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Sainte-Anne-la-Palud durant la Révolution

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Quand la Révolution éclata, les dévots de Sainte-Anne qui venaient chaque année, de plus en plus nombreux, prier à la Palud, ne se résignèrent pas facilement à délaisser leur pieux pèlerinage.

Chapelle Sainte-Anne-la-Palud

Depuis 1764 la paroisse de Plonévez-Porzay était administrée par l’abbé Mathurin Le Maître « homme instruit » (Note de « l'Etat du Personnel » de 1807, Archives de l'Evêché). Deux prêtres l’aidaient, originaires tous deux de la paroisse. L’un, Nicolas Le Bot, né à Kervel en 1737, exerçait plutôt le ministère à Plonévez. L’autre Ignace-Marie Le Garrec, né à Kerzoualen en 1734, filleul du Seigneur de Moellien, était spécialement chargé de la trêve de Kerlaz avec le titre de prêtre curé.

MM Le Maître et Le Bot prêtèrent serment à la Constitution civile du Clergé. L’abbé Le Bot mourut à Kervel en 1798. Le recteur ne cessa d’occuper son presbytère pendant les temps troublés ; il devait y mourir en 1811 après une rétractation en règle.

Le prêtre curé de Kerlaz refusa le serment. Au début, il ne fut pas inquiété et continua son ministère jusqu’en août 1792, comme en témoigne sa signature aux registres de la trêve.

Cela vient sans doute de ce que M. Le Maître ne montra pas l’animosité de certains assermentés, et ne fit rien pour empêcher M. Le Garrec, tout insermenté qu’il fût, de remplir ses fonctions. D’ailleurs l’administration du district de Châteaulin, de tendance modérée, tint compte de la pénurie de prêtres et n’insista pas pour l’observation stricte de la loi : elle maintint l’abbé Le Garrec à Kerlaz comme l’abbé Le Cann à Lothey (Lettre du 19 décembre 1791, du District de Châteaulin à l’abbé Le Cann, fonds du Département, LV, Archives départementales).

Mais, quand l'Assemblée Législative eut voté, au printemps de 1792, des mesures sévères contre les prêtres dits réfractaires, M. Le Garrec dut se cacher pour continuer son ministère. La municipalité de Plonévez et le recteur lui-même adressèrent au Département un certificat en sa faveur.

« Nous maire et officiers municipaux de la paroisse de Plonévez-Porzay, soussignons et certifions que M. Le Garrec, vicaire de la Trêve de Kerlaz, n’a jamais causé aucun trouble dans notre paroisse ni dans les paroisses voisines et qu’il a exactement rempli toutes ses fonctions comme à l’ordinaire.

A Plonévez, le 17 juin 1792. Jean Quiniou, procureur de la commune [Note : J. Quiniou était apparenté à M. Le Garrec ; H. Le Mao habitait Belar ; C. Cornic, Maner ar Genkis ; Th. L’Helgoualc’h, frère du P. maximin, Kerdeun ; G. Le Gac, frère de l’abbé Ch. Le Gac, Lesvren] ; Hervé Le Mao, maire ; Jean Le Boussard, Corentin Cornic ; Thomas L’Helgoualc’h, Guillaume Le Gac, Le Maître, curé. Vu en Directoire de Châteaulin : Le Marc'hadour, président ; Duboishardy, Le Normant, secrétaire ».

L’abbé L'Helgoualc'h qui grandissait au moment où disparaissaient les derniers survivants de l’époque révolutionnaire, a consigné, dans sa Monographie « Le Pèlerinage de Sainte-Anne la Palud » certains souvenirs sur M. Le Garrec et les prêtres qui l’aidèrent en ces temps héroïques. Ceux-ci étaient au nombre de trois : le Père Maximin, et les abbés Charles Le Gac et Alain Le Floc'h. Une inspiration digne de tout éloge a fait représenter, dans un vitrail de l’église de Kerlaz, ces quatre prêtres refusant le serment.

Ne pouvant plus rester à Kerlaz, M. Le Garrec vint aux environs de Sainte-Anne, d’où il rayonnait pour voir les malades. Il s’occupait aussi des pèlerins qui continuaient à venir faire leurs dévotions à la chapelle de la Palud.

