Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LE CHÂTEAU DE FESCAL

et les seigneuries du Quistillic et de Marzan

  Retour page d'accueil      Retour page "Ville de Péaule"      Retour page "Ville de Marzan" 

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

I.

Le château de Fescal, situé dans la commune de Péaule, tel qu'il existe aujourd'hui, a sans doute été reconstruit sur l'emplacement d'un autre plus ancien, vers le début du XVIIIème siècle. C'est une habitation d'aspect seigneurial, mais sans caractère particulier, entourée de bois, cernée de gracieux vallons, où coulent de petits ruisselets qui se perdent en méandres sinueux dans la Vilaine.

On y accède par une cour d'honneur, close, au milieu de laquelle se trouve un puits, surmonté d'un dôme en fer forgé, qu'orne un pied de glycine. A droite, derrière un muret bas, s'étend le jardin, séparé du bois par un saut de loup. A gauche, les anciennes écuries sont occupées actuellement par les fermiers. Des nouvelles ont été construites, en retrait du château, au-dessous du jardin.

A l'intérieur, les appartements sont beaux et vastes. Un large escalier en pierres conduit aux étages supérieurs. L'escalier de service, en bois, dessert les chambres, dans l'autre partie du château. C'est simple, de bel aspect ; mais sans prétention.

Au pied de la façade postérieure passe le chemin qui conduit au bourg de Péaule. Il traverse, en descendant, les bois de châtaigniers et la chaussée de l'étang. Au bord du chemin, s'élève une croix de granit : un souvenir s'y rattache. On dit qu'un chouan fut frappé mortellement, par les bleus, en cet endroit. Le fait n'a rien qui surprenne. Tout ce territoire, — qu'on appellerait facilement le Bocage Morbihannais, — compris entre Péaule, Caden, Limerzel et Béganne, est semé d'une foule de croix, auxquelles le même souvenir est attaché : ce qui forme, de ce sol fécondé par tant de généreux sacrifices, une terre véritablement privilégiée par la foi de ses martyrs.

Rien, en effet, ne peut être comparé au Bocage, comme ce coin du Morbihan, coupé de vallons et de collines, embuissonné de bois et de taillis. Partout, ce sont des ravins, des rochers abrupts ; des côtes, stériles ou boisées sur les hauteurs, verdoyantes et fertiles, près des bas-fonds. Les sommets sont couronnés par des moulins à vents, dont les ailes, largement déployées, animent le paysage. Les ruisseaux, dans les bas, alimentent des étangs et, à chaque déversoir, on entend l'eau qui retombe, avec des sonorités métalliques, sous la roue large et pesante du moulin. Ici, ce sont des bois-taillis, fourrés impraticables, où la chasse à l'homme était malaisée ; là, des bois de sapins, des futaies de châtaigniers aux larges ramures ; ailleurs, au bord des prairies, des bouquets de noisetiers parfumés et des saudraies légères.

Voilà donc quel est l'aspect général du pays. Et si, dans la marche, on atteint les sommets les plus élevés, où le vent fouette le visage, l'œil embrasse l'immense horizon de cette terre, soulevée et moutonnante comme une mer houleuse, et, dans l'enchevêtrement impénétrable des bois et des taillis, s'emplit de clartés exquises et douces, passant par toute la gamme des tons du vert, depuis l'aiguille sombre des pins et les teintes lustrées des piquants de houx, jusque à la feuille, délicatement nuancée, des peupliers et des bouleaux.

Puis, quand le soir tombe ; quand les arbres, au crépuscule revêtent milles formes fantastiques et bizarres ; quand le silence des choses de la nature s'ajoute à celui des êtres, l'âme s'emplit d'une vague appréhension, qu'accentue davantage encore le hululement intermittent d'une chouette ou le cri de mort d'un hibou. Et le souvenir des luttes de jadis, des chasses à l'homme où tant de vaillants laissèrent leur vie, où les troupes du chevalier de Silz et de Cadoudal s'épuisèrent en de stériles combats, ce souvenir étrange, qui semble une évocation de fantômes, étreint l'âme, angoisse le cœur, et plonge le voyageur attardé dans une rêverie peureuse, teintée de tristesse et de mélancolie.

 

II.

Le premier possesseur des seigneuries de Fescal et du Quistillic, dont les titres sont entre nos mains, est messire Olivier de Bégasson. Il est qualifié : écuyer, seigneur de Fescal, Quistillic, les Métairies, la Luardaye et autres lieux, dans un aveu rendu, le 3 décembre 1608. Les tenanciers « cognoissent et confessent debvoir de rentes et convenances aud sieur, par chacun an, par deniers, ouit livres quatre solz, ung mouton, six chappons, une poulle, deux corvées d'aougst, avec obéissance à court et à moullin et à la seigneurie soixante et douze solz par chacun an » (Aveu de la tenue du Guéric, en Marzan ; archives personnelles).

Le nom de Bégasson est honorablement connu dans l'histoire de Bretagne. On le trouve cité en plusieurs occasions.

Pierre de Bégasson comparait en 1420 « à la monstre et revue du sire de Rieux pour la personne à recouvrer du duc de Bretagne, prins et détenu par Olivier de Bloys, naguère se disant comte de Penthièvre, avec beaucoup d'autres gentilshommes » (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 937).

Thébaud de Bégasson prit part à la délibération du duc, en faveur des seigneurs qui s'étaient ligués contre Pierre Landays, ancien trésorier-général des finances de Bretagne, en 1485 (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 1426).

Plus tard, au XVIIIème siècle, messire René-Julien de Bégasson, chevalier, était seigneur de Rollieu, la Luardais, le Brossay, Guillac, Bezi, le Corno et autres lieux (Bail de la métairie de Bringuin, en Nivillac, du 22 avril 1782 ; archives personnelles).

 

En 1621, les deux seigneuries passèrent aux mains de messire Olivier de Saint-Martin, écuyer. Celui-ci était encore un tout jeune homme, puisque, à cette époque, ce fut son tuteur, messire Rouxel de la Haye, écuyer, seigneur de la Pacquelaye, qui rendit aveu en son nom.

Les Saint-Martin étaient de race chevaleresque et d'antiquité noble.

