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LA SEIGNEURIE DE RIEUX

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Les trois belles seigneuries de Rieux, de Rochefort et de l'Argoët, qui ont été assez souvent possédées par les mêmes maîtres et qui se touchent entre elles, comprennent ensemble une large bande de pays courant de l'Est à l'Ouest, depuis la Vilaine jusqu'à la rivière d'Aurai  (Auray) ; au Nord, les rivières d'Evel, de Claie et d'Oust, en forment la limite naturelle, les seigneuries de Rohan, de Porhoet et de Malestroit la limite féodale ; au Sud, pas de limites naturelles, puisque la frontière méridionale de cette large bande se tient toujours assez éloignée de la mer, sauf à l'angle Sud-Ouest, qui s'en va baigner dans le Morbihan vers Baden et Aradon ; pour limite féodale le domaine royal ou ducal de Vannes-Musillac.

Du territoire que l'on vient de décrire, l'Argoet occupait l'Ouest, Rochefort le centre et Rieux l'Est.

Je parlerai d'abord de Rieux.

Rieux (dans les titres anciens Reus et quelquefois Rex) est l'un des plus anciens châteaux et des plus vieux fiefs de notre province. La première mention que je me souvienne en avoir vue est dans un titre du cartulaire de Redon, de l'an 861 ou 862, imprimé par D. Morice, Preuves I, 301.

Alain-le-Grand, comte de Vannes et ensuite roi de Bretagne de 879 à 907, résida fréquemment au château de Rieux. Après avoir délivré son peuple des incursions normandes et de la guerre civile, ce glorieux père de la patrie, comme l'appellent les chartes de Redon, aimait à venir s'y reposer de ses vaillantes luttes.

Il y était dans les premiers jours de novembre 888, quand on lui annonça tout-à-coup que son fils Guéroch, subitement frappé de maladie, se mourait dans la maison d'un Breton appelé Linvoreth, au village de Bren-Hermelin, paroisse d'Allaire. Le pauvre père vole aussitôt, près de son fils. Il y trouve Foucheri (Fulchericus), abbé de Redon, qui s'était empressé de porter au jeune prince tous les soulagements en son pouvoir. Alain supplie l'abbé de prier pour son fils, et afin de fléchir le courroux de Dieu, il donne aussitôt à Saint-Sauveur les deux paroisses de Marsac et de Macerac. On était alors au milieu de la nuit : l'abbé, néanmoins, revient de suite à Redon, et rassemble la communauté dans l'église, où tous les moines, prosternés la face contre terre, adressent au Seigneur de ferventes supplications pour la vie de Guéroch ; les cloches sonnent en même temps à toute volée pour annoncer cette prière solennelle et inviter le peuple à s'y joindre. La paroisse d'Allaire n'est pas loin de Redon, et le son des cloches, au milieu du silence de la nuit, parvient sans peine aux oreilles des gardiens placés près du lit de Guéroch ; au même instant ils voient une sueur abondante baigner le corps du malade, qui, rappelé des portes de la mort par cette crise salutaire, est bientôt rendu à la santé et aux embrassements de son père (Cartul. Roton. ap. D. Morice, Preuves I, 331 et 332).

Ogée (l'ancien), à l'article Rieux, a trouvé moyen de travestir cette simple et pieuse histoire, pour avoir l'occasion de se moquer philosophiquement des faux miracles. Selon lui, en effet, « l'ancien cartulaire de l'abbaye de Redon dit que le fils aîné d'Alain étant à l'extrémité, le père se rendit avec toute sa cour à Saint-Sauveur (de Redon) pour y faire sa prière devant le grand crucifix ; que, pendant qu'il en était occupé, toutes les cloches de l'abbaye se prirent à sonner d'elles-mêmes, et que, s'en retournant à Rieux, il trouva des gens qui venaient lui annoncer la parfaite guérison de ce cher fils. La démarche peut être vraie (conclut Ogée) ; elle est même naturelle ; mais on désirerait savoir quels bras invisibles pouvaient être soupçonnés d'avoir mis les cloches en branle ». Curiosité fort légitime assurément dans un philosophe, s'il n'était certain que le cartulaire de Redon ne renferme point, sauf la maladie de Guéroch, une seule des circonstances qu'Ogée affirme avec tant d'assurance en avoir extraites. On regrette que le nouvel éditeur du Dictionnaire de Bretagne n'ait point relevé la licence que prend ici son auteur.

