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NOTRE-DAME D'ESPÉRANCE

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LES ORIGINES LOINTAINES

De tout temps, la ville où Notre-Dame d'Espérance a établi son trône, s’est fait remarquer par sa loi et ses habitudes chrétiennes : « On a eu raison, dit M. Arthur de la Villerabel dans son bel ouvrage (Vte A. du Bois de la Villerabel : A travers le vieux Saint-Brieuc), d’appeler Saint-Brieuc la Ville Sainte. Que d’attractions pour l’archéologue et le pèlerin surtout, dans cette cité des Brieuc, des Guillaume [Note : Saint Brieuc était un moine de la Grande-Bretagne qui vivait au VIème siècle. Il vint en Armorique et fonda un monastère autour duquel s’établit la ville qui porte son nom et dont il fut le premier évêque. — Saint Guillaume, second Patron du diocèse, fut évêque de Saint-Brieuc de 1220 à 1234], de Notre-Dame. Deux basiliques et vingt et quelques chapelles ou oratoires ; des calvaires et des croix, des fontaines et des statues miraculeuses, des indulgences, des reliques insignes, antiques "saintuaires", pour employer le langage du XIVème siècle, qui excitèrent, au Moyen Age surtout, des enthousiasmes dont le beau Pardon de Notre-Dame d'Espérance, en la nuit du 31 mai de chaque année, nous donne comme un pieux écho ».

Saint-Brieuc : statue de Notre-Dame d'Espérance

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CHAPITRE PREMIER

La Chapelle de « Sainct Père ».

Le plus ancien document qui parle de cette antique chapelle remonte au XIVème siècle : c’est le testament d’un seigneur de Saint-Brieuc, nommé Pierre de Boisboissel, l’un des plus fidèles compagnons d’armes du bienheureux Charles de Blois : Ge donne et laisse à la réparation de l’église Sainct-Père à Saint-Brieuc ung quartier de froment une foys paié... Faict en ma maison et manoir de la rue Sainct-Père, en la maczière du celier ou je cousche... Donnez... le jour de mercredi après la exaltation Sainte Croez, l’an mill troys cent sexante et quatre (Archives du département des Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor).

De ce très curieux document il résulte d’abord que l’apôtre saint Pierre fut le premier titulaire du sanctuaire bâti sur le monticule qui porte actuellement l’élégante basilique de Notre-Dame d'Espérance ; puis qu’au XIVème siècle ce sanctuaire était plus qu’un oratoire, car, on le sait, à cette époque, le terme d’église était réservé aux édifices religieux d’une certaine importance.

A quelle date doit-on faire remonter la première érection d’un édifice religieux en ce lieu ? Il est difficile de le préciser. Serait-il téméraire d'en rechercher l’origine, comme l’ont pensé plusieurs archéologues, dans ce grand mouvement de dévotion envers saint Pierre et la papauté, qui aux VIIIème et IXème siècles, porta tant de Bretons à entreprendre le pèlerinage de Rome ? Cette opinion serait d’autant plus acceptable que dans bien des endroits, précisément à cette époque, nos pères élevèrent simultanément des oratoires au prince de la milice céleste et au prince de l'Église militante. Or, à Saint-Brieuc, depuis des siècles, les deux collines opposées sont dédiées, l’une à saint Michel et l'autre à saint Pierre, et leurs sanctuaires ont depuis longtemps donné leur nom au quartier avoisinant.

Un autre document daté de 1440 nous apprend que Saint-Père avait déjà son chapelain. Vers 1500, le sieur Dollou, seigneur de la Coste en Plaintel, ayant obtenu par l’intercession de saint Pierre la guérison d’une grave maladie, fit reconstruire la chapelle du XIVème siècle, y fonda une messe par semaine et assura la subsistance du chapelain. Voulant favoriser la dévotion des fidèles qui venaient y prier, surtout dans les épidémies de fièvre, alors très fréquentes, le clergé de la cathédrale y établit la station de la procession capitulaire, le lundi des Rogations.

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CHAPITRE II

La chapelle de l'Immaculée-Conception.

C’est au commencement du XVIIIème siècle que la très sainte Vierge prit possession du monticule où depuis bien des siècles était honoré le prince des Apôtres. Le 1er octobre 1716, la chapelle Saint-Pierre devenait la propriété de la Congrégation de l'Immaculée-Conception.

