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LE CHATEAU DE KERJEAN A SAINT-VOUGAY

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Le château de Kerjean, en Saint-Vougay, surnommé « le Versailles de la Bretagne », méritait bien cette pompeuse appellation, par la beauté et l’étendue de ses immenses constructions, qui ne couvraient pas moins d’un hectare soixante ares, et dont il ne reste à la fin du XIXème siècle que de superbes ruines.

Entouré de bois magnifiques et de splendides jardins, il s’élevait au centre d’une enceinte carrée, close de murailles élevées garnies de mâchicoulis, comme celles d’une place forte, et d’une largeur de cinq à six mètres. Des tours en marquaient les quatre angles et l’entrée principale, avec pont-levis, où conduisaient des avenues séculaires. Les jardins occupaient, à eux seuls, une superficie de trois hectares.

Saint-Vougay (Bretagne) : château de Kerjean.

Le château de Kerjean fut construit, en 1550 par Louis Le Barbier de la maison de ce nom dont les armes étaient : « D’argent à deux fasces de sable » et la devise : « Var va buez » (Sur ma vie) [Note : Louis Le Barbier avait épousé Jeanne de Gouzillon ; leurs armes écartelées se voient encore sur le porche d'entrée]. Ces seigneurs avaient acquis beaucoup de terres, et d’importants fief dans le pays, avec le produit de l’héritage, très considérable, de Hamon Barbier, abbé de Saint-Mathieu, et conseiller au Parlement des Grands Jours (1533).

« Cet abbé avait cumulé tant de bénéfices, qu'à son décès il y eut, dit-on, plus de quarante vacances ! et que le Pape demanda si tous les abbés de Bretagne étaient morts le même jour » (Manet, Histoire de la petite Bretagne). Uni aux châtellenies de Languen, Kerbiguet, Rodalvez et Trocurun, Kerjean fut érigé en marquisat, au mois de juillet 1618, en faveur de René Le Barbier, chevalier de l'ordre de Saint-Michel et gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi, et relevait des seigneurs de Maillé, ducs de Rohan-Chabot, à qui le marquis de Kerjean devait un singulier hommage. Au jour marqué, chaque année, ce dernier était tenu d’amener, lui-même, à Lanhouarneau un oeuf dans une charrette attelée. Arrivé en présence de son suzerain il devait faire cuire cet oeuf et le lui servir, chapeau bas (Ogée, Dictionnaire de Bretagne, notes de la 2ème édition, article sur Saint-Vougay).

D’après certains auteurs, l’hommage du marquis de Kerjean comportait un autre cérémonial :

« Le seigneur de Lanhouarneau reçoit tous les ans, à jour marqué, une rente du seigneur de Kerjean, qui vient à Lanhouarneau et présente au seigneur supérieur, qui est assis dans une chaise de pierre, un morceau de pain, deux oeufs durs et une bouteille de vin, qu’il lui sert le chapeau bas ; et quand il a bu et mangé, le seigneur de Kerjean se met dans la même place et le seigneur supérieur lui en sert autant » (Ogée, Dictionnaire de Bretagne, article sur Lanhouarneau).

Claude-Alain Le Barbier, comte de Lescouët, avait épousé, en 1714, Françoise-Perrine Le Borgne de Lesquiffiou. A la fin du XIXème siècle, le descendant de cette maison est le marquis Le Barbier de Lescouët qui habite le château de Lesquiffiou près de Morlaix et a plusieurs enfants.

Le marquisat de Kerjean tomba dans la maison de Coëtanscours [Note : De Coëtanscours, seigneur dudit lieu, paroisse de Plourin, de Kermorvan, de Rozalec et mitres lieux, marquis de Kerjean et Saint-Vougay. Ancienne extraction chevaleresque. réformation 1669, huit générations ; réformations et montres, de 1427 à 1543, paroisse de Plourin, évêché de Tréguier. Armes : « D’argent au chef endenché de gueules ». Devise : « A galon vad. » (de bon coeur). Cette maison s’est fondue, en 1755, dans Kersauson (Potier de Courcy, Nobiliaire et Armorial de Bretagne)] puis par alliance dans celle de Kersauson, à la mort d'Alexandre de Coëtanscours, vers 1769, par le mariage de sa fille Suzanne avec Louis-François-Gilles, comte de Kersauson, (fils du marquis de Kersauson de Brésale) mariage célébré, le 9 septembre 1755, dans la chapelle du château de Kerjean.