Après la mort d'Alain-le-Grand en 907, il y a lieu de croire que le château de Rieux, avec une partie du comté de Vannes, forma le partage de l'un des fils de ce roi. Ce n'est toutefois ici qu'une conjecture ; et pour rencontrer avec certitude des seigneurs particuliers de la terre de Rieux, il nous faut encore attendre une centaine d'années. Voici ceux que j'ai trouvés dans les actes authentiques du XIème siècle :

Rouaud Ier et son fils Alain, en 1021 (D. Morice, Preuves I, 362). Ogée a d'autant plus tort de l'appeler Raoul, que le nom de Rouaud (Rodaldus on Rudalt) a une physionomie très-bretonne, tandis que celui de Raoul (Radulfus ou Rodulfus) est tout germain.

Alain Ier, fils de Rouaud Ier, en 1026, 1027 ou 1037, et dans un acte sans date qui doit être de 1050. (D. Mor., Ibid., 357, 362, 364, 384).

Durei de Rieux, probablement frère puisé d'Alain Ier, en 1026. (Ibid., 357).

Rouaud II, fils d'Alain Ier, dans un acte sans date, probablement postérieur de quelques années à 1050 (Ibid., 404).

Auffroid, fils d'Alain Ier, apparemment frère puîné de Rouaud II, en 1065. (Ibid., 409).

Goscelin, probablement fils d'Auffroi ou de Rouaud II, en 1089. (Ibid., 466).

Guethenoc, surnommé Mauvoisin, probablement fils de Goscelin, en 1112 et 1127. (Ibid., 526, 527, 557). Etc.

Les archives de la Chambre des Comptes de Nantes ont conservé plusieurs aveux de la seigneurie de Rieux, entre autres, des années 1532 et 1542, et un compte des revenus de cette même seigneurie tombée en rachat l'an 1430. Il faut y joindre les aveux de la terre de Fégréac membre de Rieux, mais qui relevait de la juridiction de Nantes, au lieu que le reste de la seigneurie dépendait de celle de Ploërmel.

Par ces documents, l'on voit que la seigneurie de Rieux, qui porta le titre de comté dans les derniers temps, comprenait les paroisses suivantes, savoir sur la rive gauche de la Vilaine, Fégréac et une bonne partie d'Avessac, qui composaient la terre ou seigneurie de Fégréac ; et sur la rive droite du fleuve, Rieux et St. Jean des Marais, sa trêve, Béganne, Allaire et Saint-Gorgon sa trève, Saint-Jacut, St. Vincent­sur-Oust et St. Perreux sa trève, Peillac, Glénac, Les Fougerets, St. Martin-sur-Oust, St. Gravé ; la seigneurie de Rieux partageait avec celle de Malestroit les paroisses de Pleucadeuc et de St. Congar, et elle avait enfin quelques petites pièces en Malensac, qui cependant dépendait presque entièrement de la seigneurie de Rochefort.

Le comté de Rieux, à cause de son étendue, avait été partagé entre trois sièges de juridiction, savoir : Rieux à Rieux, Rieux à Peillac, et enfin Fégréac, qui fut supprimé dans la seconde moitié du siècle dernier, peu de temps avant l'époque où Ogée publia son Dictionnaire.

L'une des curiosités historiques de la seigneurie de Rieux, ce sont ses potiers, dont je crois cependant que personne n'a encore parlé. Il existe dans la paroisse de Rieux, ou plutôt, si je ne me trompe, dans la trève de Saint-Jean-des-Marais, qui est aujourd'hui succursale, un village considérable appelé la Poterie, à cause du métier qu'exercent de temps immémorial tous ses habitants. Ce village de potiers formait, avant 1789, une sorte de corporation industrielle, soumise à des règlements spéciaux, et aient vis-à-vis du sire de Rieux, dont elle dépendait, des droits et des devoirs particuliers. Tous les habitants dudit village, usant du métier de poterie, rendaient en commun à leur seigneur un aveu où ces droits, devoirs et règlements, étaient décrits. J'ai trouvé, il y a quelques années, chez un relieur de Redon, un de ces aveux qui est de l'an 1701 ; je me bornerai à le résumer.

