Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

HISTOIRE et DESCRIPTION de l'EGLISE

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Saint-Jean-du-Doigt 

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Eglise de Saint-Jean-du-Doigt

En vous rendant à Saint-Jean-du-Doigt, vous irez au pays des légendes. Le joli vallon de Traon-Mériadek est un de ces coins de Basse-Bretagne où le merveilleux chrétien se confond avec la tradition historique. Vous y trouverez, dans une élégante église du XVème siècle, une relique insigne, arrivée là, du fond de la Palestine, par une suite d'événements étranges. Les miracles qu'elle a opérés ont attiré dans ce lieu écarté les multitudes et les princes. Notre dernière duchesse, Anne de Bretagne, devenue reine de France, y est venue demander une guérison miraculeuse. Elle y a laissé, de son passage, des traces magnifiques. Quand on va à Saint-Jean, il faut connaître cette histoire. Ceux d'entre vous qui n'ont pas eu le loisir de la chercher dans les vieux livres, me sauront gré, je l'espère, de la leur raconter avec quelques détails.

Ai-je besoin d'ajouter que cette notice n'est pas une œuvre de critique ?. Je raconterai les miracles sans les discuter ; me gardant bien d'en affirmer l'authenticité, mais évitant, avec autant de soin, de les contester ; car si je ne prends pas pour vraies toutes les légendes qui charmaient jadis les veillées d'hiver de nos ancêtres, j'admets parfaitement que Dieu renverse quelquefois les lois naturelles qu'il a établies, et accorde à la foi qui soulève les montagnes, des grâces extraordinaires (F. de Kergrist - 1899).

La relique que possède Saint-Jean(-du-Doigt) et d'où lui est venu son nom de Saint-Jean-du-Doigt, est la phalange antérieure de l'index de la main droite de saint Jean-Baptiste, de ce doigt avec lequel il désignait le Sauveur en prononçant ces paroles ; Ecce Agnus Dei ; ecce qui tollit peccata mundi. Elle est renfermée dans un étui, et on ne peut la voir à nu. M. Aymar de Blois, qui l'avait examinée en 1805, en fait la description suivante. « C'est évidemment, dit-il, la dernière phalange d'un doigt. Elle est de couleur noire ; on y distingue fort bien l'ongle ; la chair parait en être desséchée, un morceau de peau déborde dans la partie inférieure, et présente, à l'intérieur, une couleur et une substance ressemblant à celle de l'amadou. Elle m'a semblé être le bout d'un index ou d'un médium ».  

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

COMMENT LA RELIQUE VINT A SAINT-JEAN-DU-DOIGT.

Après la décollation de saint Jean-Baptiste, ses disciples enlevèrent son corps et l'enterrèrent à Sébaste. De nombreux miracles se firent sur son tombeau. Julien l'Apostat, acharné à détruire ce qui pouvait tourner à la gloire du Christianisme, ordonna de brûler ses reliques et d'en jeter la cendre au vent. On essaya d'exécuter son ordre ; mais une pluie torrentielle éteignit le brasier et permit aux chrétiens présents de recueillir une bonne part des ossements. L'index de la main droite fut envoyé à Jérusalem, et y resta jusqu'aux Croisades. A une époque qu'on ne précise pas, une jeune fille de Normandie, nommée Tècle, en apporta une partie dans son pays, près de Saint-Lo, et, pour la recevoir, fit bâtir, sous l'invocation de saint Jean, une église qu'illustrèrent de nouveaux miracles.

Non loin de cette église, un jeune homme de Plougasnou était, en 1437, au service d'un grand seigneur. Il portait une singulière dévotion au saint Précurseur et avait pour son doigt une vénération profonde. Près de retourner en Bretagne, il ne désirait rien tant que d'en apporter quelque portion dans son pays. Il priait continuellement et jeûnait souvent en vue d'obtenir cette faveur. Au moment de son départ, il se rend à l'église de Saint-Jean-du-Doigt, y fait sa prière avec une ferveur extraordinaire ; et se sentant saisi d'une allégresse intérieure qu'il ne peut expliquer, il se met en chemin. Dans la première ville où il arrive, les cloches se mettent en branle d'elles-mêmes ; les arbres s'inclinent sur son passage ; ce que voyant, les habitants le soupçonnent d'être sorcier et le font mettre en prison.

Le lendemain, à son réveil, il se retrouve dans sa paroisse, près de la fontaine qu'on appelle aujourd'hui Fontaine-du-Doigt. Il aperçoit la vallée de Traori-Mériadek, son église paroissiale, la ferme de son père.