Ce comte de Kersauson de Coëtanscours fut l’un des chefs les plus ardents de l'opposition contre le duc d'Aiguillon aux Etats de Bretagne, notamment à la tenue de 1760 [Note : Voir Barthelémy Pocquet, L’opposition aux Etats de Bretagne]. Il mourut à Kerjean, le 4 septembre 1767.

Suzanne-Augustine de Coëtanscours, née le 25 mai 1723, dernière marquise de Kerjean est restée légendaire en Basse-Bretagne, tant à cause de sa beauté remarquable, que pour sa richesse, le luxe extrême de sa maison et, surtout son orgueil invraisemblable dont on cite des traits qui ne manquent pas d’originalité.

La marquise de Kerjean tenait garnison dans son château, dont les créneaux portaient de l’artillerie et, chaque soir, les clefs de la place étaient solennellement déposées au chevet de la châtelaine.

« Un jour M. de la Marche, évêque de Saint-Pol-de-Léon, étant venu la voir, avec six curés de son diocèse, elle fit servir ceux-ci à l’office. En se mettant à table, s’apercevant de cette insolence, l’évêque prend son couvert et se lève.

" Où aller-vous ? " lui dit-elle.

" Dîner avec mon clergé ", répond le prélat.

Madame de Coatanscours envoya prier les prêtres de venir dîner avec elle.

Une autre fois un huissier lui apporte des papiers. Elle les lit lentement et laisse l’homme de loi debout. Au bout d’un certain temps celui-ci, impatienté, se couvre et s’assied.

" Que faites-vous ? Sachez, lui dit-elle, que jamais un huissier ne s’est assis, ni couvert, en ma présence ! ".

" C’est, répondit l'huissier sans se lever ni se découvrir, que ceux-là n’avaient ni c… ni tête ! » (Ogée, Dictionnaire de Bretagne, article sur Saint-Vougay).

L’histoire n’ajoute pas la description de celle (de tête ! !) que dut faire l’orgueilleuse châtelaine, en présence d’une pareille audace : il est à croire qu’elle fit..... accompagner par ses gens, jusqu’à la porte de son château, le malencontreux huissier qui se permettait de lui faire ainsi la leçon.

En 1794, Kerjean fut démantelé et son artillerie emmenée à Brest. La marquise de Coëtanscours, arrêtée et emprisonnée, se montra aussi fière et aussi arrogante devant le tribunal révolutionnaire que dans les salons de Kerjean, attitude qui lui valut une condamnation à mort. Elle fut exécutée à Brest, le 27 juin 1794, à l’âge de soixante-dix ans.

Le château de Kerjean est à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle habité par la famille de Coëtgoureden. (J. Baudry).

Saint-Vougay (Bretagne) : château de Kerjean.

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Quand, au sortir de Landivisiau, on a suivi pendant une dizaine de kilomètres la route de Plouescat, qui déroule ses sinuosités dans le cadre un peu morne d'une nature avare de végétation, l'horizon à gauche se barre soudain d'un rideau d'arbres de hautes futaie d'où jaillissent des toitures élancées.

On prend le chemin de Plougar, que désigne un poteau indicateur, et l'on se trouve en face d'une allée majestueuse, au fond de laquelle, dans une clairière, d'où rayonnent en tous sens de larges avenues, s'abrite comme en une oasis de verdure, le château de Kerjean, magnifique oeuvre d'art moitié forteresse, moitié palais d'agrément, due à la volonté tenace des Le Barbier, ses fondateurs.

Le château, précédé d'une vaste esplanade plantée d'arbres, se présente entouré d'une enceinte fortifiée, décorée d'un portail du plus imposant effet.

Les murailles de cette enceinte, épaisses de 6 mètres, munies de casemates pratiquées dans le revêtement des pierres, forment un quadrilatere d'environ 5 mètres de côté, flanquée à chaque angle d'une tour carrée, crénelée et percée de meurtrières.

Une douve large de 10 mètres, et d'une profondeur égale, protège l'ensemble.