Tous les potiers devaient en commun au seigneur, au jour de la mi-carême, une livre de poivre et une rente de dix sous, appelée garde. En outre chaque mariage, c'est-à-dire chaque ménage où il y avait mari et femme, devait annuellement seize sous et deux pots de rente, plus deux journées d'août ou de corvée, l'une à faner et l'autre à battre blé ; chaque veuf, veuve, ou fille tenant ménage séparé, devait par an huit sous, un pot et une journée d'acre Les rentes se payaient le 2 mai, devant la chapelle Saint-Jacques, qui était celle du village de la Poterie.

En considération de ces devoirs, lesdits potiers avaient seuls droit « de tirer des lizes et sablons propres à faire pots aux environs du lieu de la Potierie, » et semblable droit sur les terres et domaines dépendant du château du Plessix, qui appartenait au sire de Rieux.

Toutefois, l'industrie des potiers de Rieux était soumise à certaines entraves ayant pour but, ce semble, de remédier aux abus de ce que l'on nomme aujourd'hui la concurrence illimitée. Il y avait interdiction absolue de fabriquer des pots depuis le 10 décembre de chaque année jusqu'au 1er mars suivant. Dans les neuf autres mois où la fabrication était permise, chaque ménage ne pouvait faire, au plus, que trois douzaines et demie de pots par jour, et en sus de ce nombre, trois pots par enfant, tant que les enfants n'étaient pas capables de travailler eux-mêmes ; ce moment venu, chaque enfant ne pouvait faire par jour qu'une douzaine de pots.

Pour veiller au maintien de ces prescriptions, le seigneur ou ses officiers désignaient chaque année, parmi les potiers, six anciens, dont quatre compteurs et deux revoyeurs ou contrôleurs, qui entraient dans chaque maison compter les pots et dénonçaient les contraventions, dont chacune entraînait une amende de 60 sous 1 denier, applicable, tiers par tiers, au seigneur, aux compteurs et revoyeurs, et à l'entretien de la chapelle Saint-Jacques.

La Poterie, en effet, n'était ni trêve ni paroisse ; mais elle possédait une chapelle desservie par un chapelain particulier, et entretenue à frais communs par les habitants. Cette chapelle, outre son chapelain, avait son abbé, qui n'était autre que l'un des potiers, choisi par ses confrères à chaque fête de Noël, pour exercer pendant un an la charge d'abbé, en vertu de laquelle il était « obligé de nettoyer ladite chapelle, y apporter de l'eau de temps en temps pour faire de l'eau bénite, et, lorsqu'il sera décédé quelqu'un desdits usants du droit de potterie, de sonner la cloche pour avertir d'aller à l'enterrement ». Le tout à peine d'une amende de 60 s. 1 d. par chaque défaut, applicable comme ci-dessus. La chapelle était le coeur du village ; c'était là que les potiers payaient leurs rente le 2 mai, là qu'ils s'assemblaient en corps pour rendre l'aveu général à chaque mutation de seigneur, là enfin, que les compteurs et revoyeurs rendaient compte chaque année des amendes qu'ils avaient levées pendant la durée de leur charge.

N'était pas d'ailleurs admis qui voulait à user du droit de poterie et à jouir des bénéfices de cette rustique corporation industrielle. Chacun des seigneurs de Rieux ne pouvait établir, durant toute sa vie, qu'un seul nouveau potier. Hors ce cas exceptionnel, quand un étranger désirait user du droit de poterie, l'agrément du sire de Rieux ne suffisait point, car le postulant devait être reçu, dit l'aveu de 1701, « du consentement de mondit seigneur et du general (c'est-à-dire de la généralité) des dits habitans, et non autrement ». Si le candidat était admis, il payait un denier d'entrée de 90 livres, dont un tiers pour l'entretien de la chapelle, un tiers au seigneur et le dernier tiers « au general des habitans ».

A quelle époque remontent ces curieux usages ? Je l'ignore. Ils existaient, je pense, dès le XVème siècle, car j'ai vu un acte de ce temps où il est déjà question de la livre de poivre et des dix sous de garde dus en commun au seigneur par tous les habitants de la Poterie. (A. L. B.).

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