Geoffroy de Saint-Martin paraît, comme témoin, à un acte d'accord qui concerne les moines de Saint-Aubin d'Angers, en 1143 (« Concordia inter monachos S. Abb. et Brientium, Catum, Philippumque fratrem ejus super Ecclesia de Uldone quam monachis concedunt anno MCXLIII, indict. VI. Testes : Guillelmus de Uldone, Roscelinus Catus, Gaufridus de S. Martino ». D. Lob. Histoire de Bretagne, T. II, col. 230).

Jehan et Pierre de Saint-Martin font partie de la revue passée par le sire de Rieux, en l'année 1420 (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 938).

Galhot de Saint-Martin est compris dans plusieurs comptes des trésoriers-généraux de Bretagne, « pour avoir servi, parmi les écuyers de Guillaume Eder, et assisté le Duc, dans son voyage à Amiens, vers les ducs de Bedfort et de Bourgogne », en 1425, et pour avoîr rempli la charge « d'asseour » et d'écuyer d'écurie de Madame la comtesse de Montfort (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 996 et 1021).

Malhelin de Saint-Martin était au nombre « des gentilshommes, hommes d'armes et archers qui gardèrent la place de Clisson, depuis le 16 octobre 1464 jusqu'au 1er janvier suivant » (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 1365).

Girard de Saint-Martin comptait comme archer de la Guerche, en 1465 (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 1369).

Enfin Geffroy de Saint-Martin, sieur de Chaumont, assistait et signait au testament du duc François II, passé, le 11 septembre 1488, au bourg de Couëron, en la maison Drouët, par devant Gilles de la Rivière, vice-chancelier de Bretagne, doyen de Nantes et archidiacre de Rennes, et protonotaire du St.-Siège apostoliques (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, Col. 1507).

Le 23 juin 1521, messire Jehan de Saint-Martin, écuyer, seigneur de Kerpondarme, achetait, sous le ressort de la Cour royale de Guérande, plusieurs parcelles de terre, situées près du Rocher et de la fontaine de Clis, proche la ville close (Titre sur vélin ; arch. pers.).

Ce dernier était sans doute l'aïeul ou le bisaïeul de messire Olivier de Saint-Martin qui est qualifié, à sa majorité, seigneur de Kerpondarme, Luardaye, la Chohannière, le Helfaut et autres lieux. Si l'on ajoute à ces seigneuries, le Quistillic et Fescal, on voit que messire Olivier était un riche propriétaire et un bon parti (Aveu de la tenue du Guéric, du 11 juin 1643, sur velin et scellé, autre du 1er avril 1644, autre du 19 mars 1645 ; archives personnelles).

Sur le territoire actuel de la paroisse de Marzan, Olivier de Saint-Martin, possédait indivisement avec les seigneurs de Kertuard et du Rohello une tenue, nommée Larguidon.

Kertuard était alors aux mains du baron de Pontménard, messire Jacques Troussier, chevalier de l'Ordre du Roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, maître de camp d'un régiment entretenu pour le service du Roi, seigneur de Pontménard, Lourmoîs, la Joë, la Gré-Neuve, Kertuard et autres lieux. Cette seigneurie passa ensuite dans la maison de Porcaro de Silz, par le mariage de Julien de Porcaro et de dame Renée Troussier ; puis tomba dans celle de Piré dont messire Pierre-Marie de Rosnyniven, comte de Piré était titulaire au milieu du XVIIIème siècle (Voir mon Histoire des Seigneurs et la seigneurie de Lourmois au XVIIème siècle, p. 2, 7, et suivantes).

La seigneurie du Rohello, possédée d'abord par messire N. du Clône, devint, en 1700, la propriété de noble et discret messire Jean-Baptiste du Rohello, sieur de Quenhuon, chanoine honoraire de l'église cathédrale Saint-Pierre de Vannes, recteur de Pluneret [Note : Contrat de mariage de M. maître Guillaume-Joseph Le Bartz, sieur du Portblanc, conseiller du Roi, maîre héréditaire de la ville de Vannes, colonel de la milice bourgeoise de cette ville, et de demoiselle Françoise Laurens, fille de n. h. Louis Laurens, sieur de Kercadio, syndic de la ville dudit Vannes, et de damoiselle Renée Choumin ; où paraît ledit sieur recteur de Pluneret, comme fondé de procuration d'Ecuyer Guillaume Le Bartz, conseiller, secrétaire du Roi, maison et couronne de France ; et de François Le Bartz, conseiller du roi, référendaire en la chancellerie de Bretagne. Signent : Jeanne Laurens, Renée Choumin, Bertranne Le Bartz, Jean Touzé, Françoise Choumin, Renée Françoise Touzé, marquise Le Bartz, Jean Kercadio-Laurens et autres. — Acte sur vélin du 11 juillet 1700. — Archives particulières]. Après lui, il est difficile de préciser dans quelle famille elle fut portée. Une note trouvée dans un manuscrit du XVIIIème siècle, apprend qu'on ignorait alors où en était le chef-lieu, ou si elle avait été réunie à quelque autre. Certains motifs donnaient à penser qu'elle faisait peut-être partie de celle de Kertuard ; mais ce n'étaient que des présomptions auxquelles il était impossible de s'arrêter.

Dans le partage de la tenue Larguidon, messire Olivier de Saint-Martin était fondé pour « la somme de 42 sols tournoys, par deniers ; 2 bouëxaux de froment rouge, 1 de seigle, 1 de grosse avoine de la Roche-Bernard, 2 chapons, 1 poulle, avec obéissance à court et à moulin », le baron de Pontménard pour 24 sous tournois, 1 boixeau d'avoine, même mesure et 1 poule ; enfin le seigneur du Rohello pour 24 sous tournois, 1 boixeau d'avoine, 1 poule, avec obéissance (Aveu de la tenue Larguidon. — Archives particulières).

Cette indivision amena, en 1776, un procès entre M. du Plessis de Grénédan, co-seigneur du Quistillic et M. de Rosnyniven de Piré, seigneur de Kertuard. Le partage n'eut lieu qu'après de longs débats, qui nécessitèrent une volumineuse procédure. Plusieurs avocats de Rennes furent entendus, parmi lesquels, MM. Marc de la Chénardaye et de la Haye-Jousselin (Archives particulières).

 

Messire Olivier de Saint-Martin eut une fille, Françoise, qui porta les seigneuries de sa maison dans celle de la Garenne, par son mariage avec messire René Couturier, seigneur de la Garenne, conseiller du roi au Parlement de Bretagne.