Un pont jeté sur la douve mène à une première cour qui enserre tous les bâtiments intérieurs disposés de façon à enclore la cour d'honneur proprement dite.

LES ORIGINES DU CHÂTEAU.

Ce château de Kerjean, que les touristes et les amateurs fervents des beautés du passé aiment tant à visiter, en raison de sa valeur artistique, date son origine de la fin du règne d'Henri III.

Le dictionnaire d'Ogée, édité sous Louis XVI, fait de Kerjean une place forte, appuyée d'un superbe donjon, qui, au temps de la Ligue, aurait soutenu des sièges héroïques.

Aucun document digne de foi ne confirme cette assertion. Mais d'autres éléments, un peu confus parfois, parfois contradictoires, existent qui suffisent pour reconstituer l'histoire, tour à tour pittoresque et tragique, de l'antique demeure qu'aux jours de sa splendeur, on pût appeler le « Versailles Breton ».

Vers 1444, dans la paroisse de. Saint-Vougay, à 12 kilomètres au nord-ouest de Landivisiau, à 10 kilomètres de la mer, par Plouescat, s'élevait un modeste manoir qu'habitait Messire 0llivier, seigneur de Kerjean et sa femme, dame Marguerite de Lanrivinen. Au début du seizième siècle, le domaine de Kerjean devint, très probablement par voie d'échange, propriété d'Yves Le Barbier, seigneur de Lestorhan, dont les descendants immédiats allaient transformer l'humble habitation en un magnifique et puissant château.

Les Barbier n'étaient pas originaires du Léon. Ils semblent y être venus comme juges ou comme officiers des vicomtes de Rohan. Quoi qu'il en soit, ils sont tributaires du comte de Maillé, auquel il leur faut tous les ans, porter à titre d'hommage, un oeuf, placé sur un chariot, traîné par quatre boeufs.

De moyenne noblesse et de fortune médiocre, comment la famille Le Barbier eut-elle l'idée d'entreprendre une oeuvre aussi considérable que le château de Kerjean, et quelles ressources utilisa-t-elle pour la mener à bonne fin.

Yves Barbier, qui acquit des 0llivier comme nous l'avons dit plus haut, le petit domaine de Kerjean, eut plusieurs enfants de sa femme, Marguerite de Kersulguen.

Les deux aînés, Jean et Hamon Barbier se chargèrent de thésauriser et d'asseoir sur des bases solides la puissance et la prospérité de leur maison.

Jean fut le procureur des cours de Penzé et de Landivisiau, puis procureur de la principauté de Léon, à Landerneau. Ces importants offices lui firent une source d'appréciables bénéfices.

Entre temps, son frère Hamon Barbier, allait encore plus vite en besogne. Un canonicat de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon fut le premier échelon de sa fortune. Quelques années plus tard, il était tout ensemble conseiller au Parlement de Bretagne, abbé de Saint-Mathieu, chanoine de Léon, de Nantes, de Cornouailles et de Tréguier, archidiacre de Quémenet-Illy, recteur de Plougoulm, Saint-Vougay, Plounévez-Lochrist, Plougourvest, Plougar, Lannilis, Guimiliau, Plourin, Sizun, prieur de l'lle-de-Batz, sans parler de maintes autres prébendes. Aussi, lorsqu'il mourut, plus de 40 bénéfices se trouvèrent-ils vacants d'un seul coup, si bien que le pape étonné demanda si tous les abbés de Bretagne étaient morts le même jour.

Jean et Hamon Barbier étaient devenus d'autant plus riches qu'ils vivaient petitement et accumulaient leurs revenus. Mais ces hommes n'étaient pas avares par plaisir. Ils avaient leur idée de derrière la tête. Ils thésaurisaient pour permettre à leurs descendants de construire le foyer de leur race, foyer solide comme il convenait en ces temps où chacun mesurait à sa force le respect dû à la loi.

Il eurent la satisfaction avant de mourir, de voir leur rêve se matérialiser pour les siècles, en massives pierres de taille.

