Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

L'EGLISE SAINT-PHILBERT-DE-GRAND-LIEU

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

LE GROS OEUVRE

La construction de l'église paroissiale de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu a été entreprise et menée à bien en sept ans, de 1862 à 1869, par deux hommes d'une intelligence supérieure, travaillant d'ailleurs en parfaite et constante union, M. le chanoine Leray, curé de la  paroisse, et  M. Louis Cormerais, maire de la commune.

Longue de 52 m. 40, large de 18 m. 80, haute de 17 mètres sous clef de voûte au transept, cette église, aux allures de cathédrale, est l'oeuvre, principalement, des architectes Neau et Boismen, de Nantes.

Quant à la flèche, qui dresse sa croix à 65 mètres dans la nue et couronne un beffroi accosté de quatre clochetons à jour, c'est M. le chanoine Château, successeur de M. Leray, qui la fit élever, avec un nouvel architecte, nommé Mainguy.

De style ogival, l'édifice tire son plan de celui de la cathédrale de Poitiers, ce qui convient à merveille, pour une église du vieux Poitou de Saint Hilaire. C'est, par suite, celui d'une croix latine, avec les trois nefs à hauteur presque égale régnant sous le même toit, caractéristique du style poitevin au XIIIème siècle.

Trois absides polygonales, celle du centre plus profonde et plus ample, correspondent aux trois nefs de l'édifice, séparées de celles-ci par un large transept, prolongé en croisillons de chaque côté du monument.

Cinq portes à double vantail, avec tympans sculptés, donnent accès à l'édifice, suivant la disposition classique des grandes églises anciennes : trois en façade ouest, une à chaque façade des croisillons du transept.

Les vantaux sont ornés de pentures en fer forgé, oeuvre de M. Gibielle, de Saint-Philbert.

Les tympans ont été ouvrés par Potet, de Nantes. Ils représentent, au porche central de la façade ouest, dont le trumeau s'orne de la statue de saint Filibert, le Christ enseignant, entouré des quatre attributs évangéliques ; au porche de droite, l'arrivée des moines de Noirmoutier à Déas ; au porche de gauche, une scène de miracle dans l'église de Déas. Le tympan du porche nord du transept représente le couronnement de Marie au Ciel ; celui du porche sud, la consécration de la France au Sacré-Coeur.

Intérieurement, les trois nefs sont séparées par des piliers cruciformes, formés de colonnettes en faisceau, lesquels partagent l'espace en quatre vastes travées. Primitivement la grande nef devait avoir une demi-travée de plus, en ce sens que la tour eût sailli davantage hors de l'édifice, et le sanctuaire devait recevoir un peu plus de profondeur, mais le ministère des cultes, effrayé de la dépense, fit retoucher le plan — ce qui est dommage.

Les murs des nefs latérales s'évident de lancettes géminées, surmontées d'une rose quintefeuille. Ceux du transept s'ajourent en vastes rosaces, et les absides du sanctuaire s'éclairent, la principale par cinq hautes lancettes, les deux autres par trois.

Mise en service et bénite solennellement le 5 septembre 1869, elle recevait, vingt ans plus tard, le 25 août 1889, en la solennité de saint Filibert, les honneurs de la Consécra­tion des mains de l'évêque du diocèse, alors Mgr Lecoq. L'ensemble du monument, clocher compris, avait coûté environ un demi-million.

Venons-en au mobilier et décrivons-le sommairement.

 

LE MOBILIER

Le maître-autel, de marbre veiné très richement sculpté, a sa face antérieure ornée de cinq statues de marbre blanc : au centre, le Christ est assis, dans l'attitude du docteur enseignant ; de part et d'autre, les évangélistes annonciateurs de la doctrine du Christ s'accompagnent de leurs attributs symboliques.

L'autel de la Sainte Vierge et celui du Sacré-Coeur sont en marbres polychromes.

Par contre, l'autel de Saint Joseph, au croisillon sud, oeuvre du sculpteur Gaucher, est en pierre avec un haut rétable portant, finement sculptée, la scène de la Nativité du Sauveur. Lui faisant pendant, au croisillon nord, un autel de même matière, dû au ciseau du sculpteur Vallet, de Nantes, représente en son rétable la Nativité de la Vierge.

Les belles boiseries de chêne sculptées qui entourent l'église sur deux mètres de hauteur, ainsi que les quatre confessionnaux et tous les meubles de la sacristie, dont le vestiaire principal, richement chromé et doré, sont l'oeuvre du sculpteur breton Daoulas. Mais son plus beau travail est la chaire monumentale, dont le sculpteur Caravaniez (prix de Rome) cisela les statuettes et les panneaux.

Sous les piliers sud de la tour, dans une petite chapelle entourée de grilles en fer forgé, est une très riche cuve baptismale de marbre, fermée d'une coupole de cuivre.

Au-dessus, dans la tribune de la tour, malheureusement pas faite pour lui, a été inauguré, le 21 août 1921, à l'occasion de la fête patronale de saint Filibert, un grand orgue de 23 jeux, provenant de la maison belge Weber.

Un second orgue d'accompagnement, plus modeste, lui donne la réplique dans le sanctuaire.

Ajoutons, pour compléter la description de l'église, que trois cloches, dont l'une de 1.850 kilos fondue en 1855, sous le pastorat de M. Gandon, par la maison Bollée, du Mans, et les deux autres sorties des ateliers Astier et fils, de Nantes, en 1870, et baptisées dans l'inquiétude des premiers faits d'armes de la guerre franco-allemande, chantent dans le clocher les joies et les deuils de la population philibertine, dont une horloge à carillon, fournie par la maison Lussault, de Marçay (Vienne), égrenne les heures, tristes ou gaies, ponctuées du refrain de l'Ave de Lourdes.

Il nous reste maintenant à parler de ce qui est l'objet principal de cette modeste notice : LES VERRIÈRES.

 

LES VERRIÈRES

Elles sont de deux sortes : les anciennes, oeuvre du peintre-verrier Claudius Lavergne, qui, depuis 1898-1899, vitrent harmonieusement les trois chapelles du sanctuaire et les grandes roses du transept.

Et les modernes, inaugurées et bénites solennellement par S. E. Mgr Villepelet, évêque de Nantes, le 6 juillet 1937.

