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Déclaration des récoltes. Taxation. — Réquisitions. — Résistance. — Descente des cloches.

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Dès le 13 Novembre 1792, on demandait à notre municipalité de fournir un état de tous les blés, grains, légumes, paille, foin et autres fourrages de la commune. Parmi beaucoup d'autres mesures démagogiques imposées à l'Assemblée nationale par la Commune insurrectionnelle de Paris, après la chute du Trône, celle-ci n'est pas la moins importante, car elle ouvre l'ère des perquisitions, des réquisitions, des taxations de toutes sortes. La Révolution continue. Elle change simplement de visage. Tant qu'il ne s'agissait que de politique pure, d'émeutes à Paris, les paysans de notre pays ont pu peut-être demeurer indifférents. Mais voici que la Révolution vient chez eux sous sa forme la plus odieuse, avec ses vexations, ses interventions dans le domaine de la production et sa surveillance indiscrète et continuelle.

Sans doute, la mesure qui vient d'être prise — inventaire des blés, légumes et fourrages — n'est qu'une alerte, et l'année 1792, ne se sera pas écoulée que les Girondins, représentants du peuple des campagnes, auront fait rapporter toutes les mesures de réglementation prises après le 10 Août. Mais il n'en reste pas moins que cette alerte mit de l'inquiétude dans les esprits et troubla profondément les cultivateurs.

Dès ce moment, il est facile de prévoir que le jour où les Girondins ne seront plus les maîtres, les paysans ne seront pas épargnés.

En effet, lorsque les Jacobins s'allièrent aux Enragés — la gauche et l'extrême-gauche de la Convention — on vota la première taxation des blés (Mai 1793). Mais soit négligence, soit mauvaise volonté de la part des administrations départementales, le décret ne fut guère appliqué. Il n'arriva pas jusqu'à Saint-Nic.

En Juillet, la Convention vota une loi sur l'accaparement. L'accaparement était défini : le fait de tenir enfermées dans un lieu quelconque, sans les mettre en vente journellement et publiquement, les denrées et marchandises de première nécessité, à savoir : la farine, le pain, la viande, les légumes, les fruits, le beurre, les boissons, le miel, les graisses, le poisson, les combustibles, le savon, le sel, le sucre, le chanvre, la laine, le drap, la toile, les métaux, etc. Les détenteurs de ces denrées étaient tenus d'en faire déclaration dans les huit jours aux municipalités qui nommeraient des commissaires aux accaparements pour examiner leurs dires et, au besoin, procéder aux ventes. En même temps qu'elle punissait de mort les auteurs de fausses déclarations, la loi encourageait la délation, en attribuant aux dénonciateurs le tiers des confiscations.

Désormais, les paysans sont toujours sur le qui-vive. Quand ils y pensent le moins, ils voient apparaître les commissaires qui viennent fouiller les maisons, les granges et les greniers.

Mais du moins la production et lé prix de vente restent encore libres. Ce n'est pas pour longtemps. Le 29 Septembre, la gauche et l'extrême gauche de la Convention réussissent à faire décréter la taxation générale des denrées de première nécessité, ou comme on disait alors, le maximum. A toutes les denrées citées plus haut, on ajoute les grains, et les fourrages. Les cultivateurs sont tenus, sous les peines les plus sévères, de faire la déclaration de leurs récoltes. Il leur est interdit de vendre leur blé ailleurs que dans les marchés publics et à un autre cours que le cours officiel. En cas de refus, les blés seront réquisitionnés et les marchés approvisionnés par la force. Enfin, pour comble d'injustice et de tyrannie, alors que la monnaie avait déjà baissé de plus de moitié, le maximum n'était fixé qu'à un tiers au-dessus des prix courants de 1790. Ce n'était plus une réglementation, mais une expropriation.

Les hommes eux-mêmes sont déclarés sujets à réquisition.