On sait combien, à cette époque, les congrégations mariales étaient en honneur. D’abord établies dans les collèges de la Compagnie de Jésus, ces pieuses associations surgirent bientôt dans un grand nombre de villes et groupèrent sous la bannière de Marie les différentes classes de la société. Il y avait des congrégations pour les étudiants, pour les nobles, pour les clercs, pour les ouvriers ?, etc.

En Bretagne, où la lutte d’une partie de la noblesse en faveur du protestantisme avait affaibli la foi, les vaillants missionnaires du XVIIème et du XVIIIème siècle, Michel le Nobletz, Maunoir, Grignion de Montfort, Leuduger, etc., s’employèrent très activement à fonder ces saintes institutions, dont plusieurs ont vécu jusqu’à  nos jours.

La congrégation de l'Immaculée-Conception dut précisément son origine à un disciple de l’abbé Leuduger, messire Julien Jouanigot, chanoine de la collégiale de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc, qui l’établit en 1710 dans la célèbre chapelle de Notre-Dame de la Fontaine, près de l’oratoire érigé par saint Brieuc, au VIème siècle, en l’honneur de Marie. Cette congrégation, dite des Marchands et artisans, réunissait l’élite de la population ouvrière et commerçante de la ville. Les congréganistes psalmodiaient chaque dimanche le petit office de la sainte Vierge, célébraient par une procession et des cérémonies spéciales les fêtes de Notre-Dame, et recevaient au moins chaque mois les sacrements de pénitence et d'eucharistie. Ils s’engageaient aussi à s'entr’aider dans les épreuves et les maladies.

Dès le principe, cette oeuvre fut accueillie avec faveur. Elle prit un tel développement que bientôt elle se trouva à l’étroit dans la petite chapelle de Notre-Dame de la Fontaine, et songea à émigrer dans un local plus vaste. Sur ces entrefaites, les congréganistes apprirent que, connaissant et appréciant leur pieuse initiative, une noble dame, Sainte du Gouray, marquise de la Coste et veuve du célèbre comte de Plélo, le vainqueur de Dantzig, était toute disposée à leur céder gratuitement la chapelle Saint-Pierre, qu’elle avait reçue en héritage. Cette offre fut acceptée avec empressement, et la congrégation donna mission à douze de ses membres pour traiter en son nom avec la généreuse donatrice.

Il faut croire que la chapelle Saint-Pierre était alors en bien mauvais état, puisque, aussitôt en possession de l’acte notarié qui les en rendait propriétaires, les congréganistes résolurent de la démolir pour la réédifier sur un plus vaste plan. Ils employèrent le printemps de 1717 à rassembler les matériaux nécessaires à la construction de la nouvelle chapelle et, après la bénédiction de la première pierre qui eut lieu le 9 août de la même année, ils rivalisèrent de zèle et d’ardeur pour mener à bien leur pieuse entreprise. Ceux qui n’avaient pas de fortune — et c’était le plus grand nombre — payaient de leur personne : on les vit renouveler à Saint-Brieuc ce qui s’était pratiqué un peu partout dans les siècles de foi.

On sait, en effet, qu’au Moyen Age, des corporations d’ouvriers s’employaient à la construction de ces magnifiques églises gothiques, que nous admirons encore à Paris, à Chartres, à Reims, à Amiens, à Strasbourg, « dans l’espérance que le Fils de Dieu et sa sainte Mère, pour l’honneur desquels ils travaillaient, les admettraient, en retour, dans le temple auguste de la céleste Jérusalem ».

Nouveaux logeurs du bon Dieu, les congréganistes eurent la gloire d’édifier de leurs propres mains et par amour pour Dieu et Marie, le sanctuaire de l'Immaculée-Conception. C’est en effet sous ce vocable nouveau que fut bénite la nouvelle chapelle, le 2 février 1719, par Messire Louis de Labat, archidiacre de Saint-Brieuc, délégué de l’évêque, Mgr Frétat de Boissieux.

C’est ainsi qu’un siècle et demi avant la définition dogmatique de l'Immaculée Conception, ce glorieux privilège de Marie était publiquement reconnu et proclamé par l’élite des fidèles de Saint-Brieuc.

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CHAPITRE III

La période révolutionnaire.

