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Réfection du couvent des Carmes à Saint-Pol-de-Léon.

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1er Juin 1587 . — Sixte Quint accorde plénière rémission de tous péchés et permission d’absolution de tous les cas réservés, et cela pour dix ans, à ceux qui visiteront l’église de Notre-Dame des Carmes de Saint-Paul en Bretagne, en partie ruinée par le feu, en partie par la pauvreté, à condition d’y départir de leurs biens pour la réparation de ladite église et couvent.

De fait, la pauvreté du couvent était telle que, dans une réunion capitulaire du 19 Février 1611, les Religieux « n’ayant plus le moyen de salarier leur organiste, maître Mathieu Marrec, sieur de Morbic, et voulant reconnaître les bons et agréables services par lui faits, l’espace de longues années, lui offrent, à condition qu’il n’exige pas ses gages pour le temps passé, la fenêtre étant au-dessus de la porte de Sainte-Barbe, avec faculté d’y apposer ses armoiries, plus une tombe au-dessous, pour y mettre également telles pierres ou telles armes qu’il voudra ».

Et en présence des Religieux, les notaires qui rédigent le contrat, « ont mis et induit en la possession des dites prééminences, le dit sieur Marrec, par l’avoir fait jeter de l’eau bénite, sur l'applacement de la tombe » (Archives Départementales, H. 227). Bâtiments et chapelle menaçant ruine à la fois, les Religieux se décident, en Janvier 1617, à supplier les représentants des Trois Etats de la ville de venir à leur aide, et le dimanche 29 Janvier, Frère Pierre Maillard, docteur en théologie, provincial de la province de Tours, et prieur du couvent de Saint-Paul, présente sa requête dans l’assemblée des Trois Ordres tenue au Creisker (Archives Départementales, H. 223).

Ce prieur, Pierre Maillard, fut un des hommes remarquables de l'Ordre à cette époque. C’est très probablement sur son initiative, et en tous cas, c’est principalement sous son administration que fut entreprise et menée la restauration du couvent. Nous le trouvons prieur à Saint-Pol à diverses reprises durant les trente premières années du XVIIème siècle. Par lettre du 30 Avril 1618, il reçoit mission de visiter et interroger, avec pouvoir de réduire à l’obéissance, les Carmélites de Couetz, près de Nantes, et leur confesseur, le R. P. Mathurin Trévignon, vicaire général, dont les directions étaient jugées défectueuses. A la date du 10 Décembre 1633, le supérieur général des Carmes, Théodore Strarius, lui écrit de Naples une lettre fort élogieuse, où il est dit que le Père Maillard a accompli sa cinquantième année dans l'Ordre, qu’il y a vécu pieusement et religieusement. Il a été prieur en divers couvents de la province de Touraine, pendant trente ans, et provincial, trois ans ; commissaire général en deux Chapitres provinciaux (à Pont-Labbé en 1618, à Lannion ? en 1629), souvent définiteur, homme de grande prudence et diligence, ayant montré toute la dextérité désirable, pour Dieu et le salut des âmes, le progrès et la discipline régulière, et conduit la réforme dans une grande tranquillité [Note : Il s’agit de la réforme de l'Ordre des Carmes, opérée dans le début du XVIIème siècle]. Etant donné son grand âge et sur sa demande, le supérieur général lui permet de résigner toutes charges et fonctions (Archives Départementales, H. 223).

Par acte du 10 Octobre 1634, approuvé par le Chapitre de Léon, René du Louet, chantre et chanoine, concède au Père Maillard d’établir un ermitage dans l’île de Sainte-Anne dépendant de la seigneurie de Kérom, pour y faire un oratoire (Archives Départementales, H. 227). C’est dans cette reposante et poétique solitude que le vieux prieur se retire en 1640. Il assiste encore au Chapitre provincial tenu à Saint-Paul en 1641, et dut mourir assez peu de temps après [Note : D’autres Carmes vinrent après lui finir leurs jours en l’ermitage de Sainte-Anne. Ainsi, en 1699, Frère Pacôme de Saint-André reconnaît avoir reçu du couvent, pour aller demeurer à Sainte-Anne, une robe et une tunique menues, un caleçon et des souliers neufs, des bas assez usés, pour un billet de vestiaire de 15 livres 10 sols, et pour viatique 10 livres 10 sols (Archives Départementales, H. 227)].