Cette remarquable oeuvre d'art est due à la collaboration du peintre-verrier parisien J.-J. Gruber et de M. G. Moreau, architecte des Beaux-Arts.

Deux méthodes différentes sont ici en présence. Les anciens vitraux mettent en oeuvre le verre coloré en surface, selon toutes les ressources de la palette, et cuit au four, avec personnages finement modelés et présentés dans un encadrement architectural uniforme.

Les modernes utilisent le verre dit « antique », coloré dans la masse et coulé sur table, d'inégale épaisseur et de surface irrégulière, irrisé, martelé, bossué, torsadé, généralement sans aucune superposition de peinture, avec le simple dessin fait au trait, sans modelé, selon la tradition des vieux verriers du XIIIème siècle, véritable mosaïque de verre, laissant passer à flots la lumière, qu'elle accroche au passage de toutes ses aspérités, retient par toutes ses facettes ; et teinte de toutes les nuances multicolores de ses innombrables fragments.

On peut donc comparer ici les deux factures, l'ancienne et la moderne, admirables l'une comme l'autre, quoique différentes dans leur principe, oeuvres de deux verriers de grande classe, représentatives de deux époques, et préférer l'une sans refuser à l'autre le qualificatif mérité de belle oeuvre d'art.

Décrivons rapidement ces deux séries de verrières.

 

I. - D'abord les Anciennes. 

Les personnages en pied, ornant les lancettes de la chapelle majeure, sont tout spécialement remarquables.

En celle du milieu est le Saint Patron, Filibert, Abbé de Jumièges et de Noirmoutier, dans sa robe de moine. Le visage est noble et bienveillant. A sa droite et à sa gauche sont les saints titulaires des autres paroisses du canton, groupés en un Sénat d'honneur, autour du protecteur de la métropole : Saint Martin de Tours, patron de La Chevrolière, et antique apôtre de ces contrées ; Saint Colomban, patron de Saint-Colombin ; Saint Léobin, évêque de Chartres, patron de Saint-Lumine-de-Coutais ; enfin Saint Louis, roi de France, remplaçant le titulaire de La Limouzinière, qui est Notre-Dame de l'Assomption : Saint Louis n'avait-il pas sa place tout indiquée dans une église de la Vendée Militaire ?

En haut et en bas, des médaillons représentent une scène de la vie du Saint qu'ils encadrent.

Les trois grandes lancettes de la chapelle de la Sainte Vierge nous montrent, en leur milieu, Marie écrasant le dragon, entre Saint Joachim et Sainte Anne. Dans le bas, en médaillons, sont reproduits trois mystères de la vie de la Vierge : l'Annonciation, l'Assomption, et la Visitation.

La chapelle du Sacré-Coeur représente, dans son vitrail du centre, le Sacré-Coeur ; la baie de droite et celle de gauche, Saint Augustin et Saint François de Sales. Les médaillons du bas rappellent : à gauche, l'entretien de Jésus avec la Samaritaine ; au centre, l'apparition du Sacré-Coeur à Sainte Marguerite-Marie ; à droite, le colloque de Saint Augustin avec l'ange, qui, de la voix et du geste, lui montre l'inanité de ses efforts à scruter le mystère de la Sainte Trinité : il aura plus vite fait de mettre tout l'océan dans le petit trou qu'il a creusé dans le sable que le savant docteur d'approfondir l'insondable mystère d'un seul Dieu en trois personnes.

Les six grisailles de ces chapelles sont émaillées de médaillons symboliques.

Dans le transept, la rose du croisillon nord représente en son centre le Sacre de Charles VII à Reims ; tout autour, entre les rayons de la roue, étincellent des écussons : armes de France, armes de provinces ou armes de famille.

Au-dessous, le Nouveau Testament représenté par les Evangélistes avec leurs symboles.

En face, dans le croisillon sud, la rose aux tons plus clairs chante la gloire de La Moricière. Le médaillon central montre le général à genoux devant Pie IX, lui offrant son épée ; autour gravitent les armoiries de famille, parmi lesquelles domine l'écu d'azur fascé d'or où brillent les coquilles d'argent, blason du chevaleresque héros.

Au-dessous, l'Ancien Testament, représenté par les quatre grands prophètes, avec les Tables de la Loi, l'Arche d'Alliance et le Chandelier à sept branches.

 

II. Les Modernes.

Ce sont celles de la nef, et celles qui, dans la grande façade, s'ouvrent au-dessus des portails latéraux.

Elles sont nées du désir de relier le présent au passé, en dressant, dans chacune des lancettes des huit verrières de la nef, un saint jadis honoré dans notre vieille Abbatiale ou dans les nombreuses chapelles seigneuriales ou rurales éparses jadis sur le territoire de la paroisse, et dont il ne reste plus guère aujourd'hui que la chapelle des Seigneurs du Chaffault (ou petite église), enclose dans l'enceinte du cimetière, et qui garde le tombeau du Général de La Moricière, l'une des gloires les plus hautes de notre petite patrie, comme aussi de la grande.

Dans les roses qui s'épanouissent au-dessus des verrières latérales, on a voulu exprimer, à l'aide de symboles, généralement floraux, les huit Béatitudes, non dans l'ordre où l'Evangile les énonce, mais d'après le rapport plus ou moins étroit qu'elles ont avec les saints personnages qu'elles couronnent.

Dans les deux verrières qui surmontent les portails latéraux, on a cherché à évoquer le souvenir de deux anciennes Confréries de la paroisse : la Confrérie de Toussaint, et la Confrérie du Rosaire.

Le choix du verrier fut inspiré par la désignation qu'avaient faite les Beaux-Arts de M. Gruber, de Paris, pour étudier deux projets de vitraux pour l'Abbatiale, monument classé, comme chacun sait.

M. Gruber, pressenti, accepta d'historier également les vitraux de l'église paroissiale, à condition que M. Moreau, architecte des Monuments historiques, veuille bien collaborer avec lui.

La condition était trop flatteuse, en même temps qu'avantageuse pour nous, pour qu'on ne l'accueillît pas d'emblée.

Le projet des verrières paroissiales, mis à l'étude fin novembre 1936 en même temps que celui des vitraux de l'Abbatiale, fut réalisé en sept mois.

Pour vous permettre, cher visiteur, de bien juger de ce beau travail, passons-le rapidement en revue.