Pendant tout le XVIIIème siècle, la congrégation ne cessa de prospérer, sous la direction de prêtres zélés et grâce à la protection des évêques de Saint-Brieuc, heureux d’y trouver un noyau de fervents chrétiens. Cependant, en 1778, pour prévenir le retour de famines qui avaient sévi dans le pays, l’autorité civile, en vertu d’une ordonnance royale, s’empara du pieux sanctuaire, sans doute à cause de son élévation, qui le mettait à l’abri de l’humidité, et en fit un dépôt de blé et de farine jusqu’en 1783.

Réintégrée dans sa chapelle après un exil de cinq ans, la Congrégation se développait admirablement et ne comptait pas moins de 220 membres quand éclata la grande Révolution.

Est-il téméraire de penser qu’elle dut à cet état de prospérité le triste privilège d’occuper les premiers loisirs de l’évêque constitutionnel des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) ? Arrivé à Saint-Brieuc à la mi-mai 1791, l’intrus Jacob s’était vu repousser de la plupart des maisons où il s’était présenté ; il n’avait pas eu plus de succès pour les cérémonies du culte : la cathédrale était devenue un désert, l’évêché une solitude.

Le 29 juin de cette année 1791, les congréganistes se disposaient à célébrer la fête de saint Pierre, ancien titulaire et second patron de la chapelle. Quand, suivant l’usage, ils s’y rendirent à six heures du matin pour chanter le petit office de la sainte Vierge, quelle ne fut pas leur surprise en apercevant à la porte deux factionnaires ! A cette vue, ils se groupent sur la place Saint-Pierre et délèguent un des leurs pour aller prendre connaissance de ce qui se passe à l’intérieur. En un clin d'oeil le congréganiste s’est rendu compte de tout : quelques confrères, de l’opinion du jour, entourent un prêtre assermenté et se préparent à faire l’office. A peine a-t-il rejoint ses amis que les transfuges apparaissent sur le seuil de la chapelle et cherchent à les attirer ; mais ceux-ci ne reconnaissant pas dans le prêtre jureur le guide auquel le soin de leur âme a été confié, vont trouver leur directeur, l’abbé Ferchal, le mettent au courant des événements et le suivent à Montbareil, à la chapelle des Filles de la Croix, où celui-ci célèbre la messe et leur donne la sainte communion.

Cependant les autres congréganistes, au nombre d’une quinzaine, veulent célébrer la fête de saint Pierre avec toute la solennité habituelle. Hélas ! ils s’aperçoivent bien vite qu’ils ne sont pas en nombre. Aussi, lorsque dans la soirée, l’intrus Jacob se présente, entouré de trois ou quatre prêtres assermentés, pour présider la procession traditionnelle, on doit faire appel à des enfants, à des curieux et même à des portefaix, pour former un cortège et tenir les cierges.

Les congréganistes fidèles voyaient avec peine aux mains de leurs faux-frères la statue de la très sainte Vierge, aux pieds de laquelle ils se réunissaient autrefois et qu’ils portaient dans leurs processions. Ils résolurent de l’enlever furtivement. L’entreprise ne fut pas difficile, car la cathédrale, où elle avait été transportée, était presque constamment déserte. L’un d’eux, Joseph Bougeard, surnommé à cause de sa très grande piété Joseph du bon Dieu, cacha dans sa maison cette statue et la niche dorée qui la renfermait.

La Convention ne tarda pas à confisquer la chapelle de la Congrégation et en disposa à son gré.

Le 2 janvier 1792 avait été fixé pour l’inauguration du Tribunal criminel du département. A cette occasion, l’évêque intrus Jacob célébra la messe à la cathédrale, puis tous les corps administratifs, escortés de la garde nationale et accompagnés des officiers du régiment de l'Anjou, se rendirent à la chapelle de l'Immaculée Conception, au fond de laquelle avait été élevée une estrade, ornée de la statue de la France. Dubois Saint-Sevrin, procureur de la Commune, prononça un discours ; le nouveau président du Tribunal, Palasne de Champeaux, prêta le serment voulu par la Loi ; puis Le Gal, maire de la ville, et Besné, officier municipal, parlèrent à leur tour ; enfin au son des cloches, de la musique et du canon cette singulière procession revint à la cathédrale, où on chanta le Te Deum.