Ne sachant encore s'il rêve, il descend dans la vallée ; les chênes qui bordaient le chemin se courbent à mesure qu'il avance. Quand il arrive à la chapelle de Saint-Mériadek, les cierges s'allument d'eux-mêmes et la cloche se met à sonner d'une si extraordinaire façon, que les habitants des villages voisins se rassemblent ; ils trouvent le jeune homme en prières ; et, tout-à-coup, la relique qu'il portait sur lui sans le savoir, s'élance d'un bond sur l'autel. Il l'avait apportée en la jointure de sa main droite avec le bras, entre la peau et la chair. Quand l'émotion et la joie lui permirent de parler, il dit à la foule que c'était le doigt de saint Jean-Baptiste et raconta ce qui lui était arrivé.

En ce temps-là, pas plus qu'à présent, on n'acceptait ces événements extraordinaires sans les contrôler. Quand la nouvelle en parvint au duc de Bretagne, qui résidait alors à Vannes, il partit pour Morlaix, accompagné de son fils aîné et de la princesse son épouse. Les évêques de Nantes, de Vannes, de Léon, de Tréguier, et une nombreuse noblesse s'y rendirent également. Le jeune homme qui avait apporté la relique fut mandé par le duc. Le chancelier l'interrogea en présence de ce prince, des prélats et de la noblesse. Il raconta l'histoire comme je viens de l'écrire. Le duc envoya ensuite faire une information en Normandie, tant en l'église de Saint-Jean-du-Doigt que chez le seigneur qu'avait servi le jeune homme, et dans la ville où il avait été mis en prison. Les renseignements recueillis confirmèrent son récit. Il n'y avait plus à douter que la relique ne fût bien le doigt de saint Jean-Baptiste.

En actions de grâces de ce bienfait, le duc fit faire une solennelle procession. Un Te Deum fut chanté à l'église de Notre-Dame-du-Mur, de Morlaix ; et de là, on partit pour Plougasnou, les prélats revêtus de leurs ornements pontificaux, le duc et la noblesse suivant à cheval. A une lieue de la chapelle, ils mirent pied à terre et firent le reste de la route à pied. Le duc baisa dévotement la relique ; il tira de son sein un reliquaire d'or qu'il portait au cou, et le donna pour y renfermer le doigt. Il fit encore d'autres riches présents. Toute la noblesse suivit son exemple.

Les miracles qu'opéra la relique attirèrent à la petite chapelle de Saint-Mériadek des foules nombreuses et y firent tomber tant d'argent qu'on résolut de bâtir à sa place une plus grande église. C'est l'église actuelle. La première pierre en fut posée le 1er août 1440. Mais elle ne fut achevée que soixante-treize ans plus tard, après le voyage qu'y fit la du­chesse Anne.

Cette princesse avait succédé, en 1488, à François II, son père. L'année suivante, une flottille anglaise vint à Morlaix. En partant, les Anglais jetèrent l'ancre dans l'anse de Primel, et, de là, rançonnèrent les côtes voisines. Ils entrèrent la nuit dans le bourg de Saint-Jean-du-Doigt, pillèrent quelques maisons et enlevèrent le Doigt de l'église, avec l'intention de le rapporter à leur roi. Aussitôt arrivés au port de Hampton, le clergé prévenu vint processionnellement recevoir la relique. Mais, à la grande stupéfaction des assistants, elle ne se retrouva pas dans la caisse où on l'avait mise, et les auteurs du vol sacrilège furent, sur le coup, frappés de cécité. Reconnaissant leur faute, ils demandèrent pardon à Dieu et au Saint, et promirent d'aller visiter son église et de réparer leurs méfaits. Ils accomplirent, en effet, leur voeu et obtinrent leur guérison. Quant à la relique, elle était revenue dans son armoire.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

VISITE D'ANNE DE BRETAGNE A SAINT-JEAN-DU-DOIGT.

