous le trouvons détenu à la prison Broons le 26 juillet 1791, sous l'inculpation « d'avoir voulu forcer un particulier nommé Jean David, son paroissien qui était malade, à se rétracter du serment civique, par lui prêté, avant de l'entendre en confession, et d'avoir tenu, tant en chaire qu'en particulier, plusieurs propos contre la nouvelle constitution ».

Nous avons copié dans le fonds du Tribunal du district de Broons conservé aux Archives des C.-du-N., le texte de l'interrogatoire qu'on lui fit subir à ce sujet le 28 juillet 1791 devant Mathurin Thébault, juge au dit tribunal. Nous allons le reproduire malgré sa longueur, rien ne pouvant mettre davantage en pleine lumière le caractère absolument religieux de la persécution que l'on faisait subir aux prêtres catholiques :

« Interrogé de son nom, surnom, qualité, profession et demeure avait son emprisonnement ? — Répond avoir nom Mathurin Regnard, âgé de 39 ans, prêtre, vicaire de la paroisse de Sévignac, demeurant au presbytère de la même paroisse avant son emprisonnement, ci-devant évêché de Saint-Malo et actuellement de Saint-Brieuc, département des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor) ou autrement du premier, jusqu'à ce que l'Eglise ait parlé.

Interrogé s'il dépend de l'Eglise de circonscrire les limites des diocèses ? — Répond qu'il dépend du prince de poser ces limites et de donner aux sujets indiqués les fruits du temporel, mais non la juridiction spirituelle.

Interrogé depuis quand il est dans la prison, par qui et à la requête de qui il y a été mis ? — Répond qu'il fut constitué prisonnier dans la prison de ce tribunal mardi dernier 26 de ce mois environ les 5 heures après-midi, par les sieurs Duhoux, Gallet et Guilmoto, huissiers, qui furent le prendre en une chambre, où pend pour enseigne l'image Notre-Dame, dans laquelle il avait été conduit et enfermé par le dit sr Duhoux, dimanche dernier 24 de ce mois, environ les 5 heures du soir et par les sieurs Rouvrais, Jacques David et Augustin Goudelin, habitants de la dite paroisse de Sévignac et ignorer à requête de qui il y a été mis...

Interrogé si avant de confesser le dit Jean David, il ne lui demanda pas publiquement s'il avait fait le serment civique, et si le dit Jean David ayant répondu qu'oui, lui interrogé ne lui déclara pas « qu'il ne se souciait et ne pouvait pas le confesser s'il ne se rétractait ? » — Répond avoir véritablement demandé au dit Jean David, s'il avait fait le serment : que le dit David ayant répondu qu'il l'avait fait, lui interrogé, lui répondit qu'il ne pouvait en conscience le confesser parce qu'il ne le trouvait point en danger à moins qu'il ne rétracta ce serment, vu que l'Eglise s'y opposait et que dans le cas où il ne se rétracterait pas, il ne l'aurait pas confessé, qu'il pouvait pour cela s'adresser à M. Huguet, prêtre de la paroisse, son confesseur ordinaire.

Interrogé si le samedi 23 il porta le bon Dieu au dit Jean David ? Répond qu'il porta le bon Dieu au dit David.

Interrogé s'il ne lui répéta pas avant de lui administrer le Saint Sacrement qu'il fallait se rétracter de son serment, que la religion s'en allait à grands pas, qu'on voulait en établir une mauvaise, qu'on ne croyait pas dans le pape et que lui interrogé ne signerait point, dut-on lui faire ce qu'on voudrait, même le mettre en prison ? — Répond que lorsqu'il alla porter le bon Dieu à Jean David, il n'exigea point de lui qu'il se rétracta de son serment. Qu'après l'avoir confessé et s'être rendu à la table sur laquelle il avait posé le saint Viatique, il dit hautement : « Faisons notre profession de foi ; admettez-vous que le Pape est le vicaire de J.-C. sur terre, le Chef visible de l'Eglise, le Prince des Apôtres et le Père commun de tous les fidèles. En un mot, admettez-vous. tout ce que l'Eglise admet et rejettez-vous ce qu'elle rejette ? ». Ensuite il récita les actes de Foi, d'Espérance et de Charité en appuyant beaucoup sur les termes de l'acte de Foi : « Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités contenues dans le Symbole des Apôtres et généralement toutes celles que l'Eglise catholique, apostolique et romaine nous ordonne de croire », qu'il se rappelle avoir dit, soit chez le dit David ou chez Pierre Hecquand où il fut appelé le même jour 23 de ce mois pour administrer Angélique Hesry, sa femme, à l'occasion des termes de l'acte de Foi : « Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités contenues dans le symbole des Apôtres et généralement toutes celles que l'Eglise catholique, apostolique et romaine m'ordonne de croire », que c'était cela qui l'empêchait de faire le serment.

