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JEAN PÉRON et le Collège de Léon

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Saint-Pol-de-Léon en 1751 - Naissance de Jean Péron.

Le 18 juillet 1804, le maire de Saint-Pol-de-Léon, M. de Kerhorre, soucieux des intérêts de l'antique cité, naguère encore si prospère, adressait au Ministre de l'intérieur, une pétition dont voici le début : 

« Excellence, la ville de Saint-Pol-de-Léon renfermait dans son sein avant la Révolution un siège épiscopal, un Chapitre riche, un Séminaire, un collège nombreux, une école de Mathématiques, deux communautés d'hommes, deux de filles, une juridiction des Reguaires très étendue, un haras considérable entretenu aux frais de la Province et beaucoup de maisons opulentes... ».

Cet extrait laisse soupçonner la vie intense qui animait au XVIIIème siècle la cité de Saint-Pol. Mais disons tout d'abord comment elle était administrée à l'époque.

Jusqu'au XVIIème siècle, les affaires de la ville s'y traitaient comme à l'Agora d'Athènes, nous dit Pol de Courcy. Certains jours, la cloche appelait à l'église du Creisker les trois ordres de la ville, clergé, noblesse et tiers-état, pour « délibérer sur les affaires du Roy et aultres concernant le bien public ». Mais le clergé et la noblesse ne s'y trouvent pas souvent, écrit le syndic de la Communauté ; si bien qu'il ne reste plus qu'une multitude de peuple qui, au lieu de délibérer, n'apporte que confusion et désordre. Aussi le magistrat, en 1648, supplie-t-il le Parlement de l'autoriser à convoquer tous les habitants pour élire chaque année vingt d'entre eux qui délibéreraient seuls des affaires de la commune. Le Parlement y consentit et ainsi naquit le Conseil municipal, on disait alors la Communauté, de Saint-Pol. En 1692, la charge de maire fut érigée ; les élections se firent à deux degrés, par corporation et, les tumultueuses réunions du Creisker ayant cessé, la vie municipale au XVIIIème siècle fut très calme. En 1751, le maire était M. Prigent de Kérébars, conseiller du roi, sénéchal, premier magistrat civil et criminel de la dite ville, subdélégué de l'Intendant de Bretagne, Commissaire des Etats de la Province à Léon ; les membres de la Communauté étaient Joseph Sébastien Hervé sieur du Penhoat, procureur du roi à la dite Communauté, Le Saux de Ruvilly, Salaün du Penquer, Le Flô, Villeneuve et Lucan de Tyman, échevins.

A la faveur d'une administration municipale si bien ordonnée, la vie religieuse s'épanouissait dans cette cité, où résidait l'Evêque. En cette même année 1751, un nouveau palais épiscopal venait d'être achevé, qui était habité par Mgr Jean-Louis Gouyon de Vaudurant. Descendant de Louis Gouyon, un des héros bretons du fameux combat des Trente, le prélat, né à Vannes en 1702, d'abord vicaire général de Coutances, est évêque de Léon depuis 1745. Dans la cathédrale, oeuvre de trois siècles, un important Chapitre entretient la vie de prière. Quinze chanoines, quatre vicaires prébendés, huit prêtres choristes, quatre bacheliers ou jeunes clercs, douze enfants de chœur forment l'imposant cortège qui, chaque jour et plusieur fois par jour, précédant le chanoine Grand Chantre ayant en main le bâton cantoral, franchit la porte du chœur, alors fermé par un jubé. Chanoines et clercs portent le surplis et l'aumusse, sorte de mantelet à capuchon garni de fourrures, et les enfants de la Psallette portent l'amict et l'aube sur la soutanelle rouge. Souvent Mgr de Vaudurant lui-même, pour satisfaire à la prébende canoniale « qui est annexée à la crosse » vient à l'office et occupe « la chaire élevée, côté de l'Epitre, pour le Seigneur Evêque ». Et l'office divin se déroule chanté, non seulement en un concert de voix, dit M. le chanoine Peyron dans son opuscule sur le Minihy, mais aussi avec l'accompagnement de serpent, clarinette, violons, basses et contrebasses. « C'est en cas d'épidémie seulement, par suite du manque de suppôts et de choristes que les services qui se doivent chanter en musique se chantent en plain-chant ». La messe canoniale elle-même est chantée en musique et, dans l'inventaire de la Psallette dressé en 1763 par Maître Martin, on compte 22 messes en musique, dont deux en symphonie. 

L'église du Creisker sert de chapelle aux Séminaristes et chaque jour la messe y est chantée avec diacre et sous-diacre, pour exercer les jeunes clercs aux cérémonies sacrées.

La vie ascétique fleurit d'autre part dans deux couvents d'hommes, l'un de Carmes, l'autre de religieux de Saint François de Paule appelés Minimes. Une importante communauté de religieuses Ursulines élève dans la piété de nombreuses jeunes filles.