De la requête du 29 Janvier 1617 et d’autres pièces de l’époque, nous extrayons ce qui suit :

« Des plus antiques de la province de Bretagne, Saint-Paul, par sa belle situation et la fertilité de son terroir » (ornée en outre de plusieurs bois de haute futaie), « autrefois grandement riche et opulente, » Saint-Paul avait pu offrir « aux premiers rois et ducs de Bretagne un agréable séjour. Ainsi en témoignent encore les beaux temples, pyramides, par eux fait construire en ladite ville [Note : Archives Départementales, H. 225. Remontrance d'Hamon Le Jacobin, dans l’assemblée des habitants, le dimanche 2 Juin 1619] (qui pour ces mêmes raisons avait été depuis choisie pour la métropole et cathédrale de tout le pays de Léon), entre autres, ce tant grand, tant spacieux et tant magnifique couvent (des Carmes), un des plus anciens de la province, bâti par les anciens seigneurs, gentilshommes et peuple de ce pays, tôt après que ledit ordre (des Carmes) eût eu commencement en France [Note : Ce fut en 1254, que saint Louis ramena six religieux du Mont-Carmel et les installa à Paris], sous le règne du très vertueux et très généreux duc et souverain seigneur de Bretagne, Jean dit le Conquéreur, couvent qu’ils ont enrichi d’un des plus beaux temples qui soit ce jour, en cette province, et de très amples cloîtres tant industrieusement élabourés, de deux très grands dortoirs, et d’un autre pareil corps de logis situé à l’orient et qui fait un des côtés de la quadrature dudit couvent, où il y a une vieille salle très belle et très grande, en laquelle la juridiction royale de Lesneven a autrefois tenu, si bien qu’on peut aisément conjecturer que ledit couvent ainsi bâti, était plutôt pour le service de l'Etat et commune nécessité du peuple, que pour des religieux qui, pour leur profession, requièrent plutôt de petites cellules que de grands palais, tels que sont les salles et autres bâtiments de ce couvent, et qu’on doit le juger avoir été construit pour l’ornement et embellissement de cette cité, où reluit la majesté d’un très digne et très vertueux prélat, et la gravité et prudence d’un tant célèbre Chapitre » (Archives Départementales, H. 223).

Sur quoi les habitants, « reconnaissant que le couvent, s’il n’est réparé incontinent, demeurera inhabitable et désert, en raison de sa vétusté et par ce que les fondements ont baissé, étant dans une terre de pré et marécageuse, connu en outre que les dits religieux emploient très bien le peu d’aumônes et charités qui leur sont faites, d’un commun accord et nul à ce contredisant, consentent qu’il soit levé, en faveur des Carmes, 6 deniers par pot de vin débité à Saint-Paul pendant neuf ans, mais sans déroger à l’octroi ci-devant fait aux habitants de 6 livres par tonneau de vin, pour subvenir aux dettes et nécessités de la ville » (Archives Départementales, H. 225).

Dans une pièce évidemment écrite de la main d’un Père Carme, la résolution précédente porte le titre de premier consentement (Archives Départementales, H. 223). C’est qu’en effet, après le mouvement spontané de leur générosité, les habitants, à la lumière de la froide raison, se prennent à regretter leur décision libérale. Grevés de dettes, en particulier par un procès contre Roscoff, et par le service solennel pour le roi Henri IV, auquel de Sourdéac, lieutenant pour Sa Majesté en ce pays, avait convoqué les Gentilshommes des trois Evêchés, les habitants vont s’efforcer de revenir sur leur décision de Janvier.

Dans une assemblée tenue en la sacristie du Creisker, le 4 Décembre 1617, les députés de l'Eglise diront n’avoir entendu consentir la levée des 6 deniers, que si les dettes de la ville sont payées par préférence ou concurrence aux réparations du Couvent.

Il faudra l’intervention de Mgr. de Rieux, pour qu’ils acceptent, le 15 Décembre, de se départir de leur opposition. Ils ne le font néanmoins qu’en spécifiant qu’on consacrera 400 livres à payer les dettes de la ville, et que les subsides fournis aux Carmes devront cesser à la fin des réparations (Archives Départementales, H. 229).