Les nouveaux propriétaires de Fescal et du Quistillic faisaient leur résidence accoutumée du manoir noble du Helfaut, en la paroisse d'Elven. Ils ne séjournaient qu'extraordinairement à Fescal [Note : Bail de la tenue Fergand, au village de Birguen, du 11 avril 1652, passé sous la judiction de Larghouët, avec Yves et Pierre Launay, tailleurs d'habits à Kerdrascle en Marzan. Archives personnelles].

Le nom de la Garenne est très anciennement connu en Bretagne. Henri de la Garenne faisait partie des archers à cheval de la « montre » d'Yvon de Kergorlay, écuyer en 1356 (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 496).

Olivier de la Garenne fut parmi les Bretons, employés au service du Régent, contre les Anglais, avec les hommes d'armes de Jehan Rogon, écuyer ; lesquels avaient été passés en revue à Château-Gontier, le 1er aout 1421 (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 98l).

Guillaume de la Garenne accompagna le comte de Richemont à Angers, en 1424, étant au nombre des gens de guerre de messire Jehan de la Chapelle (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 999).

Et plus tard, un autre René de la Garenne, vit les biens qu'il possédait en la paroisse de Guémené Penfao confisqués par le Duc et donnés, le 11 août 1487, à messire Jehan Rogais (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 1476).

 

Messire René Couturier et Françoise de Saint-Martin eurent une fille, damoiselle Marie Couturier qui épousa messire François Champion, baron de Cicé, conseiller du roi au Parlement de Bretagne [Note : Actes sur velin de l'année 1666 et, brevet de nomination de messire Jean Naël, comme notaire, procureur, arpenteur et prisenr des cour et juridiction de Fescal, Quistillic et Diston, signé : François Champion, et, par commandement dudit seigneur : Orgeben. — Archives personnelles].

 

Celui-ci laissa ses divers héritages à son fils aîné, le comte François-Marie Champion de Cicé, seigneur de Cicé, le Helfaut, Trébras, Beaulieu. Fescal, Quistillic, Diston et autres lieux. Le nouveau propriétaire habitait de préférence son château de la Luardais, en Saint-Martin-sur-Oust. Fescal était donc encore une fois, quasi-abandonné [Note : Nombreux actes des années 1700 et suivantes, et baux à domaine congéable suivant l'usement de Brouërech, de plusieurs tenues, sous Péaule et Marzan. Archives personnelles].

Les Champions tenaient un rôle fort honorable parmi les gentilshommes bretons. Le 3 décembre 1668, ils ont été maintenus, comme nobles et issus d'ancienne extraction noble, par arrêt des commissaires à la Réformation, rendu en leur faveur. Ils portaient pour armes : D'azur à trois petits écussons d'argent bordés et bandés de gueules.

Olivier Champion faisait partie des « seigneurs, chevaliers, chêvetains, gendarmes et autres, que Monseigneur le Duc mena avec lui, en son voyage de France commencé pour le bien de la paix générale et l'union du royaume ; sans être compris parmi les gens de l'ordonnance de son hôtel » (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 925).

Vers l'an 1436, le même Olivier apposa son sceau au serment prêté au Duc par les nobles de Moncontour, en l'évêché de Saint-Brieuc (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, vol. 1855).

Jean Champion signa, avec les sujets de l'évêque de Nantes, une protestation contre le dit seigneur évêque, Amaury d'Acigné, à l'effet de l'envoyer, avec une députation à Rome, à la sollicitation du duc.

Le même Jehan est encore cité dans un mandement d'excuse, adressé au Duc, par plusieurs particuliers de la ville de Rennes, qui y demeuraient « pour la garde et sûreté d'icelle ».

Suivant un compte d'Yvon Millon, commis de Pierre Landays, il était du nombre des vingt archers de la seconde garde du corps, sous M. le Bastard Edouard (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 1327, 1420, 1469).

Pierre Champion fut maitre, particulier des monnaies, à Rennes, en 1487.

Le 7 septembre 1487, Guillaume Champion obtint, avec Guillaume de Kercabus et Pierre de Kerguizé, des lettres de rémission, parce qu'ils avaient tenu parti contraire à celui du Duc, et cela, en faveur de Jacques de Coursay, homme d'armes de la garde du duc (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 1478).

Pierre Champion, en même temps que Jehan Garnier, était charretier de Madame la princesse, à raison de LX livres de gages, pour l'année 1498, dans la maison de la reine Anne (Dom Lobineau : Histoire de Bretagne, T. II, col. 1590).

Après les Champion de Cicé, Fescal et le Quistillic passèrent aux mains de noble homme Jean François Jan, sieur de Bellefontaine, soit par acquêt ou autrement (Archives personnelles). Celui-ci dût habiter plus fréquemment Fescal, et c'est à lui qu'il faudrait, sans doute, faire remonter la reconstruction du château actuel.

 

III.

Le premier du nom de Jan, dont on ait une connaissance certaine est noble homme Jean Jan, qui épousa Françoise Rouault dame de la Saint-Martin.

Il était originaire de la Haute-Bretagne ; car on le voit, en un acte du 26 juin 1656, passé sous la cour royale de Saint-Brieuc, comparaître, en même temps qu'un autre Michel Jan, probablement son frère. Son décès survint peu après ; puisque, aux Généraux Plaids de la cour de Quintin, tenus, le 21 février 1657, par maître Antoine Guesneau, sieur de la Villerlais, procureur-fiscal, damoiselle Françoise Rouault y est dénommée « veuve de feu noble homme Jean Jan ». Il s'agissait de l'acquisition d'une pièce de terre, dite le Clos du cimetière aux martyrs, située près le couvent des Pères Carmes de la ville de Quintin, pour la somme de 1000 livres, payable à Ecuyer Pierre Le Bras et Renée Ruffle, sa femme, seigneur et dame du Cartier (Acte sur velin du 21 février 1657. Archives particulières).

Vers la même époque vivait encore demoiselle Etiennette Jan, qui épousa Messire Etienne de la Motte, seigneur du Tertre, dont elle eut deux enfants : François de la Motte, seigneur de Trémaugan et Pierre de la Motte, seigneur de la Ville-Agan ; tous deux puînés de la maison de la Motte-Rouge par leur père (Comtesse de la Motte-Rouge : Les Dinan de la Motte, seigneurs de la Moite-Rouge. Plaquette, tirée à 50 exemplaires numérotés, offerte à l'auteur de cette notice : Nantes, Emile Grimaud, imprimeur, p. 44 et suiv.).