D'après leurs plans, Louis Barbier, que Jean, veuf de Jeanne de Parceveaux, avait eu d'un second mariage avec Jeanne de Kersauson, fit bâtir, vers 1560, les premiers bâtiments du château, avec leurs pièces immenses, aux cheminées gigantesques, avec aussi leurs réduits obscurs, leurs escaliers en casse-cou, leurs portes à hauteur d'estomac, qui dénotent le souci de la défense intérieure. Les successeurs de Louis continuèrent, au gré de leurs caprices, son oeuvre qui ne fut terminée qu'en 1590, disent certains auteurs, en 1618, affirment d'autres. La succession des architectes explique la diversité des styles que l'on remarque dans l'ensemble de la construction.

VERS LA GLOIRE ET LA PUISSANCE.

Une ère de prospérité s'ouvrait maintenant pour la dynastie des Barbier.

Riches d'argent, les maîtres de Kerjean eurent d'abord à établir leur noblesse. Le monde de la chicane, à l'instigation des commissaires de la Réformation des fiefs, instituée par François Ier en 1535, prétendit qu'ils n'avaient aucun droit à se dire noble. Après la mort de Jean Barbier, sa femme dut soutenir un procès tortueux et onéreux pour faire déclarer son fils Louis, alors âgé de 9 ans « homme noble et extrait de noble génération ».

PENDANT LA LIGUE.

La Bretagne était alors bouleversée par les troubles de la Ligue. Les Barbier avaient pris parti pour les Ligueurs et mis Kerjean en état de résister, aux troupes royales qui cantonnaient à Brest. Une forte troupe y tenait garnison, pour surveiller la grand'route de Morlaix à Lesneven. Mais en 1594, Louis Barbier intervint près des ligueurs du Léon réunis au Folgoët et leur fit signer une capitulation. L'année suivante, après avoir rallié les seigneurs de Kerjean à la cause royale, il mourait, précédé de deux mois dans la tombe, par son fils François.

Saint-Vougay (Bretagne) : château de Kerjean. 

RENÉ BARBIER & LA BARBERINE BRETONNE.

Le nouveau maître du domaine fut René Barbier, qui est le héros d'une des plus touchantes histoires qui soient. Alfred de Musset s'en est inspiré pour composer sa « Barberine ». René avait épousé Françoise de Quélen. Un jour, peu après la mort de Henri IV, il fut obligé de se rendre à la cour, laissant sa femme au château.

Le rude Breton fut fort étonné de trouver au Louvre une jeunesse frivole et arrogante, toute une troupe d'aventuriers italiens et de cadets de Gascogne, aux allures à la fois souples et pleines de morgue.

René eut l'imprudence de raconter en toute simplicité qu'il avait laissé sa femme à Kerjean, sûr qu'il était de sa fidélité. Là-dessus, quelques fanfarons de se livrer à des plaisanteries aussi déplacées que faciles.

Quatre gentilshommes se vantèrent même de venir en un mois, à bout de la vertu de Françoise de Quélen.

Des paris s'engagèrent en présence de la Régente. De Belz gagea son plus beau cheval, de Bruc, un diamant de prix, de Bombelle, mille écus, de St-Phar, sa dernière récolte. René tint le pari et gagna. Les quatre fats se rendirent au château où tout d'abord ils reçurent le plus aimable accueil ; mais en vain, ils envoyèrent à Paris de bonnes nouvelles de leur galante expédition, appuyées d'un ruban de la châtelaine et même de son anneau de fiançailles, qu'ils avaient réussi à dérober. Leurs intrigues amoureuses n'eurent aucun succès.

Quand, les délais écoulés, le seigneur de Kerjean accourut chez lui, quelque peu inquiet, les quatre seigneurs, tout déconfits, étaient enfermés dans un réduit que l'on voit encore, piteusement occupés à corder de l'étoupe pour les pauvres. La fine, spirituelle et vertueuse Françoise de Quélen les présenta à son mari dans leurs nouvelles fonctions.

La piquante aventure fut contée au Louvre et valut à René d'être nommé chevalier de l'ordre, gentilhomme de la Chambre du roi et de voir son domaine érigé en marquisat. Sa femme était en même temps nommée dame d'honneur de la reine. Les cendres du vieil Hamon pouvaient frémir d'orgueil dans la tombe, les Barbier avaient fait du chemin.

LES ÉTAPES D'UNE DÉCADENCE.