Entre temps, avait eu lieu, le 6 Avril, l’expertise des travaux projetés, après serment pris par le sénéchal, Hamon de Kersauzon, des ouvriers convoqués, trois maîtres maçons, trois charpentiers, deux couvreurs, deux cerruriers et forgeurs, un pintier et plombeur, et quatre vitriers, tous de Saint-Paul.

Pour leur part, les maçons estiment les réparations au moins à 4.800 livres.

Les charpentiers, « égard à la difficulté de trouver du bois, et qu’il le faut aller quérir bien loin » [Note : C’est ainsi que pour bâtir leur Couvent, les Minimes, en 1625, font venir leur bois des forêts du Faou, domaine du marquis d'Assigné de la Chambre (Archives Départementales, H. 312)], réclament 8.372 livres.

Les couvreurs : 1 .200 livres ; Le pintier et plombeur :  800 livres ;  Les cerruriers et forgeurs : 1.000 livres ; Les vitriers : 240 livres.

En outre, maître Yves Lazenet, après avoir visité les orgues, dit que, « égard que l’église est grande et spacieuse, ayant 190 pieds de long, et, au haut bout, 64 pieds de large, et ailleurs 46, et proportionnément haute, le rétablissement des orgues n’ira pas à moins de 2.600 livres ».

Soit donc, en tout, 19.012 livres de frais prévus (Archives Départementales, H. 229).

Une réédification totale fût montée à 200.000 livres, dit la requête adressée au Roi, en vue d’obtenir la levée du demi-sou par pot, levée qui fut accordée le 20 Juillet de cette même année 1617, à condition que « les Religieux destineront une heure par jour pour s’assembler au choeur de leur église, ou devant l’autel qui sera dédié sous le nom de Notre-Dame, pour faire dévotions et oraisons particulières pour la prospérité du roi et de ses successeurs fondateurs du dit couvent » (Archives Départementales, H. 224).

En conséquence, avec l’année 1618, commence la levée des 6 deniers en faveur des Carmes. Les premières sommes qui en provinrent servirent sans doute à parachever la réfection de la chapelle, qui fut solennellement inaugurée dans la fête du 8 Avril 1618, sous le pontificat de Mgr. de Rieux et le priorat du Fr. Pierre Maillard, ainsi qu’en témoigne l’inscription des deux pierres encore conservées à Saint-Pol et qu’a transcrite l’abbé Tanguy.

Dès 1619, les difficultés surgissent, ou plutôt s’accroissent pour la ville avec le projet auquel Mgr. de Rieux s’intéresse si fort, de fonder un collège qu’auraient tenu les Pères Jésuites.

Aussi n’est-on pas trop surpris de lire, à la date du 4 Juillet 1620, une remontrance du Père Maillard, se plaignant, au nom des Carmes, que les habitants gardent en mains tout au moins la moitié d’un argent que les lettres royales de 1617 ne leur permettaient expressément de recevoir que pour la réparation du monastère (Voir factum pour les PP. Minimes et Carmes, 13 Août 1649, Archives Départementales, H. 312, puis autre pièce du 9 Août 1650, H. 225).

Au début, les Religieux n’osent trop protester (Voir factum pour les PP. Minimes et Carmes, 13 Août 1649, Archives Départementales, H. 312, puis autre pièce du 9 Août 1650, H. 225), ni pousser l’affaire plus loin. Par déférence peut-être pour Mgr. de Rieux, et aussi sans doute par délicatesse, afin de ne pas empêcher, en réclamant trop âprement leur dû, l’établissement des Jésuites que, dans l’assemblée du 1er Mai 1621 (Archives Départementales, H. 224), les habitants, d’accord avec l'Evêque, continuent à moyenner par une allocation de 400 livres prélevée sur l’impôt des 6 deniers.

Toutefois, les Carmes ne souscrivent pas de plein gré à cette détermination que leur Prieur déclare simplement « ne empêcher ».

En dépit de toutes ces difficultés financières, l’affaire de restauration suivait lentement son cours. Le 30 Juin et le 21 Juillet 1620, avaient eu lieu, à Lesneven, Morlaix, Landerneau et Plouescat, les bannies pour l’entreprise des travaux (Archives Départementales, H. 229).

A Saint-Pol, la proclamation s’en était faite « à son de tambour, à haute et intelligible voix, en vulgaire langage breton, à la sortie de la grand'messe, jouxte la croix du Grand Cloître, lieu accoutumé à faire pareilles bannies, et un affixe avait été laissé tant en ladite croix qu’à la porte de l’église cathédrale ».