Quelle était sa vie et celle de ses compagnons ? Le jour ils demeuraient cachés, tantôt dans une ferme, tantôt dans une autre ; et le soir à la tombée de la nuit, ils sortaient de leur retraite. A cette heure aussi, les pèlerins arrivaient ; les prêtres confessaient, baptisaient, et célébraient la messe vers minuit. Bien avant le point du jour, la Palud était de nouveau déserte.

Bientôt les gendarmes reçurent l’ordre d’aller de nuit à la chapelle et de s’emparer de M. Le Garrec. La première fois, leur venue avait été éventée : ils ne trouvèrent personne. Déconfits et furieux, ils se mirent à parcourir les fermes du voisinage et arrivèrent dans la matinée à Maner-Keryar.

L’abbé Le Garrec y était avec deux autres prêtres. Ils n’eurent, au moment de l’arrivée des gendarmes, que le temps de se sauver par une fenêtre de derrière et de gagner une meule de foin où leur avait été ménagé un abri.

Les gendarmes, ayant trouvé, dans la maison, l’autel sur lequel avait été célébrée la messe, ce jour même, déclarèrent qu’ils mettraient le feu à la maison, si on ne leur livrait ceux qu’ils cher­chaient.

Une femme qui préparait le repas, se contenta de leur dire : « Vous pouvez le faire, ce sera le meilleur moyen d’appeler de l’aide ».

Cette remarque suffit à les empêcher de réaliser leur menace.

Un autre jour, les gendarmes apprirent, d’un petit pâtre du village de Bélar que monsieur le vicaire, qui n’était pas citoyen, (on désignait ainsi l’abbé Le Garrec) avait passé par là, se dirigeant vers le bois de Kergall. Ils partirent immédiatement à sa recherche. Ils arrivèrent au milieu du bois où travaillait une bande de sabotiers et de bûcherons.

Ceux-ci, dès qu’ils aperçurent les gendarmes, sautèrent sur leurs haches, entourèrent les agents de l’autorité, les désarmèrent, les ligotèrent et les hissèrent sur leurs chevaux, qu’ils firent ensuite déguerpir.

Mais la police ne faisait pas toujours des tournées infructueuses. Dans la nuit du 6 au 7 janvier 1793, elle arrêta l’abbé Le Gac à Koz-vaner ; le 15 février suivant, l’abbé Pennanec'h, recteur de Meilars, à Trefenteg ; et, vers la même époque, le Père Maximin, du côté de Kerlaz.

Vint l’arrêté départemental du 6 janvier, dont l’exécution ne tarda point : toutes les chapelles furent fermées. La surveillance devint plus active dans la région de la Palud. Les réunions durent se faire plus rares parce qu’il y avait à craindre des collisions entre pèlerins et gendarmes ou troupes de passage. On n’annonçait d’assemblée qu’après avoir pris toutes informations utiles.

Un habitant de Plonévez, Potr Youen Keryekel, parcourait chaque semaine le pays de la montagne de Telgruc à Quimper en quête de renseignements sur le passage probable des « Bleus », ou l’activité de la police. Lorsqu’il n’y avait rien à craindre, on se rendait le soir à Sainte-Anne pour y passer la nuit en prières. Plusieurs fois dans ces circonstances, la messe fut dite dans une grange de Penfrat-vian.

La vie errante épuisait M. Le Garrec dont la santé déclinait à en juger par ce certificat du 3 février 1793 : « Le soussigné docteur-médecin et citoyen républicain Larbre Delprince certifie que M. Ignace Le Garrec, qu’il soigne depuis 20 ans, est valétudinaire asthmatique depuis plus de 10 ans, avec des paroxysmes fréquents » (Archives départementales, LV, clergé réfractaire).

La chasse à l’homme, c’est-à-dire aux prêtres insermentés, devenant de plus en plus serrée en exécution d’un arrêté départemental du 7 mars 1793, il fit savoir qu’il désirait « se rendre en arrestation ». Le district lui adressa un laissez-passer le 25 avril. Enfermé à l’abbaye de Kerlot à Quimper, transféré aux Capucins de Landerneau, il fut conduit en juillet 1794 aux pontons de Rochefort.