On remarquera tout d'abord, à considérer l'ensemble des verrières, une heureuse alternance, un rythme, sensible surtout dans les hauts de lancettes et dans les roses qui ne forment avec eux qu'un bloc de couleurs, rythme qui fait succéder les tons froids aux tons chauds, ou du moins une tonalité à une autre, tonalité à dominante généralement bleue ou rouge.

Notons encore que ce qui frappe le plus dans cette succession de personnages, à grandeur plus qu'humaine, c'est la hardiesse et la noblesse de la composition, en rapport avec celle du magnifique vaisseau qu'elle est chargée d'illustrer, c'est le fini du détail et c'est la fermeté du dessin, c'est l'harmonie du coloris, le sens de l'équilibre et de la mesure, de la valeur et de l'agencement des tons, l'art des nuances, des demi-teintes, des savants et suggestifs dégradés ; c'est, d'autre part, la qualité et la beauté du verre, sa richesse et sa variété incomparable, surtout dans les bleus que l'artiste, mieux que tout autre, sait orchestrer de main de maître : Gruber est le peintre des bleus, dont il tire d'inimitables effets ; et, pour tout résumer, c'est, répandu sur l'ensemble, cet air de suprême distinction qui fait penser et dire : Celui qui a conçu et ouvré cette chatoyante tapisserie est un artiste à l'âme haute, habitué à vivre dans le commerce du grand et du beau.

M. Gruber, en effet, archéologue et érudit, autant que peintre-verrier, est licencié en histoire et attaché honoraire de l'Institut d'Art et d'Archéologie.

Passons maintenant à la visite détaillée de chacune des verrières, en commençant par la première en haut de la nef latérale nord (à gauche), à la tonalité dominante rouge :

Ière VERRIÈRE.

Cette verrière représente Saint Pierre et Saint Paul.

Saint Pierre et Saint Paul étaient, avec Saint André, les saints patrons du Monastère de Déas.

Saint Pierre, c'est le chez de l'Eglise, le portier du ciel : « Tout ce que tu lieras sur la terre, etc... ». Ses traits trahissent son origine. Visage et mains solidement charpentés, teint hâlé, tout chez lui proclame le rude pêcheur du lac galiléen. De la main gauche, il serre fortement la clef du Paradis, sous la forme de l'antique clef de Déas — apparemment clef du monastère — qu'on peut voir au Musée Dobrée, à Nantes, et de la droite, à l'index levé, qui n'a rien de celui d'un notaire, il montre le Ciel, figuré par Saint-Pierre de Rome, qu'encadre la Colonnade du Bernin avec, au centre, l'obélisque apporté d'Heliopolis, flanqué des deux fontaines jaillissantes. C'est la Rome terrestre, pendant et figure de la Rome céleste dont il a pour mission d'ouvrir ou de fermer l'entrée. Un escalier monumental y conduit et redit à tous que le Royaume du Ciel souffre violence : pour y atteindre il faut monter sans cesse. Derrière l'apôtre, toute une floraison de flabellums stylisés, comme une procession de palmes victorieuses, monte vers le dôme de l'éternelle basilique.

Dans le panneau de base, la tiare aux trois couronnes, insigne de sa souveraine dignité.

A sa gauche, Saint Paul, l'apôtre des nations, le grand théologien catholique, à la figure émaciée par les veilles et les rudes travaux de l'apostolat, au front qui se plisse sous l'effort de la pensée sans cesse tendue à la recherche de la vérité.

Il s'appuie sur sa longue dague, instrument de son martyre. Sa main droite, aux trois doigts levés, en continue harmonieusement la ligne et semble évoquer le mystère le plus insondable de la croyance catholique, le Dieu unique en trois personnes, que Saint Paul, un jour, annonça à l'aréopage, évoqué par le portique à fronton triangulaire qui se dresse, dans le haut de lancette, sous un moutonnement de nuages stylisés, et auquel accède une série de gradins à plusieurs pans, figurant peut-être la colline d'Arès, où siégeait la célèbre assemblée des sages de la Grèce.

A remarquer le contraste entre le petit temple païen, symbole de la sagesse antique, et le majestueux dôme de Saint-Pierre de Rome, expression de la pensée catholique.

A noter également les deux auréoles rouges qui s'affirment puissamment au centre de la composition, comme pour souligner que c'est sur Saint Pierre et Saint Paul, ces deux puissantes colonnes, que repose, après le Christ, pierre angulaire, tout l'édifice catholique.

Dans la ROSE, au-dessus, aux teintes mauves et violettes, délicates et nuancées, une corbeille d'humbles fleurs des champs exprime très heureusement la première Béatitude. « Bienheureux les pauvres, les humbles », rappelant ainsi l'origine modeste des deux apôtres, et que ce n'est pas sur leurs moyens humains que le Christ, en les appelant à devenir les chefs de son Eglise, fondait son choix, mais sur la force d'en haut, sa force à Lui, dont il avait revêtu leur humilité.

IIème VERRIÈRE

Saint Nicolas et Saint Hilaire : tonalité à dominante bleue.

Saint Nicolas le Thaumaturge, évêque de Myre, en Asie-Mineure, au IIIème siècle. Ce saint, très populaire au Moyen-Age, avait son autel, dans notre Abbatiale, adossé au pilier gauche séparant le choeur de la nef.

Il est représenté, dans le vitrail, somptueusement vêtu de ses ornements pontificaux, liturgiquement ganté de riches gants violets. C'est un prince de l'Eglise ! Mais c'est le bon Pasteur : l'expression de sa physionomie, et deux traits, entre autres, de sa légende le disent assez. C'est, dans le bas du vitrail, les trois petits garçons qu'un méchant ogre a occis et mis au saloir. Le bon Saint vient d'étendre vers eux sa noble main gantée, et les enfants, ressuscités, surgissent de leur saloir aux belles douves mordorées, exprimant, chacun à sa manière naïve, une attitude diverse de la reconnaissance : l'un, les bras levés, agite frénétiquement les mains en signe de joie ; le deuxième, les mains jointes, dit sa prière reconnaissante ; le troisième, le pied tendu vers la terre et dont la pointe déjà touche le sol, trahit sa hâte à sortir de son étroite prison, et son geste semble dire : au revoir et merci !