Le procès-verbal qui s’y rapporte fournit d’intéressants détails sur les dimensions et la disposition du couvent.

Nous avons vu que l’église avait 190 pieds de long sur 46 de large.

Perpendiculairement à l’église, à l'Est du couvent, se trouvait un grand corps de logis, contenant au bas la grande salle servant actuellement (6 Avril 1617) de réfectoire, au bout de laquelle il y avait des offices, et où a jadis siégé la Cour séculière de Léon. Au-dessus, un dortoir.

Cet édifice avait 144 pieds de long et 24 de large.

On veut le refaire de mêmes dimensions, avec des murs de 3 pieds et demi d’épaisseur jusqu’au premier étage, et 3 pieds au-dessus, et construits « non à terre d'ardille, mais à chaux et sable ».

Aux deux étages on fera 24 chambres ou cellules.

La grande salle du bas, une fois refaite, servira encore de réfectoire (Pièce du 16 Novembre 1626, voir Archives Départementales, H. 225). Il y aura 5 tables de 20 pieds de long.

Dans l’un des bouts on construira un cellier et une dépense au-dessus ; de l’autre une charnière.

A l’extérieur, pour appuyer ce corps de logis, seront construites 6 arcades reposant sur 6 piliers du cloître [Note : Cloître lambrissé et orné de plusieurs tableaux des Saints et hommes illustres de l'Ordre], et du côté de la venelle qui longe la grande salle seront édifiés 12 piliers en arcs boutants.

L’autre corps de logis à refaire était situé à l'Occident. Il n’avait, depuis la chambre de l’église jusqu’au dortoir [Note : Dortoir très vaste situé dans un bâtiment formant le côté Sud du couvent], que 86 pieds de long, sur 22 de large.

Le projet de réfection y comportait, pour le bas, la cuisine et une bûcherie ; au-dessus, réparties entre les deux étages, la bibliothèque, l’infirmerie, la salle des exercices, et quelques petites études pour les étudiants.

Dans l’église, il y avait à faire, d’abord un jeu d’orgues, de 8 pieds au moins, contenant 14 jeux, « pour contribuer avec les religieux aux louanges de Dieu, et les soulager, égard que l’église est vaste et bien pénible pour le service divin ».

Plus 3 arceaux de pierre de taille pour supporter le chanceau ou doxal qui est très beau et très bien élaboré, mais qui menace ruine faute de support.

Pour la soumission aux divers travaux, la convocation des ouvriers compétents est fixée au mardi 7 Juillet 1620, en l’auditoire de la Cour de Saint-Paul.

En attendant l’exécution de ces projets, les Religieux auront à subir mille incommodités. Ainsi, bien que le bas du grand corps de logis soit rebâti dès 1625, il y reste pourtant beaucoup à faire, car il ne s’y trouve pas une seule cheminée pour chauffer les Religieux lorsqu’ils sortent de l’office divin [Note : Incommodité bien compréhensible, par exemple, lors de la sortie, dans les nuits d’hiver, de l’office des matines qui se récitaient à minuit, sauf durant le temps des quêtes de beurre, lard et blé, c’est-à-dire pendant trois ou quatre mois, vers Mai, Juin, Septembre et Octobre (Archives Départementales, H. 224)] ; comme réfectoire ils n’ont encore, à cette date, qu’une vieille petite crèche un peu blanchie, aucune chambre pour bibliothèque, et pour infirmerie rien qu’un simple galetas (Archives Départementales, H. 225).

Ils eussent pu pousser plus activement les travaux, mais on ne leur sert qu’avec parcimonie les sommes promises. En 1626 (Voir pièce de 1628, Archives Départementales, H. 225), il leur est dû, pour les deux derniers quartiers de l’année, 1.200 livres, pour lesquelles ils doivent faire procès aux habitants, en la personne de Claude du Tertre, leur syndic. Néanmoins, dans leur abnégation, ils consentent à ce qu’on en consacre une partie à secourir les pauvres malades de la peste (Archives Départementales, H. 225).

Finalement, une transaction intervient [Note : On verra encore de ces essais de conciliation en 1644 et en 1650]. Les Carmes accepteront qu’on leur serve seulement le quart de la ferme des 6 deniers, mais que ce soit alors sans réserve [Note : Assemblée des habitants, 7 Juillet 1626 et 6 Avril 1627], c’est-à-dire 1.127 livres 10 sols.