C'était au surplus l'apogée de leur gloire quelques marquis de Kerjean occupèrent encore des emplois importants ; ils furent colonels ou chefs d'escadre et l'un d'eux, qui eut l'honneur d'être élevé avec Louis XIV, se vit même pourvu du titre de commandant de la noblesse de l'évêché de Léon et de vice-amiral de Bretagne.

Mais l'heure de la décadence était arrivée ; marquis et marquises, avides de briller, se livrèrent à qui mieux mieux à de folles dépenses. On gaspilla les revenus, on entama le capital et un beau matin on se réveilla, pris jusqu'au cou dans le filet des usuriers.

C'est chez les gens de loi qu'il faut chercher désormais l'histoire désordonnée des sires de Kerjean. Une mésentente perpétuelle divise les ménages : un René de Kerjean vit séparé de sa Françoise de Parcevaux qui mène à Paris une vie peu recommandable. Sous prétexte que son mari la maltraite, elle réussit par arrêt du Parlement, datée du 2 mars 1643, à le faire condamner à mort, par contumace.

Par sentence du Châtelet à Paris, du 13 mai 1682, Joseph Le Barbier, marquis de Kerjean, est condamné à 10.000 livres de dommages-intérêts pour tentative d'assassinat sur la personne de Hiérome Le Dall, de Plouescat. Comme il refuse de payer, on l'écroue à la prison de Quimper, dont il s'enfuit en brisant la porte. Il est alors condamné au banissement perpétuel.

Que sont devenues la vertu touchante de Françoise de Quélen, la confiance chevaleresque du premier René Barbier ?

Scandales du côté des femmes, scandales du côté des hommes qui dans le château, témoin naguère des robustes qualités des premiers occupants, fondateurs de la race, ne mènent plus désormais qu'une vie de pillards, faisant trembler tout le pays : ainsi s'achève dans une lamentable déchéance, une histoire commencée dans l'élan des espoirs orgueilleux, poursuivie dans la joie des ascensions vers les sommets.

Saint-Vougay (Bretagne) : château de Kerjean. 

PENDANT LA RÉVOLUTION, LA TRAHISON D'UNE SERVANTE.

Sébastien Barbier avait laissé deux filles, dont l'une épousa Alexandre de Coatanscour.

Suzanne de Coatanscour, marquise de Kerjean, est restée célèbre pour sa beauté et son orgueil. Veuve, sans enfants du comte de Kersauson, elle était, quand éclata la Révolution, propriétaire du château, ou elle vivait avec sa sœur. Les évènements la trouvèrent intraitable et obstinément rebelle. Elle organisa la résistance dans la région et, en dépit de ses 70 ans, tint tête aux Bleus.

Le directoire de Lesneven d'abord, les patriotes de Brest ensuite, signalèrent les menées de la fougueuse aristocrate. — Son arrestation fut décidée.

Jean Bon St-André, président du tribunal révolutionnaire de Brest, se présenta au château. La châtelaine et sa soeur se tenaient blotties dans un réduit secret, proche de la cuisine. Une servante indiqua la cachette que les révolutionnaires n'avaient pu découvrir. Les pauvres femmes furent emmenées à Brest et exécutées le 9 messidor an II (juin 1794). Au pied de la guillotine, elles gardèrent leur orgueil aristocratique et moururent courageusement.

APRÈS LA RÉVOLUTION.

Le château est vide et laissé à l'abandon. Des bandes de pillards l'ont occupé et saccagé. Le vieux mobilier, les riches tentures, les vaisselles de prix, tout a été volé.

Précédemment, vers 1710, le feu lui-même s'était mis de la partie et avait fait du superbe pavillon de droite, un amas de ruines mélancoliques.

Puis, le Directoire a la désastreuse idée d'ordonner la démolition de Kerjean. Le décret est heureusement rapporté avant un commencement d'exécution. C'est enfin la mise à l'encan. Le château est vendu comme bien d'émigré. Un honnête notaire, M. Le Tersec, réussit à le faire restituer aux Chrétiens de Tréveneuc, dont il établit les droits à la succession des Coatanscour.

Par suite de mariages, le domaine de Kerjean devient tour à tour la propriété des de Brilhac, des de Forsanz et enfin de la famille de Coatgoureden.

LE CHÂTEAU DE KERJEAN PROPRIÉTÉ DE L'ÉTAT.