Au jour du grand pardon de 1794, un fort détachement fut envoyé à Sainte-Anne pour empêcher le rassemblement des pèlerins. Mais à l’aspect de la multitude, les soldats se retirèrent après avoir mutilé la croix de Kamezen.

Libéré des pontons en février 1795, M. Le Garrec vint au bourg de Kerlaz et signa, le 4 prairial suivant, une déclaration de résidence à laquelle la Police des Cultes ajouta cette note : « Je n’ai reçu aucune plainte de ce prêtre » (Bulletin diocésain, janvier-avril 1935 p. 84, D. Bernard).

C’étaient les beaux jours de l’amnistie accordée par les Représentants du Peuple Guezno et Guermeur. Une large tolérance était la règle. Eglises et chapelles s’ouvrirent partout.

Au grand pardon, les pèlerins affluèrent à Sainte-Anne, heureux de prier au grand jour. Cependant la fête eut un côté triste : les prêtres fidèles ne prenaient point part aux cérémonies. Le recteur constitutionnel de Plonévez présidait la solennité, entouré d’un fort contingent de gendarmes. Ce fut le « Pardon des citoyens ».

Malheureusement la guerre aux prêtres insermentés recommença en novembre. Un nouvel arrêté fut pris contre eux. La police eut ordre d’arrêter M. Le Garrec au bourg de Kerlaz ; mais il s’était caché, on ne put le joindre. Il resta caché pendant tout le Directoire, tout en faisant du ministère çà et là, car des rapports de police signalent ses courses de Plonévez à Briec. C’est dans cette deuxième période de la Révolution qu’il baptisa à Sainte-Anne le petit douarneniste qui devait être M. Guichoux, le géomètre de la Palud. « Il avait eu, écrivait-il en 1877, l’honneur et le bonheur d’être baptisé par le saint et courageux abbé Garrec au pied du rocher qui dominait la colline de Sainte-Anne ».

Au Concordat, M. Le Garrec devint recteur de Ploéven, puis de Saint-Evarzec où il mourut en 1814.

Si nous avons donné tant de détails sur ce vaillant prêtre, c’est parce qu’on peut le considérer comme le chapelain de Sainte-Anne-la-Palud pendant la période tourmentée de la Révolution.

Disons aussi quelques mots de ses trois compagnons.

Le Père Maximin (Corentin L'Helgouarc'h) naquit à Kerdeun en 1745. Il devint capucin et acquit une grande célébrité comme prédicateur. En 1790 il appartenait au couvent de Morlaix où il exerçait les fonctions de vicaire et de maître des novices. Chassé de son couvent, il vint dans son pays natal. Sa signature paraît plusieurs fois en 1791 et 1792 aux Registres paroissiaux de Plonévez et de Kerlaz. On le suit aussi à Plogastel-Saint-Germain en 1792. Il fit un enterrement à Kerlaz le 1er janvier 1793. Arrêté comme il venait de voir un malade, il fut enfermé à Kerlot puis transféré aux Capucins de Landerneau où il mourut le 19 février 1794.

L’abbé Charles Le Gac, cousin-germain du précédent, naquit à Lesvren en 1758. Prêtre en 1784, précepteur des neveux de Monseigneur de Saint-Luc, puis vicaire de Ploaré, il était en 1789, professeur au Collège de Quimper, alors dirigé par son compatriote Claude Le Coz, qui devint bientôt évêque constitutionnel d'Ille-et-Vilaine, et, plus tard, archevêque de Besançon. Seul de tout le collège, il refusa le serment et fut destitué aussitôt. Enfermé au Château de Brest, (décembre 1791 - mars 1792) il réussit à se faire libérer. Traqué de nouveau, il passa en Espagne, mais revint, après quelques semaines, « porter secours aux catholiques de son pays » (Lettre de M. l’abbé Boissière, secrétaire de Mgr. de Saint-Luc). Il se cacha surtout à Kervel chez son frère Jean Le Gac. Dénoncé il fut saisi à Koz-vaner, comme nous l’avons dit plus haut, enfermé au Château du Taureau, dans la rade de Morlaix, puis en avril 1793, déporté en Allemagne. Il vécut plus de 20 ans à Munich, y exerçant avec fruit le saint ministère, et ne rentra en France qu’en 1814. Il devint chanoine titulaire, mourut à Quimper en 1842 et fut enterré à Plonévez. Il reste de lui plusieurs ouvrages, dont le principal « Observations critiques sur l'Education », valut à son auteur 900 francs de rentes viagères sur la cassette royale de Louis XVIII. Actuellement 7 prêtres originaires du Porzay peuvent se glorifier d’être ses arrière-neveux.