C'est en 1505 qu'avec l'autorisation du roi Louis XII, son époux, la reine Anne vint visiter ses anciens états. Populaire et très aimée, elle fut reçue partout avec de grandes démonstrations de joie. Morlaix lui fit une réception magnifique. A ce moment, elle avait les yeux fort malades, et songea à demander sa guérison à la relique dont on lui racontait les merveilles. Elle dépêcha donc à Saint-Jean-du-Doigt Guillaume de Guicaznou, prévost de l'église collégiale de Notre-Dame-du-Mur, Mériadec de Guicaznou, capitaine des ville et château de Morlaix, et ses deux aumôniers, avec mission de lui faire apporter le doigt du Saint, afin de le lui appliquer sur les yeux. A ce commandement, les recteurs et le clergé de Plougasnou, Plouézoc'h, Guimaëc, Lanmeur et Ploujean s'assemblèrent à Saint-Jean-du-Doigt. On plaça la relique sur un brancard que portaient Raoul de Coatanscour, recteur de Plougasnou, et Salomon de Kergournadec'h, gouverneur de Saint-Jean-du-Doigt. Mais, à peine était-on sorti de l'église, que le brancard se brisa avec éclat. Quand on voulut le réparer, on vit que la relique n'y était plus, étant encore retournée dans son armoire.

Témoins de ce miracle, les envoyés de la reine n'osèrent pas insister pour qu'on déplaçât la relique. Ils retournèrent en hâte faire leur rapport à Sa Majesté. La reine, se jetant à genoux, demanda pardon à Dieu  au Saint, disant que « c'était bien elle qui le devait aller trouver ». Elle voulait faire tout le voyage à pied, et ne consentit que sur de vives instances à se faire transporter en litière jusqu'à la lande dite Lann Festour, à 5 ou 6 kilomètres de Saint-Jean-du-Doigt. Là, elle descendit de litière et fit le reste du trajet à pied, accompagnée des princes et prélats qui formaient sa suite.

En cet endroit, on voit sur le bord de la route de Morlaix à Plougasnou, peu après la borne n° 9, une sorte de soubassement en grosses pierres brutes mal jointes, formant deux marches. C'est le montoir qui dut être construit à la hâte pour faciliter à la reine et aux princesses qui la suivaient, la descente de litière ou de cheval. Il est couvert d'une grande dalle en pierre bleue. Sur cette dalle, on voit l'empreinte qu'y laissa le pied de la reine. Un semblant de croix, taillé dans une pierre de Locquirec, surmonte cette construction informe.

La pieuse reine consacra à la prière tout le temps qu'elle passa à Saint-Jean-du-Doigt. Dans l'après-midi, elle fit chanter les vêpres de saint Jean, et, le lendemain, les matines, où elle assista. Puis, elle se confessa à son aumônier, Frère Yves Mahyeuc, de l'ordre des Frères prêcheurs du couvent de Morlaix, et, à la grand'messe, reçut la communion des mains de l'évêque de Nantes, Guillaume Guéguen. Après la messe, elle contempla la relique, que le même prélat lui montra à nu et lui appliqua sur les yeux.

La reine Anne reconnut sa guérison, en faisant à Saint-Jean-du-Doigt des libéralités royales. Dans le trésor d'orfèvrerie qu'elle donna à l'église, plusieurs pièces furent vendues, paraît-il, pour subvenir aux frais des guerres de religion. Mais les plus belles restent : un superbe calice en vermeil avec sa patène, et une croix processionnelle, également en vermeil, magnifiques spécimens de l'orfèvrerie du XVIème siècle. Elle donna aussi trois bannières en velours, qu'on a eu le tort de vendre, et qui sont aujourd'hui, je crois, au musée de Morlaix. Enfin, elle fixa une somme qui devait être versée annuellement, pour aider à la construction de l'église, jusqu'à son entier achèvement.

Je veux ajouter un mot au sujet d'une libéralité d'un autre genre due à la bonne reine. Elle fit paver avec des galets les deux routes qui aboutissaient à Saint-Jean-du-Doigt. Ce fait n'est mentionné ni par Albert le Grand, ni par M. de Kerdanet. Mais il m'a été affirmé par un homme qui connaissait toutes les vieilles chroniques de Basse-Bretagne. Mieux que cela : j'ai vu moi-même, dans ma jeunesse, les pavés dont je parle. Faute d'entretien, ils rendaient alors les routes très cahoteuses. Ils ont servi, depuis, à faire du macadam.

Après la visite de la reine, et grâce à ses largesses, les travaux de l'église furent poussés avec activité. Ils étaient terminés peu d'années après. L'inscription suivante, qu'on lit au fond du porche, au-dessus de la porte de droite, fait connaître la date de la consécration de l'église : « Le 18e jour de novembre l'an 1513, fut l'église de céans dédiée par Antoine de Grigneaux, évêque de Tréguier ».

Sur la première colonne qu'on rencontre en entrant dans l'église, on lit : M. P. Chevalier fist faire. On peut supposer que c'est le nom de l'architecte.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

DESCRIPTION DE L'ÉGLISE DE SAINT-JEAN-DU-DOIGT en 1899.