Comment la ville de Saint-Pol ne serait-elle pas la ville sainte, « Kastel, santel » ? M. le chanoine Peyron a compté les chapelles qui se dressaient autour de la cathédrale ; il n'en trouve pas moins de trente-six, en comptant les églises de Santec et de Roscoff. A cette époque, en effet, la paroisse de Saint-Pol-de-Léon comprenait encore tout le territoire que saint Pol avait reçu du comte Guithur et qui constituait un asile ou minihy, à savoir la paroisse actuelle et en plus le territoire des paroisses de Roscoff et de Santec. Si la ville même comptait 5.400 habitants, la paroisse comprenait 12.000 âmes. Cette unique et vaste paroisse avait pour recteur le Chapitre même de la Cathédrale. Ce dernier nommait pour l'administrer un vicaire perpétuel que le peuple appelait le recteur du Minihy et six autres vicaires, appelés curés du Minihy ; chacun de ceux-ci administrait un des sept quartiers du Minihy. C'est donc un modèle curieux d'administration paroissiale. Le Chapitre a bien consenti à laisser élever des fonts baptismaux dans les églises de Roscoff et de Santec, mais il maintient, pour les habitants de ce quartier, l'obligation d'assister, comme les autres, au prône, à la grand'messe et à la communion pascale dans la cathédrale, si bien que la cathédrale est la seule église paroissiale de tout le Minihy. Le recteur y dit tous les dimanches à sept heures une messe basse et y fait la publication des bans et les annonces paroissiales pour tout le Minihy. A dix heures, a lieu la grand'messe, chantée par un chanoine ; c'est alors qu'est donnée l'instruction dominicale, réservée au chanoine théologal qui prêche toujours en breton malgré la réclamation adressée à l'Evêque en 1764 : « Ce sermon est énoncé selon l'usage immémorial en langue bretonne, cet idiome des habitants de votre diocèse que la plupart des habitants de la ville de Léon ignore ». Dans la semaine, les mariages sont célébrés à une des chapelles latérales par un des curés, chacun des sept quartiers ayant sa chapelle particulière. Les enterrements, exigeant un office chanté qui pourrait troubler l'office canonial, sont célébrés à la chapelle Saint-Pierre. 

Sauf pour Santec et Roscoff, il n'y avait donc dans tout le Minihy que les seuls fonts baptismaux de la Cathédrale. C'est là que, le 25 mai 1751, était amené, pour recevoir le baptême, un petit garçon, né la veille dans une ferme du quartier de Trégondern. M. Guivarc'h, curé du Minihy pour ce quartier, dressait l'acte suivant : « Jean, fils d'Yves Péron et de Thérèse Hervet, son épouse, né dans le quartier de Trégondern, paroisse du Minihy, le 24 mai 1751, a été baptisé le lendemain par le soussigné. Parrain et marraine ont été Jean Hervet et Julienne Goarhent. Signé : Guivarc'h, curé du Minihy ».

Ce 25 mai était un mardi ; en effet, d'après les cahiers de la municipalité, c'est le 20 de ce mois, un jeudi, que s'étaient ouverts les exercices du jubilé, accordé par Benoît XIV, et l'Evêque de Saint-Pol, en vue de procurer de plus abondantes aumônes aux pauvres de l'hôpital, avait désigné la chapelle de cet établissement pour l'une des stations de la procession solennelle qui ce même jour inaugura le jubilé. L'année 1751, féconde en faveurs spirituelles, fut désastreuse au point de vue temporel ; des pluies persistantes ruinèrent les récoltes de blé et les mêmes cahiers nous disent qu'au début de 1752, la Communauté dut acheter 18 tonneaux de froment « pour le soulagement du peuple de cette ville ».

 

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Les premières années.

Le village de Trégondern, où naquit Jean Péron, se trouve à plus de deux kilomètres de la ville. A l'est de l'étang de Kernévez, dans la direction du Passage de la Corde, on aperçoit les ruines d'un manoir qui, au XVIIIème siècle, était la demeure des seigneurs du Coëtlosquet ; c'était le manoir de Kérigou ; la chapelle seule subsiste encore au milieu d'un bouquet d'arbres. C'est là que naquit, le 15 septembre 1700, Jean-Gilles du Coëtlosquet. Après ses études au collège de Saint-Pol, il conquit le grade de docteur en Sorbonne, fut nommé évêque de Limoges, puis précepteur des Enfants de France (Louis XVI, Louis XVIII et Char­les X) ; élu membre de l'Académie française, il mourut à Paris le 21 mars 1784. Après Kérigou, c'est Trégondern, gros village, aux nombreuses maisons éparpillées, qui se termine à Kerangouez, près de l'embouchure de la Penzé. Ce coin de terre est charmant ; la grève le limite, très découpée, très accidentée, offrant une série de criques délicieuses. De Trégondern on aperçoit, à droite, Carantec et, à gauche, le sillon de Sainte-Anne et l'île Callot.

C'est dans une petite ferme de cette presqu'île que grandit Jean Péron. Sa pieuse mère, comme c'était l'usage, dut porter son fils sur la tombe de Marie-Amice Picard, pour lui faire essayer ses premiers pas. Morte en odeur de sainteté, en 1652, après avoir été conduite par des voies extraordinaires (elle était demeurée 17 ans sans prendre de nourriture), Marie-Amice Picard reposait à la cathédrale devant l'autel de Notre-Dame de Cahel (actuellement autel de saint Pol). Et si Jean eut une de ces maladies qui taquinent souvent le jeune âge, sa mère dut aussi faire brûler de petites bougies de cire, posées directement sur la dalle du tombeau.

Jean perdit de bonne heure son père ; et pour tenir la ferme, sa mère dut se remarier. Que devint le petit Jean? Où se passèrent les années de sa prime jeunesse ? Sans doute à Trégondern d'abord, près de sa mère. Mais ensuite ?...