L’abbé Alain Le Floc'h naquit au bourg de Plonévez le 16 novembre 1764. Il fit ses études philosophiques et théologiques à Louis-Le-Grand à Paris où il eut pour condisciple Mgr. de Quélen, futur archevêque de Paris. Prêtre de la dernière ordination de Mgr. de Saint-Luc (21 septembre 1790), il fit du ministère à Crozon. Il refusa le serment et dut se cacher, tantôt à Crozon, tantôt à Plonévez-Porzay ; il ne se rendit en arrestation qu’au décret de mort pour les receleurs (début de Juillet 1793) (D’après une de ses lettres, à Mgr. de Quimper, archives paroissiales de Briec).

Il fut l’un des malheureux compagnons de l’abbé Le Garrec aux pontons de l'île d’Aix.

A sa libération en 1795, il ne fit aucune déclaration de résidence et se cacha de nouveau à partir de novembre 1795, faisant du ministère dans la région d'Elliant. Pour éviter une deuxième déportation aux pontons, il passa en Espagne le 3 octobre 1797. Au Concordat, il devint vicaire à Elliant, recteur de Saint-Yvi, puis curé de Briec (1817-1827). Il mourut en 1831.

 

La foire de Sainte-Anne en 1796.

Un arrêté de l’administration départementale du Finistère, en date du 3 germinal, an IV (23 mars 1796), ordonna la fermeture de toutes les chapelles non succursales. Sainte-Anne fut fermée.

Cependant l’époque de la foire de la Palud approchait. Elle se tenait le 3ème lundi après Pâques. Mais le calendrier républicain, soigneusement épuré, ne connaissait ni Pâques ni lundi. Le département avait, pour l’an 4, fixé la foire au 4 floréal (23 avril).

L’autorité locale était alors l’administration municipale du canton de Locronan qui comprenait les communes de Locronan, de Plonévez-Porzay et de Quéménéven. Elle avait pour président Alain Kernaléguen, né à Kerrannou en 1770, neveu des abbés Alain Kernaléguen, recteur de Lennon et Corentin Kernaléguen, Confesseur de la foi, mort recteur de Plogonnec.

Auprès de cette administration, le département était représenté par le citoyen Mancel, originaire de Locronan, avec le titre de commissaire du Directoire exécutif.

Or, le 20 germinal, c’est-à-dire quinze jours avant la foire, celui-ci écrivait au département :

« Citoyens administrateurs, dans ce pays il ne se fait pas de rassemblement de fanatiques, tout le peuple suivant les prêtres conformistes. A l’occasion de la foire de Sainte-Anne, la population du canton désirerait que la chapelle fût ouverte : c’est le seul refuge contre la pluie et l’orage. Votre arrêté du 3 de ce mois (23 mars 1796) a ordonné la fermeture des chapelles : nous ne prenons point sur nous de la faire ouvrir sans votre avis. Si vous le permettez, soyez assurés, citoyens administrateurs, d’une surveillance bien exacte de notre part. Envoyez un mot de réponse, je vous prie » (Archives départementales, Série L, Police des Cantons, An 4 - an 8).

On aura remarqué que le Commissaire Mancel n’appuie le désir de la population que d’un seul motif : la chapelle ouverte serait un refuge contre la pluie, contre l'orage. Evidemment il ne peut invoquer un motif de religion : il passerait pour fanatique. Cependant n’y pense-t-il pas ? Et n’est-ce pas ce motif inavoué qui s’est présenté le premier à son esprit ?

Durant l’époque révolutionnaire, la question économique donna autant de soucis à l'Administration que la question de la sécurité.

On était en 1796 ; le déplacement de la date des foires avait dérouté les gens de la campagne, les assignats étaient dépréciés, la taxation des denrées avait tué la confiance : on fréquentait peu les foires. Le paysan se repliait sur lui-même, courbait le dos, attendant des jours meilleurs.