Elle est de forme rectangulaire, sans autres saillies à l'extérieur qu'une petite chapelle et un porche de belles dimensions. Elle mesure, dans oeuvre, 36m 20 de long sur 14m 65 de large. Deux rangs de colonnes la divisent en trois nefs. Elle n'a point de transept. La grande nef, large de 5m 66 et haute de 16m 20, est lambrissée en berceau plein cintre ; les poutres y sont apparentes. Elle prend toute la longueur de l'édifice. Les bas côtés, au contraire, n'ont que 31m 80 de long, leur bout inférieur étant occupé, d'un côté par le clocher, de l'autre par une chambre, qui a dû anciennement servir de sacristie. Ils sont d'inégale largeur : celui du sud a 4m 66 ; celui du nord n'a que 4m 33. Ils sont lambrissés en demi-berceau. Ce lambris, en chêne, est orné, comme celui de la nef, de nervures saillantes, soutenues, à la corniche, par diverses figures : têtes d'hommes, feuillages, etc.

L'abside est carrée. Le maître-autel et les deux petits autels latéraux sont adossés au pignon terminal. Le sanctuaire et le choeur sont circonscrits par des balustrades et des stalles en menuiserie, placées le long des colonnes.

Toute l'église est largement ajourée. Dans le pignon qui en forme le chevet, sont percées trois fenêtres à meneaux flamboyants d'un travail très fini. La maîtresse vitre, qui n'a pas moins de 11 mètres de hauteur, ne déparerait pas la plus belle cathédrale. Malheureusement, vers la fin du XIXème siècle, elle se trouve masquée en grande partie, à l'intérieur, par un immense retable, monument d'un grand luxe assurément, construit au XVIIIème siècle, mais qui a le double défaut de cacher un des plus beaux détails de la construction, et d'être d'un style tout différent de celui de l'église. En face, au bas de la nef, la porte d'entrée est surmontée d'une autre grande et belle fenêtre. Le collatéral sud est aussi très bien éclairé par cinq fenêtres à meneaux ; mais on ne peut pas en dire autant du collatéral nord, qui ne possède qu'une seule fenêtre, à son extrémité latérale inférieure. Ce côté de l'église n'est, ni à l'intérieur ni à l'extérieur, en harmonie avec le reste. Tandis que la façade sud et les pignons sont en pierres de taille, et richement ornementés, le mur nord est en moellons bruts, et mal étayé par des contreforts peu solides. Tous les murs de l'église sont déjetés dans cette direction. Il y aurait là un travail de consolidation à faire. Les contreforts seraient à reconstruire en entier. La Société française d'Archéologie ne ferait que remplir la belle mission qu'elle s'est donnée, en appelant sur ces points l'attention de la Commission des Monuments historiques.

Quand on entre dans l'église de Saint-Jean-du-Doigt, on est frappé de la grande élévation de la nef, de la hardiesse de ses arcades et de l'extrême ténuité des colonnes qui les supportent. Chacune de ces colonnes forme un faisceau de quatre colonnettes, séparées par de larges gorges. Diagonalement, elles ont 65 centimètres de diamètre ; mais le carré dans lequel elles s'inscrivent n'a que 5 centimètres de côté. Leur hauteur jusqu'à la naissance de l'archivolte atteint cependant 6m 65. Or, c'est un principe en architecture qu'une colonne qui dépasse en hauteur douze fois sa largeur ne peut tenir debout qu'à la condition d'être étayée ou chargée par une arcade ou une voûte. L'architecte de l'église de Saint-Jean-du-Doigt a dû subir, à ses dépens, les conséquences de l'inobservation de cette règle. Faute de s'y être conformé, quelques-unes de ses colonnes se seront écroulées en cours d'exécution. Vous remarquerez que sur les huit colonnes qui soutiennent les cinq arcades du haut de l'église, trois sont différentes des autres. Elles sont taillées en octogone, sans colonnettes ni moulures. Or, il est évident que ce disparate n'a pas été voulu ; on ne peut l'expliquer que par un accident. Ces trois colonnes s'étant effondrées et brisées, il aura fallu, pour éviter un plus grand désastre, les remplacer à la hâte par des colonnes d'une taille plus simple.