Interrogé si avant de communier la dite Angélique Hesry, il ne dit pas publiquement qu'on deshonnorait le Bon Dieu en deshonnorant ses ministres, qu'on ne croyait plus dans la religion catholique, apostolique et romaine dans le Pape et dans l'Evêque ? — Répond se rappeler qu'à l'occasion de ce passage du Concile des Trente : « Celui qui vous écoute m'écoute, celui qui vous méprise me méprise », il dit qu'on deshonnorait le bon Dieu en deshonnorant ses ministres, que plusieurs ne croyaient plus dans la religion catholique, apostolique et romaine, ni dans le Pape, mais n'avoir aucunement parlé de l'Evêque.

Interrogé s'il dit chez la dite Hesry que le sacrement d'Eucharistie ne serait plus le même qu'il avait coutume d'être, puisqu'on ne veut plus reconnaître l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine ? — Répond n'avoir jamais tenu ces propos, par ce qu'il ne dépend pas de l'homme de changer l'essence de ce sacrement.

Interrogé s'il ne dit pas chez la dite Hesry que le serment qu'on exige des ecclésiastiques est contraire à la Religion, tend à l'abolir et qu'il ne le prêterait jamais ? — Répond avoir bien pu tenir ces propos chez la dite Hesry.

Interrogé si lorsqu'il tint tous ces propos chez la dite Hesry il ne dit par que ce n'était point à la malade particulièrement qu'il parlait, mais généralement à tous les assistants ? — Répond avouer l'interrogatoire.

Interrogé si en faisant le catéchisme de la paroisse et lorsqu'il y a monté en chaire pour prêcher, il n'a pas dit que les prêtres qui faisaient le serment n'étaient pas de bons prêtres, qu'on allait tomber dans le schisme par les arrangements qu'on prenait et en adhérant à la Constitution Civile du Clergé. — Répond n'avoir rien dit en faisant le catéchisme, ni en chaire, touchant les prêtres qui ont fait le serment. Avoir seulement dit un dimanche au catéchisme avant vêpres à l'occasion de la lettre pastorale de M. Jacob, qui avait été lue après la grand'messe et qui porte qu'un évêque nouvellement élu à autant de pouvoirs dans son diocèse que le pape en a à Rome, que ce passage était contraire à la réponse du catéchisme qui porte que l'Eglise établie à Rome par saint Pierre est la mère et la maîtresse de toutes les autres églises et n'avoir rien dit contre la Constitution Civile du Clergé.

Interrogé s'il n'a pas dit en chaire que ceux qui iraient à la messe des prêtres assermentés ou à confesse à eux seraient excommuniés et s'il n'a pas tenu les mêmes propos à plusieurs personnes en particulier ? — Répond n'avoir pas tenu pareils propos en chaire, mais avoir bien pu dire à quelques personnes en particulier qui lui demandaient son avis, qu'ils devaient autant qu'ils pourraient, aller à la messe des prêtres non jureurs, pendant qu'il y en avait ; que quand il n'y en aurait plus, ils feraient comme ils voudraient ; que pour lui, il préférerait s'en passer et dire son chapelet ».

Tels sont les interrogatoires, etc., etc. (Cf. Arch. C.-du-N., Lm 5, 17).

Et a signé : Regnard, Thebault, Desbois, commis greffier.

M. Regnard était toujours sous les verrous le 3 août 1791 et demandait des juges. Nous ignorons le texte de l'arrêt qui fut rendu à son sujet, mais il est vraisemblable que s'il fut condamné, l'amnistie du mois de septembre suivant lui rendit sa liberté.

Le 25 novembre 1791, il était encore à Sévignac avec M. Eon son confrère et le Directoire des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor) leur écrivait « de ne marquer aucune opposition à la Constitution Civile et de se montrer très circonspects dans leurs propos ». Il est vraisemblable que M. Regnard dut quitter peu après Sévignac et se retirer à Concoret, son pays natal (Morbihan actuel), où nous le perdons depuis lors complètement de vue.