Dans ces conditions, il ne nous paraît pas téméraire de faire raisonner ainsi les Administrateurs du Canton de Locronan : « Si les cultivateurs savent qu’ils pourront, en venant à la Palud, prier dans la chapelle de Sainte-Anne, ils accourront plus nombreux à la foire, pour le plus grand bien du ravitaillement et du commerce. Demandons l’ouverture de la Chapelle ».

Nous n’avons pu trouver la réponse du département au commissaire Mancel ; de sorte que nous ne pouvons dire si les Bas-Bretons eurent le bonheur, le 4 floréal, an IV, de vénérer la statue de 1548, devant laquelle on ne s’agenouillait plus depuis l’arrêté départemental.

 

Vente de la Chapelle Sainte-Anne-la-Palud et du terrain de la Palud.

On était au début de 1796. Beaucoup de chapelles et de biens d’églises avaient été vendus comme biens nationaux. A Sainte-Anne rien de cela ne s’était encore fait.

On peut penser que le district de Châteaulin, par tolérance ou par crainte d’une révolte, avait feint d’ignorer la chapelle de la Palud ; mais il se trouvait, tout près de Sainte-Anne, au petit fort de la pointe de Tréfenteg, un soldat garde-côtes, un des pires Jacobins du pays. Il demanda en février 1796 que Sainte-Anne et ses dépendances fussent confisquées et vendues au profit de la Nation. On ne tarda pas à donner suite à sa requête.

Une pièce officielle, provenant des papiers de la famille Jaïn, de Kervel, nous fait savoir ce qu’étaient Sainte-Anne et son mobilier, au moment de la vente.

10 Juillet 1796. Préfecture du Finistère. N° 1215. Chapelle de Sainte-Anne et la Palue. EN DÉPENDANT. L’an IV de la République, le vingt-deux Messidor, nous, Antoine Joseph Parmentier, demeurant en la commune de Locronan, expert nommé par François Cosmao, par sa soumission d’acquérir le bien national ci-après désigné, en date du 17 du présent mois, et Jean-Vincent-Guillaume Desno, de Saint-Nic, en la commune de Plomodiern, expert nommé par l’administration du Département du Finistère, suivant la délibération du même jour de ce mois, à l’effet de procéder à l’estimation, en revenu et en capital, sur le pied de 1790, du domaine national ci-après désigné, provenant de l’ex-abbaye de Landévennec, consistant en la chapelle de Sainte-Anne, et la Palue, qui l’environne, circonstances et dépendances, nous sommes transportés en la commune de Locronan, chez le citoyen Jean-Ollivier Mancel, commissaire du pouvoir exécutif près l’administration municipale du canton de Locronan, en compagnie de Cosmao, soumissionnaire : nous nous sommes rendus à la chapelle de Sainte-Anne, et nous avons opéré comme suit : 

Savoir : La chapelle ayant quatre-vingts pieds de long sur vingt de largeur, un caveau séparé de la chapelle et une fontaine en pierres de taille. Le tout estimé quinze livres d’arrentement en 1790, et en principal de deux cents soixante-dix livres, sur le prix du denier 18 : 270 livres. Nous avons procédé à l’estimation des meubles existant dans la sacristie, constatant ce qui suit : - Une armoire en bois de chêne, à deux battants, estimée vingt-quatre livres. - Une petite armoire, estimée deux livres : 2 livres. - Un coffre, estimé six livres : 6 livres. - Une commode, neuf livres : 9 livres. - Une lampe en cuivre, trois livres : 3 livres. - Un bénitier de fonte, trois livres : 3 livres. - 2 confessionaux et une chaire à prêcher : 15 livres.

Après quoi nous avons procédé à l’examen, emplacement, distribution, clôture et accès des terrains composant la Palue, que nous avons reconnu donner au Levant sur terres de Nergos et Penfrat-Vian, du Midi sur terres de Camézen et de Kerlévren, du Nord sur terres de Keravéo et Tréguer, et du Couchant sur la grève. Nous avons ensuite procédé au mesurage et arpentage de la dite Palue. Le tard venu, nous sommes retirés en nos demeures. Signé : Desno, Mancel, Cosmao et Parmentier.