A la cathédrale, au premier rang du choeur, on peut lire sur les stalles beaucoup de noms, plus ou moins artistement gravés ; ces inscriptions sont dues à l'espièglerie des enfants de la Psallette ; Pol de Courcy et d'autres en ont reproduit quelques-unes. Or le nom de Péron s'y lit au moins deux fois. Serait-ce le nom de notre héros ? L'hypothèse semble permise, car la Psallette se recrutait dans les familles pauvres et c'est d'elle surtout que sortaient alors les prêtres originaires de Saint-Pol. M. Peyron, dans sa plaquette sur le Minihy de Léon, a reproduit le curieux règlement de 1743 « que doit observer celuy qui remplit les places de maître de musique et de sous-économe de la Psallette ». Les enfants ont un maître de latin et d'écriture nommé par le Chapitre et rétribué par le sous-économe. Cinq jours par semaine, le maître de grammaire leur fait la classe, de dix heures et demie à midi, et le samedi, en plus, une heure de catéchisme. « Le maître, dit le règlement, empêchera les enfants de parler breton entre eux et n'aura pas de servante qui ne sache que le breton dans la crainte qu'ils ne puissent apprendre le français... Les enfants ne quitteront jamais leur robe rouge pour prendre un habit séculier... Le maître de musique fera aux enfants deux leçons par jour, une avant la grand'messe, l'autre après les vêpres, chacune d'une heure... Le sous-économe fournira aux enfants de la chandelle de suif et leur fera du feu commun en hiver pour se chauffer avant de se coucher... Il leur donnera quatre repas : à déjeuner et à collationner, du pain et du beurre ; de bonne viande à dîner et à souper, avec de la soupe fraîche tous les jours ; trois fois par semaine, du rôti, et du vin les jours de la Passion, de Saint-Marc, des Rogations, des grandes fêtes, du carnaval et les jours d'enterrement et de grand service... Il est chargé de leur blanchir leurs chemises, de leur en donner une par semaine depuis la Toussaint jusqu'à Pâques et deux, depuis Pâques jusqu'à la Toussaint Il fournira aux enfants des linceuls (draps de lits) à changer une fois le mois et aussi du linge de table une fois la semaine... Il fera raser la tête des enfants, en hiver, une fois le mois, en été, deux fois.... ». Quelle bonne mère que l'Eglise !

Mais la voix des enfants mue, et puis ne faut-il pas apprendre un métier pour gagner sa vie ? Vers douze ou treize ans, les enfants de la Psallette étaient rendus à leurs familles. Jean Péron revint donc à Trégondern et troqua la soutanelle rouge contre le costume sévère des paysans de Saint-Pol, le gilet et le « chupen » et la calotte rouge contre le long bonnet de laine dit « boned Segovie ». Il lui fallut, à la ferme, prendre part aux durs travaux des champs ; au début du printemps, couper et ramener le goëmon sur la côte, l'entasser pour le faire pourrir et donner un engrais ; au printemps, conduire la charrue, traînée par trois chevaux, deux de front et l'autre en arbalète, dit Cambry ; puis l'été, faucher et moissonner. Les cultures principales étaient à l'époque, plutôt que le blé, le lin et les légumes. C'étaient les Capucins de Roscoff, qui avaient introduit dans le pays la culture des légumes ; ils l'avaient fait pour libérer le paysan d'une partie de ses impôts : on prélevait, en effet, la dîme sur les blés, mais point sur les légumes. Or la dîme était une des sources du revenu du clergé ; celui-ci réclama, tonna, fulmina même, dit-on ; en vain, l'intérêt parla plus fort. Mais en 1751, cette culture était définitivement admise et Mgr de La Marche y ajoutera la culture de la pomme de terre, « patatez an escop ».

La vie est plus dure à la ferme qu'à la Psallette ; on n'y a pas de rôti, mais de la bouillie d'avoine, de la soupe au lard, et, les jours de fête, on sert, dit Cambry, du fâr mêlé de raisins et une espèce de tourte de froment et de pommes.

Mais ce n'est pas le dur labeur qui répugne à Jean Péron ; sans doute, à la ferme, la soupe au lard est-elle mangée avec plus d'appétit que la soupe fraîche de la Psallette, parce que le travail a creusé l'estomac. Néanmoins, au fond du coeur, il a comme un regret qu'il ne peut effacer ; le dimanche surtout, quand il vient à la grand'messe à la cathédrale, il est triste ; il envie le clerc qu'il a peut-être connu jadis à la Psallette et qui, lui, continue de « balancer l'encensoir, de présenter l'onde et le vin au calice sacré » ; quand l'orgue se fait entendre, comme il traduit le tumulte de son âme ! oui, le sanctuaire l'attire plus que le champ. Son intelligence, plus ouverte que celle de ses frères de la glèbe, voit peut-être, au-delà des champs de la ferme, le beau champ du Père de famille ; pêcheur en même temps que paysan, comme tous le sont à Trégondern, il se souvient que le Christ a choisi ses apôtres parmi les pêcheurs du lac de Tibériade ; si le Christ l'appelait lui aussi ? Nous ne savons rien de ce qui se passa alors entre Jean et sa mère ; toujours est-il qu'à 17 ans, du consentement de cette mère, Jean déposa la bêche, coupa ses cheveux longs et entra au collège de Saint-Pol : il y débuta en octobre 1768, dans la classe de sixième.

 

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Le collège.

« Le collège de Saint-Pol doit sa première existence (1580) à l'attribution qui fut faite du titre d'une prébende et de son revenu à la place de précepteur pour tenir une école. Tôt après ce premier établissement, le concours des élèves a demandé que ce précepteur eut des adjoints pour l'aider dans ses fonctions. Il s'est établi quatre classes et le précepteur, connu sous le nom de scholastique, a été obligé avec le revenu de sa prébende de salarier trois professeurs. Dans la suite, la Communauté de la ville a été autorisée à donner une pension de 100 livres, sur les octrois, au scholastique et, ayant fait construire, à l'aide des charités publiques, le collège tel qu'il existe, sur un terrain cédé en partie par l'Evêque, comme seigneur du fief, et en partie par la Confrérie des Trépassés, la ville a été censée en avoir la propriété et a été chargée de l'entretien du bâtiment qui avait été construit par ses soins. La dotation du scholastique et de ses trois régents étant reconnue insuffisante, en 1758, M. Gouyon de Vaudurant, évêque de Léon, sollicita et obtint des lettres patentes par lesquelles l'abbaye de la Confrérie des Trépassés fut réunie au collège ». (Mémoire manuscrit de Mgr de La Marche).