FRANÇOIS EON, autre vicaire, était né à la Digrais en Romillé le 19 septembre (ou décembre) 1757, du mariage de Pierre et de Marie Pontais. Il reçut la prêtrise le 18 septembre 1784. « Cet ecclésiastique, raconte quelque part l'abbé Fouace, fut envoyé à l'âge de 29 ans, le samedi 20 mai 1786, vicaire à Trémereuc. Le 23 octobre 1788, il fut nommé desservant au Bois-Gervily et quitta Trémereuc. Au bout de quelques mois, il fut changé et envoyé curé à Sévignac avec M. Le Forestier, recteur, son parent. C'était un homme maigre, très brun et de moyenne taille ». Nous venons de voir la ligne de conduite qu'adopta M. Eon à Sévignac. Nous ignorons là date à laquelle il dut quitter cette localité. Le 19 février 1791, les administrateurs du district de Broons, MM. Hamonic, Goudelin, Guyomard et Maurice Picquet, usant des décrets de l'Assemblée Nationale, décidèrent que puisque les abbés Eon et Regnard ont refusé de lire les décrets concernant le serment constitutionnel, ils ne toucheront leurs traitements que lorsqu'ils auraient prêté celui-ci.

La similitude de noms ne nous permet pas de suivre M. Eon à travers la Révolution Française. Tout ce que nous savons, c'est que nommé recteur du Bois-Gervily en 1803, M. Eon y décéda en 1809.

Résidaient à Sévignac et en étaient originaires lors de la Révolution, MM. FRANÇOIS-OLLIVIER HUGUET, né dans cette paroisse le 16 septembre 1719 de François et de Pétronille Clavier. On le note au séminaire comme « s'énonçant difficilement, chantant un peu, d'une intelligence médiocre et toujours très faible à ses examens ». Ordonné prêtre le 22 septembre 1753, cet ecclésiastique vécut depuis lors dans sa paroisse natale.

Bien qu'insermenté, M. Huguet, alors septuagénaire et la vue très affaiblie, ne s'exila pas, pas plus qu'il ne se rendit à la maison de réunion de Saint-Brieuc après le décret du 1er décembre 1792 qui le visait directement. Il continua quand même de demeurer à Sévignac jusqu'à son arrestation, laquelle eut lieu le 18 septembre 1793 au village de la Brousseraie où il confessait (Archives C.-du-N., Lm 5, 49). Entré le 23 septembre suivant à la maison des Filles de la Croix, cet ecclésiastique ne recouvra sa liberté que le 3 avril 1795. Il s'en revint aussitôt se fixer à sa maison de la Brousseraie.

Lors de la loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), l'abbé Huguet fut arrêté à nouveau, faute de s'y être conformé. Mais « ayant souscrit qu'il reconnaissait l'universalité des Français pour le Souverain et promettait obéissance et soumission aux lois de la République », le Directoire des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor) donna ordre de le relâcher ainsi que son confrère Richard le 2 décembre de cette année. Nous avons déjà raconté les faits et gestes de ces deux prêtres lors de la biographie de M. Richard. Arrêtés à nouveau, à la suite de leur rétractation dans la nuit du 4-5 mai 1796, les abbés Huguet et Richard furent comme nous l'avons vu, transférés à Saint-Brieuc, où on les écroua à la maison d'arrêt. Traduits devant le Tribunal Criminel des Côtes-du-Nord, ils se virent condamnés à la réclusion le 21 mai suivant. Interné le même jour dans la maison de l'émigré Picot-Chapdelaine alors affectée à renfermer les prêtres âgés ou infirmes (Archives C.-du-N., Lm 5, 102), l'abbé Huguet n'en sortit que le 14 janvier 1797, à la suite de l'amnistie votée par les Conseils. Cet ecclésiastique affaibli physiquement et mentalement par toutes ces épreuves, mourut à Sévignac, âgé de 80 ans le 22 pluviôse an VII (10 février 1799).

JEAN LE MERCIER, né au village de Québrac en Sévignac le 31 juin 1741 du mariage de Pierre et de Jeanne Huguet, après de médiocres études théologiques, reçut la prêtrise le 18 septembre 1773 et vécut depuis lors dans sa paroisse natale.