Tout le pays du Léon, et, on peut le dire, tous ceux qui en France ont l'amour et le respect des beaux souvenirs du passé, s'inquiétèrent un moment de voir le « Versailles Breton » exposé à être vendu à des étrangers. Un Américain et un Belge proposaient de l'acquérir. Il était temps que l'Etat intervint. A la suite de démarches heureuses de M. Cloarec, député de Morlaix, M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-arts, entra en pourparlers avec la famille de Coatgoureden et le 11 Juillet 1911, le château devenait propriété de l'Etat, au prix de 250.000 francs.

LES DESTINÉES NOUVELLES DE KERJEAN.

De nouveaux destins recommencent pour Kerjean.

Le fier château qui connut la joie bruyante des fêtes, le tumulte des batailles, l'orgueil des victoires, les horreurs du pillage, les détresses de l'abandon, sera désormais dans un silence apaisé le calme refuge de l'Art Breton.

A l'abri des coups du sort, des restaurations maladroites ou d'une industrialisation impitoyable, nous souhaitons qu'il demeure, selon l'heureuse expression de M. Dujardin-Beaumetz, « un autel patriotique élevé à la mémoire de la Bretagne ancienne et moderne » (Em. LE BRAS).

Saint-Vougay (Bretagne) : château de Kerjean.

APPENDICE - Le PETIT GUIDE du Château de Kerjean.

Parmi les curiosités que révèlent le château de Kerjean, signalons :

La frise de la chapelle, pleine de jolis détails. Les corbels ou personnages saillants représentent, de gauche à droite, les quatres Evangélistes - Saint Marc et son lion, saint Mathieu et son ange, saint Jean et son aigle, saint Luc et son boeuf. Dans l'angle de droite au fond, sainte Madelaine en dame du XVIème siècle portent un vase de parfums ; au-dessus des sujets de la frise, règne un cordon de pampres de vignes où se détachent des anges et des personnages aux postures étranges, des motifs représentant la Sainte Face, les Cinq Plaies, la Sainte Tunique ; un puits à gauche duquel un ange verse de l'eau dans un vase ; dans les nervures des lambris du côté du fond de la Chapelle, des anges tenant des instruments ayant servi à la passion ; une couronne, un vase de Chine, un fouet, etc., etc.

Les poutres se terminent par des gueules de dragons.

A l'angle gauche de la cour d'honneur, un puits tout en granit, fait l'admiration des visiteurs.

Trois belles colonnes monolithes entourent la margelle circulaire et, surmontées de riches chapitaux corinthiens, reçoivent, sur un entablement triangulaire, une coupole couronnée elle-même d'un lanternon formé de quatre colonnettes doriques, portant une petite corniche couverte d'une calotte et d'un vase à godrons. Dans les angles de l'entablement, des vases remplis de fleurs ou de fruits complètent le décor.

Dans le Pavillon des archives on remarque une belle cheminée ; au bout de l'aile gauche une Chambre voûtée avec fenêtre grillée ; elle contient une petite cheminée d'un style très pur et est fermée par une porte très curieuse, énorme, renforcée de clous, de barres de fer et de verrous. Cette pièce passe pour avoir servi de prison.

Dans la salle d'honneur du Pavillon central on admire une magnifique cheminée décorée d'une frise grecque, de croissants et de magnifiques pilastres.

Au-dessus du 2ème étage, les combles possèdent une remarquable charpente.

La Tourelle d'Angle ou Poivrière, à laquelle on accède par un escalier tournant, offre une vue superbe. Au rez-de-chaussée, on remarque la cuisine pourvue d'une immense cheminée, puis une pièce voûtée qui fut le théâtre de l'aventure de Françoise de Quelen. Dans les sous-sols voûtés, à usage de corps de garde et sans doute de prison, on trouve le réduit où se cachèrent les marquises de Coatanscour rechercées par les révolutionnaires ; on descend dans les sous-sols par un escalier à double révolution d'une disposition curieuse.

Citons encore, comme digne d'une visite, les chambres souterraines des tours d'angle, la promenade sur les remparts, le beau colombier décoré d'une corniche à modillons, et au fond de l'ancien parc, près de l'étang, dans un décor pittoresque, une ravissante Fontaine qui est la réduction de la fontaine Médecis au jardin du Luxembourg. (Em. LE BRAS).

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