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Le Conseil municipal s'érige en Tribunal. Comité de surveillance. Distribution de secours. — Réquisitions

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De jour en jour, la municipalité était plus accablée sous une avalanche de décrets et d'ordres à exécuter. Ses occupations sont multiples. Parfois, il lui arrive de se substituer aux tribunaux que la Révolution a emportés et qu'elle n'a pas remplacés. Elle s'en tire d'ailleurs fort bien. Quelquefois même, il y a une pointe d'humour dans les sentences qu'elle porte, comme dans le jugement qu'elle rendit le 9 Juin 1793. Pour qu'il ne perde rien de sa saveur, nous le transcrivons tel quel, en y ajoutant simplement la ponctuation, dont le secrétaire-greffier n'avait pas la moindre idée.

« Aujourd'hy, neuf juin mil sept cent quatres vingt treize, l'an deux de la république francaisse, séance présidé par le citoyens Droff, maire, assistée des citoyens Gannat, Hascoët, Laouénant, Larour et Join, officiers municipaux, présent le citoyen Latreille, procureur de la commune, en ses conclusions sur les raport du citoyen Yves Derien, cultivateur du lieu de Kergoat-Com. Ledit Derien a déclarée que Yves Maureau, son voizin, demeurant séparément au dit lieu de Kergoat-Com, ou ceux qui sont a sa charges, avoit yer samdy, huit du présent mois, battu Catherine Helgoualch, femme dudit Derien, et même menacée de le rachetée la vie, et ce par Barbe Piriou, femme dudit Maureau, accompagnée de Marguerite Thomas, femme Pilican, demeurant séparément audit lieu de Kergoat-Com.

Nous, Maire et officiers municipaux, arrettons sur les conclusions du procureur de la Commune et la déclaration d'Yves Derien : ordonnons à Yves Derien de prouvé ses plaint. Et en l'endroit s'est présenté Jean Capitaine, cultivateurs demeurant à Coetterelle, témoin appellée par ledit Yves Derien. Lequel dit. Capitaine, avant de rien déclarée, a fait le serment devant nous Maire et officiers municipaux de dire la véritée desqu'ils a veu et entendu. Ledit Capitaine nous a déclarée qui na pas veu faire aucun tort à la dit Catherine Helgoualch, mais ils a déclarée qu'ils antendu et veu ladite Helgoualch a criée et même elle été abimé de tous vilini. De plus, ledit Capitaine a dit qu'il a entendu Margueritte Thomas à dire, à present il y a environ quinze jour, qui sera allé sur Catherine Helgoualch quant elle sera seul.

Et en l'endroit, nous, Maire et officiers municipaux, dison d'un voix et unanime que le raport de Jean Capitain n'est pas suffisant de jugée ledit Maureau sur le plaint que nous avons reçu d'Yves Derien. Sest pourquoi nous ordonnons à Yves Derien d'envoier d'autres témoin. En foi de quoi nous signon ; et comme les plaint nous est pas prouvés, nous déclaront le present procès verbal nul. En foi de quoi nous signon la nullités… ».

N'est-ce pas un jugement plein d'équité, de prudence et de sagesse ?

Le renouvellement des municipalités fut suspendu le 4 Décembre 1793. La Terreur était commencée. Les procureurs des communes qui, jusque-là, étaient élus, furent remplacés par des agents nommés par la Convention et responsables devant elle. Mais ils n'étaient pas toujours nommés par elle directement ; à Saint-Nic, nous voyons les conseillers municipaux se réunir au début de Janvier 1794, en vertu d'un décret du quatorze Frimaire précédent, pour élire un agent, un président et un greffier. Le citoyen Latreille, ci-devant procureur de la commune, est proclamé d'une voix unanime agent national. Le citoyen Yves Mazé est nommé président, et Guillaume Le Droff secrétaire-greffier. Celui-ci s'engage pour la somme de 200 livres à faire pour l'année 1794 le travail du greffe de la municipalité « quand requis sera et où il sera besoin ».

Le 17 Nivose a lieu l'élection d'un Comité de surveillance ou Comité révolutionnaire. Ce comité, composé de 12 membres, est élu par le Conseil général de la commune, c'est-à-dire par les officiers municipaux et un certain nombre de notables. Sont élus membres du Comité de surveillance :

Corentin Le Roy, de Pen-ar-Chréac'h, qui obtient 37 voix.
Jacques Piclet, de Ruyen, 34 voix.
Yves Lastennet, 32 voix.
Nicaise Le Breton, de Brégalor, 30 voix.
Corentin Didailler, le Vieux (sic), 27 voix.
Yves Guéguéniat, le Vieux, 26 voix.
Jacques Bideau, le Jeune, 28 voix.
Guillaume Lezenven, de Lessirguy, 27 voix.
Pierre Le Bris, 24 voix.
Jean Le Roux, 23 voix.
Louis Le Ménez, 23 voix.
Et Jean Le Droff.