N'étant pas obligé primitivement au serment, il est vraisemblable que l'abbé Le Mercier, qui du reste aidait les curés constitutionnels de Sévignac dans leur ministère, prêta le serment de Libertés-Egalité pour ne pas être inquiété. Il fut cependant incarcéré à Lamballe en avril 1794 pour n'avoir pas remis assez tôt ses lettres de prêtrise, mais s'ennuyant en prison, il consentit à écrire le 22 juillet 1794 la lettre suivante : « Le citoyen Le Mercier, pour se conformer à l'arrêté du citoyen Le Carpentier, représentant du peuple, qui demande des sujets au service de la République, en conséquence veut prendre le parti du mariage et demander son élargissement pour le contracter sous le distrique de Brond (sic), comme étant originaire de ce distrique. » (Archives C.-du-N., Lm 5, 65).

Remis aussitôt en liberté, Jean Le Mercier, âgé de 53 ans, cultivateur vivant de son revenu, épousa à Sévignac le 30 juillet de cette même année la citoyenne Louise Lejeune, demeurant à Québrac, fille de Louis et de Mathurine Lefondré et vraisemblablement sa domestique.

La Terreur passée, ce pauvre homme mit encore un certain temps à revenir tout à la fois de son erreur et de sa frayeur. Enfin le 8 avril 1797, Le Mercier se décida à se rétracter. Dans la lettre qu'il écrivit alors, il s'accuse « d'avoir rompu ses engagements sacrés contractés au pied des saints autels et au mépris de deux empêchements dirimants, ceux de l'ordre et du voeu solennel de chasteté, d'avoir prétendu pouvoir contracter mariage et d'avoir observé les formalités prescrites pour en contracter un civilement ». Le Mercier déclare en outre que le « serment qu'il a prêté à la Constitution Civile du Clergé est illicite, contraire à la doctrine, à la discipline et à la hiérarchie de l'Eglise C. A. et R. conformément à la décision du S. S. A. et à la presque totalité des évêques de France ».

Il déclare aussi que « tous les mariages qu'il a bénis sont absolument nuls, et il exhorte toutes les personnes qui ont eu recours à lui pour ce sacrement à faire revalider leur union ».

Enfin, dit-il, « il regarde comme un crime et un scandale public le mariage civil qu'il a contracté avec une fille, auquel, d'un mutuel consentement, elle et lui ont renoncé par transaction » (Archives Nationales, F 7, 7.294).

Quelque peu après fructidor an V (septembre 1797), on le notait dans un rapport de police comme « conformiste, s'est rétracté avec scandale, devenu très dangereux, présumé caché dans le canton » (Archives C.-du-N., Lm 5, 11). Muni de ces renseignements, le Directoire Exécutif condamna l'abbé Le Mercier à la déportation le 12 novembre 1797, mais cet arrêté demeura lettre morte, faute d'avoir saisi l'intéressé. (Archives C.-du-N., L 168, f° 26). L'enquête de Boullé ne fournit sur ce prêtre aucun renseignement. Voir aussi Lm 5, 115.

M. Le Mercier mourut au village de Québrac en Sévignac le 16 avril 1817, âgé de 76 ans.

Le plus illustre des ecclésiastiques auxquels Sévignac avait donné le jour à la fin de l'ancien régime était sans contredit Mgr AUGUSTIN-RENÉ-LOUIS LE MINTIER DE SAINT-ANDRÉ, né dans cette paroisse le 28 décembre 1728 d'Auguste André, seigneur de Saint-André et de dame Yvonne-Jacquemine Le Mintier. Après avoir étudié tout d'abord au collège de Saint-Brieuc, où nous le trouvons en cinquième en 1740, le futur prélat reçut la tonsure à Paris à l'âge de 18 ans. Il fut fait diacre en septembre 1751, puis il fut ordonné prêtre à Saint-Malo le 7 avril 1753. On le note à cette occasion « bon sujet, chante passablement, étudie à Paris ». C'est dans cette ville en effet qu'il obtint le bonnet de docteur en théologie en 1757. Choisi en 1766 par Mgr de Girac, alors évêque de Saint-Brieuc, comme son vicaire général, lorsque ce prélat fut transféré en 1769 au siège de Rennes, il l'emmena avec lui avec les mêmes fonctions. L'abbé Le Mintier y joignait le titre d'archidiacre d'Armagnac, ainsi que celui d'abbé commendataire de Melleray. Il demeura auprès de Mgr Barreau de Girac jusqu'à son élévation au siège épiscopal de Tréguier, pour lequel il fut sacré à Paris le 30 avril 1780.