Déjà, pour parer à la débâcle des armées, la Convention avait décidé à la fin de Février 1793, une levée de 300.000 hommes. Chaque commune devait fournir un nombre proportionné au chiffre de sa population. Et c'est aux municipalités que fut confié le soin de choisir les hommes qui seraient mobilisés. Excellente manière de se débarrasser des « aristocrates » et des « bourgeois », a-t-on dit. Oui, sans doute, mais excellent moyen aussi de tourner la loi...

Saint-Nic reçoit l'ordre de fournir six hommes à l'armée. Fort bien ! on les fournira. Mais la municipalité se rappelle très à propos qu'au mois d'Août de l'année précédente, quatre Saint-Nicais se sont enrôlés volontairement et que trois d'entre eux sont toujours à Roscanvel. En faisant entrer ces trois hommes en ligne de compte, il ne reste plus qu'à trouver trois autres pour avoir les six recrues que doit fournir la commune. C'est toujours autant de moins à chercher, pensent les municipaux. C'est pourquoi ils se réunissent le 19 Avril 1793, non plus à la sacristie, mais à la maison commune « et ce pour écrire une lettre au citoyen Piclet, capitaine des gardes-côtes à Roscanvel, pour prévenir les trois hommes que nous avons sous son commandement ». Voici cette lettre :

« Citoyen, le directoire du district de Chateaulin vient de vous enjoindre de faire trouver à Chateaulin le 25 du courant, les six hommes qui forment notre contingent au recrutement de l'armée. Trois de ces gens étant à la côte et sous votre commandement, nous vous prions de les faire partir de votre poste de manière à être à Chateaulin le jeudy vingt-cinq de ce mois, deux heures de l'après-midy, pour se rendre à Quimper le lendemain. Ces trois particuliers sont comme vous le savez : Corentin Passéminou, Jean Quinaou et Yves Lastennet. Nous nous flattons que prévenus par vous ils ne manqueront pas de se rendre à cette assignation ... ».

Ainsi fut fait. Le tour fut joué, et il réussit, ce qui suppose pas mal d'anarchie !

Après cette levée de 300.000 hommes, un décret de levée en masse fut voté le 23 Août 1793. Il mettait toute la population française, femmes comprises, au service de l'Etat. « La France entière, dit M. Gaxotte, fut transformée en une immense caserne... ».

A Saint-Nic, les tailleurs furent les premiers à s'en apercevoir. Nous ne savons ni leurs noms, ni leur nombre. En tout cas, le 5 Novembre 1793, « vieux style » (sic) l'an deux de la République une et indivisible, la municipalité reçoit l'ordre de requérir tous les tailleurs de la commune. Ils doivent se rendre à Chateaulin « sur le champ sous les 24 heures » !

Que de réflexions amères échangèrent nos braves gens dont plusieurs n'étaient plus jeunes, en grimpant la Montagne et en cheminant vers l'inconnu ! Et dans la paroisse tout entière, bien que les « réquisitionnés » ne fussent que des tailleurs, l'émotion dut être grande, car désormais qui se serait senti en sûreté ?

Cependant, les Saint-Nicais se préparaient à opposer aux lois de spoliation une résistance formidable. Ils ne se défendront pas par la force, mais par des ruses et des fraudes de toutes sortes.

La première réquisition porte sur les chevaux de selle et de luxe. « Après avoir vu et examiné la commune, répond la municipalité, nous n'avons pas de chevaux que ceux sujets à l'agriculture ».

Quelques jours plus tard, on demande des brides et des selles. La réponse est la même : « Après avoir vu et examiné toute notre commune, nous n'avons trouvé aucune selle, ni bride, ni harnois qui pût servir pour l'équipement des cavaliers... ». Il est bien évident que pour « voir et examiner toute la commune », les officiers municipaux n'ont pas bougé de chez eux. A quoi bon causer de la peine à leurs administrés ?