Des voix s'éparpillèrent encore sur dix autres noms, mais seuls les douze premiers furent élus.

Des comités semblables furent constitués dans toute la France pour épurer le pays, dresser la liste des suspects, dénoncer ceux dont le civisme laissait à désirer, présider aux enquêtes, aux saisies, aux arrestations, en un mot, pour être les juges de l'orthodoxie révolutionnaire. Les vieilles rancunes, les querelles de famille trouvèrent là à s'assouvir dans de basses vengeances.

Par bonheur, le Comité de surveillance de Saint-Nic était composé de braves gens, pas plus révolutionnaires que vous ou moi, fatigués au contraire de la Révolution et surtout des réquisitions !

Car celles-ci continuent de plus belle. Le 15 Ventose de l'an II, les officiers municipaux sont chargés de « requérir chez les propriétaires et fermiers les plus aisés de la commune, tous les sacs bons et propres à mettre la farine ».

Bientôt, les ordres deviennent des sommations dans le genre de celle-ci : « Nous requérons la municipalité de Saint-Nic sous la responsabilité individuelle et solidaire de chacun d'eux de faire parvenir au district sous le délai de 8 jours au plus tard, le rôle des indigents de leur commune, le plomb de leur église, les drisses et chiffons qu'ils auront réunis, avec l'état de ceux qui en ont fourni et celui de ceux qui auront négligé de le faire... ». C'est signé : Finigan, agent national du District de Ville-sur-Aulne, c'est-à-dire Chateaulin. Car Chateaulin avait été débaptisé, si je puis dire. Son nom rappelait trop le temps des châteaux et du fanatisme, et les patriotes du lieu ne purent le tolérer plus longtemps. Un simple arrêté, tranchant comme le couperet de la guillotine, fit justice de ces restes d'Ancien Régime. Et Chateaulin devint Ville-sur-Aulne. La sottise d'ailleurs n'a jamais qu'un temps ; quelques années plus tard, Ville-sur-Aulne redeviendra Chateaulin comme devant.

L'on est presque étonné que Saint-Nic qui commémore le nom d'un Saint n'ait pas été... laïcisé à la même époque ; non pas que la municipalité fût composée de Jacobins, mais on peut s'étonner qu'elle n'ait pas reçu lettre comminatoire de l'administration du District, fulminant contre ses sentiments retrogrades et contre-révolutionnaires. Il n'en fut rien. Et notre paroisse continua à s'appeler cléricalement Saint-Nic, même au plus fort de la Terreur...

S'il y eut des réquisitions fréquentes, il y eut aussi quelques distributions de secours et de denrées.

Un décret de la Convention du 21 Pluviose an II accordait une indemnité aux défenseurs de la Patrie et à leurs familles. Les ayants-droit, au nombre de dix-huit, se présentent à la sacristie le 2 Floréal. Immédiatement, Alain Lagadec, de Pentrez, et Christophe Lars, de Lessirguy, sont choisis comme commissaires-vérificateurs chargés de « vérifier et examiner les titres ou droits d'après les déclarations faites par tous les réclamants inscrits sur la liste », et Guillaume Lezenven, de Lessirguy, et Jean Larour, du Manoir Guermeur, sont désignés pour être commissaires-distributeurs. La Révolution a été riche en commissaires : il y en avait de toute sorte et de toute fonction. Bref, l'indemnité à distribuer à Saint-Nic montait à la somme de 1.705 livres et 2 deniers, ce qui donnait pour chaque « réclamant » moins de 100 livres, c'est- à-dire, presque rien si l'on tient compte de la valeur réelle de l'assignat en 1794.

Malgré les sommations, les Saint-Nicais opposent toujours la force d'inertie aux demandes qui leur sont faites par l'Etat, qu'il s'agisse d'argent ou de produits du sol. Le 20 Ventose, les commissaires-vérificateurs qui sont eux-mêmes des Saint-Nicais disent : « Nommés pour scavoir qui est sujet à l'amprunt forcé de la commune de Saint-Nic, après avoir fait un relevé chez tout les propriétaires au greffe de notre commune, nous sommes transporter au greffe de notre municipalité pour déclaré que nous n'avons trouvé aucun sujet à l'amprunt forcé sur la commune, suivant la loi du 24 Août 1793, vieux stils (sic), concernant l'amprunt volontaire, et celle du 3 Septembre aussi vieux stils, relatifs à l'amprunt forcé ».

