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TESTAMENTS DU SIRE ET DE DAME DE MAUNY

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Olivier de Mauny, cousin-germain du célèbre connétable Bertrand Du Guesclin, et l'un des plus hardis capitaines de son temps, comme dit le P. Dupaz, avait, pendant une longue et brillante carrière militaire, partagé les périls et la gloire de son illustre parent ; il ne l'avait abandonné dans aucune de ses expéditions, tant en France qu'en Espagne. De retour en Bretagne, il avait eu la garde de Dol, ayant sous ses ordres cent hommes d'armes, ce qui suppose une garnison d'au moins six cents hommes. En 1382, il avait encore pris part à la guerre de Flandre, avec les Bretons qui prêtèrent au Roi de France le secours de leurs bras ; mais les fatigues de la guerre et les années finissent par user les forces et par miner les plus robustes constitutions. C'est ce qui arriva à Messire Olivier de Mauny ; il lui fallut enfin déposer le heaume, avec le haubert et sa cotte d'armes armoriée d'argent au croissant de gueules, mettre à l'écart sa redoutable épée que ses mains défaillantes ne pouvaient plus soutenir.

Un jour vint où la vieillesse et la maladie visitèrent le puissant homme de guerre. Retiré dans son manoir de Lesnen, sur le territoire de la paroisse de Saint-Tual (aujourd'hui Saint-Thual), Messire Olivier de Mauny envisagea, sans frémir, ces avant-coureurs des derniers jours. Dans les idées de son temps, il avait un devoir solennel à remplir, c'était de faire son testament. Il manda donc maître Bertran de Coetcantel, tabellion de la Cour de Rennes, et dom Guillaume Moysan, tabellion de la Cour de Dol ; puis il leur dicta ses dernières volontés et les requit d'en passer acte authentique. Cette pièce inédite, curieuse à plus d'un titre, a été conservée par notre célèbre jurisconsulte breton Hévin ; je l'ai retrouvée copiée de sa main dans un de ses portefeuilles découverts aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. Elle est datée du 22 janvier 1389 (1390, nouveau style). A ce premier document se trouve annexé un second qui en est le complément.

C'est le testament de Madame Marguerite de Québriac, Dame de Lesnen, femme d'Olivier de Mauny, daté du 9 juillet 1389.

Je ne puis les transcrire ici en entier, mais quelques extraits ne seront pas inutiles au point de vue des moeurs et des coutumes au XIVème siècle, en Bretagne.

Commençons par le testament du Sire de Mauny : « Ge, Olivier de Mauny, dit-il, seigneur de Lesnen et de Marcé, enferme (infirme) de corps, attendant le jour de la mort au plesir de Dieu …. fais et ordonne mon testament et derraine voulenté …. Premier : ge donne l'âme de moy à Dieu mon père créateur et à la glorieuse Vierge Marie et à Monsieur Saint Michel l'ange et toute la compaignie de Paradis, quand elle partira du corps ».

Le testateur vent être « ensepulturé » dans sa chapelle de Saint-Tual (Saint-Thual), « auprès de Monsieur son père ». Cette chapelle, qui existait encore au XVIIème siècle, au haut de l'église de Saint-Tual (Saint-Thual), du côté de l'Épître, renfermait l'enfeu héréditaire et « prohibitif » (c'est-à-dire spécialement réservé) de la famille de Mauny, dont les ancêtres l'avaient fondée ; aussi y voyait-on peint sur les vitraux et sculpté à la voûte comme sur les pierres sépulcrales l'écusson de la famille, le croissant de gueule sur champ d'argent [Note : La terre de Lesnen, de laquelle dépendait ce droit de chapelle dans l'église de Saint-Thual, avec prééminence et droits honorifiques, était une bannière, avec haute justice dans l'étendue des fiefs tenus noblement de la baronnie de Bécherel et de la seigneurie du Vauruffier : c'étaient les bailliages de Tressoulail, de Loche, de Launay Gerart, de la Chardonnaie, du Cran, de la Gruaudière, de Landesoret, de la Villesaitz, des Champs-Tieusbry, de Linquelais ; ceux du Boisgernigou, de Trevinal et de la Rainbaudière relevaient noblement de Chasteauneuf, avec droit de moyenne justice seulement. Tous ces bailliages avaient cours dans les paroisses de Saint-Thual, Evran, Plouasne, Saint-Judoce, Treverien et Plesder. A ces fiefs se rattachaient quelques coutumes féodales curieuses ; ainsi, un des vassaux du baillage de Tressoulail devait le samedi de Pâques présenter au manoir de Lesnen « un chevreau et une poignée de trichon » ou vinette. Un autre devait fournir à titre de redevance au seigneur de Lesnen « un chapeau de roses vermaigles (vermeilles) ». Outre ses droits de prééminence et de chapelle à Saint-Thual, le seigneur de Lesnen était encore fondateur et patron de la Madeleine, près de Bécherel, en Longaulnay ; ainsi que de l'église de Notre-Dame de l'hostellerie à Dinan, dont il nommait le chapelain].