Protecteur de l'enfance, Saint Nicolas est aussi le patron des nautonniers, qu'il sauva plusieurs fois du naufrage. C'est précisément l'une de ces tempêtes, que le saint apaisa dans le port de Bari, que l'artiste a représentée dans le haut de lancette. Sous un ciel noir comme de l'encre, que zèbrent ces stries vertes, jaunes et violettes, figurant les éclairs, les navires au loin fuient dans la tempête. Au premier plan, dans le port, des barques aux voiles gonflées à se rompre plongent au creux des vagues et semblent se confondre avec elles. En bordure du rivage, le profil d'un phare, un portique, un petit temple circulaire, un donjon crénelé, bref toute la silhouette d'un petit port oriental.

A côté, Saint Hilaire, le grand évêque poitevin du IVème siècle. Il a donc sa place chez nous, dans l'église paroissiale d'une des plus vieilles chrétientés de son ancien diocèse, puisque, jusqu'au XIème siècle environ, le Sud Nantais fit partie du diocèse de Poitiers.

L'évêque est essentiellement un pacificateur. Il passe, comme son Maître, en semant les bénédictions et en prêchant la Croix, source de paix.

De là cette Croix qui rougeoie au-dessus de sa tête, sous l'ogive symbolique de deux branches d'olivier.

De là aussi, dans la ROSE, la Béatitude de la Paix : « Bienheureux les Pacifiques », figurée par ces rameaux d'olivier qui se croisent comme sur des épées sanglantes, tandis qu'au centre la couronne de feuilles d'olivier tressées symbolise la récompense qui attend, là-haut, les Pacifiques.

L'Histoire dit que Saint Hilaire vint à Rezé baptiser Saint Lupien. Sans doute passa-t-il par le pays d'Herbauges ; d'où, dans le haut de lancette, cette mystérieuse évocation du lac de Grandlieu, avec ses forêts et ses maisons de rive, sa petite barque tranquille, ses eaux dormantes qui s'étendent paresseusement au long des rives plates et s'en vont, tout là-haut, mourir sur un lointain banc de sable. Tout est calme et paix, et contraste avec la vision tourmentée de la tempête qui lui est contiguë.

Çà et là, des feuilles de chêne stylisées rappellent la végétation de chez nous.

A noter ici, comme partout, la façon originale et artistique d'exprimer le nom du Saint dans le panneau de base qui forme comme un cube sur lequel gravite le saint personnage.

IIIème VERRIÈRE

Sainte Catherine et Sainte Marguerite.

Sainte Catherine, c'est la Vierge Sage, c'est-à-dire la Vierge prudente et la Vierge savante, qui confondit et convertit les philosophes d'Alexandrie. Elle mourut martyre au début du IVème siècle, et son corps fut porté par les anges sur le mont Sinaï.

Patronne des gens d'études, elle est aussi la patronne des âmes à qui le mariage n'a pas souri, et qui, restées libres d'elles-mêmes, sont aptes à toutes les bienfaisances et à tous les dévouements.

Sainte Catherine avait, chez nous, son autel dans la « petite église », aujourd'hui chapelle de notre cimetière, petite église donnée à notre paroisse par les vieux Seigneurs du Chaffault, alliés aux Sires de Machecoul, qui semblent avoir eu la Sainte en spéciale vénération. Catherine de Machecoul, dame de Saint-Philbert et de la Benâte, puissante et bien­faisante suzeraine, pourrait bien avoir été la fondatrice dudit autel.

Richement costumée, comme il sied à son rang, portant couronne princière sur son chef recouvert du voile des vierges, elle montre de la main droite la roue incandescente, à crocs d'acier bleuté, instrument de son supplice.

D'où les petites roues, inscrites dans son nimbe, indiquant que chez elle la couronne du martyre s'ajoute à l'auréole de la virginité.

Dans le haut de lancette, s'étage la ville orientale d'Alexandrie, d'où elle est originaire, tandis qu'au sommet de l'ogive descendent d'un soleil d'or portant en son centre la croix, principe de toute lumière, irradiant la nue qui flamboie, les rayons de la sagesse divine qui éclairait son esprit et dictait ses réponses.

A remarquer chez la Sainte le curieux et gracieux déhanchement que l'on retrouve si souvent dans l'imagerie religieuse et les peintures du XIVème siècle.

A sa gauche, Sainte Marguerite. Née à Antioche de Pisidie, elle y souffrit le martyre vers l'an 175.

C'est l'une des plus aimables vierges qui aient fleuri sur terre, et l'une des plus généreuses martyres dont les mérites aient enrichi l'Eglise.

Son culte, apporté en France en même temps que ses reliques par les Croisés, y fut longtemps très populaire.

C'est elle, avec Sainte Catherine et Saint Michel, qui apparut à Jeanne d'Arc et soutint le courage de la Vierge lorraine. A ce titre, elle est devenue presque une sainte nationale. Elle avait, en tout cas, son autel dans notre vieille église. On l'y voyait du côté droit du bras de croix. Elle revit aujourd'hui dans la magnifique composition de Gruber.

De carnation différente de la Vierge d'Alexandrie — on dirait que sur sa chair se reflète l'or de ses blonds cheveux — le regard droit et ferme exprimant la force qu'elle fit paraître dans les tourments et qu'elle puisait en sa virginité, la tête ceinte de la riche couronne qu'aux heures de son supplice y posa la colombe descendue du ciel, les épaules revêtues d'azur, la taille ceinturée d'une corde, symbole de la mortification gardienne de la pureté, elle tient de la main droite la palme, emblème de son martyre, et du pied gauche foule le démon qui lui était apparu dans sa prison sous la forme d'un dragon terrifiant.

Au-dessus de sa tête se dresse le profil d'un château-fort aux tours crénelées, qui rappelle l'ère des croisades et symbolise d'autre part sa force et sa constance.

Et tout en haut dans l'azur, et semées autour d'elle, et noyées dans son nimbe, des marguerites-reines, symbole de son nom, et colorées, de la pourpre de son sang, étincellent comme des gemmes précieuses.

La force indomptable en ces vierges n'égalait que leur douceur.

« Bienheureux ceux qui sont doux », proclament, dans la ROSE au-dessus, la banderole mauve, et l'agneau symbolique au centre d'une verte prairie émaillée de fleurs blanches, dans un rayonnement de rameaux joliment stylisés de marguerites-reines.

IVème VERRIÈRE

Saint Blaise et Saint Roch.