Deux ans plus tard, le 21 pluviôse an II (février 1794) le Comité régénérateur et épuratoire de la société populaire de Port-Brieuc résolut de tenir « ses séances extraordinaires à Saint-Pierre, parce que le lieu habituel de ses réunions n’était plus assez vaste pour contenir le peuple qui y affluait surtout les dimanches et jours de fête ».

La chapelle de l'Immaculée-Conception servit ainsi pendant plusieurs années aux clubs et aux réunions politiques.

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CHAPITRE IV

Rachat de la chapelle.

Le 2 novembre 1789, l'Assemblée Constituante avait mis tous les biens de l'Église et des associations religieuses à la disposition de la Nation ; mais le régime de la Terreur, en plongeant le pays dans l’épouvante, l’avait aussi entraîné dans la faillite et la ruine. Après la chute de Robespierre, le pouvoir sentit le besoin d’arrêter la persécution religieuse et le 23 germinal, an III (12 avril 1795) les représentants du Peuple près les armées de l'Ouest autorisèrent « les districts à accorder aux citoyens qui en feraient la demande individuelle, l’occupation d’un édifice national pour servir à un culte quelconque ». Les administrateurs de Port-Brieuc, comme on disait alors, n’eurent garde de négliger l’occasion qui leur était donnée de tirer quelque profit des édifices ci-devant religieux, et dès le 29 germinal, an III (18 avril 1795) ils louèrent au citoyen Thomas Ferrary la chapelle de l'Immaculée-Conception, moyennant la modique somme de 55 livres.

Sur ces entrefaites, l’un des plus fervents congréganistes, M. Louis-Jean Prud'homme, fut averti officieusement par deux administrateurs bien intentionnés, MM. Lymon et Vaulozène, que s’il voulait rendre à la chapelle de l'Immaculée-Conception son ancienne destination, il eût à la soumissionner ; c’était en d’autres termes se proposer pour acquéreur de l’immeuble loué précédemment au sieur Ferrary. M. Prud'homme profita de ce charitable avis, et le 24 fructidor, an IV (9 septembre 1796) il devenait propriétaire de la chapelle de l'Immaculée-Conception et de ses dépendances.

Avant d’aller plus loin, arrêtons-nous un instant à considérer la belle figure de cet homme de bien dont le souvenir s’est conservé dans la population briochine.

M. Louis-Jean Prud'homme appartenait à une honorable famille originaire de l'Anjou, dont une branche, à la fin du XVIIème siècle, était venue s’établir à Saint-Brieuc. L’un de ses aïeux avait succédé aux célèbres Doublet qui, depuis 1610, portaient le titre, quelque peu solennel d'imprimeurs de Révérendissime Seigneur Evêque de Saint-Brieuc. Lui-même dut, prendre la direction de l’imprimerie épiscopale, mais il ne borna pas son activité à cette industrie, et en 1783, il devenait « lieutenant » du maire de Saint-Brieuc. Ses opinions politiques et son attachement aux principes religieux le rendirent suspect dès le début de la Révolution. Sous la Terreur, il fut arrêté avec son épouse et emprisonné au séminaire converti en lieu de détention.

Pendant sa captivité, les membres de l'Administration eux-mêmes ne pouvaient s’empêcher de rendre hommage à son caractère, tant il inspirait le respect à tous ceux qui l’approchaient. Dès le premier jour de son incarcération, il imposa une sorte de règlement de vie à ses co-détenus qui l’avaient tous en grande estime. Matin et soir, il récitait la prière à haute voix, et chaque dimanche, il lisait également à haute voix, l’ordinaire de la Messe. Certain dimanche, pendant la pieuse lecture, le commissaire du Gouvernement, homme farouche et brutal, se présente pour faire l’appel des prisonniers. Ne voulant pas rougir de l’hommage qu’il rendait à son Dieu, en dépit des lois républicaines, M. Prud'homme continue sa lecture en présence du commissaire. Celui-ci désarmé par un tel sang-froid se contente d’interpeller le lecteur en ces termes : « Prud'homme, Prud'homme, tu es un honnête homme, mais tu ne devrais pas lire maintenant ! ». M. Prud'homme sourit et ferma le livre par respect pour l’autorité qui exerçait ses pouvoirs ; mais, sitôt l’appel terminé, il reprend son paroissien et achève la prière avec la même sérénité. Tel était l’ascendant qu’il exerçait sur ses compagnons qu’un jour une femme du peuple, appelée Marie Blévin, détenue, elle aussi, au séminaire, vint le trouver et lui dit : « M. Prud'homme, ici personne n’est assuré du lendemain ; si l’on vient me chercher pour aller à la mort, vous voudrez bien, n’est-ce pas, à défaut de prêtre, recevoir ma confession ; je mourrai ainsi plus tranquille ! ».