De même, cinquante ans plus tôt, un Thébaud Jan avait épousé damoiselle Isabeau de la Motte, fille de Messire Charles de la Motte, seigneur du Verger et de Françoise Gouret (Comtesse de la Motte-Rouge, op. cit., p. 25).

Du chef de son épouse, noble homme Jean Jan fut qualifié seigneur de Saint-Martin (Transaction sur procès du 20 novembre 1710 ; écrit sur velin. Archives particulières).

Il eut plusieurs enfants dont Clande Jan, sieur de Saint-Martin et N. Jan, sieur de la Villerio. Claude décéda, laissant pour héritier son fils, noble homme Marc Jan, sieur de Saint-Martin, qui épousa damoiselle Anne Jégou (Transaction sur procès du 20 novembre 1710 ; écrit sur velin. Archives particulières).

Ici se place une lacune involontaire. A quelle souche rattacher ce Jan, sieur de Bellefontaine, qui suit ? Il est malaisé de le préciser. On peut vraisemblablement le croire issu d'un fils puîné de noble homme Jean Jan, sieur de Saint-Martin, parce que, en l'année 1710, un procès, aux fins de partage, s'ouvrit entre son propre fils, noble homme Jean Jan, sieur de Bellefontaine, conseiller du roi, miseur de la ville et communauté de Vannes,et noble homme Marc Jan, sieur de Saint-Martin, petit-fils du même Jean Jan de Saint-Martin, pour les successions directes et collatérales de leur aïeul.

Jean Jan de Bellefontaine, avocat, vint à Vannes, comme procureur-fiscal de la juridiction du comté de Larghouët. Il y habitait la rue Latine, en la paroisse Sainte-Croix.

Larghouët, près Elven, dont les ruines sont demeurées célèbres aujourd'hui sous le nom de « Tours d'Elven », était une importante seigneurie, pourvue des plus hautes attributions de juridiction, c'est-à-dire haute, moyenne et basse. Elle était alors possédée par la puissante maison de Rieux, qui devait bientôt se démembrer, pour tomber en ruine cent ans plus tard : après avoir perdu, l'une après l'autre, ses plus belles seigneuries. Le procureur-fiscal de Larghouët était mêlé à un nombre considérable d'affaires. C'est ce qui avait déterminé sa résidence à Vannes même.
Jean Jan s'était marié à Quintin ; ce qui indique encore assez clairement qu'il avait été détaché du berceau de sa famille avant d'être implanté en Basse-Bretagne. Sa femme, demoiselle Jeanne Le Coniac, était issue d'une famille de robe. Il en eut deux enfants : Jean qui suit, et Françoise, dame de la Ville-Daniel.

Damoiselle Jeanne Le Coniac était fille de noble homme Jean Le Coniac, sieur des Vergers. Elle avait pour frères et sœurs : Hervé Encillaud, sieur de Breux ; Mathurin Le Coniac, sieur des Fresches ; Françoise Le Coniac, dame de Roquniac ; Madeleine Le Coniac, dame de Rue-Neuve ; et Catherine Le Coniac, dame des Pastureaux (Extrait des registres du Parlement ; exp. sur velin du 2 décembre 1697. Archives particulières).

Après sa mort, M. Jan de Bellefonfaine se remaria. Il épousa, en la ville de Locminé, où l'appelaient souvent ses affaires, Suzanne Le Bourdal, fille de noble homme René Le Bourdal, sieur des Landelles, procureur et fermier du droit d'annattes, levé, par le chapitre de Vannes, sur les dîmes de la rectorerie de Guesgon, Il n'eut pas d'enfant de cette seconde union.

Missire Jean Le Vaillant, recteur de Guesgon étant venu à mourir, sur ces entrefaites, un long procès s'ouvrit, au sujet de la perception de ce droit d'annattes, d'abord entre Maître René Le Bourdal et les héritiers du feu sieur Le Vaillant, puis entre ceux-ci et les héritiers de M. Le Bourdal. Il dura cinq années consécutives et ne prit fin qu'en 1684, en faveur de M. et Mme de Bellefontaine et leurs cohéritiers. La partie adverse, — c'est-à-dire Missire Julien Gourmil, prêtre ; noble homme Louis Racois, maître chirurgien ; noble homme Guillaume Le Vaillant, sieur de Lézunan, procureur ; damoiselle Blanche Joubin ; Mathurine Le Blanc ; Jean Gaubert et Perrine Lemoine, héritiers solidaires de l'ancien recteur de Guesgon — fut débouttée de sa demande, condamnée à 12 a livres d'amende envers le roi, et aux dépens des causes principales et d'appel (Sentence du 13 juillet 1684. Archives particulières).

Madame Suzanne Le Bourde avait des sœurs dont la postérité n'est pas connue.

Noble homme Jean Jan, sieur de Bellefontaine, fils des précédents, naquit à Vannes, où il fut élevé. Il acheta, en 1691, les deux charges de conseiller du roi, et de receveur ancien et alternatif des deniers communs et d'octroi de la ville de Vannes.

Ces charges venaient d'être créées à nouveau par un édit du roi du mois de décembre 1689, avec arrêt du Conseil d'État. On reconnaît, à cette création, la faiblesse du Grand Roi qui, pour faire face aux exigences du Trésor, rendait les charges vénales. Ce triste exemple, développé sous la Régence, se continua à la majorité de Louis XV. On doit chercher là une des premières causes, un des secrets griefs de la Révolution française.

En conséquence du nouvel Edit, M. de Bellefontaine obtint des lettres de Sa Majesté. Elles lui furent remises, avec les autres pièces y attachées, signées, sur le repli : par le Roi : Blin et scellées de cire jaune.

L'acte de cession fut passé, en Cour de Nantes, par Maître Charles Boullanger, écuyer, conseiller du roi, trésorier-général des finances de Bretagne, demeurant à Nantes, rue Beau-Soleil, paroisse Saint-Denis.

Chacun de ces offices coûtait 5500 livres. L'un fut payé comptant, et l'autre deux ans plus tard (Quittance de M. le trésorier Boullanger, sur velin, au rapport de Lesbeaupin notaire. Arch. part.).