Une autre anomalie vous frappera dans la construction. Entre la 5ème et la 6ème arcade, on voit, de chaque côté de la nef, un gros pilier entièrement garni de colonnettes d'un petit diamètre, et montant à la hauteur des archivoltes des arcades. Ces deux piliers étaient évidemment destinés à porter une grande arcade, aux nombreuses moulures, contre-buttée par d'autres arcades construites en travers des bas côtés. Mais ces arcades sont restées à faire. Comment pouvaient-elles s'harmoniser avec le reste de la construction ?. C'est là, pour moi, un mystère. Et j'en suis réduit à supposer que si le travail est resté inachevé dans cette partie, c'est que, postérieurement, on a adopté pour l'église un plan tout différent.

Je ne puis quitter l'intérieur sans parler du monument que j'ai, peut-être improprement, qualifié de retable, et qui forme au maître-autel, quelque nom qu'on lui donne, une imposante décoration. Tout déplacé qu'il soit dans une église gothique, on ne peut lui refuser un certain mérite, dans son genre. C'est une construction largement conçue et de grandes dimensions. Elle dépasse la largeur de la grande nef, et a plus de dix mètres d'élévation.

Le retable proprement dit est bien distinct du reste. Il est en chêne et tout doré. Il se compose de deux gradins peu élevés, du tabernacle et de deux édicules placés à droite et à gauche et terminés par des frontons triangulaires tronqués ; le tout couvert de sculptures. Sept statuettes, de 30 à 40 centimètres, entourent le tabernacle : la Foi et l'Espérance, saint Pierre et saint Paul, deux anges adorateurs, et, sur le sommet du tabernacle, Notre-Seigneur, le pied posé sur un petit globe et paraissant s'élancer vers le ciel. Cinq bas-reliefs complètent la décoration : un Agnus Dei ; sur la porte du tabernacle, Jésus-Christ soutenant la croix ; au dessus, le Père éternel ; et, sur les édicules à fronton, l'Annonciation et la Visitation.

Surmontant ce retable, un grand tableau, peint sur toile, représente le baptême de Notre-Seigneur. Au-dessus encore, est une grande niche, et, dans cette niche, une Vierge tenant le sceptre de la main droite et portant l'Enfant Jésus sur le bras gauche. Le fronton de cette niche couronne la construction.

A droite et à gauche de ce que je viens de décrire, et formant avant-corps, sont deux autres grandes niches à doubles frontons brisés, portés sur de fortes colonnes en marbre noir à chapiteaux corinthiens dorés. Dans ces niches, deux statues : du côté de l'Evangile, Jésus-Christ tenant dans la main le globe terrestre ; du côté de l'Epître, saint Jean-Baptiste portant un étendard. Ces statues, hautes de 2 mètres, diffèrent absolument de celles qu'on voyait dans les églises aux siècles précédents. Plus rien de l'air émacié des anciennes représentations des saints ; mais, au contraire, l'aspect et les formes de la vigueur physique. Le type traditionnel du Christ, non plus que le Précurseur vivant au désert, ne se retrouvent dans ces deux personnages modelés en athlètes. C'est la matière supplantant l'idéal. C'est la décadence de l'art religieux.

Je me hâte d'ajouter que cette critique ne s'applique pas au retable en bois dont j'ai parlé d'abord. Il est évident que les deux oeuvres ne sont ni du même auteur, ni de la même époque. Le retable est plus ancien que le reste. La grande décoration théâtrale qui le surmonte n'est pas antérieure à la première moitié du XVIIIème siècle. Ses frontons interrompus par le milieu et ses têtes d'anges joufflus ne laissent aucun doute à cet égard. J'ai, plus d'une fois, entendu parler de l'enlever, pour démasquer la grande fenêtre. Ce n'est guère possible. Celui qui ne craindrait pas de l'entreprendre assumerait une grande responsabilité vis-à-vis de la foule, que séduisent le marbre, les dorures et les grandes proportions du monument. Cet audacieux ne pourrait se faire pardonner qu'en garnissant la fenêtre d'une immense verrière, où seraient reproduites, par un très habile pinceau, l'histoire du doigt de saint Jean et la visite de la reine Anne. Ah ! s'il faisait cela, ce n'est pas moi qui le blâmerais ; et je crois que tous les amis du grand art religieux seraient de mon avis. Mais comment mener à fin un pareil projet ?. Dix mille francs n'y suffiraient pas !

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

L'EXTÉRIEUR DE L'ÉGLISE DE SAINT-JEAN-DU-DOIGT en 1899.

J'appelle votre attention sur trois points.