Saint Blaise patronnait chez nous une antique chapelle sise à l'intersection de l'ancien chemin de Machecoul qui, passant derrière Villemalet se dirigeait vers la Noë, et du petit chemin dit de la Meule. C'est là que nos ancêtres le venaient invoquer contre toutes les affections de la gorge.

Saint Blaise fut en son temps un habile médecin, que sa vertu fit choisir comme évêque de Sébaste, en Arménie. Il mourut martyr vers 316.

Le vitrail nous le montre, en habits pontificaux, tenant entre ses bras l'enfant blessé à la gorge d'une arête de poisson, et qu'on lui avait apporté dans sa prison. L'ombre de la mort s'étend déjà sur le petit corps cendré.

Mais le blessé, en faveur duquel le Saint lève vers le Ciel son regard implorant, sera rendu guéri à sa mère, tandis que l'évêque martyr s'en ira recevoir la palme qu'un bel ange, aux ailes diaphanes de libellule, dans un magnifique vol plané, lui présente déjà d'en haut.

A ses pieds, on dirait que s'amorcent les marches de la prison souterraine où l'on avait jeté le Confesseur de la Foi.

A ses côtés, voici un autre saint guérisseur, Saint Roch, à la fois ermite et pèlerin, que l'on invoque contre le choléra et la peste.

Vêtu de bure, besace au dos, escarcelle au côté, le bourdon de pèlerin à la main, accompagné de son chien fidèle, à l'oeil vif, à la queue en aigrette, qui l'avait nourri alors qu'il était abandonné des hommes, et auquel il montre la blessure mystérieuse qui avait transpercé sa cuisse gauche, il vient de quitter son modeste ermitage aux murs clairs et à la riante coiffure de tuiles, bien dans la tradition de notre sud-nantais bas-poitevin, et qui rappelle la petite chapelle, chez nous disparue, laquelle devait se présenter ainsi au carrefour du chemin de Roche-Blanche, sur la route de Paulx. Quelle paix en émane, rendue plus sensible encore par le contraste des averses de ce monde, figurées par ces hachures qui zèbrent le ciel, et qui semblent s'acharner sur l'humble édifice sans en troubler la sérénité. Le Saint a suivi le chemin qui serpente vers la ville à travers les prairies et les champs plantés d'arbres. Il en a franchi les remparts et va à sa besogne de charité.

Il n'a cessé de l'exercer, et à l'heure où les fléaux sévissent, il partage avec Saint Philbert la mission de secourir ceux qui implorent leur bienveillante intercession.

En haut, la ROSE, en des teintes semi-mortuaires, chante la Béatitude de la Souffrance.

« Bienheureux ceux qui pleurent », proclame-t-elle. Mais la coupe est pleine des larmes versées par la pauvre humanité, lesquelles débordent et tombent à terre, où elles créent comme un mouvement d'eau, des ondes qui ne font que s'amplifier depuis que la souffrance, sous toutes ses formes, est entrée dans le monde avec le péché.

Continuons notre visite par les deux petites verrières qui ajourent les hauts de mur, au-dessus des portes latérales de la façade.

VERRIÈRE DU PORTAIL DE FAÇADE GAUCHE.

Celle de gauche illustre la Confrérie du Rosaire, instituée chez nous dès 1669, et qui existe toujours en 1939.

Au centre de la ROSE, la Vierge du Rosaire est représentée, toute jeunette, dans une belle symphonie de bleus très tendres, assise sur un trône à haut dossier. Dans les lobes, tout autour, de fins bouquets de roses stylisés.

La Vierge tend les mains vers ses enfants de la terre dont elle reçoit l'hommage et la prière, et, en retour, fait descendre vers eux, sous la forme des rayons qu'on voit briller dans le haut des lancettes inférieures, la grâce dont elle est le canal. A ses pieds, la terre est représentée dans ce qu'elle a de plus virginal : un prêtre en chasuble et des enfants de choeur, un groupe de communiantes, une religieuse et de toutes jeunes filles. Et tous, à genoux ou debout, lèvent ou joignent les mains dans un geste de supplication, cependant que Marie, entre les hommes et Dieu, exerce sa fonction de Médiatrice toute puissante.

Beau vitrail, à la tonalité virginale, que rehausse l'or des cinq petites croix rayonnantes.

VERRIÈRE DU PORCHE DE FAÇADE DE DROITE.

Elle rappelle une antique confrérie — la Confrérie de Toussaint — qui avait jadis son siège dans cette vieille maison qui fait fond à la rue de la Poste, confrérie d'assistance temporelle et spirituelle, représentée dans la verrière par une figuration du Ciel, séjour de la Trinité, des Anges et de tous les Saints.

Au motif central, donc, la Sainte Trinité (elle avait son autel dans l'Abbatiale) : le Père Eternel, à longue barbe blanche et en tunique rouge, assis lui aussi sur un siège à haut dossier, soutient, de ses bras tendus, la croix où est cloué son Fils, et tout au-dessus l'Esprit-Saint, en forme de colombe aux ailes largement déployées, sujet classique d'ancienne iconographie. Dans les lobes, des Anges musiciens ou adorateurs. Disposés en forme de roue, ils donnent l'impression de tourner sans fin aux accents d'un éternel « Sanctus », tandis que de larges pans de leur tunique éclatent en rouge ardent d'une très riche et chaude luminosité.

Dans les lancettes, au-dessous, des saints, choisis parmi les plus anciens pour qu'ils soient en harmonie avec l'ensemble de ce sénat d'élus qui gravitent autour de l'église, et dont le plus jeune remonte au XIIIème siècle, et parce qu'ils eurent de leur vivant quelque plus spécial rapport avec le Ciel ou la Sainte Trinité : Saint Etienne qui « vit le Ciel ouvert » tandis qu'on le lapidait ; Saint Laurent qui, tourmenté sur son gril, s'encourageait à souffrir en disant : « Aujourd'hui je vais entrer aux portes éternelles », et Saint Jérôme, qui défendit contre l'arianisme le dogme de la Sainte Trinité.

Saint Etienne est représenté lié par des cordes à une colonne dorique. Son martyre est en cours. Il a les vêtements déchirés et sa chair porte les traces de la lapidation.