En 1635, le plus petit bâtiment est construit. Bibliothèque et infirmerie y sont installées.

9 Mai 1636. — Renouvellement, par le Roi, de l’octroi du sou par pot. Les Carmes toucheront, ou plutôt, devront toucher 800 livres par an (Archives Départementales, H. 225).

En 1636, le grand corps de logis comprend, en haut, un oratoire et un dortoir ; en bas, la grande salle dont il a été parlé, et qu’ils offrent pour les harangues des élèves du collège, plus la sacristie, et le Chapitre servant de classe. On venait, en effet, d’instituer des cours de philosophie et de théologie pour les jeunes religieux ; deux ans de philosophie, trois ans de théologie scolastique, et un an de morale et droit canon (Archives Départementales, H. 224). Preuve que les travaux de réfection s’avançaient.

14 Décembre 1636.— Les subsides arrivant toujours très irrégulièrement et très insuffisamment, les Carmes disent qu’ils ont de la peine à vivre (Archives Départementales, H. 225).

Dans la période qui suit, toute entière occupée par les procès, on suit malaisément la marche des travaux.

11 Janvier 1637. — Le syndic Yves Lazenet dit que la ville, en bâtissant de nouveau et en rendant parfait le couvent, vient de faire plus que n’avaient fait les fondateurs et bienfaiteurs dudit couvent, tellement qu’il ne le cède, ni pour la structure, ni pour l’embellissement à aucun de l'Ordre, en cette province, ni peut-être en ce royaume (Archives Départementales, H. 225). D’après lui, la ville aurait, à cette date, déjà consacré au couvent plus de 36.000 livres, au lieu des 19.000 primitivement prévues pour les réparations. (Cf. la Délibération de la Communauté).

19 Avril 1641. — Et même nous entendons le R. P. Hyacinthe de Saint-Laurent, prieur, exprimer à cette date sa reconnaissance aux habitants, « non seulement pour avoir réparé leur couvent, mais comme l’avoir rebâti tout de neuf, et rendu le bâtiment plus parfait qu’il ne l’avait jamais été ».

De sorte que les habitants auraient pu s’estimer libérés de toute obligation, puisque leurs largesses, d’après l’avis du Chapitre de Léon en 1617, devaient prendre fin en même temps que les réparations alors prévues.

13 Août 1649 (Archives Départementales, Minimes, H. 312). — Dans un acte de 1648, rédigé sans doute par le syndic Coetanlem, il est dit que seules les Ursulines sont nécessiteuses, mais que les couvents des Minimes et Carmes sont entièrement bâtis et parfaits.

Il s’en faut ! répondent les Religieux. Aux Minimes, il n’y a encore que l’église et un dortoir, pas même achevés. Resteraient à faire un corps de logis et le cloître.

Aux Carmes, le grand corps de logis menace ruine.