Ce jour vingt-trois Messidor (11 juillet) nous avons repris le mesurage et arpentage de la dite Palue, qui s’est trouvée contenir trois cents arpents. En conséquence, nous sommes d’avis que les dits trois cents arpents valaient en 1790, un revenu annuel de soixante quinze livres, Ci : 75 livres.

Lequel revenu, multiplié vingt deux fois, conformément à la loi, donne en capital la somme de seize cent cinquante livres, Ci : 1650 livres.

Et sur la déclaration à nous faite par le dit Cosmao, qu’il n’existait aucune ferme en 1790, et qu’il ne nous a été fait aucune observation par le commissaire, ni par le soumissionnaire, nous avons procédé au calcul général de la valeur des dits objets, qui s’est trouvée porter à la somme de dix-neuf-cent-soixante-seize livres, Ci : 1976 livres.

Nous avons de tout ce que dessus rédigé notre procès-verbal, que nous affirmons sincère et véritable en notre âme et conscience, lequel a été signé après lecture faite par la commission du directoire exécutif, le soumissionnaire, et nous experts.

Signé : Mancel, commissaire ; Cosmao, soumissionnaire ; Parmentier et Desno, experts.

Enregistré à Quimper, le 24 Messidor, an IV, par Brindejonc, qui a reçu dix assignats.

Pour copie conforme à la minute déposée aux archives de la Préfecture du Département du Finistère.

Vu : Guillou. Le secrétaire général de la Préfecture, Cornuche (?).

Une quinzaine de jours plus tard, le 27 juillet 1796, la chapelle de Sainte-Anne et les palues en dépendant, étaient adjugées au citoyen François Cosmao, qui habitait le village de Linguez, acceptant pour lui et ses héritiers ou ayants-cause, moyennant la somme de 1650 livres.

Cosmao croyait bien avoir conclu une affaire avantageuse, parce qu’il pensait pouvoir, d’une façon ou d’une autre, mettre la main sur les offrandes. Dans ce but il fit imprimer et répandre une proclamation où il disait la pureté de ses intentions, et détaillait l’emploi qu’il devait faire « des offrandes dont les fidèles feront hommage à Sainte Anne ».

« Je retirerai d’abord ma mise, écrivait Cosmao, parce que cela est juste ; je diviserai ensuite le produit des oblations en trois portions. J’en donnerai une aux prêtres parce qu’il faut qu’ils vivent de l’autel. La seconde sera appliquée aux réparations de l’église, qui étant fort ancienne et battue de tous les vents, en a un fréquent besoin. La troisième, je la distribuerai aux braves défenseurs de la Patrie, dont les phalanges triomphantes ont abaissé l’orgueil des Rois, brisé les fers des Français et assuré le règne des lois et de la raison. Vous y aurez aussi votre part, vous, veuves et enfants de ces héros qui, en combattant pour la liberté, ont trouvé une mort glorieuse sur le champ de bataille ».

La belle pièce d’éloquence, écrite par un lettré du district, ne produisit pas l’effet attendu, et Cosmao dut payer son acquisition à l’aide de la vente des produits de sa ferme.

Cosmao resta pendant sept années propriétaire de la chapelle de Sainte-Anne. Il put sans doute récupérer le prix qu’il l’avait payée, mais en recueillit surtout le mépris des honnêtes gens.

L’autorité diocésaine, dès qu’elle put agir, mit fin à cette exploitation scandaleuse, en fermant la chapelle en 1802.

Cosmao songea alors à se débarrasser de sa compromettante acquisition et s’en ouvrit au chef de la paroisse. La fabrique n’était pas encore organisée, et ne pouvait acheter la chapelle.

Il se trouva heureusement deux bons catholiques, Pierre Cornic, de Trévilli, et Yves Kernaléguen, de Keravriel, pour s’entremettre auprès de Cosmao, et ils lui achetèrent le bien dont il voulait se débarrasser.

« La chapelle, fontaine et palue de Sainte-Anne », furent cédées pour la somme de 1.200 francs. 

Les nouveaux propriétaires, sitôt leur achat fait, mirent la fabrique en possession de la chapelle.

(abbés H. Bossus et J. Thomas). 

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