Pourvu de la charge de conseiller du roi qui l'anoblissait nanti de la recette des octrois de la ville de Vannes qui donnait de beaux bénéfices, M. de Bellefontaine augmenta considérablement sa fortune et ses relations.

Il épousa damoiselle Sainte Raisin de Boismorin, de bonne famille de robe.

En 1710, il partagea, avec ses co-héritiers de la branche Saint-Martin, les successions de nobles hommes Claude Jan, sieur de Saint-Martin et de la Villerio, après un procès, mu en la juridiction du duché de Lorges où Maître Louis Charles du Quellenec, écuyer, sieur de Locmaria, avocat en la Cour, alloué et lieutenant du siège de Quintin, premier du duché jugea en l'absence de M. le sénéchal dudit lieu, qui s'était récusé, à cause de sa parenté avec les principales parties en cause (Transaction sur procès. Arch. part.).

Puis, en son nom, et au nom de sa sœur, Madame de la Ville-Daniel, il déposa les fonds qu'il devait verser pour la part d'héritage acquise d'avec M. et Mme Marc Jan de Saint-Martin au bureau des consignations, par suite de la mauvaise gestion des vendeurs qui avaient pour principaux créanciers : noble homme Pierre Le Bigot, sieur de Porzémeur, et damoiselle Marguerite Aguesse Gicquel, son épouse ; Julien Fretaud, sieur des Hayes, et damoiselle Françoise-Marie Gicquel, sou épouse ; et damoiselle Jacquette Garnier, dame du Visieux, veuve de noble homme Jean Le Geoffroy, vivant sieur du Visieux.

Il eut trois enfants ; deux fils, auxquels il rendit leurs comptes à leur majorité, par arrêt du Parlement du 13 juin 1722, et une fille.

1° L'aîné des fils, Joseph, fut d'abord employé dans les affaires du roi, à Vannes. Il partit ensuite à Saint-Malo, servit chez un négociant où il souscrivit plusieurs billets importants. Après quoi on perd sa trace. Peut être s'embarqua-t-il comme marin et trouva-t-il la mort dans un naufrage ?

2° Sainte Claude Jan de Bellefontaine épousa Maître Joseph Breget, sieur du Breuil. Elle mourut, laissant comme héritiers en l'estoc maternel : Messire Jean Raisin, sieur de Boismorin, maître ordinaire de la chambre des comptes de Bretagne (Reddition de compte de tutelle. — Archives particulières) ; Madame Marie de la Couture, veuve de Guy Claude Raisin de Boismorin, commissaire aux classes de la marine à Rochefort ; Guillaume de Lisle et Madame Julienne-Marie de Lisle, épouse d'écuyer Jean Bonaventure Toussaint Cillart, greffier en chef, garde sacs du Parlement de Bretagne (Transaction sur procès, acte sur velin. — Arch. part.).

3° Jean-François Jan de Bellefontaine fut banquier à Vannes. Il s'occupa de vastes entreprises, géra d'importantes seigneuries et augmenta sa fortune.

En l'année 1737, il afferma la principauté de Guémené, avec ses annexes et ses revenus, pour la somme de 64.838 livres par an. Le bail fut passé directement avec son Altesse Sérénissime Mgr Constantin de Rohan, prince de Guémené.

Il épousa Mademoiselle de Kerberon. Fit c'est lui qui succéda aux Champion de Cicé dans la propriété des seigneuries de Fescal et du Quistillic.

Il eut trois enfants :

Sainte Jeanne Vincente Jan de Bellefontaine qui épousa noble maître Jean-Baptiste Dubois, sieur de Fleuré et du Haut-Breil, médecin, conseiller ordinaire du roi, et qui eut pour sa part le Quistillic.

Jean-François Jan de Bellefontaine, encore sous l'autorité de son tuteur, Maître Joachim Perret, sieur de la Lande, en 1766 ; et qui mourut jeune et sans postérité.

Et Rose Elme Jan de Bellefontaine, qui porta Fescal en la maison de Grénédan, par son mariage avec messire Pierre-François du Plessis de Grénédan, capitaine d'Infanterie, chevalier de l'Ordre Royal et militaire de Saint-Louis.

Fescal est resté, depuis ce temps, en la famille du Plessis.

Il a été occupé successivement par le chevalier de Grénédan, qui ne cessa de l'habiter pendant la période révolutionnaire ; puis par M. Pierre Jean, comte du Plessis de Grénédan, mort sans enfants, époux de Madame Aimée Ollivier de la Blairie, laquelle se remaria avec M. Alexis Louis-Joseph, comte Hubert de la Hayrie, général de division, grand officier de la Légion d'honneur, et grand'croix de Sainte-Anne de Russie.

Il revint ensuite à Messieurs René et Alexis du Plessis de Grénédan fils du comte René Jean, propriétaire du Bois-de-Ros, et neveux du comte Pierre-Jean du-Plessis de Grénédan.

M. René de Grénédan étant mort, le 18 janvier 1891, à sa propriété de Saint Cloud, M. Alexis-Charles-Marie, comte du Plessis de Grénédan, époux de Madame Berthe Auger de Kernisan, en est devenu le seul propriétaire.

 

IV.

La seigneurie de Quistillic, lorsque elle advint à noble maître Jean-François Dubois de Fleuré, par son mariage avec mademoiselle Sainte de Bellefontaine, se composait d'un grand nombre de métairies et de tenues, à domaine congéable, suivant l'usement de Brouërech.