Ils n'oseront pas dire pourtant qu'il n'existe pas d'avoine. Ils enregistrent l'ordre de faire fournir 240 quintaux d'avoine et de les transporter aux magasins nationaux de Port-Launay, distant de 20 kilomètres, mais ne semblent pas avoir fait plus.

Le 17 Novembre, sur l'ordre du représentant du peuple à l'armée des côtes de Brest et Lorient, ils demandent que tous ceux qui possèdent des fusils viennent les déposer au greffe de la municipalité, d'où ils seront immédiatement transportés à Chateaulin. Au bout d'un mois, 20 fusils sont réunis, et Jean Le Mauguen, du Leuré, est désigné pour les transporter à Chateaulin.

Le même jour, ils préviennent les cultivateurs de venir déclarer la quantité de fourrage, de foin et de paille de différentes qualités dont ils sont propriétaires.

Le même jour, enfin, qui est un dimanche, à l'issue de la messe, ils enjoignent à un certain nombre d'individus « nommés à haute voix », de descendre les cloches des clochers des chapelles et de les transporter à l'église paroissiale pour être ensuite envoyées à la fonderie, eux-mêmes, officiers municipaux et procureur de la commune, se chargeant de descendre celle de l'église paroissiale.

Effectivement, les cloches des chapelles furent descendues. Mais elles n'allèrent pas à la fonderie. La population aimait trop ses chapelles pour laisser commettre le sacrilège. Elle s'y opposa énergiquement, et les cloches de Saint-Côme furent cachées dans une prairie pour échapper à la réquisition. Du moins, c'est ce que rapporte la tradition ; aucun document n'en parle. La légende s'est emparée du fait et l'a embelli selon son habitude : depuis plusieurs années déjà, le clocher de Saint-Côme était vide et muet, lorsque, par un soir d'été, la tourmente ayant passé, l'on entendit un carillon mystérieux semblant provenir d'une prairie de Saint-Côme. C'était l'appel des cloches invisibles qui demandaient à être délivrées de leur prison de boue et à remonter dans leur clocher à jour. Guidés par leur son, les habitants du village les trouvèrent facilement, et, tout joyeux, les rendirent à leur chapelle.

On peut se demander si l'unique cloche de l'église paroissiale — car si Saint-Côme avait alors deux cloches, l'église paroissiale n'en avait qu'une — fut descendue. Il semble bien que si le maire, les officiers municipaux et le procureur de la commune déclarent se charger eux-mêmes de cette besogne, c'est avec l'intention bien arrêtée de n'en rien faire. En effet, plus d'un mois plus tard, la cloche est toujours en place. Mieux encore, la municipalité convient, le lendemain de Noël, avec Corentin Gannat, maréchal-ferrant à Pratigannat, en Plomodiern, de faire des réparations « sur nostre cloche et sur nostre orlauge » (sic).

Le même jour, une lettre du Directoire de Landerneau exige que les cultivateurs de Saint-Nic approvisionnent en blé le marché et la commune du Faou. Non seulement on leur demande leur blé, mais on exige qu'ils le transportent eux-mêmes au Faou, c'e‘st-à-dire à 20 kilomètres de chez eux. Cette désinvolture ne dut pas plaire aux officiers municipaux, car ils ne s'empressèrent pas d'obéir. Le procureur de la commune se fâcha et après avoir « requis le maire et officiers municipaux de faire leur diligence sur les réquisitions, il les laisse en leur risque, péril et fortune » ! !

Quelques jours auparavant, Marguerite Phérézou, veuve de Thomas Marc, de Kermot, est obligée de fournir une couverture de laine. Elle devra la déposer à la maison commune, et la municipalité se chargera de la remettre « entre les mains des administrateurs, du directoire du district de Chateaulin ».

Comme on le voit, la réquisition ne portait pas seulement sur les produits de la terre, mais aussi sur les objets les plus invraisemblables...

(Abbé Corentin Parcheminou).

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