Le collège de Léon ne comptait que quatre classes, et cependant le cycle des études pouvait être donné en son entier. Nos pères avaient, en effet, une façon curieuse d'obtenir beaucoup de travail avec peu de personnel. Chaque professeur ou régent était chargé alternativement de deux classes. Celui de sixième devait faire aussi la cinquième ; celui de quatrième, la troisième ; celui de seconde, la rhétorique, et celui de philosophie, le scholastique ou régent Principal, enseignait la logique et la physique. Jadis, en effet, après la rhétorique, on n'étudiait pas seulement comme c'est le cas ordinaire aujourd'hui, la philosophie ou les sciences ; on faisait une année de philosophie ou de logique et une année de sciences ou physique.

Mais toutes ces classes, évidemment, ne pouvaient se faire en même temps. Telle année, au collège de Saint-Pol, il n'y, avait à fonctionner que la 6ème, la 4ème, la 2ème et la Logique ; l'année suivante, c'était le tour de la 5ème, de la 3ème, de la rhétorique et de la physique. Ce système présentait certes des inconvénients. Puisque l'on commençait ses études par la sixième, il fallait, pour débuter au collège, attendre une année où il y avait une sixième ; c'est ainsi que la classe de sixième ne fonctionnait que les années paires et Jean Péron fit sa sixième en 1768. Un autre inconvénient, cité par Mgr de La Marche, était « que ceux des écoliers qu'on menace, soit dans les examens généraux de la fin de l'année, de ne pas faire monter dans une classe supérieure ou, dans le cours de l'année, de ne point laisser dans la classe où ils sont, pour cause d'incapacité, se trouvent être obligés de s'expatrier ou d'être retardés de deux ans ». Inconvénients peu importants à cette époque où la conscription obligatoire n'avait pas encore été inventée et où les « limites d'âge » n'existaient pas.

A cette époque, suivant le Scholastique Picart, on enseignait au collège le français, le latin, un peu de grec, en somme, le programme dressé par l'Université de Paris, en 1763 ; parmi les auteurs français expliqués, on trouve d'abord la phalange des orateurs sacrés : Fléchier, Massillon, Mascaron et Bossuet, un orateur profane, d'Aguesseau, avec d'autres ouvrages étudiés encore de nos jours, comme Les Fables, de la Fontaine, l'Art Poétique, de Boileau et ses Satires, Esther et Athalie de Racine ; d'autres, oubliés aujourd'hui : l'Histoire de l'Académie, de Pellisson, l'Histoire de la Conjuration de Venise, de Saint-Réal, les Révolutions du Portugal, de Vertet, la Religion, de Louis Racine, les Odes, de J.-B. Rousseau ; mais La Bruyère, Pascal et Corneille n'étaient pas au programme. Les auteurs latins sont ceux que l'on explique à notre époque. Mais il n'y a pas de langues étrangères, point de Sciences avant l'année de Physique ; point non plus d'histoire ni de géographie, les notions requises en ces matières étant données, à l'occasion des textes expliqués, par les professeurs de grammaire.

La religion naturellement a aussi sa place au programme. A certains jours « diebus quos profanos Ecclesia habet » pendant une demi-heure « in semi hora spatio » les maîtres enseignaient la religion en français dans les classes de grammaire, en latin dans les classes de philosophie « magistri quidem grammaticae gallicé, latiné philosophus ».

Les classes ont lieu deux fois par jour, le matin à huit heures et demie, le soir à deux heures et demie. Elles ne doivent jamais durer plus de deux heures. Dans la classe, les élèves étaient placés suivant les rangs obtenus dans la dernière composition, les numéros pairs, à la gauche du régent et les numéros impairs, à la droite. Le premier à droite, qui était le premier de la classe, portait le titre honorifique d'imperator ; le premier à gauche, qui était le second de la classe, prenait le titre de César ; puis venaient de chaque côté deux Préteurs et dix Pères conscrits. Les élèves qui occupaient la droite de la classe étaient les Romains et ceux qui siégeaient à gauche, les Carthaginois. Romains et Carthaginois, entraient dans la classe à huit heures, le régent n'y  arrivait qu'à huit heures et demie. La classe, alors, était présidée par le grand censeur, élève désigné par le régent pour tenir le registre des pensums ; c'était l'élève de confiance que le régent nommait directement sans tenir compte des rangs de composition. Le censeur veillait à ce que chaque Romain fît réciter les leçons au Carthaginois du rang correspondant et lui récitât ensuite les siennes. On remettait au censeur une note écrite sur la façon dont l'épreuve avait eu lieu, note laconique : satisfecit ou non satisfecit. Le censeur dressait un tableau qu'il remettait au régent lorsque celui-ci, à huit heures et demie, les leçons récitées, entrait en classe pour commencer son cours. La classe, à proprement parler, commençait alors ; régent et élèves, à genoux, récitaient une petite prière à voix haute. Pendant la classe, il y avait parfois des défis. Un Carthaginois et un Romain se rendaient au poteau, ad palam, et lisaient leur devoir l'un après l'autre. Le régent faisait la critique et nommait le victorieux. Les victoires et les défaites de chaque camp étaient soigneusement enregistrées par le censeur et les deux purpurati (l'empereur et le César). En philosophie, chaque samedi, un élève soutenait une thèse, à laquelle on invitait des prêtres ou des laïques de la ville, c'était la sabbatine. A dix heures et demie, la classe finissait par l'hymne à la Vierge, l'Ave Maris Stella psalmodié ou chanté. L'après-midi, la récitation des leçons commençait à deux heures, et la classe à deux heures et demie.

Les congés étaient assez nombreux : ils avaient lieu le dimanche, le jeudi et toutes les fêtes religieuses, et on sait qu'avant le Concordat, le nombre des fêtes chômées était assez considérable et les élèves ne s'en plaignaient pas comme le savetier de La Fontaine. Il y avait encore congé le jour de la foire de la Madeleine, le lendemain du pardon de Sainte-Barbe, à Roscoff, les jours de la « Foire froide », troisième mardi de novembre, le jour de la Saint Nicolas, patron des écoliers ; les philosophes avaient encore un congé le jour de la sainte Catherine. Enfin, les vacances d'été jointes à celles du Premier de l'an et de Pâques, réduisaient l'année scolaire à dix mois.