Parmi les legs divers qu'Olivier de Mauny charge ses exécuteurs testamentaires de délivrer, il faut remarquer le suivant : « Je donne, dit-il, à pauvres chrétiens soixante cottes de drap de Lehon [Note : Ces draps de grosse étoffe étaient préparés dans les moulins à foulons dépendant du prieuré de Léhon, près de Dinan. Ils étaient d'un grand usage en Bretagne], moitié à hommes et moitié à femmes, et trante paires de draps lingets à hommes et trante chemises à femmes, et soixante paires de solers (souliers) … ».

Il distribue ensuite à diverses églises des aumônes, et entre autres « à l'Hostellerie de Dinan, moitié à l'eglise et moitié es pauvres, cinquante soulz ».

Les églises de Saint-Malo et de Saint-Sauveur de Dinan ne sont pas oubliées, et il ajoute : « Je donne à Monseigneur St-Michel ou péril de la mer (c'est l'abbaye de Saint-Michel) à son église, cinq solz ; item, je donne es ports de mer en Rance, scavoir d'Establehon, de Vouvante et de Dinart a chaincun cinq soulz ».

Après avoir distribué ses biens entre ses enfants et réglé ses affaires de famille, il ajoute cette touchante requête : « Je veuil que le coeur de Jehan mon fils soit mins et ensepulturé en ma châsse ovec moy ».

D'après son testament, Olivier laissait encore trois fils vivants, Olivier « son hoir principal » aîné de la famille, Charles et Bertran ; trois filles, Marie, Alaine et Marguerite. A Olivier, son fils aîné, le testateur lègue sa baronnie de Marcé en Normandie, toutes ses terres de Bretagne, « excepté Campenéac » et quelques domaines qu'il spécifie. Il veut que ses trois filles soient apanagées sur ses terres de Marcé, de Blangie et de la Haye-Paynel. Enfin, il recommande ses trois serviteurs de confiance, Hannequin, Ecusart et Robinet à son fils Olivier : « Je veuil, dit-il, qu'ils soint à Olivier mon fils et que il leur donje (donne) lour vie en ung de mes ostielz ». On aime à voir dans le vieux gentilhomme cette sollicitude pour le sort à venir de ses vieux serviteurs.

Le testament de Marguerite de Québriac, femme de Messire Olivier de Mauny, est passé en présence du même Bertran de Coetcantel déjà nommé ci-dessus, et de vénérable Messire Pierre de Massy, prêtre, recteur de l'église de Miniac (près de Bécherel). En outre des prescriptions ordinaires et du protocole usité dans les actes testamentaires, la noble Dame veut être inhumée « en l'eglise des Frères Prédicatours (Jacobins) de Dinan ». Elle ordonne de plus qu'il soit envoyé pour elle, « à St-James en Gallice, à Notre-Dame de Rochmadour, à St-Ytrope (Eutrope) de Saintes, à St-Fiacre en Brie et à Notre-Dame de Chartres, à chacun pellerinage, un pellerin … ». Cet article est curieux, en ce qu'il fait connaître les principaux pèlerinages où la dévotion du temps dirigeait ses hommages et ses prières.

Les églises de Miniac, de Châteauneuf, de Saint-Père en Poulet reçoivent des témoignages de la munificence de Dame Marguerite. — « Les pauvres chretiens » ne sont point oubliés.

Quelques détails concernant la toilette et le costume des châtelaines du temps ne sembleront pas à dédaigner : Marguerite de Québriac lègue à Jouhanne de Tournemine « sa chappe et son mantel long fourré de menu vair » ; à la Demoiselle de Tressainct « son mantel descarlate long fourré de menu vair » ; à sa filleule de Tressainct, « ses pendants neufs » ; « sa hobelaude de drap d'or, » à l'église des Dominicains où elle a élu sa sépulture ; « sa hobelaude de drap de damas, » à l'église de Miniac ; enfin, à Jouhanne Tournemine elle donne encore « une de ses hacquenées et la selle au choix de ses exécuteurs testamentaires ». Finalement, elle déclare devoir à Guillaume Gautier, marchand pelletier à Dinan, cent-vingt livres. On voit par-là, que même au XIVème siècle, la toilette des dames n'était pas un mince objet dans le budget d'un ménage. (P. D. V.).

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