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Kreisker (d'après l'orthographe ancienne Creisket ou Creizker) signifierait milieu de la ville. Nous ne décidons pas si cette interprétation est exacte ; en tout cas, elle remonte au moins au XIVème siècle. Malheureusement, les documents de cette époque, récemment publiés, dans lesquels nous voyons mentionnée l'église de Notre-Dame « de Creiszker, que alias de medio ville nuncupatur », ne sont relatifs qu'à des attributions de chapellenies el ne nous apportent aucun renseignement sur la construction de l'église.

Un extrait d'un légendaire de la cathédrale de Saint-Paul, fait au XVème siècle et conservé aujourd'hui aux Archives de la Loire-Inférieure (E. 81), nous apprend qu'en 1375, les Anglais étant débarqués Saint-Paul, « fut l'église Notre-Dame arse ». ll est plus vraisemblable d'entendre ce texte du kreisker que de l'appliquer, ainsi que l'a fait La Borderie, à la cathédrale dédiée, il est vrai, aussi à la Sainte Vierge. En tout cas, l'étude architecturale nous montre que le Kreisker, existant déjà au XIVème siècle, a été transformé et augmenté au XVème siècle.

Le plan. — très irrégulier — comporte une nef flanquée d'un large bas-côté au midi et d'un bas-côté beucoup plus étroit au nord. La façade, fortement déviée du nord-ouest au sud-ouest, coupe obliquement l'axe de la nef. Une porte, non précédée d'un porche, est ouverte dans cette façade. Il y a en revanche deux porches, nord et sud.
— celui-ci bien moins profond que l’autre, — donnant accès dans la première travée de l’un et l'autre bas-côté. Chaque croisillon du transept est composé d'une seule travée dont le mur de fond prolonge le mur du collatéral, mais avec une déviation surtout prononcée pour le croisillon nord. Le carré du transept est également un peu dévié dans la même direction. A l'orient, le croisillon est limité par un mur qui forme angle rentrant avec le mur nord du chœur, flanqué au sud d'un collatéral dont le mur oriental est à l'alignement du mur de fond du chœur.

Intérieur. — La nef, non voûtée, comprend trois travées séparées par des piliers octogones ; les grandes arcades en tiers-point, formées de trois ressauts à pans coupés, reposent sur des chapiteaux simplement moulurés. Les fenêtres sont aujourd'hui bouchées, sauf dans la partie haute. Le mur sud de la nef est plus épais que le mur nord, les piliers sont plus gros et du même côté une galerie de circulation est bordée de petites arcatures tréflées. A l'ouest, une grande verrière à remplage rayonnant éclaire la nef, et deux baies du même style s'ouvrent dans les collatéraux.

Le projet primitif comportait deux bas-côtés d'égale longueur, dont les toits n'auraient pas dépassé l'appui des fenêtres de la nef.

Plus tard, — soit réfection, soit repentir, — on a repris les bas-côtés d'après une donnée nouvelle. Les travées, séparées par des arcs-diaphragmes, sont couvertes par des berceaux en bois perpendiculaires à l'axe de la nef, d'où nécessité d'aveugler les grandes fenêtres. En outre, le collatéral sud a été élargi, comme il est facile de s'en rendre compte grâce à un décrochement très apparent à l'intérieur. Les fenêtres des collatéraux de la nef sont flamboyantes, tandis que toutes les autres fenêtres de l'édifice sont de style rayonnant. Les fines colonnettes â chapiteaux renflés des parties nouvelles forment contraste avec les lourds piliers de la nef.

Le parti nouveau adopté pour la construction des collatéraux était en relation avec un autre projet qui consistait à élever une tour sur le carré du transept. Pour cela, il fut nécessaire d'établir aux quatre angles d'énormes massifs qui furent fortement épaulés, surtout à l'ouest, par les arcs-boutants intérieurs. Nous verrons que du côté est, où les arcs-diaphragmes sont moins forts, il y a en plus des arcs-boutants extérieurs. L'effet disgracieux que pourraient produire ces massifs est atténué par l'élégance des colonnettes à chapiteaux renflés qui en garnissent le pourtour. La voûte de la croisée — la seule qui existe à l'intérieur du Kreisker —porte à la clef les armes de l'évêque Guillaume Ferron.

Le chœur n'a jamais eu de fenêtres hautes du côté sud. On y voit seulement de ce côté une galerie de circulation, Le vaste collatéral sud, aux murs percés de grandes fenêtres, a été construit en male temps que le chœur.

Extérieur. — La façade ouest, heureusement dégagée depuis quelques années par l'élargissement de la rue Cadiou, est tout à fait élégante avec ses grandes fenêtres et les trois lanternons qui la surmontent. Au sud, six grandes fenêtres, trois flamboyantes et trois rayonnantes. Sous la première à gauche se trouve le porche sud, peu profond, et dont l'ornementation sculpturale consiste seulement en feuillages. Le porche nord, voûté d'ogives, qui lui est symétrique, occupe plus d'espace ; on y voit au fond, dans les voussures au-dessus du tympan, une série de curieuses sculptures représenpnt des chiens à la poursuite du gibier, des bergers gardant leurs troupeaux, etc. La ligne de la façade septentrionale est, comme nous l'avons vu, assez capricieuse. Divers détails contribuent encore à varier l'aspect de ce côté de l'église : le déversoir d'une chambre de garde ou chambre d'archives, des arcatures appliquées contre une partie de la façade. Le chevet plat, un peu masqué par la sacristie, prépare bien cependant l'élan de la flèche.

Cette flèche, placée sur le carré du transept, est épaulée extérieurement par deux arcs-boutants, mais celui du nord est beaucoup plus court que celui du sud. La base carrée est percée d'ouvertures rectangulaires : au-dessus, des moulures disposées dans des cadres également rectangulaires contribuent à donner à cette souche une apparence encore plus légère. Deux longues baies en tiers-point étrésillonnées par des traverses et accostées d'arcatures aveugles, évident chacune des faces jusqu'à la plateforme bordée d'une balustrade qui se compose d'une série de quatre-feuilles. Les quatre clochetons d'angle, réunis à la pyramide par des tirants de pierre et quatre lucarnes médianes, sont très élancés. Aux quatre angles se détachent des gargouilles.

Le clocher du Kreisker reproduit en somme presque trait pour trait le clocher de Saint-Pierre de Caen, mais il est plus élégant que son modèle, et, au lieu de le placer à côté de la nef, on a réussi à le planter sur le carré du transept.

(Par M. Lucien LÉCUREUX).