Saint Laurent, choisi encore parce qu'il fallait dans la lancette du centre un personnage à genoux ou couché, pour qu'il reste à l'échelle, est étendu sur son gril qu'enveloppent les flammes. Lui aussi porte en ses membres dévorés çà et là par le feu et dont les os sont à nu, et sur ses pieds couleur de cendre, les marques glorieuses de son martyre.

A sa droite, Saint Jérôme, docteur et apologiste, est représenté très vieux et quelque peu hirsute : c'est l'homme des cavernes, le solitaire, qui fit compagnie d'un lion, symbole de la vigueur avec laquelle il défendit la doctrine, et qui tient dans ses mains le livre de l'Écriture ou de ses vibrantes apologies.

L'ensemble compose une admirable symphonie de bleus et de rouges d'un intense éclat, surtout le soir, quand le soleil couchant les embrase de ses feux.

Continuons notre visite par la deuxième série de nos grandes verrières.

Vème VERRIÈRE

Saint Jean-Baptiste et Saint Rémy.

Devant le baptistère, motivés par le choix des deux saints, Saint Jean le Baptiste et Saint Rémy, nous avons placé intentionnellement deux baptêmes, celui du Christ et celui de la France.

A gauche, le Christ est représenté en majesté, le visage fixe et grave, le manteau de pourpre écarté, prêt à recevoir, sur le chef et les épaules, l'eau symbolique.

Saint Jean, fortement cambré en arrière, s'apprête à la répandre, et de cette eau sanctifiée par la vertu du Rédempteur naît et s'amplifie tout un fleuve dont les spires, en coulant, enveloppent toute la composition, symbole de la grâce, issue de ce premier baptême, et qui, par la vertu des sacrements, va sanctifier toute la terre.

A noter le contraste entre le divin et l'humain si saint soit-il, entre le Christ et Saint Jean, entre l'Homme-Dieu, plus grand quel nature, à la chair lumineuse, et l'homme du désert, à la chair brûlée par le soleil, aux cheveux incultes et à la barbe verdâtre de servi-primitif.

A noter, d'autre part, le plan très bien orchestré de l'ensemble : au-dessus du Christ, nous avons Saint Jean ; au-dessus du Baptiste, deux séries superposées d'anges musiciens, d'un dessin admirable, qui encadrent la Colombe et la gloire du Père invisible, proclamant son Fils Bien-Aimé, et sur laquelle, comme si nos yeux trop fragiles ne la pouvaient supporter, une délicieuse tête d'ange étend ses ailes pour en atténuer l'éclat.

La lancette voisine nous présente l'apôtre des Francs, Saint Rémy, avec devant lui, humblement prosterné, Clovis, le fier Sicambre.

Le chrétien vient d'être baptisé, mais le roi, fils aîné de l'Eglise, doit être consacré en vue de sa haute et providentielle mission. L'huile sainte venant à manquer, une colombe mystérieuse apporte à l'évêque, qui tend les mains vers lui, le chrême sacré dans une ampoule de verre.

A remarquer le parallélisme et les contrastes entre les deux vitraux : d'une part, les bras qui se lèvent, les deux colombes, la gloire du Père et le rayonnement de la sainte ampoule.

De l'autre, le contraste entre l'attitude majestueuse du Christ-Roi, et l'attitude courbée et humiliée du roi catéchumène, richement vêtu néanmoins, car c'est un roi.

Dans la ROSE qui domine, au centre est une coupe d'or — souvenirs du calice de Saint Rémy — et tout autour, garnissant le plateau, des pains circulaires et marqués d'une croix, qu'entoure une bandelette avec l'inscription : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ».

C'est la Béatitude du festin mystique, au sens ici doublement symbolique.

Le Christ, nourriture de nos âmes par l'Hostie et le Calice, principe de toute justification et source de toute justice.

Le Roi, père nourricier de son peuple, et gardien de la justice qu'il doit administrer en vertu de l'autorité à lui déléguée par Dieu.

Autour du mystique symbole, sur un rayonnement de bleus, ces bleus qu'orchestre si bien Gruber, s'épanouit toute une floraison de lys de France, que l'on retrouve dans l'ogive au-dessous, et qui ajoute sa grâce aristocratique inimitable à la plus noble, à la plus chatoyante harmonie de tons dont s'illumine cette magnifique verrière.

VIème VERRIÈRE

Saint François et Saint Mandé.

Saint François, c'est le doux moine d'Assise dont la bonté s'étend à toute la nature et jusqu'aux animaux. Il avait anciennement son autel dans la chapelle sud de notre Abbatiale, au fond du déambulatoire carolingien.

Transporté dans le vitrail, il y compose une des plus belles réalisations statuaires de notre série de saints. Dans sa robe aux pièces nombreuses, comme il les eut aimées, mais ici transfigurées par la palette de l'artiste, se joue toute la gamme des ors et des roux. On dirait que toutes les frondaisons de l'automne ombrien chantent dans son humble bure glorifiée. Sa main droite, aux doigts aristocratiques, s'abaisse charitablement vers son frère, le loup — le loup de Gubbio — un loup bien campé, à l'oeil intelligent et vif, dont il avait soumis la férocité native au service du prochain, tandis que la gauche s'élève vers le ciel dans un geste de suprême distinction.

Au-dessus de sa tête volètent les colombes séraphiques dans la verdure sombre des pins coniques qui dressent leurs fûts, au travers desquels on aperçoit le disque rouge du soleil déclinant, au sommet des vertes collines de l'Ombrie, dont l'ombre violette du soir commence de gravir les pentes. Encadrant la composition, çà et là, des branches et des pommes de pins stylisées maintiennent le Saint dans l'atmosphère de son pays natal.

A côté, Saint Mandé, ce fils d'un roi d'Irlande, que le ciel fit lépreux, à sa demande, pour le soustraire aux dignités du siècle, puis guéri et devenu ermite, avant d'être fondateur et abbé de monastère. Dans le temps où la lèpre faisait hélas de trop nombreuses victimes, le culte de ce saint était répandu un peu partout ; c'est ainsi qu'il avait, lui aussi, son autel chez nous, dans la « petite église » de notre Champ des Morts.

Son image est traitée ici dans une symphonie violette admirable. Appuyé sur son bâton de lépreux, à l'extrémité duquel pend la sonnette rituelle destinée à signaler son approche, le saint lépreux s'avance dans un geste d'offrande du corps et de la main, qui rappelle le sacrifice volontaire de sa jeunesse, de sa beauté, des honneurs auxquels il était réservé.