1° Le pignon du chevet. — C'est du dehors qu'il faut examiner les trois belles fenêtres du chevet de l'église. La maîtresse vitre est en plein cintre ; les petites fenêtres latérales sont en ogive. L'encadrement et les meneaux sont d'une exécution parfaite. Les meneaux à boudins rappellent beaucoup le faire du XIVème siècle, bien que leur dessin soit flamboyant. L'agencement des rosaces, entièrement variées d'une fenêtre à l'autre, fait le plus grand honneur au talent de l'artiste qui les a conçues.

2° Le porche. — C'est un beau morceau d'architecture. Il est voûté en pierres. Les nervures de la voûte viennent retomber à chaque coin sur des faisceaux de colonnettes. Il est malheureux que cette belle construction soit comme enfouie dans la terre. Il y a deux marches pour y descendre ; et une troisième pour descendre dans l'église. On ferait une oeuvre excellente en la dégageant. L'administration locale pourrait y arriver avec du temps, en modifiant petit à petit le niveau des sépultures. L'aspect général de l'église y gagnerait beaucoup.

Je ferai remarquer aussi que la voûte est en très mauvais état et qu'il serait urgent d'y faire une grande réparation.

3° Le clocher. — Il occupe, comme je l'ai dit, l'extrémité inférieure du collatéral sud. Sa base est en granit ; elle forme un carré de six mètres de côté. Renforcée à chaque angle par deux contreforts très saillants, elle a 33 mètres d'élévation.

Un escalier à vis, ouvrant dans l'église auprès du porche, conduit à une galerie suivant en encorbellement le mur du bas côté., C'est par là qu'on accède au clocher. Cette galerie est ajourée par une rangée de quatre-feuilles finement découpés dans la pierre et surmontés chacun d'une petite arcade trilobée. Trois galeries semblables, superposées à quelques mètres l'une de l'autre et prises dans l'épaisseur des murs du clocher, font à sa base une gracieuse décoration. Au-dessus de la troisième de ces galeries, s'ouvrent deux baies étroites, qui montent presque jusqu'à la galerie supérieure. Leur ébrasement extérieur est orné de colonnettes, dont les chapiteaux reçoivent les moulures de l'archivolte en plein cintre. Ces baies se reproduisent sur les quatre faces de la tour. Au-dessus des fleurons qui couronnent chacune d'elles, une large frise présente, en relief, des ornements de style flamboyant, et reçoit les trois assises sculptées de la corniche. La balustrade de la plate-forme supérieure est de style flamboyant comme la frise.

Entre cette balustrade et les claires-voies qui ajourent les galeries inférieures, on dirait qu'un siècle a passé. Celles-ci appartiennent au XIVème siècle ; celle-là au XVème. On retrouve fréquemment cette diversité des styles, dans les églises du moyen-âge, qu'on mettait de longues années, souvent plus d'un siècle, à construire. Mais. comment se fait-il que l'église de Saint-Jean-du-Doigt, commencée en 1440 seulement, conserve tant de traces du XIVème siècle ? Cela s'explique par cette observation, souvent faite, que dans les provinces éloignées du centre, comme la nôtre, on ne suivait que de loin les modifications du style architectural. En 1440, l'architecte qui a commencé la construction, en était encore aux traditions du siècle précédent. Soixante-treize ans plus tard, celui qui lui avait succédé, s'était initié aux formes du XVème siècle, et les reproduisait en terminant la base du clocher.

Quoi qu'il en soit de ces conjectures, le clocher de Saint-Jean-du-Doigt est resté inachevé. La flèche qui le surmonte à la fin du XIXème siècle n'est pas en granit. Ce n'est alors qu'une charpente en bois, recouverte de plomb. On a tâché de lui donner les dimensions et les formes de nos flèches ordinaires. Elle a 22 mètres de haut ; elle est de forme octogonale ; ses arêtes sont garnies de crochets ; elle est flanquée, aux quatre coins de la plate-forme, de clochetons élevés, de même construction qu'elle. Mais on a eu beau faire, cette flèche est bien loin de produire l'effet monumental des flèches en granit. C'est fort à regretter ; car le clocher de Saint-Jean-du-Doigt, couronné par une flèche en harmonie avec le reste de sa construction, serait un des plus beaux de ce pays, si riche en monuments de ce genre.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

LA CHAPELLE DE PÈLERINAGE.

Chapelle de Saint-Jean-du-Doigt

A peu de distance du porche, au bout le plus élevé du cimetière, est un petit édifice ouvert de trois côtés. Sept pilastres, posés sur un socle ornementé, supportent un entablement également orné de sculptures, et que surmonte un toit pyramidal. L'abside semi-circulaire est seule close par un mur plein. Au-dessus de l'entrée, on lit la date de 1577.