Le domaine proche de Quistillic comprenait : « le lieu maison et métairie noble du Quistillic, située en la paroisse de Marzan, avec cour, jardin et verger en un tenant, clos d'anciens murs, en partie détruits, ayant sous fonds, avec la fuye et refuge à pigeons, actuellement en ruine, qui se trouve dans le jardin au nord de la maison principale, et un terrain vague à l'Occident, lequel était anciennement planté en haute futaye, quatre journaux » (Aveu de la seigneurie du Quistillic du 28 juin 1778, — Archives personnelles) — Les bois taillis deu Bois-Marzan, de Kerodet, de la Croix de Kersouchard. — « Le bois de Kergordenne, contenant quatre journaux et treize cordes, joignant des couchant et nord le bois des Moines, dépendant de la terre de l'Isle, du levant celui de la chapellenie de Notre-Dame-St-Pierre et du midi la metairie de Kergordenne. Dans toutes et chacunes des dites quantités et parcelles de bois-taillis, il y a un grand nombre de garennes et refuges à lapins, autrement appelés faux et caves prohibitives, et deffendues à toutes autres personnes de quelque qualité qu'elles puissent être qu'aux dits seigneurs et dame Dubois, comme à eux appartenants » (Aveu cité. — Archives personnelles). — Les deux moulins à vent du Quistillic « situés sur la montagne » et dans le domaine de Kermourio. — Les métairies de Kérodet, Kerniscop, Boismarzan, Kergrisay, Haut et Bas-Miquel, Haut-Pouran, Kermourio. — Les tenues à domaine congéable du Petit-Teno, Clavier et Maripaule, Kerbluet, Michel Horiet, Kerverlin, La Grée de Kerfalher, Evenard ou Bourban, Guillo de Bois-Marzan, Philippo, Auduin, Rolland du Guéric, Queldan, Cado, Boceno et trente autres de moindre importance, situées tant en Péaule qu'en Marzan.

Le seigneur de Quistillic avait droit de fief et juridiction haute moyenne et basse, ainsi que tous autres droits, comme tutelle, curatelle, papiers, sceaux, installation d'officiers pour l'exercice de la juridiction, droits d'épaves, gallois, ventes et lots, etc....

Il avait, à cause de sa seigneurie, et comme lui appartenant en propre, une chapelle, appelée Saint-Armel et plus communément Miquel. Elle était située au village de Birguin ou de Miquel dans la paroisse de Marzan. Sur la grande vitre du fond étaient apposées les armes de la maison du Quistillic. Le seigneur avait en outre, comme droit de deniers, une dîme « sur tous et chacun marchands y dételant pour vendre et débiter marchandises de quelque espèce qu'elles puissent être, le jour et feste de Saint-Armel, seizième jour du mois d'aoust, auquel jour il y a amas et congrégation de peuple » (Aveu cité. — Archives particulières).

Le Quistillic relevait « prochement et noblement, à devoir de foy, hommage et rachapt quand le cas y échet » de la seigneurie de Péaule. Celle-ci, démembrée, au XVIIIème siècle, du comté de Rochefort, appartenait en 1778, à haut et puissant seigneur Mre François Marie Le Mintier, chevalier, seigneur comte de Léhellec, Péaule, Limerzel, Marzan, Villeneubourg, le Bézi, Quistinic, le Tertre, Couëspion et autres lieux ; à qui M. et Mme Dubois de Fleuré rendirent aveu, après le décès de M. de Bellefontaine.

Quelques terres éparses et plusieurs tenues détachées du Quistillic, relevaient de la seigneurie de l'Isle, en Marzan. C'est pourquoi M. Dubois en rendit aveu le 17 novembre 1786, à Très Révérend Père en Dieu dom Jean-Louis Le Meaux, abbé de l'abbaye royale de Prières, seigneur de l'Isle [Note : Lisle : ancien château ducal, où sont morts plusieurs souverains de Bretagne, était situé sur la rive droite de la Vilaine pour défendre les terres voisines, des incursions des pirates et des Normands. Une grosse chaîne arrêtait les navires et empêchait leur venue plus loin. Elle valait aussi pour les ducs un important droit de péage. Le château, abandonné après la réunion de la Bretagne à la France, devint alors la propriété des moines de l'abbaye de Prières, située à quelques lieues de là, à l'embouchure même du fleuve. A la Révolution, il fut vendu nationalement, comme tous les biens de la célèbre abbaye. Il appartient fin XIXème siècle à Mme d'Aignaux, née Dubreil de Marzan].

Les seigneurs de Marzan prétendaient avoir un droit sur le « manoir et portail de la maison du Quistillic ». Au rôle de leur seigneurie, ils comptaient, de ce chef, 40 sol monnoie de rente féodale. Mais cette rente demeurait éternellement impayée ; puisque les propriétaires du Quistillic soutenaient qu'ils relevaient directement du roi. La chose fut jugée ; et le seigneur de Marzan débouté dans ses prétentions de mouvance sur ce manoir, par sentence de la Réformation des États de Bretagne [Note : Aveu de Marzan au comte de Rochefort. — Archives particulières].

Dans le cours du XIXème siècle, la terre de Quistillic a été singulièrement démembrée.

Des mains de M. Dubois de Fleuré, elle est passée en celles de M. Valentin-Charles Dubois, son fils, propriétaire à Rennes, où il habitait, rue aux Foulons. A sa mort, elle fut partagée entre ses trois enfants : M. Dubois de la Cotardière, Mme Hardy de Beauvais, et Mme de la Grasserie.

Le Quistillic proprement dit resta à Mme de la Grasserie. Miquel échut à Mme Hardy de Beauvais ; les autres terres à M. Dubois.

Plus récemment le Quistillic fut acquis par Mademoiselle Gascher des Burons qui le légua à M. Mérot des Granges. C'est aujourd'hui la propriété de Mademoiselle Mérot des Granges et de la vicomtesse de la Hamelinaye.

Il ne forme aujourd'hui qu'une métairie sans caractère. On y voit une suite de bâtiments qui marquent parfaitement les deux côtés d'un vaste quadrilatère. Une seule chose fixe l'attention : le portail d'entrée, avec ses portes, grande et petite, qui se terminent en ogives d'un heureux dessin. Tout à côté, est aussi un bâtiment de service qui a gardé son aspect original. Il est surmonté d'un toit élevé et pointu, à arêtes de granit, dont l'une est volontairement brisée, à mi-hauteur. Un escalier extérieur, en pierres, abrité par un large avancement du toit, conduit au grenier. Çà et là, dans les autres constructions, on distingue encore une fenêtre avec un encadrement de granit et c'est tout.

La cour, spacieuse, anciennement pavée, est ornée d'un puits dont la garniture extérieure porte des traces de sculptures. La margelle, presque entièrement usée, atteste son antiquité et le fréquent usage qu'en a fait une longue suite de génération disparues.

Le château était encadré d'un cercle de verdure. Il ne reste plus de trace de ces grands bois de haute futaie. La hache inexorable des bûcherons a couché sur le sol le dernier des châtaigniers séculaires que la main du temps avait respecté.