Sur ces dix mois, d'après le scholastique Picart, on dénombrait cent-vingt jours sans classe et cent soixante de classe.

Seuls, avaient le privilège d'accorder un jour de congé, les Archevêques et Evêques, les Maréchaux de France, le Gouverneur, l'Intendant et ... le vainqueur du tir à l'arbalète qui se faisait le premier dimanche de mai. Au cimetière Saint-Roch, un mât était dressé, au bout duquel était attaché un oiseau de bois (ailleurs cet oiseau était fixé au haut du clocher et le coq de nos clochers n'aurait, dit-on, pas d'autre origine) ; les tireurs s'exerçaient à l'abattre et le vainqueur « le roi du Papegault » avait, au nombre des privilèges de sa royauté éphémère, celui d'accorder congé aux élèves du collège.

Le régime le plus commun pour les élèves était l'externat. Le scholastique Picart réussit pourtant à loger quarante pensionnaires dans sa maison : « on vit alors, dit-il, des enfants chéris des principales villes et bourgades du diocèse, qui sont Brest, Landerneau, Lesneven, Morlaix et Landivisiau, venir commencer ou continuer leurs études à Léon ». Mais ce pensionnat coûtait cher ; aussi la plupart des élèves prenaient à plusieurs une chambre chez un bourgeois ou un artisan, fournissaient eux-mêmes pain, viande et autres provisions, faisaient leur cuisine ou la faisaient faire à leurs frais par leurs hôtesses. Au commencement du siècle présent, cet usage n'existait-il pas encore à la maison de Kéroulas ? Des élèves, appelés chambriers, logeaient bien au collège, mais fournissaient leurs aliments, que la cuisinière de l'établissement préparait, moyennant une modique rétribution. Le bénéfice en était doublé : la maison n'avait rien à fournir et les pensionnaires profitaient du bouillon singulièrement nourrissant que leur valait l'apport des provisions des chambriers.

Les collégiens étaient donc répartis par petits groupes, en diverses maisons de la ville et livrés à leur seule initiative. Les études, semble-t-il, auraient pu en souffrir ; cependant on travaillait ferme, assure le scholastique. Et il cite quelques anciens dont le collège pouvait se montrer fier : « Mgr, l'ancien évêque de Limoges a fait toutes ses études au collège de Léon ainsi que les Messieurs Mazéas, M. Roussel, professeur de philosophie à Paris et M. Prigent, professeur de théologie à Rennes ; nous eûmes, l'an dernier, le meilleur seconde de Vannes, qui, au sortir de la dite classe, vint en rhétorique à Léon, et il céda de beaucoup au meilleur ; enfin, actuellement un troisième d'ici est allé à Quimper en rhétorique, il y porte une des croix qui distinguent les empereurs de rhétorique, sans qu'il fut le meilleur troisième d'ici ».

Mais on s'amusait aussi avec quelque excès dans les billards de la ville, car un arrêt du Parlement déclare qu'on « ne peut trop surveiller ces établissements à Saint-Pol, à cause des jeunes gens qui y passent un temps précieux, que leurs parents croient qu'ils emploient à leur éducation ».

Cependant, les élèves entendaient tous les jours la messe, mais non pas à la chapelle du Creisker ; cette église servait aux jeunes clercs du Séminaire et ne s'ouvrira aux collégiens qu'en 1787 ; avant cette date, la chapelle du collège était une des classes de l'établissement.

Le nombre des élèves qui, jusqu'en 1760, avait atteint 400, avait singulièrement diminué à l'époque où nous sommes ; mais la faute en était aux événements et non aux maîtres, toujours choisis, dit le scholastique Picart, « parmi ceux que les Evêques avaient de mieux à Paris (à la Sorbonne) ». Seul le scholastique était payé par la ville, par sa prébende et par son casuel ; il arrivait ainsi à percevoir 1320 livres ; mais c'était à lui de payer aux régents, un traitement fixe de 200 livres pour chacun des régents de 3ème et de rhétorique et de 160 pour les autres régents. Pourquoi cette différence de traitement entre les professeurs des basses classes et ceux des classes supérieures ? Parce que les régents des basses classes ont « des petits présents, des bonnes mères, pour être doux à l'égard de leurs chers enfants, et tout cela est inutile dans les hautes classes », écrit encore le scholastique Picart. Puis, ils ont des « corrections », sorte de leçons particulières, données aux élèves de 6ème et de 5ème et qui étaient encore en usage à Kéroulas jusqu'en 1906. M. Picart, en 1766, fut remplacé à la tête du collège par M. Breton. Ce dernier était scholastique ou principal, quand Jean Péron entra au collège. M. Le Bihan lui succéda en 1771. L'année suivante, Mgr d'Andigné était transféré à Châlon et Mgr de La Marche, nommé évêque de Léon, faisait son entrée solennelle à Saint-Pol, à la fin de l'année 1772. Cette cérémonie, à laquelle devaient prendre part les élèves du collège, n'avait plus le cérémonial compliqué que nous décrit dom Morice ; cependant pour la circonstance, toute la ville se mit en frais.