A la Restauration, M. Prud'homme fut nommé maire de la ville de Saint-Brieuc (1816). Pendant les trois années qu’il fut en cette charge, il s’employa avec ardeur à réparer les ruines amoncelées par la Révolution.

Un événement déplorable, mais où éclate sa grandeur d’âme, vint le rendre à la vie privée. Un jeune homme, dont la famille occupait un rang assez distingué dans la cité, venait de se donner la mort à la suite d’une futile contrariété. Le clergé — c’était son devoir — refusa au suicidé les honneurs de la sépulture ecclésiastique. Irrités, les parents sommèrent le premier magistrat de la ville d’intervenir près du curé de la cathédrale pour obtenir l’enterrement religieux. Le maire se contenta de répondre : « Les prêtres ont leurs statuts ; je n’ai pas d’ordre à leur donner ». De vives plaintes furent adressées à Louis XVIII. Quelques amis influents ne prévoyaient que trop l’issue misérable de cette affaire ; ils vinrent trouver M. Prud'homme et l’engagèrent à se démettre lui-même de ses fonctions, afin d’échapper à la honte d’une destitution : « Non, répondit le vieillard, ce serait une lâcheté ; je n’ai fait que mon devoir, je ne me retirerai pas. J’attendrai ma révocation, que je regarderai comme un hommage rendu à l’intégrité de mes principes ». Et quand il fut appelé à résilier ses pouvoirs, il le fit avec sa dignité habituelle. Il mourut en 1837, à l’âge de 87 ans.

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CHAPITRE V

Épreuves et vicissitudes.

En vendant à M. Louis-Jean Prud'homme la chapelle de l'Immaculée-Conception, la Nation ne lui en avait pas abandonné la jouissance. En effet, dès 1796, les administrateurs de la ville, sous prétexte d’utilité publique, en réclamèrent l’usage, et y établirent un bivouac pour les recrues levées par la Convention en vue de repousser les attaques des Chouans.

L’année suivante (1797), une ombre de tolérance religieuse apparut. M. Louis Prud'homme eut la joie de rouvrir le premier, à Saint-Brieuc, une église catholique. Un vénérable prêtre, M. Coudray, ancien chanoine de la Collégiale de Saint-Guillaume, qui n’avait pas quitté le pays pendant la tourmente, desservit provisoirement la chapelle de l'Immaculée-Conception, administra la Congrégation et même y admit de nouveaux confrères.

Un autre chanoine, M. Ruffelet, l’estimable auteur des Annales Briochines, et plusieurs autres ecclésiastiques de retour à Saint-Brieuc, organisèrent à la chapelle un service régulier de messes, ce qui permit aux fidèles de la ville d’observer le précepte dominical. On y célébra même des mariages pendant qu’on travaillait à remettre en état l’église Saint-Michel, dévastée elle aussi.

Ce moment de répit fut de courte durée. Bientôt la persécution reprit, plus tracassière, sinon plus sanglante. Nombre de prêtres et de fidèles, parmi lesquels M. Louis Prud'homme, ne purent se soustraire aux perquisitions, furent arrêtés, puis dirigés sur Guingamp et Brest, où ils eurent à subir toutes sortes d’outrages.

Dans la nuit du 4 au 5 brumaire de l’an VIII (octobre 1799), les chouans envahirent Saint-Brieuc, forcèrent les portes de la prison et délivrèrent ceux de leurs compagnons qui y étaient détenus. Pour se mettre à l’abri d’une nouvelle surprise, l'Administration fit de la chapelle de l'Immaculée-Conception un fort avancé, y plaça des canons, convertit la sacristie en corps de garde et établit une rampe au sommet de la côte Saint-Pierre, pour défendre l’entrée de la ville de ce côté. Pour ces travaux, elle employa une partie des pierres provenant de la démolition de la chapelle de Notre-Dame de la Fontaine qu’on eut l’impiété de détruire à cette fin.