Ce qui frappe le plus au Quistillic, quand on songe à l'importance de ce domaine et aux droits de suprême juridiction qui y étaient attachés, c'est l'absence absolue d'une demeure seigneuriale proprement dite. Il faut probablement en chercher la cause dans la désertion de ses maîtres. Ceux-ci en effet, du moins depuis le début du XVIIème siècle, faisaient leur plus commune résidence de leurs manoirs du Helfault, de la Luardaye et de Fescal.

Dans l'aveu de 1778, il est expliqué que « la fuye ou refuge à pigeons » est ruiné ; que « les murailles de la cour d'honneur » sont en parties détruites ; n'est-ce pas indiquer, d'une façon à peu près certaine, que les bâtiments ne servaient plus qu'à l'exploitation des terres ?

On peut donc conclure qu'il existait, à l'origine, un château de plus amples proportions, de meilleur aspect, qui correspondait à l'entrée assez monumentale de la cour d'honneur ; mais qui a été remplacé, dès la fin du XVIIème siècle, par les bâtiments qui subsistent aujourd'hui et parmi lesquels on ne distingue qu'une petite maison pied-à-terre ou rendez-vous de chasse, conservée pour les seigneurs.

 

V.

Marzan a passé, à la fin du siècle dernier, aux mains des seigneurs du Plessis de Grénédan, c'est à ce titre que nous lui consacrons une étude.

Cette seigneurie, possédée originairement par les de Marzan, échut ensuite à la famille Butaut. Au milieu du XVIIIème siècle, Madame Marie-Marguerite-Reine Butaut de Marzan, épouse de très haut et très puissant Louis de Durfort, comte de Lorges, lieutenant général des armées du Roi, menin de Mgr le Dauphin et gouverneur de Redon, la reçut des mains de sa tante, damoiselle Marguerite-Louise Butaut de Marzan, décédée le 13 août 1750.

Le comte et la comtesse de Lorges habitaient ordinairement Paris, « dans l'enclos extérieur du couvent de St-Joseph, rue St-Dominique », et aussi Versailles, où ils occupaient l'un des pavillons du château.

Louis de Durfort était le petit-fils de Guy de Duras-fort, par élision Durfort, maréchal de France, ancien capitaine des gardes du corps du roi et de damoiselle N. Frémont. Ce dernier était lui-méme le frère puîné de Jacques-Henri de Duras-fort, duc de Duras, maréchal de France, comte de Rauzen, baron de Pugeol et de Randerouet, gouverneur de Besançon et du comté de Bourgogne, capitaine des gardes du corps qui avait épousé Félice de Lévy de Ventadour (État de la France, Tome II, pages 171 et 175).

Lorges portait : « Écartelé au 1 et 4 de gueule au lion d'argent, au 2 et 3 d'argent à la bande d'azur qui est Duras avec un lambel de gueule pour brisure » (État de la France, Tome II, page 17).

La seigneurie de Marzan relevait en majeure partie du comté de Rochefort et aussi du domaine de Sa Majesté.

 

Marzan à Rochefort.

(Aveu de Marzan au comte de Rochefort. — Archives particulières).

Pour la partie qui incombait à Rochefort, les héritiers rendirent aveu à haut et puissant seigneur Mre Jean-Aimé-Vincent de Larlan, chevalier, comte de Rochefort, baron de Kérouzéré et de Trongoff, seigneur de Questembert, Malestroit, Quisdic, Bléhéban, Kéralier et autres lieux ; savoir :

« Le château, manoir, pourprix et dépendances de Marzan, consistant dans les logements du château, avec une chapelle, cour au devant, jardin derrière et au côté, un pré et un verger, au-dessous dudit jardin, avec un pavillon dans un des angles, et la vigne ensuite descendant sur le coteau au bord de la rivière. Au-devant de la cour, un bois de haute-futaye, faisant un demy cercle, étant sur la montagne et sur le coteau. Au bas dudit coteau est un verger, appelé le pré doux ; et au-dessus une maison, jardin et vivier, entourés de murs, appelés l'Hermitage » (Aveu de Marzan au comte de Rochefort. — Archives particulières).

Les métairies nobles de Marzan ou de Saint-André, de Kerhéno ou de l'Ille, de Kermarho et de Kéroillet.

Le moulin à eau situé derrière le château.

Les tenues à domaine congéable de Kerverlin, Tréneurien, des Grées de Péaule, de Goasparden, de Kerlerno, de Kerdrousquin, de Bodiston, du Petit-Cosquer, de Kerguillaume ou Rosquéran, de Kersouchard ou du Petit-Téno, de Kersudo, de Kergrisay, de Kergoullin, de Coëffaut et de Trébriment.

Le prétendu droit « sur le manoir et portail du Quistillic » cité seulement pour mémoire.

Marzan au Roi.

Sous le domaine de Sa Majesté, Marzan avouait :

Trois moulins, dont deux à eau et un à vent.

« La métairie noble de Kerjean, avec bois de futaie ».

Le four à ban coutumé du bourg.

Les bois du Ploquin, de Kerfalher et de la forêt de Marzan.

Le droit de six deniers monnoie, payables le jour de la fête des saints Pierre et Paul, par les mains du recteur ou du vicaire, « sur les oblations et offrandes du grand autel de l'église paroissiale » (Aveu de Marzan au Roi: Archives particulières).

La tenue Guyot, sur laquelle on avait réduit 24 sols tournois, « à cause des maisons, cour, jardins, vergers, retirés féodalement par Melle de Marzan, afin de loger les soeurs, installées pour l'école charitable et pour le soulagement des pauvres » (Aveu de Marzan au Roi: Archives particulières).

Les maisons du bourg, appelées « le château Montargis ».

La maison René Richard, proche la prison.

Le bois de l'Enfant, où est la justice patibulaire de la juridiction, à 4 piliers, contenant 20 journaux.

Le total du rachat de Rochefort montait à ........ 2800 livres.

Et celui du roi à ......... 2200 livres.

Ce qui faisait pour l'ensemble de la seigneurie .... 5000 livres, prix égal au fermage général de la terre de Marzan, consenti par bail authentique à Julien Jaffre et Marie Danilo, sa femme ; et à Guillaume Magrez et Perrine Delanoë pour une période de neuf années.

Les bailleurs se réservaient simplement : le premier étage du château ; la petite chambre au-dessus de l'escalier et la chapelle ; ainsi que les bois de futaie et de décoration.