Mgr Le Mintier dota son diocèse d'un catéchisme en breton et se distingua par sa grande charité. Déjà poursuivi à diverses reprises pour avoir protesté avec énergie et mis en garde ses diocésains contre plusieurs nouveautés qui lui paraissaient dangereuses, tant le 22 octobre 1789 que le 22 novembre 1790, ce prélat fut encore cité le 14 février 1791 à la barre de l'Assemblée Nationale pour avoir déclaré que bien que « déchu de son siège, il ne cesserait pas, étant évêque de Tréguier, d'administrer les sacrements ». Mais au lieu de se rendre à Paris, Mgr Le Mintier jugea plus prudent de mettre la mer entre lui et ses ennemis et s'exila à Jersey dès avant le 28 février de cette année. Il y rendit des services de toute nature au nombreux clergé que la persécution jeta bientôt dans cette île.
La crainte d'une descente des Français dans cette île, ayant déterminé le gouvernement anglais à faire passer à cette époque en Grande Bretagne la plus grande partie des exilés séjournant à Jersey, Mgr Le Mintier se fixa dès lors à Londres où il publia divers écrits sur les matières agitées de ce temps. Il y décéda le 21 avril 1801 d'une attaque de goutte. Ses restes furent exhumés le 3 mai 1868 et rapportés d'Angleterre. Ils reposent maintenant dans la cathédrale de Tréguier.

Cf. sur ce prélat, dont nous ne venons que de tracer une rapide esquisse, la très importante étude que fait paraître M. l'abbé Pommeret dans les Mémoires de la Société d'Emulation des C.-du-N. — Hemon, à la p. 22 de sa brochure sur la Légende de Le Roux-Chef-de-Bois, in-8°, Paris, 1899, fournit une bibliographie abondante de ce prélat, sur lequel on peut consulter : Annuaire des C.-du-N., année 1840, p. 82, article signé de Garaby. — Tresvaux du Frayal : L'église de Bretagne, in-8°, Paris, 1839, p. 383 et sq. — Levot : Biographie bretonne, II. —  Sur le rôle politique de cet évêque au cours de la Révolution, consulter Pommeret : L'Esprit public dans les Côtes-du-Nord pendant la Révolution, in-8°, Saint-Brieuc, 1921, p. VIII, XVI, 51, 76, 77, 79, 81, 120, 122, 129, 131. — L. Dubreuil : Les origines de la chouannerie dans les C.-du-N., in Revue « La Révolution Française », année 1915, p. 137 et sq. et 349. — E. Sageret : Le Morbihan et la Chouannerie morbihannaise sous le Consulat, in-8°, Paris, 1918, t. II, fle I, p. 403, 431, 448 ; II, fle II, p. 21, 24, 41, 73 ; IV, p. 118, 131, 135, 174, 176. — La Revue des Arch. Hist. des C.-du-N., in-8°, 1884, p. 123 donne le texte de l'interrogatoire de Mgr Le Mintier devant le District de Lannion. — Une brochure intitulée Translation des restes de Mgr Le Mintier dans la cathédrale de Tréguier le 8 mai 1868, in-18, de 140 p., a été éditée à Tréguier en 1868. Elle contient le récit de cet événement.

CLERGÉ CONSTITUTIONNEL.RENÉ CHAUVIÈRE, curé, était né à Châteaugiron le 12 juin 1749, de René, notaire et procureur et de Marie Nourry. Il fit profession chez les Dominicains en 1767, reçut la prêtrise à Rennes le 13 juin 1772, occupait en 1790 les fonctions de prieur du petit couvent de Nazareth et déclara à cette époque vouloir sortir du cloître. Après avoir été quelques semaines curé constitutionnel de Saint-Mathieu à Morlaix, Chauvière devint en septembre 1791 curé de Menéac, Ayant été élu à Sévignac le 4 mars 1792, l'ex-dominicain qui devait aimer le changement, accepta et l'évêque Jacob signa le 23 de ce même mois son institution canonique. Il se fit installer le 8 avril suivant.

Chauvière, qui ne s'était pas pressé d'abdiquer son état et fonctions et de déposer ses lettres de prêtrise lors de la première circulaire de Le Carpentier du 4 mars 1794, fut arrêté comme suspect à la suite de nouveaux ordres de ce proconsul en date du 17 avril suivant et incarcéré, à Lamballe.