La municipalité, avait député neuf de ses membres pour aller à une lieue de la ville, complimenter le prélat. Puis tout le monde se groupait à la porte Saint-Guillaume, près du Creisker, décorée des armes de l'évêque et de la ville. Là, se tenaient les autorités, le Chapitre, le clergé et les corporations. Les officiers municipaux avaient revêtu le costume d'apparât : « habit noir en drap de Saint-Maur, dit M. Le Grand, petit manteau court, cravate de dentelles ». Quand l'Evêque arrive, le canon tonne, et le maire, M. Hervé de Chef du Bois, présente au prélat les clefs de la ville. Une procession se forme ; en tête, marche la musique de la milice, puis les hérauts ou valets de ville, revêtus d'habits bleus à boutons blancs et coiffés d'un chapeau galonné d'argent. Sur le passage, toutes les maisons sont décorées, et le prélat s'avance, bénissant, sous le dais porté par quatre échevins. Sur le parcours, la haie est faite par la milice, dont l'élégant uniforme attire tous les regards, « habit bleu, doublé de chamois, boutons jaunes, aux armes de la ville, veste et culotte de drap bleu, guêtres blanches, épaulettes d'or ». Au moment où le cortège pénètre dans la cathédrale, on tire le canon, la milice décharge ses mousquets. L'Evêque entonne le Te Deum, donne le salut, puis est conduit à son palais, devant lequel cinquante hommes de la milice, montent une garde d'honneur. Le soir, feu de joie, illuminations, feu d'artifice, jusqu'à ce que l'infatigable artillerie municipale ait annoncé la clôture de la fête.

 

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Le Séminaire de Saint-Sulpice.

Les régents du collège, écrit le scholastique Picart, étaient toujours choisis parmi les sujets les plus distingués du diocèse, qui avaient fait leurs études en Sorbonne. Les Evêques de Léon, en effet, envoyaient une élite de leurs clercs étudier à Paris. En compulsant les registres du Secrétariat de cet évêché, on découvre des copies nombreuses de lettres dimissoriales accordées à des clercs pour recevoir les ordres des mains de l'archevêque de Paris. Sous l'épiscopat de Mgr de Vaudurant, le diocèse de Léon eut constamment deux clercs aux études en Sorbonne. Après avoir reçu la tonsure à Saint-Pol, ils se préparaient aux ordres à Paris. Quelques-uns, de famille riche, y allaient à leurs frais, avec la permission de leur Evêque ; mais la plupart s'y trouvaient aux frais du diocèse.

Mgr de La Marche s'efforça d'envoyer à Paris un plus grand nombre encore d'étudiants ecclésiastiques. C'est ainsi que nous avons compté au moins six clercs du diocèse, qui suivaient en même temps les cours de la Sorbonne : Jean Péron, Michel Henry, Jacques de la Chapelle, Jean Jacopin, Jean-Jacques Marie Casson, Jean-Marie-Dominique de Poulpiquet (ce dernier est le futur évêque de Quimper). A leur retour, le Séminaire de Léon étant confié aux Lazaristes, les docteurs en Sorbonne, comme on les appelait, qu'ils eussent ou non conquis ce grade, étaient nommés régents au collège, ou employés à l'administration du diocèse.

A Paris, ces étudiants faisaient partie de l'établissement appelé Séminaire de Saint-Sulpice. En fait, ce Séminaire comprenait quatre établissements différents, mais contigus et communiquant les uns avec les autres ; il occupait le terrain actuel de la place Saint-Sulpice et du Séminaire actuel, reconstruit au XIXème siècle. Il y avait deux grands Séminaires pour les élèves de théologie : le Grand Séminaire, proprement dit, fondé en 1641 par M. Olier, et appelé « Séminaire des évêques ». C'était là, qu'une très grande partie de ceux qui au XVIIIème siècle furent élevés à la dignité épiscopale, avaient fait leurs études ; le Petit Séminaire, appelé ainsi uniquement parce que les bâtiments étaient plus simples et la pension à meilleur compte ; mais les élèves de ces deux maisons suivaient les mêmes cours, faisaient les mêmes exercices en commun. En réalité, c'était plutôt un seul grand Séminaire, mais avec des élèves de première et de seconde pension. A ces deux établissements étaient joints deux Petits Séminaires, au sens actuel du mot ; l'un dit Communauté des Philosophes, pépinière du Séminaire des Evêques, l'autre dit « Petite Communauté de Saint-Sulpice », « Communauté des pauvres écoliers » ou simplement « Robertins » du nom d'un des premiers supérieurs, nommé Robert. Ces deux dernières maisons retenaient ceux qui faisaient la philosophie. Les quatre maisons étaient contiguës et communiquaient par l'intérieur, mais avaient leurs ouvertures extérieures sur quatre rues différentes. Les étudiants en Philosophie allaient, soir et matin, à un collège de plein exercice, le collège de Navarre ; les étudiants en Théologie, fréquentaient les cours de la Sorbonne.

La durée des études à Saint-Sulpice était de cinq années ; deux ans de Philosophie, trois de Théologie ; parcourir ce cycle entier était dit accomplir son « quinquennium ».

Quand on avait accompli les deux années de Philosophie, de manière à mériter des « attestations », on était décoré du titre de maître ou docteur ès-arts. Au bout de trois années de Théologie, le quinquennium fini, on obtenait des « lettres de grade » à l'effet de requérir des collateurs ecclésiastiques un des bénéfices à leur nomination qui viendraient à vaquer.

Si l'on voulait obtenir les titres universitaires, être bachelier, licencié ou docteur en Sorbonne, il fallait, le quinquennium terminé, subir des examens particuliers, en Sorbonne même. La plupart des étudiants, avant de quitter Saint-Sulpice, s'élevaient au grade de bacheliers, moyennant des examens particuliers, passés en Sorbonne et une thèse publique durant une demi-journée.

Mais la licence réclamait un séjour supplémentaire de deux ans à Paris ; le candidat devait, en effet, être maître de sa personne et de ses occupations pour « courir la licence ». Il lui fallait assister à toutes les thèses, tant des bacheliers que des licenciés et des docteurs, passer dans les salles de la Sorbonne le temps voulu par la loi, y argumenter à son tour quand il en était « prié ». Comme il y avait trois ou quatre thèses par jour, soutenues dans différentes écoles, il fallait aller de la Sorbonne à l'Archevêché, de là au collège de Navarre, puis aux Augustins ; on conçoit, dès lors, combien était juste l'expression usitée « courir la licence ». Pour être licencié, le candidat devait à son tour soutenir trois thèses : la mineure, la majeure et la sorbonnique.