Sur ses épaules, un riche manteau de pourpre fait équilibre au disque rouge du soleil couchant et à la gloire qui flambe au sommet de l'ogive dans le vitrail voisine et rappelle que Saint Mandé est fils de roi, tandis que les chauds revers violets de la cape princière disent, par contre, l'humilité de sa condition présente.

Dans le haut de lancette, l'ermitage du Saint semble porté sur les cimes d'une forêt de palmes qui font pendant aux sapins verts de la colline ombrienne.

Au-dessus du chef de Saint Mandé, toute une floraison de campanules ou clochettes, en tons mauves et orangés, rappellent la clochette du lépreux.

On les retrouve, ces mêmes campanules, dans la ROSE commune, traitées en tons divers, et évoquant par antiphrase la vertu opposée au vice impur dont la lèpre est l'image.

C'est en effet la Béatitude des coeurs purs qu'elles chantent à leur manière, béatitude inscrite d'ailleurs sur la banderolle qu'elles accompagnent : « Bienheureux les coeurs purs parce qu'ils verront Dieu ».

VIIème VERRIÈRE

Saint Eutrope et Saint Sébastien.

Un évêque et un soldat se partagent la verrière suivante.

Premier évêque de Saintes, Saint Eutrope fut très populaire au Moyen-Age, non seulement en Saintonge, mais dans tout le Bas-Poitou. Sa statue encadrait jadis, avec celle de Saint Pierre, le maître-autel de notre Abbatiale.

C'est ici, présenté de face, un majestueux vieillard, aux traits graves et fins, sous la mitre somptueuse. Distinction et autorité émanent de son aristocratique personne, de ses riches ornements pontificaux, de ses longues mains gantées, de son geste impératif, lequel est toute une prédication : de la main droite, il tient haut levée la Croix, et, de la gauche, il la désigne, il l'impose même, comme le seul objet digne de nos regards et de notre amour.

Tout, dans ce vitrail, jusqu'au noble pavement sur lequel se dresse l'évêque martyr dans toute la majesté du docteur enseignant, jusqu'aux grandissimes caractères qui expriment son nom dans le panneau de base, tout ici proclame la souveraine grandeur et autorité du sacerdoce catholique.

Dans le haut de lancette une vue en raccourci des arènes de Saintes, comme photographiées d'avion, rappelle le lieu où, suivant une tradition, Saint Eutrope subit le martyre.

Çà et là, une flore décorative de tournesols joliment évocatrice. Eutrope, c'est, en grec, le « bien tourné ». Les tournesols, ce sont ces fleurs qui, comme le nom l'indique, s'orientent d'elles-mêmes vers le soleil, de même qu'Eutrope s'est à jamais tourné vers le divin Soleil de Justice.

Saint Sébastien, qui l'avoisine, est de même race. C'est un mâle soldat, et c'est un fier chrétien.

Le visage osseux au profil bien romain, les bras nerveux, les jambes souples finement lacées, bien sanglé dans sa tunique d'officier aux plis droits, portant, rejeté sur l'épaule, le grand manteau de pourpre sombre qui retombe majestueusement jusqu'à terre, cuirassé et casqué, lui aussi est incontestablement de noble lignée et de fière attitude. De la main gauche il tient, et de la droite il montre les flèches longues et acérées, instrument de son supplice, que rappellent, d'autre part, les feuilles à pointes aiguës et les têtes de chardons qui s'entremêlent au décor.

Un ange à longue tunique, une palme dans chaque main, descend, ailes déployées, parmi les nuages opulents, récompenser les deux martyrs.

La Béatitude inscrite dans la ROSE au-dessus est, comme on peut le lire dans la banderolle, celle de la Miséricorde.

« Bienheureux les miséricordieux, car il leur sera fait miséricorde ». Son symbole, exprimé des lancettes, est une magnifique rose pourprée, comme teinte du sang des deux martyrs, qui s'effeuille sur des tiges de chardons aux dards épineux, signifiant la miséricorde qui s'épanche du coeur plein d'amour sur les souffrances et les peines du prochain pour les panser et les consoler. Tout autour, dans les lobes, l'or des tournesols flamboie, contribuant, pour une large part, à faire de cette magnifique verrière l'une des plus lumineuses, des plus chaudement colorées de cette riche collection.

A remarquer ici, comme partout d'ailleurs, le sens parfait de l'équilibre chez Gruber. Voyez comme, en particulier, l'or de la cuirasse et du casque de Saint Sébastien équilibre celui de la mitre et des tournesols dans le vitrail voisin.

Remarquez, d'autre part, le même jeu de balance mesurée entre les violets, les verts, les rouges des deux lancettes.

Cherchez de même semblable équilibre dans chacune des verrières de ce vaste ensemble, partout il vous apparaîtra comme une loi absolue de composition à laquelle l'artiste, en chef d'orchestre consommé, n'a eu garde de se soustraire.

VIIIème VERRIÈRE

Saint André et Saint Jacques.

Terminons par la verrière de Saint André et de Saint Jacques.

Saint André, c'est le frère de Saint Pierre. Il fut le premier des apôtres qui ait connu Notre-Seigneur. Il évangélisa la Grèce et mourut martyr, à Patras, lié à une croix en forme d'X, et, pour cela, connue depuis sous le nom de Croix de Saint André.

Il est représenté, dans le vitrail, debout, le pied droit gracieusement en pointe, sur une riche mosaïque de « grecques », évocatrices du théâtre de son apostolat, que l'on retrouve également dans le panneau de base, vêtu d'une splendide robe d'évêque où se joue harmonieusement toute la gamme des violets et des mauves, et dont le bas s'encadre en éventail entre les deux bras inférieurs de la Croix sur laquelle il s'appuie.

Sur la robe, broché en forme d'X, un immatériel manteau bleu, comme seul en sait composer Gruber. L'apôtre penche sa tête, toute d'or auréolée, vers l'instrument de son martyre, la « bona crux », à laquelle d'avance il sourit.

Dans le haut de lancette, une petite cité grecque étage ses toits plats que couronne un temple païen aux chaudes colonnes patinées par tous les soleils d'Orient.

Avec Saint Jacques le Majeur, appelé encore Saint Jacques de Galice, ou de Compostelle, nous terminons en beauté la visite de nos verrières modernes.