Des réquisitions de bois de chauffage pour l'approvisionnement de Brest et de la Marine de la République ont été dirigées par un certain Labous, Jean Bon Saint-André se montre « satisfait du zèle et de l'activité avec lesquelles ledit citoyen a opéré dans le district de Ville-sur-Aulne pour le bien de la chose publique. Mais instruit que la malveillance cherche à rendre ses recherches nulles ou à retarder le succès de ses démarches, il arrette :

Qu'il reprendra tout de suite les mêmes opérations ;

Que les bois taillis dans toutes les municipalités du département du Finistère seront coupés depuis le 5 Germinal jusqu'au 5 Floréal, ce qui revient depuis la fin d'Avril jusqu'à la fin de Mai vieux style ;

Que les écorces propres à faire du tan en seront séparées et que chaque citoyen en déclarera la quantité à sa municipalité ;

Qu'il sera fait de même pour les bois taillis des Emigrés ;

Que la coupe de tous les bois courants sur les fossés sera faite immédiatement. Ce bois sera expédié à Brest et en d'autres villes. La confiscation des biens punira les récalcitrants... ».

En conséquence, Jean Le Droff, de Lescorvo, Jean Le Droff, de Saint-Côme, et Jean Le Mauguen, du Leuré, sont nommés commissaires à la coupe des bois et répartissent le travail : Alain Kernévez, du Cosquer, devra fournir quatre cordes de bois ; Hervé Latreille, de Costévadiou, en Argol, en fournira autant ; les propriétaires et détenteurs du bois de Kerzant le couperont en entier. Jean Le Droff et Louise Le Bourveau, sa belle-mère, fourniront une corde et demie. Henry John, de Costéker-Penc'hoat, coupera trois cordes ; Jean Le Droff, du même lieu, deux cordes ; Guillaume Marc, de Kermot, en coupera une corde sur ses propriétés du Penc'hoat.

Il ne s'agit plus de tergiverser. Ces propriétaires se mettront au travail immédiatement, « pour être prest à rendre le bois au premier réquisition où besoin sera... ».

Puis la commission des armes et poudres de la République demande qu'on lui remette les bois de bourdaine de trois à neuf ans, les anguins rouges et blancs, les noisetiers, les tiges d'osier, d'aulne et de saule. Naturellement, c'est une occasion pour nommer encore, dans chaque section de la commune, des commissaires qui devront dresser un état de tous les bois ci-dessus indiqués, et un état de tous les particuliers qui possèdent du bois de quelque essence que ce soit.

Depuis que les ordres deviennent plus menaçants, la municipalité ne se contente plus de les enregistrer : elle s'essaie à les faire exécuter. Ainsi, lorsque le 24 Germinal, on demande à la commune de fournir 40 quintaux de froment et de les transporter au magasin de Port-Launay, elle les répartit entre différents propriétaires.

Un mois plus tard, nouvelle réquisition de 50 boisseaux de froment, qu'il faudra, comme toujours, transporter à Port-Launay, et pour le jeudi 3 Prairial au plus tard ! La réquisition est ainsi répartie :

Anne Nicolas, du Bourg, 5 boisseaux.
Jacques Bideau, de Landévadé, 4 boisseaux.
Pierre Larour, de Brénalen, 10 boisseaux.
Corentin Larour, de Brénalen, 10 boisseaux.
Jean Nicol, de Kervingar, 10 boisseaux.
Henry Join, de Costéker-Penc'hoat, 3 boisseaux.
Guillaume Le Droff, de Porz-Gourmelen, 2 boisseaux.
Corentin Didailler, de Porz-Piriou, 3 boisseaux.
Corentin Queffelec de Créac’h–Milin. 1 boisseau.

Après le blé, les boeufs. Pierre Le Bris, de Stanquélen, devra envoyer à la foire de Plomodiern du 30 Floréal les « deux grands bœufs garnoirs qu’il possède chez sa mère ». Yves Guéguéniat, Porz-ar-Born, fournira « Ses deux grands bœufs rouges pour la subsistance et l'approvisionnement de l'armée ».

Il devient difficile d'échapper à la réquisition. Les commissaires savent non seulement qui possède des bœufs, mais ils savent même la couleur de leur robe…

Et maintenant, les réquisitions se suivent, sans répit ni arrêt. Un jour, c'est 5 milliers de paille de froment, un autre jour, 5 milliers de paille d’orge, puis 50 quintaux de froment, que la municipalité répartit comme elle peut entre les cultivateurs. Tous y passent, et plusieurs fois ! Un autre jour, c’est un commissaire, nommé par la Société populaire de Ville–sur-Aulne, qui demande qu’en vertu d’un arrêté du Comité du Salut public on lui désigne les prairies qui peuvent être réquisitionnés. On lui indique la prairie de Gourloauën, située au Grand-Launay , appartenant à Yves Lastennet … Un autre jour encore, l’agent national « requiert le maire et les officiers municipaux de faire la visite chez les propriétaires de grain pour scavoir qui ont du bled noir en leurs possestion pour les requérir dans donner de bled noir pour semence à ceux qui n’ont pas et si on ne trouve pas sur la commune, ils feront leur pétitions au directoire du district pour en avoir des autres municipalités dans le plus breffs délay … ».

Les paysans sont accablés par les réquisitions et les charrois incessants. Sous le calme apparent, fermente un mécontentement profond.

(Abbé Corentin Parcheminou).

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