A l'intérieur, une jolie corniche en bois représente des animaux et des monstres. Le lambris est à nervures et à clefs sculptées. Au-dessus de l'autel en pierre sont trois anges, qui ont dû porter les insignes de la Passion.

Cette chapelle servait à dire la messe, les jours de grands pèlerinages, quand la foule était trop considérable pour trouver place dans l'église.

 

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

LA FONTAINE DE SAINT-JEAN-DU-DOIGT en 1899.

On entre dans le cimetière par un grand portail de granit en ogive, large de 2m 67. Les pieds-droits de cette porte sont en faisceau de colonnettes ; et ces colonnettes, n'ayant pas de chapiteaux, se projettent en moulures sur l'archivolte. Celle-ci est, en outre, encadrée par une moulure saillante, ornée de choux, se terminant en accolade et couronnée par un fleuron. De chaque côté, des contreforts surmontés de pinacles engagés, et des niches avec culs-de-lampe et dais sculptés. Une corniche à feuillages court le long du massif de maçonnerie qui charge toute la construction.

A peu de distance de cette entrée monumentale est la fontaine. Ce curieux monument a pour base un grand bassin ou coupe en granit, posé sur un socle de trois marches. Ce bassin a 4 mètres de diamètre à son bord supérieur et 1m 30 de hauteur. Il n'est orné que de quelques moulures circulaires et de deux rangs de mascarons, par la bouche desquels s'écoule le trop plein de l'eau.

Au centre de la coupe, un support en granit ornementé soutient trois vasques rondes superposées, qui diminuent à mesure qu'elles s'élèvent. Douze têtes d'anges, tenant dans la bouche un petit tuyau, font à chaque vasque une gracieuse couronne. Dans la vasque inférieure, Jésus-Christ est debout, les pieds dans l'eau et les bras croisés sur la poitrine. Saint Jean-Baptiste, agenouillé sur une saillie, lui verse sur la tête l'eau du baptême. Deux anges debout sont à leurs côtés. Dominant la vasque supérieure, Dieu le Père, figuré à mi-corps, se penche vers son fils, en lui tendant les bras.

Ces figurines, hautes d'environ 0m 50, sont en plomb, de même que les têtes d'anges. Leur exécution est d'une rare finesse. La pureté des lignes et le naturel des attitudes décèlent manifestement la main d'un artiste de grand talent.

L'eau est amenée d'une hauteur voisine, par un conduit ininterrompu, dans la vasque supérieure, et de là se déverse de vasque en vasque par les tuyaux que tiennent les anges. La scène représentée et le jet de ces trente-six filets d'eau brillant au soleil, seraient du plus charmant effet, si tout fonctionnait bien. Mais hélas ! l'eau tombe par quelques tuyaux seulement ; les anges qui assistent au baptême sont lamentablement déformés ; et la coquille que tient saint Jean n'est plus au-dessus de la tête de Notre-Seigneur. Toute l'oeuvre aurait un besoin urgent de réparations, qu'un artiste désigné par la Commission des monuments historiques et payé sur le budget pourrait seul exécuter.

De quelle date est cette fontaine ?. On a dit qu'elle était due à la munificence de la reine Anne. Cela me semble inadmissible. Elle doit être d'une époque beaucoup plus récente. Les formes pesantes du bassin inférieur et les mascarons qui le décorent, appartiennent au XVIIème siècle. D'un autre côté, les figurines représentant la scène du baptême ne me paraissent rappeler en rien les oeuvres des artistes qui vivaient en 1505. Si je me trompe, si la fontaine de Saint-Jean-du-Doigt est contemporaine de la reine Anne, c'est qu'alors l'artiste italien qu'on dit en être l'auteur, aurait apporté dans ce pays un art bien en avance de celui qu'on y pratiquait dans les premières années du XVIème siècle.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

LE TRÉSOR.

J'ai surtout à vous parler ici de deux objets d'inestimable valeur : le calice et la croix processionnelle, en vermeil l'un et l'autre, donnés par la reine Anne. Mais la valeur exceptionnelle de ces deux monuments d'orfèvrerie, ne doit pas me faire oublier d'autres objets, précieux à plus d'un titre, que possède l'église de Saint-Jean-du-Doigt. Je dois au moins les mentionner.

1° La relique dont je vous ai conté l'histoire, la première phalange de l'index de saint Jean-Baptiste, contenue dans un petit reliquaire or et argent, en forme d'étui, ayant de long 55 millimètres et 32 de diamètre.