La mineure traitait des Sacrements et durait six heures ; la contestation qu'elle occasionnait souvent à cette époque était la validité des ordinations anglicanes ; gare au candidat qui démontrait insuffisamment l'invalidité de ces ordinations !

La thèse majeure commençait à huit heures du matin et finissait à six heures du soir. Elle portait sur la religion en général, l'Eglise, l'Ecriture Sainte, les conciles, l'Histoire ecclésiastique, la chronologie sacrée. Dans son livre de Mémoires, Baston, à qui nous empruntons tous ces détails sur les études à Paris, nous apprend qu'on trouvait moyen de faire passer dans cette thèse toutes les connaissances qu'on avait, tous les paradoxes qu'on aimait : « Un bachelier de Quimper-Corentin, écrit-il, avança dans la sienne que le bas-breton était une langue mère de toutes les autres ! ».

La thèse sorbonnique, comme son nom l'indique, se soutenait en Sorbonne, de six heures du matin à six heures du soir ; elle portait sur l'Incarnation et la Grâce. Le candidat avait ses coudées franches au sujet de l'Incarnation, mais, quand il arrivait à la Grâce, à cause du Jansénisme, il devait se conformer à un protocole convenu entre le Parlement et la Faculté de théologie. Cet assujettissement, explique Baston, était une partie de ce qu'il plaisait aux Cours séculières d'appeler « les libertés de l'Eglise gallicane ».

Les trois thèses soutenues et acceptées, le Doyen, comme le Paranymphe antique, amenait les candidats, au jour fixé, dans la grande salle de l'archevêché de Paris, où les attendaient les notables de la ville, les dignitaires des Cours souveraines et des grands corps de l'Etat. Là avait lieu une cérémonie qui rappelait la liturgie des ordinations. Scis illos dignos esse ? Savez-vous s'ils sont dignes ? demandait le Chancelier au Doyen qui lui présentait ses candidats — Quantum humana fragilitas potest nosse, autant que la fragilité humaine peut le connaître, oui, répondait le Doyen — Deo gratias ! disait le Chancelier. Les candidats tombaient alors à genoux et le Chancelier, imposant les mains à chaque candidat, lui disait : « Ego cancellarius, auctoritate S. Sedis apostolicae, qua fungor in hac parte, moi chancelier, au nom du S. Siège apostolique, dont j'use de l'autorité ici, do tibi licentiam docendi, je te donne licence d'enseigner ». Et la Faculté comptait de nouveaux licenciés.

Pour recevoir ensuite le bonnet de docteur, qui se donnait à la Sorbonne, il n'y avait plus d'épreuve nouvelle à subir, mais il restait... à verser une forte somme d'argent. Aussi les licenciés peu fortunés se dispensaient-ils sagement de cette onéreuse formalité qui n'ajoutait rien au mérite ni à ses preuves. Ils n'avaient pas le grade de docteur, mais ils en portaient le titre, car on ne les appelait pas moins « docteurs en Sorbonne »

M. Michel Henry, de Guipavas, resta à Paris deux ans après son quinquennium et en revint, sinon avec le grade de docteur en Sorbonne, à cause de la légèreté de sa bourse, du moins avec le droit au titre de par la tradition ; et si son nom ne se trouve pas dans la liste des docteurs, il est bien dans celle des licenciés. Jean-Marie de Poulpiquet, plus riche de patrimoine, revint avec le grade de docteur.

Jean Péron fut admis aux Robertins le 8 octobre 1775. Des deux maisons de Philosophie, la plus renommée était celle des Robertins ; pour y entrer, dit Baston, il ne suffisait pas d'avoir de bonnes attestations et de quoi payer sa pension, car on n'y entrait qu'au concours. Il y avait vingt places libres chaque année et les candidats étaient souvent plus de soixante. Ils venaient de toutes les parties de la France, choisis ordinairement par leurs évêques parmi les élèves les plus brillants des collèges de province. Le concours comprenait un thème latin, une version latine et des interrogations sur la logique, la morale, le calcul, la physique, etc... Et, ajoute Baston, les meilleurs étaient préférés sans la moindre partialité.

 

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La Vocation religieuse.

Aux Robertins, Jean Péron travailla pendant deux ans avec succès ; les notes envoyées par ses supérieurs à l'Evêque de Léon le témoignent. On trouve, en effet, dans les archives de l'Evêché, ces deux appréciations datant de 1775 :

« Péron, étudiant en Physique, écrit le Supérieur, est à la Petite Communauté de Saint-Sulpice ; il mène une vie exemplaire et est d'une grande docilité ». « Péron, écrit à son tour le professeur, a beaucoup de jugement et de goût pour le travail ; il fait bien dans ses études ».

Avant de quitter Saint-Pol, Jean Péron avait reçu la tonsure ; après ses deux années de Philosophie, il entra en Théologie dans la maison appelée Petit Séminaire ; il y reçut les premiers ordres sacrés. On lit, en effet, au registre du Secrétariat : « Le 2 mai 1777, des lettres dimissoriales ont été expédiées à Jean Péron, clerc, pour qu'il reçoive de l'Archevêque de Paris les quatre ordres mineurs ».

Pour être admis aux saints ordres, le candidat devait, de par la loi, avoir un titre clérical d'au moins 100 livres de rente, et la famille de Jean Péron n'avait point de rentes ; l'Evêque dut y suppléer en concédant un bénéfice au jeune clerc.

« Le 18 mai 1778, lisons-nous dans le registre du Secrétariat, Jean Péron, acolyte, a pris possession du bénéfice dit d'Olivier Le Moigne à desservir dans l'église de Roscoff, bénéfice comportant la charge d'une messe basse par semaine : beneficium liberum et vacans a longo tempore », ajoute l'acte. Ce bénéfice est accepté pour titre clérical. En marge de l'acte, le secrétaire a porté la mention gratis qui confirme la pauvreté de Jean Péron et montre la munificence de l'Evêque.