Car c'est ici, de l'avis de plusieurs, le chef-d'oeuvre de Gruber.

Un mot d'histoire pour commencer.

Saint Jacques était le frère de l'apôtre Saint Jean. Après l'Ascension, il s'en alla évangéliser l'Espagne, dont il est resté la gloire et le Patron. La Vierge Marie, vivante encore en ce monde, lui apparut un soir au bord de l'Ebre, sous les murs de Saragosse, et lui demanda d'ériger, à l'endroit même, une chapelle en son nom — d'où elle régnerait sur tout le pays. C'est l'origine du fameux sanctuaire de Notre-Dame del Pilar. Saint Jacques revint à Jérusalem, où Hérode Agrippa le fit décapiter. Mais, portés par ses disciples, ses restes revinrent en Espagne. L'église fut ruinée au temps des Maures, mais un miracle, une étoile brillant au-dessus du champ des ruines, devenu le champ de l'Etoile — Campus stellae — les fit un jour découvrir. Et dans la magnifique église rebâtie et enrichie somptueusement, ils devinrent le but d'un célèbre pèlerinage où, comme à Rome et à Jérusalem, on accourait jadis de tout le monde chrétien, parce qu'on y recevait des grâces insignes. Or, il y avait des itinéraires connus, dans chaque pays, pour se diriger vers Compostelle — Saint-Philbert-de-Grandlieu se trouvait sur l'un de ces chemins. Aussi, dans la petite église du cimetière, avec Sainte Catherine et Saint Mandé, Saint Jacques avait un autel. Et pour assurer des messes à cet autel, les seigneurs du Chaffault avaient donné un bien sis dans la petite rue Saint-Jacques, à cause de cela ainsi dénommée, et encore aujourd'hui appelée de ce nom. Peut-être même y eut-il là, un temps, une maison de gîte pour les pèlerins du grand apôtre. Saint Jacques était fort vénéré chez nous, et son nom souvent donné au baptême.

L'apôtre a été représenté ici sous les traits d'un pèlerin, en route vers Compostelle.

Le visage hâve, mal rasé, les cheveux en désordre — en voyage on n'a pas toutes facilités pour procéder à sa toilette — le Saint s'avance portant sur sa robe de pèlerin, d'un délicat vert cendré, que ceinture une corde, un riche manteau — car c'est un prince de l'Eglise — aux couleurs espagnoles rouge et or. De la main droite, il s'appuie sur son bourdon de pèlerin. Une gourde pend à son côté. Le vent de la route fait voler le pan de son manteau écarlate. Sur un riche pavement se lèvent et se posent tour à tour ses larges pieds façonnés par la marche. Car il marche incontestablement. Toute son attitude le dit. Voyez ses orteils qui se dressent... Quel contraste en vérité entre ce saint débordant de vie, tout en action, à croire qu'il va s'échapper du vitrail, et l'attitude figée, hiératique, des personnages dans les verrières anciennes.

Le pèlerin de Compostelle s'en va, véritable hidalgo, le chaperon orné de petites coquilles, ces mêmes coquilles Saint-Jacques que l'on retrouve mouchetant la fine auréole cerclée d'aurore qui nimbe son chef d'azur, il se hâte, le regard extatique, fixé dans un rêve, le rêve qu'il poursuit depuis de longs jours : atteindre la prestigieuse basilique qui se dresse tout là-haut, au terme d'une route qui serpente entre de luxuriantes frondaisons, profilant dans l'azur la silhouette dentelée de ses tours baignées de lumière.

A remarquer, dans le panneau de base, le riche et harmonieux effet de coloris du titulus : Saint Jacques de Compostelle. Les lettres dont il se compose sont autant de gemmes précieuses où chaque heure du jour allume des reflets nouveaux.

La ROSE commune aux deux apôtres martyrs proclame la Béatitude des âmes qui souffrent persécution pour la justice.

Un glaive cruciforme à garde d'or, symbole des persécutions qui attendent le chrétien, est inscrit au centre d'une couronne de feuilles de laurier tressées, emblème de la gloire qui récompensera sa constance. Tout autour, dans une vibrante harmonie de rouges et de bleus, tempérés de violets, rayonnent stylisées les agaves d'or évoquant la puissante flore compostellienne.

On notera, une fois encore ici, le curieux parallélisme entre la route qui monte vers Compostelle et le monumental escalier des toits en étage et des degrés du temple au vitrail de Saint André, comme aussi le contraste, qui semble une réplique de la verrière d'en face, entre le petit temple païen, tout doré de soleil, et la splendide basilique chrétienne.

Telle est l'oeuvre resplendissante dans sa chatoyante beauté, dans sa mystique et dans son esprit, dont s'est enrichie notre église, fresque immense, ondoyante et diverse suivant l'heure et suivant le visage du ciel, suivant la place d'où l'on contemple, d'où l'on admire.

Faites-en vous-même l'expérience, revenez à des heures, à des jours différents ; jours où le soleil laisse éclater ses feux et jours où il les retient, les filtre ou les tamise comme à regret, soit à l'heure des matins triomphants, soit à l'heure où midi s'affirme, égalisant sa lumière, soit encore à l'heure royale où le soleil déclinant se couche dans une apothéose, et vous ne saurez pas quand admirer le plus.

Peut-être aurez-vous une préférence pour l'heure calme et recueillie du soir, où les couleurs reconquièrent leur indépendance et recouvrent leur pleine valeur, et de délicieux détails, qui vous avaient échappé dans l'éblouissement des feux indiscrets de l'astre, surgiront à vos yeux et les char­meront. Alors vous apparaîtront ces bleus profonds de Gruber qu'on ne se lasse jamais d'admirer.

Et maintenant, cher visiteur, descendez avec moi la noble nef enluminée, en jetant vos regards alternativement à droite et à gauche, et à chaque pas que vous ferez, les visages amis de nos verrières, comme pour vous remercier, ces visages mobiles et changeants, comme ceux de la mer et des cieux, vous souriront avec des expressions différentes, mais toujours admirables dans leurs incessantes variations.

Car c'est le propre de l'art de ne jamais révéler d'un coup son inépuisable beauté et d'éveiller sans cesse, dans l'âme attentive à le comprendre, de nouvelles et délicates jouissances. (A. Guillet - 1939).

 © Copyright - Tous droits réservés.