M. de Lorges reçut, « pour le tout des pots de vin et deniers d'entrée », cent louis d'or de 24 livres (Bail de la seigneurie de Marzan, 11 novembre 1751. — Archives particulières).

Les seigneuries de Marzan, Kerjean et Bezi s'étendaient sur 8 parroisses : Marzan, Péaule, Rochefort, Caden, Saint-Jacut, Malansac, Rieux et Peillac. Celle de Kerjean semblait la plus ancienne, par son origine.

Elles possédaient ensemble les droits de juridiction les plus élevés. La haute justice, exercée en l'auditoire du bourg de Marzan avait quatre piliers, qui se dressaient entre les routes de Nantes à Vannes et de la Roche à Questembert, sur les vastes landes du Bois de l'Enfant ou du Placéno, connues aujourd'hui sous le nom de landes de la Justice. Et tout l'appareil de justice (fourches patibulaires, ceps, colliers et poteaux), vu de fort loin, était bien propre à inspirer la terreur aux vagabonds qui dévallaient sur le grand chemin, de tout temps si fréquenté de Vannes à Nantes.

Le droit de collier et de carcan existait aussi au bourg de Marzan.

Le duc de Lorges était supérieur et fondateur de l'église Saint-Pierre et Saint-Paul. Il y était inféodé, vers le roi, à cause de Marzan et de Kerjean, par de bons et valables titres, et une immémoriale possession. De même, il était à la fois patron et fondateur du cimetière et du presbytère.

Il jouissait dans l'église, de toutes les prééminences, comme enfeu prohibitif sous le chœur ; deux bancs clos, armoriés de ses armes, l'un dans le chanceau, l'autre dans la chapelle de Sainte-Marguerite, du côté de l'Evangile du grand autel. Il avait droit de ceinture et lisière funèbres armoriées en dedans et au dehors ; celui d'armes et écussons dans les vitres et en relief de pierre de taille dans les quatre coins, dehors et dedans, sans qu'aucun autre ait droit d'armoirie. Il nommait « le secrétain » (Aveu de la seigneurie de Marzan — Archives particulières).

A ce sujet il existait plusieurs coutumes assez singulières.

Chaque année, « au jour et feste de Saint-Estienne après Noël », il avait un droit « de jeu de soulle par le dernier épousé dans l'année en l'église de Marzan ou dans les chapelles de la paroisse ».

Il recevait, comme on l'a dit, la dîme des offrandes du grand autel.

Il avait, sur ses vassaux, des droits de gruërie et de drague.

La drague consistait en une course que le seigneur faisait tenir annuellement, à la Saint-Pierre, dans le bourg. Il y avait trois tours l'un avant la grand'messe, l'autre avant les vêpres et le dernier après.

Le recteur de Marzan, à cause du Presbytère qui relevait de Kerjean, payait les sonneurs de musette pour accompagner la drague et les possesseurs de la Grée de Bondeguy fournissaient une poule et un renard vifs, pour mettre dessus ; à peine de 48 sols d'amende à défaut de poule et de renard vifs.

Le recteur donnait encore les joyaux ; c'est-à-dire les gants et les aiguillettes des lutteurs, et aussi un pot de vin pour les porteurs de la drague.

Le jeu de soûle, cité plus haut, était dû sur le mur du cimetière. Aussi bien, le jour de Saint-Etienne, on apportait au seigneur sur ce mur, à l'issue de la messe, « un plat, couvert d'une serviette avec un déjeuner pour lui et sa compagnie ».

Il y avait foire et assemblée, à chaque fête paroissiale, au bourg de Marzan et le lendemain, sans assignation, tenue de plaids généraux à laquelle assistaient tous les vassaux.

Puis, à l'issue des plaids généraux, les cabaretiers et débitants se présentaient aux assises de la juridiction souveraine, où les officiers poinçonnaient et étalonaient « au jaillon de la seigneurie » les pintes qui leur étaient présentées pleines de vin, comme droit de poinçonnage.

Outre ces droits, et tous ceux qui étaient attachés aux fiefs de haute justice, Marzan avait encore le droit de four banal au bourg, celui de chasse prohibitif à tous autres, et enfin le droit de trépas « qui est de 6 deniers par charge de marchandise qui passe, de la Roche-Bernard, le long du grand chemin, pour aller à Muzillac » (Aveu de la seigneurie de Marzan. - Archives particulières).

Le comte de Lorges, qui posséda la terre de Marzan jusque en 1773, joua un rôle important dans la noblesse française. Après son élévation à la duché-pairie, il fut successivement lieutenant-général des armées du roi, gouverneur des ville et château de Blaye, lieutenant-général du comté de Bourgogne, puis gouverneur et commandant en chef des ville et château de Redon. Qualifié baron de Quintin, vicomte de Pommerit et seigneur d'Avaugour, il avait épousé haute et puissante dame, Madame de la Ville Orion, la Ville-Boury, Kerampart, Marzan, Kerjean, le Bezi et autres lieux.

Tous deux décédèrent vers 1786, et messire Fortuné-François du Plessis de Grénédan exerça la saisine noble de leur succession.

Il était fils de messire Charles-Augustin François, qui l'était lui-même de messire Charles-Marie-René du Plessis de Grénédan et de dame Elisabeth de Montaudouin.

Pendant la Révolution, la terre de Marzan resta aux mains des Grénédan. Elle fut portée ensuite, dans la première période de ce siècle, en celle des Dubreil par le mariage de Madame Marie-Anne-Perrine-Caroline du Plessis avec M. Marie Ange Dubreil.

Leur fils, M. François-Marie Dubreil de Marzan, hommes de lettres, l'habita pendant de longues années. Il avait épousé, en premier mariage, Mademoiselle Le Pelletier et en second mariage Mademoiselle Marie Jahenny.

A sa mort, le château a été racheté par l'un de ses enfants.

C'est une vaste construction de style renaissance, élevée sur un coteau qui domine la Vilaine, dans une jolie situation, à deux kilomètres environ du bourg de Marzan. Un bois de futaie, planté en demi-cercle lui sert d'encadrement. On vantait beaucoup autrefois une allée d'ifs centenaires qui conduisait à l'Hermitage. Cette allée a été récemment détruite, lors des modifications que le propriétaire actuel a fait faire autour du château.

(Vicomte ODON DU HAUTAIS).

 © Copyright - Tous droits réservés.