Saint Jean du Doigt : trésor de l'église

2° Le crâne de saint Mériadek, dans un chef avec buste, en argent, haut de 20 centimètres.

Saint Jean du Doigt : trésor de l'église

3° Un morceau, qui n'a pas moins de 24 centimètres de longueur, du bras de saint Maudet, dans un avant-bras en argent, long de 50 centimètres.

4° Un ostensoir en vermeil, du XVIIème ou XVIIIème siècle.

5° Un petit calice en argent, ancien et fort curieux. Le renflement du pied est orné de feuillages dorés et de huit petits médaillons en émail, représentant huit têtes d'apôtres sur fond bleu.

6° Enfin, deux crucifix en ivoire, anciens aussi, et d'un beau travail.

Laissant de côté ce qui est moderne, j'arrive au calice et à la croix.

Le calice. — Sa hauteur est de 0m 344 ; la coupe a 0m 153 de diamètre ; l'empâtement du pied, 0m 230 ; la patène, 0m 240. Le calice, seul, pèse 2 kg 300, et, avec la patène, 2 kg 782.

Saint Jean du Doigt : trésor de l'église

L'empâtement du pied, entouré de huit lobes séparés par des griffes, est couvert d'une profusion de feuillages et d'ornements variés. On y remarque un personnage nu, avec des ailes, et un dauphin de chaque côté.

Le pied est entouré de huit niches à cintre surbaissé, séparées par des clochetons arrondis, et couronnées de frontons figurant une sorte de coquille. Dans ces niches, huit statuettes d'apôtres : saint Pierre, saint Paul, saint Barthélemy, saint Thomas, saint Philippe, saint André, saint Jean et saint Jacques.

La coupe est garnie de six couples de dauphins, réunis par un lien à la naissance de la queue, et portant alternativement, au-dessus de la tête, une espèce de couronne. Dans le V que forment les corps des dauphins accouplés, on voit une salamandre et une tête d'ange.

A part le bord supérieur de la coupe, qui est lisse, il n'y a pas, dans ce magnifique calice, le moindre espace vide d'ornements.

Quant à la patène, elle ne peut servir à dire la messe, couverte qu'elle est de ciselures, qui retiendraient les parcelles de l'hostie. Au milieu, une miniature, peinte très finement sur émail, représente la Nativité. Ce médaillon a 0m 052 de diamètre. — Au-dessus, on voit une tête d'homme portant la barbe et les cheveux longs. Elle est encadrée dans une couronne que soutiennent deux personnages nus.

On a dit que cette tête était celle de François Ier. Je ne sais ; mais je serais porté à croire que le calice n'a été exécuté que sous le règne de ce prince. Tous ses ornements sont très franchement de la Renaissance ; on n'y voit aucune trace de gothique. Il fallait beaucoup de temps pour mener à fin une oeuvre aussi compliquée ; et il serait bien naturel que la reine Anne, morte huit ou neuf ans après son voyage à Saint-Jean-du-Doigt, eût chargé sa fille, la reine Claude, épouse de François Ier, de l'exécution de ses volontés.

La croix. — Elle a de hauteur totale 0m 94, et de largeur, aux bras, 0m 55. Le Christ mesure 0m 23. Portés sur des branches, la Sainte-Vierge et l'apôtre saint Jean sont à droite et à gauche.

Saint Jean du Doigt : trésor de l'église

Au bout des quatre branches de la croix, sont, sur chaque face, des quatre-feuilles ; et, dans ces quatre-feuilles, des médaillons représentant : d'un côté, en bosse, les quatre évangélistes ; de l'autre, en gravure, trois grands prophètes ; et, au bas, en bosse, saint Jean-Baptiste dans le désert.

Au dos de la croix et au centre, on voit Dieu le Père assis, tenant le Christ sur ses genoux. Au-dessous, dans une niche saillante, saint Jean-Baptiste montre l'agneau couché à ses pieds. Une banderole porte ces mots : Ecce agnus Dei.

Autour du renflement qui surmonte la douille de la croix, douze médaillons représentent des fleurs. Les plats de la croix sont couverts, des deux côtés, de feuillages et de rinceaux d'une grande pureté de dessin. Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer, en terminant, que la double représentation de saint Jean-Baptiste montre bien que cette croix a été spécialement exécutée pour l'église qui lui est dédiée et qu'avait visitée la reine (François de Kergrist).

 © Copyright - Tous droits réservés.