Puis les Carmes expliquent l’opposition qu’ils rencontrent. Le syndic Lazenet, « qui les renvoie avec paroles malséantes », leur en veut de n’avoir pas voulu, en 1632, enterrer en leur église, sa belle-mère morte, disait-on de la peste [Note : Archives Départementales, H. 225. Même au cercueil, les pestiférés ne laissent pas d’être un objet de terreur. Ainsi, lors de la peste de 1626, les Carmes remontrent aux juges de Saint-Paul « qu’ils souffrent grand dommage de ce que depuis 10 à 15 jours, et tout fraîchement hier à l’issue des vêpres, où afflue un grand peuple, ceux du village de Kerfiziec, passent (avec les corps morts) devant la porte du couvent, les portes de leur église, devant les deux bouts et un côté de leur cimetière, par devant les vitres du grand autel distant seulement du tiers de 4 pieds, la vitre de la sacristie du Chapitre et vieille salle du couvent, par devant les fenêtres des 18 chambres du dortoir des religieux, et par devant leur jardin ». En conséquence, les Carmes demandent « qu’on donne autre passage aux corps morts et personnes suspectes, ou plutôt qu’on n’enterre pas les contagieux au cimetière neuf, en la paroisse de Toussaint, mais au cimetière de Saint-Sébastien, près le bourg de Roscoff, lieu fort éloigné de toute hantise du peuple, sur le bord de la mer, fort commode à ceux du dit village de Kerfiziec, et (d’ailleurs) béni et dédié pour les pestiférés ». Claude du Tertre, sieur de la Villeneuve, procureur-syndic, faisant droit à cette requête. ordonne « qu’on enterrera les contagieux de Kerfiziec à Saint-Sébastien, à peine de 300 livres d’amende et autres peines, et qu’il faudra pour cela passer à au moins 500 pas de la ville, à peine d’être repoussés par les armes, et en sonnant une cloche devant le cortège, pour avertir le monde » (Archives Départementales, H. 226). Cette peste avait commencé à Plouescat, au village de Lesmelchen, le 24 Août 1626, et s’étendant rapidement dans le reste de la contrée, s’y était maintenue jusqu’au 4 Avril 1627. (Kerdanet, Vie des Saints, p. 166). On a vu, dans les délibérations de la communauté, que la peste vint ravager la ville à diverses dates. On en sera peu surpris dès qu’on saura les mauvaises conditions d’hygiène qui régnaient alors. Au cours de l’épidémie de 1668, le Syndic dira que « les places publiques et rues sont la plupart encombrées de fumier et attraits, que plusieurs particuliers y amassent pour en tirer du lucre, qui empestent le cours des eaux qui croupissent dans ces endroits, causant des exhalaisons et grandes infections, capables d’attirer de grandes maladies, lesquels fumiers les dits particuliers refusent de retirer, nonobstant les ordonnances, même au préjudice des défenses, laissant vaquer leurs porcs, truies et cochons, par les rues, qui causent de mauvaises vapeurs capables d’empoisonner et infecter la ville ». De même, dans l’adjudication des travaux au couvent des Carmes, en 1620, il était question, entre autres entreprises, « d’ôter grande quantité d'attretz de la venelle qui est derrière la chapelle neuve, le grand autel et tout le long d’icelle, qui entourent la muraille de l’église de plus de 10 pieds (!) de haut en quelques endroits » (Archives Départementales, H. 229)].

Le syndic Guillaume Calvez, des plus obérés, ne payait pas leur dû aux Carmes, mais se servait des deniers de la ville pour éteindre d’autres dettes (Archives Départementales, H. 225).

Ce en quoi l'imite son successeur, Hamon de Coetanlem, également malheureux en affaires (Archives Départementales, H. 225). Son frère, Jacques Coetanlem, lui succède ; autre nomination fâcheuse pour les Carmes, qui ne peuvent guère, même par les voies légitimes, faire aboutir leurs réclamations. Car « il ne se trouve dans le pays, aucun sergent ou officier qui veuille agir contre les Coetanlem, gentilshommes craints et redoutés » (Archives Départementales, H. 225).

C’est pour cela vraisemblablement que, le 4 Août 1651, un sieur Ballon, huissier, résidant à Saint-Malo, s’en vient à Saint-Pol, logeant à l’hôtellerie où pend pour enseigne l'écu de France, afin de contraindre un autre Coetanlem, Hervé, sieur du Chef du Bois, syndic à son tour, de payer aux Carmes les 1.336 livres qui leur sont dues (Archives Départementales, H. 312).

Mais il n’est pas dans notre intention de poursuivre plus loin l’étude de cet interminable conflit dont l’acuité se manifeste dans une délibération des habitants (1er Avril 1654), où il est dit que « les Carmes ont, en haine qu’ils portent aux habitants, commencé à démolir une belle pompe qui est dans leur cimetière, pour en priver la ville non seulement de l’agrément, mais qui plus est, de l’utilité et commodité que reçoivent les habitants voisins de l’eau qui en rejaillit, et dont ils sont en possession de temps immémorial ».

Par ce qu’on a vu, et de l’aveu même des Carmes, par exemple en 1641, le couvent peut être désormais, au moins dans ses grandes lignes, considéré comme restauré et refait. Nous ajouterons simplement les indications que fournit l’abbé Tanguy, et qui complèteront l’idée qu’on se sera faite de l’importance du monastère. « Au Nord de l’église, le cimetière, avec une grande croix et la chapelle de Notre-Dame de Lorette [construite en 1522], et une pompe, plus un jardin et un verger, avec un colombier ; plus un petit jardin, au Couchant de la dépense, cuisine et chambres d’hôtes ; une cour ayant sa porte cochère ; à côté la buanderie et maisons nommées " le vieux Carman " ; lesquels héritages se joignent, et contiennent, le fond compris sous les édifices, le nombre de 240 cordes ou environ, les dits héritages étant nobles et de surplus du présent roturiers, à l’exception de ces deux parcs ci-après … ».