Le 13 juin 1794, Le Carpentier ayant offert leur liberté à ceux des prêtres prisonniers qui voudraient « former des nœux », garants de leur attachement à l'ordre social, Chauvière se souvint qu'il avait été naguère dominicain et prit sa plume pour répondre en termes grandiloquents aux propositions du tentateur : « La mort si je suis coupable envers la patrie, écrivit-il ! La liberté si j'ai bien mérité de la patrie ! Ce n'est point le mariage, ce n'est point le célibat qui fait l'homme honnête et le vrai républicain. C'est l'amour sincère du bien public et la fidélité à remplir ses serments et ses devoirs... Voilà, citoyens, ma réponse individuelle au dernier arrêté du représentant Le Carpentier. Puisse-t-elle lui être communiquée ». Signé : R. Chauvière, curé de Sévignac.

C'était jusqu'ici fort bien ; malheureusement, le dit Chauvière s'ennuyait en prison, peut-être n'était pas rassuré sur l'avenir. En tout cas, son exaltation passée, il se mit à réfléchir. Du reste, de ses parents ou tout au moins de ses amis l'engageaient à profiter du moyen que lui offrait le conventionnel Le Carpentier pour recouvrer sa liberté. L'homme de loi Regnier écrivait en effet de Châteaugiron, devenu Mont-Giron, le 6 juillet 1794 aux administrateurs du district de Broons : « J'ai commencé une conversion d'un ex-moine ; vous m'aiderez à en faire un père de famille. Il était curé de Sévignac dans votre district. C'est du citoyen René Chauvière, translaté à Lamballe avec ses lettres de prêtrise qui vont devenir nulles, par suite du nouvel état de citoyen qu'il se propose d'acquérir. Je lui envoie pour cet effet le certificat de décès de son père nécessaire pour se marier avec une aimable citoyenne des lieux. Vous aviserez aux moyens d'abréger sa détention, qui ne doit être qu'instantanée d'après la proclamation du citoyen Le Carpentier du 25 prairial. Coopérez donc avec moi à une union qui est le premier vœu du Créateur... ».

Chauvière, qui ne voyait pas qu'un mariage contracté dans les conditions fixées par Le Carpentier, équivalait à un acte formel d'apostasie, prêta l'oreille aux propositions du citoyen Regnier et le 13 juillet 1794, il ne craignit pas d'écrire aux administrateurs de Broons : « J'ai beau attendre et demander cette liberté, je ne la vois pas arriver. S'il n'y a pas d'autre moyen de la recouvrer que de former les engagements dont il est parlé dans le susdit arrêté, comme ces engagements ne sont contraires ni à la loi naturelle, ni à la loi divine, je vous déclare que mon intention est de les contracter. Je vous prie en conséquence de bien vouloir... envoyer votre arrêté pour que je sois élargi... ». Signé : Chauvière.

L'ex-dominicain fut en effet rendu à la liberté, mais il ne se pressa de tenir un engagement extorqué par la contrainte. Le 8 août 1794, les membres du Directoire du District de Broons donnaient sur son compte les renseignements suivants : « Incarcéré en vertu de Le Carpentier pour n'avoir pas remis ses lettres de prêtrise et renoncé à ses fonctions, paraissait avoir du penchant au fanatisme. A néanmoins de la conduite et de l'esprit et semble aimer la République. Depuis peu de jours, ayant déclaré vouloir se marier, il a été relâché et il est venu se retirer à Sévignac ».

L'ex-dominicain avait en effet loué le presbytère de cette localité et quelques mois durant, il y exerça la profession d'instituteur. Mais dès l'an IV (1796), Chauvière résidait à Châteaugiron, son pays natal, en qualité de curé constitutionnel. Il n'y put durer et du 15 août 1799 an mois de septembre 1803, c'est à Saint-Armel qu'il s'en fut exercer son zèle. Comme tel, il assista du 22 au 25 août 1799 au synode que tint à Rennes Le Coz, évêque schismatique d'Ille-et-Vilaine.

Nommé recteur de la Bazouge-du-Désert en 1806, il demeura jusqu'en 1816 au milieu de cette population qui se ressentait encore du séjour de l'assermenté de Lesquen. Chauvière se retira à cette époque à Vitré où il trépassa prêtre habitué, rue Sévigné, le 26 mai 1826.

(A. Lemasson).

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