« Le 23 avril 1779, lit-on encore dans ce Registre, des lettres dimissoriales ont été expédiées à Jean Péron de ce diocèse pour qu'il reçoive de l'archevêque de Paris le sous-diaconat et le diaconat ».

Mais par la suite, on a beau éplucher le Registre page par page, on ne trouve plus mention de Jean Péron ; il ne reparaît dans les rôles du diocèse qu'en 1787. Que s'est-il donc passé ?

Le savant archiviste de Saint-Sulpice, M. Lévesque, a bien voulu consulter pour nous les archives de sa Compagnie et celles de la Sorbonne. Plusieurs documents de chez nous donnent à Jean Péron les titres de licencié et de docteur en Sorbonne. Cependant, ni dans la liste des docteurs, le Catalogus magistrorum ad doctoratus ordinem..., ni dans celle des licenciés de Sorbonne, nous ne trouvons le nom de Jean Péron. Par contre, les archives de la Compagnie de Saint-Sulpice nous révèlent que notre compatriote y fit son noviciat en 1780.

Etudiant aux Robertins, Jean Péron allait une fois par semaine avec ses condisciples passer une journée de congé à la maison de campagne de Vaugirard : « Là, écrit Baston, se trouvaient les bâtiments nécessaires à une grande famille, des jardins, des allées d'arbres touffus, des cabinets de verdure solitaires et ombragés, des jeux innocents, tout ce qui peut servir à détendre l'esprit d'une jeunesse que le goût et l'émulation portaient quelquefois au travail avec une ardeur qui aurait été dangereuse Si la sagesse de la Règle ne l'eût tempérée, en offrant des divertissements de plusieurs espèces et surtout en ordonnant d'en user ; de sorte que ce n'eût pas été une moindre faute d'étudier à la promenade et dans les vacances, que de ne pas étudier à la ville pendant l'année ». Jean Péron fréquenta cette maison de campagne pendant cinq ans ; il y passa toutes ses grandes vacances. Cette maison justement était le berceau de la Congrégation de Saint Sulpice, c'était là que M. Olier avait réuni ses premiers compagnons. La chambre du pieux fondateur avait été convertie en chapelle. Que de fois le jeune Breton dut y méditer cette prière célèbre de M. Olier : « Si nous voyons réformer tous les ordres, le vôtre, Seigneur, sera-t-il donc seul délaissé ?... Seigneur Jésus, vrai pasteur de l'Eglise universelle..., suscitez quelques personnes qui renouvellent l'ordre divin des pasteurs... » ! L'apostolat est beau, nécessaire : encore faut-il le susciter dans l'âme des ecclésiastiques, afin qu'ils soient disposés à vivre non pas comme si les fidèles étaient faits pour le prêtre, mais comme si le prêtre était fait pour les fidèles. De plus, il ne faut pas que l'apostolat finisse avec l'apôtre. Former donc des apôtres, créer une source d'apôtres, n'est-ce pas plus beau que d'être apôtre soi-même, n'est-ce pas surtout faire oeuvre plus durable ? Poursuivre la continuité de l'apostolat, c'est la vocation du Sulpicien. " Ego elegi vos et posui vos ut eatis, et fructum afferatis et fructus vester maneat ". C'est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis pour que vous alliez et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure » (Jean XV, 16). Cette vocation attira Jean Péron et c'est lui-même qui nous en découvre le secret dans une lettre qu'il adressa bien plus tard à son évêque (en 1809). « L'oeuvre de l'éducation des clercs, je la mets beaucoup au-dessus de l'apostolat, car l'apôtre ne saurait durer longtemps, avec lui finit son ministère. Mais peut-être Dieu me fera-t-il la grâce d'établir une succession d'apôtres qui ne finira qu'avec le monde. Cette idée, Monseigneur, me fit solliciter une place dans la Compagnie de Saint-Sulpice... ». « Ut fructus vester maneat ». Voilà l'ambition religieuse de Jean Péron, voilà le mot de sa vocation, le mot qui explique toute sa vie.

Il dut demander à son Evêque l'autorisation d'entrer dans la Compagnie de Saint-Sulpice et lui exposer ses raisons. Nous n'avons pas trouvé les lettres qu'il écrivit à l'Evêque, mais le prélat accorda l'autorisation et n'oublia pas la noble ambition de ce jeune clerc sacrifiant les honneurs ecclésiastiques qui l'attendaient dans sa ville natale au généreux désir de susciter et de guider de belles et de bonnes vocations sacerdotales ; cela répondait si bien à l'ambition de Mgr de La Marche lui-même.

Et Jean Péron fit son noviciat en 1780, sa « solitude » comme on disait à Saint-Sulpice ; il la fit à Issy. Après le noviciat, c'est comme membre de la Compagnie de Saint Sulpice qu'il dut recevoir le sacerdoce, car le registre du Secrétariat de l'évêché de Léon ne donne pour 1780 et 1781 aucune copie de lettres dimissoriales à son sujet ; Jean Péron n'appartenait plus au diocèse de Léon.

Le sacerdoce reçu, comme tous les débutants de la Compagnie, Jean Péron fit des remplacements dans les chaires des Grands Séminaires tenus par les Sulpiciens. C'est ainsi qu'il professa au Grand Séminaire de Nantes, sous l'épiscopat de Mgr de la Laurencie, puis au Grand Séminaire d'Autun, sous l'épiscopat de Mgr de Marboeuf. M. Emery, élu en 1782 Supérieur général de la Compagnie, connut et apprécia Jean Péron ; il en fera plus tard, nous le verrons, le plus grand éloge. Mais un événement se préparait à Saint-Pol qui, sans changer sa vocation, allait appeler Jean Péron à l'exercer dans son diocèse d'origine (abbés Saluden et Kerbiriou).

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