Note complémentaire sur le couvent des Carmes de Saint-Paul (Saint-Pol).

Qu’on veuille bien nous permettre d’intercaler ici, en ajouté, quelques renseignements malheureusement parvenus un peu tard, sur le couvent des Carmes.

D’une Histoire des Carmes de Bretagne, écrite par un auteur demeuré anonyme, prieur de Dol en 1590 (Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine, 1 H, 7, 4), nous extrayons les détails complémentaires suivants.

La porte d’entrée du couvent était au Nord-Ouest, près du cimetière, lequel couvrait un arpent et demi. Dans ce coin, se trouvait la belle pompe « qui, dit l’auteur, flue abondance d’eau en un grand bassin de pierre fine de 8 pieds de large et 30 de long, qui sert aux passants, signamment aux jours de marché, et y en a aussi une autre dans la première cour du couvent.

Tout l’enclos est de 16 arpents, les seuls jardins en ont quatre, au milieu desquels est une fontaine bien cristalline et un beau vivier avec de bon poisson, principalement des carpes. Mais ce qui est bien plus grande valeur et commodité, est, près du vivier, un colombier, un des plus beaux et féconds de tout le pays, où on a en tout temps abondance de pigeonneaux.

Il y a aussi quelques prés hors du couvent, donnés pour la plus grande partie par la maison de Carman, aussi bien que le Colombier, et un pré adjacent à celui du Seigneur Evêque, qui touche le jardin. Aussi sont-ils les grands bienfaiteurs du couvent et ont-ils les plus belles prééminences après les ducs, et une belle sépulture au milieu du choeur et trophées au grand vitrail au-dessous de l'effigie de Jean IV, fondateur du couvent.

Ce couvent était grandement déchu par les guerres civiles (de la Ligue) [Note : Toscer écrit (Finistère pittoresque, p. 443) : « Au temps de la Ligue, la ville de Saint-Pol, bien qu’elle eût embrassé le parti de la Sainte-Union, fut pillée par la Fontenelle, en 1592 »]. On y commença en 1598 à tout remettre en ordre, spirituel et temporel, et à réparer l’église et autres lieux plus indigents. Mais jusqu’en 1618, les moyens étaient fort petits pour remédier à si grandes ruines.

Le cloître, bien carré, a 120 pieds de côté.

Dans l’église, il y a trois principaux autels : le grand, celui de Notre-Dame, qui excelle, car il a de belles colonnes bien peintes, polies et dorées, paraissant marbre ou albâtre, et celui de Sainte-Thérèse, en une chapelle au-dessous de celle de Notre-Dame [Note : Aucun renseignement n’est fourni sur le troisième autel], tous les trois ornés de beaux tableaux, outre beaucoup d’autres belles peintures en l’église, et aussi, de tout temps, de belles orgues.

Ce couvent était depuis longtemps disposé à recevoir l’observance et quelques-uns de ses prieurs avaient requis les Provinciaux de l’y mettre. Au chapitre de Dol (Mai 1626), leur fut permis à leur requête, de prendre la couleur tannée et à ceux du Pont Labbé aussi, qu’était une proche disposition. Par quoi au prochain chapitre, à Loudun (Mai 1629), le R. P. Maillard, président, étant de nouveau élu prieur dudit couvent (de Saint-Paul) ne voulut en recevoir la confirmation s’il n’était déclaré de l’observance. Ce qui fut accordé, et pour l’aider, lui fut laissé le devancier prieur pour sous-prieur, le P. Pierre Buissonneau, dit de Sainte-Marie, qui était de l’observance avant son élection comme prieur ; de plus fut lors ordonné qu’il y aurait un noviciat, bien propre et commode pour recevoir les postulants des collèges de Quimper et de celui de Saint-Paul à établir bientôt, qui sera fort bon pour conserver les novices du bas pays en leur langue maternelle, de quoi il est grandement besoin pour les prédications et ouïr les confessions ».

(Archives de l'Evêché).

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