Cependant, le 15 août 1801, le Concordat était signé et ratifié par la bulle Ecclesia Christi. Le 1er mai de l’année suivante, le nouvel évêque de Saint-Brieuc, Mgr Caffarelli, était sacré, et peu après prenait possession de son siège. Tout faisait présager d'heureux jours. Aussi, M. Prud'homme s’empressa-t-il de mettre la chapelle à la disposition du nouveau prélat. Mgr Caffarelli accueillit avec joie la proposition qui lui était faite ; il fit de la chapelle de l'Immaculée-Conception une succursale des deux paroisses de Saint-Brieuc, et lui-même s’en servit pour les cinq premières ordinations qu’il fut appelé à faire dans sa ville épiscopale (1803). C’est encore dans cette pieuse chapelle que trois ans plus tard, le 20 décembre 1806, il conféra les ordres mineurs et le sous-diaconat à M. Hyacinthe de Quélen, le futur archevêque de Paris, qui, en souvenir de cette ordination, y établit une fondation de messe à perpétuité.

Le vénérable abbé Ferchal qui avait dirigé la Congrégation depuis 1778, avait dû s’exiler pendant la tourmente. Revenu d'Angleterre, il reprit son apostolat avec un dévouement que seule la mort devait arrêter (26 avril 1806). La pénurie de prêtres obligea l’évêque à confier la direction des congréganistes au clergé paroissial. M. Louis Jean Prud'homme pensa que le moment était venu de se dessaisir de la chapelle qu’il n’avait achetée que pour la conserver à sa première destination. De concert avec l’évêque, il rédigea un acte de donation à la Fabrique de la cathédrale et s’employa de tout son pouvoir à le faire ratifier par le gouvernement. Les négociations étaient à peine entamées que Napoléon Ier prenant ombrage de « la Congrégation » où son esprit inquiet ne voulait voir qu’une organisation de clubs déguisés, en décréta l’abolition et enjoignit aux préfets de fermer les lieux de réunions. Le 11 novembre 1808, quand les congréganistes se rendirent à l’office, ils trouvèrent la porte de la chapelle barrée et « pate-fichée ». En vain, M. Prud'homme réclama le respect de son droit de propriétaire. La chapelle resta fermée. Ce ne fut qu’après avoir révoqué la donation, faite à la fabrique de la cathédrale, qu’il fut autorisé par l'État à user de son immeuble. Il en fit un dépôt de librairie. En 1816 le petit sanctuaire de Marie put enfin rouvrir ses portes.

A la chute de l'Empire, l'Église de France sembla respirer plus à l’aise et, dès l’année qui suivit, d’intrépides missionnaires entreprirent sur tous les points du territoire ces travaux apostoliques de régénération chrétienne dont le souvenir est resté gravé dans la mémoire du peuple.

A Saint-Brieuc, les Pères de la Foi, dont la société avait été fondée par d’anciens jésuites, furent appelés à donner les exercices de la mission de 1816. Au cours de leurs prédications, ils adressèrent un appel aux hommes de la ville en vue de reconstituer la Congrégation supprimée par Napoléon. Le jour de la clôture, les congréganistes et surtout leur chef, l’acquéreur de la chapelle, furent au comble de la joie. En souvenir des grâces innombrables obtenues pendant la mission, on planta une croix sur la place Saint-Pierre, devant la porte du sanctuaire. L’orateur fut le vénérable Jean-Marie de la Mennais, alors vicaire capitulaire du diocèse qui, plein de zèle pour la Congrégation renaissante, rédigea lui-même un règlement plus approprié aux temps nouveaux et sollicita des Congrégations de Paris et de Rome la participation aux indulgences. Rien que dans la seule année 1817, le chiffre des nouveaux confrères s’éleva à 40. En même temps on entreprit de remettre en état la chapelle qui, on le conçoit, avait beaucoup souffert, et nombreuses furent les personnes qui, par dévotion pour Marie, voulurent contribuer à cette bonne oeuvre. Pendant les vingt années qui suivirent, la Congrégation continua à prospérer sous la direction de prêtres dévoués. Mais en 1837, Mgr Le Groing de la Romagère nomma comme directeur un tout jeune ecclésiastique, celui que Dieu avait choisi pour accroître en ce lieu le culte et l’amour de la très sainte Vierge (J. Cadiou).

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