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Prêtres réfractaires. Lois et sanctions portées contre eux.

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Lorsque, le 27 Novembre 1790, l'Assemblée Constituante avait exigé du clergé le serment à la Constitution civile, elle ne portait point contre les prêtres réfractaires d'autre sanction que la destitution de leurs fonctions. Peu à peu, d'autres sanctions suivirent. Un an plus tard, les prêtres insermentés furent déclarés déchus de leurs droits civiques, soumis à la surveillance de l'autorité et passibles de deux ans de prison. Le 27 Mai 1792, les Girondins firent voter un nouveau décret contre eux. Tout prêtre insermenté, dénoncé par vingt citoyens actifs, serait exclu du territoire français, à la seule condition que les directoires de son département ou de son district ne s'y opposeraient pas. Enfin, le 18 Mars 1793, la Convention vota une loi qui accordait un délai de huit jours aux réfractaires pour quitter la France ou pour se mettre à la disposition des corps administratifs qui se chargeraient de les déporter. Passé ce délai, ils seraient impitoyablement condamnés à mort.

Mais déjà, avant cette loi du 18 Mars, les prêtres réfractaires de chez nous avaient quelques raisons de se cacher. « Ils étaient déjà tellement surveillés par les administrations et les citoyens patriotes du Finistère, qu'ils n'avaient déjà plus de retraite que dans les lieux les plus inaccessibles. D'où il est résulté que le plus grand nombre a ignoré longtemps l'existence de cette loi et n'a pu profiter de la huitaine qu'elle accorde pour sortir du territoire de la République.

Considérant cependant que le but moral de cette loi n'a pas dû être seulement de donner des exemples terribles ; qu'il doit être au contraire dans le caractère du représentant d'une Nation généreuse de n'ordonner des exécutions sanglantes qu'alors qu'il est impossible de les éviter ;

Considérant néanmoins qu'il est plus pressant que jamais d'empêcher que les prêtres réfractaires fanatisent les habitants des campagnes et de prémunir ceux-ci contre toute espèce de séduction en réprimant la facilité coupable avec laquelle ils les recèlent encore ;

Considérant que la loi du 18 Mars est restée muette relativement aux prêtres qui se présenteraient d'eux-mêmes sans avoir été saisis par la force armée ou par les citoyens, qu'il est de l'essence d'une administration–paternelle de dire aux administrés quelles sont les obligations que la loi leur impose avant d'en déployer contre eux la sévérité ; voulant faire connaître aux citoyens qui ont pu prendre quelque intérêt à ces prêtres de mauvaise foi, que l'administration toujours ferme dans ses principes touchant le maintien de l'ordre, désire néanmoins éviter l'effusion du sang, le Conseil général du Finistère prend sur sa responsabilité de renouveler en faveur des prêtres réfractaires qui se présenteront d'eux-mêmes le délai de huitaine accordé par la loi du 18 Mars. Mais le nouveau délai expiré, si ces réfractaires persistent encore dans leur criminelle résistance à la volonté de la Nation, ils ne mériteraient plus aucune grâce, et les citoyens seraient eux-mêmes repréhensibles s'ils hésitaient à les livrer, ou du moins à les chasser de leurs maisons comme on chasse des loups dévorants qui n'ont que la soif du meurtre et du carnage... ».

C'est toujours la même histoire : les loups veulent se faire passer pour des agneaux et veulent faire passer leurs victimes pour des loups chargés de crimes.

Chacun sait que les prêtres réfractaires formaient la partie la meilleure et la plus sainte du clergé. Ils n'avaient commis aucun crime, mais avaient courageusement refusé à la Constitution civile du clergé un serment qui répugnait à leur conscience de bons prêtres. De là, les sanctions rigoureuses prises contre eux. Privés de leurs traitements, chassés de leurs demeures, ils n'étaient point partis. Ils disent la messe, prêchent, administrent les sacrements. Abandonnant leurs églises aux intrus qui sont d'ailleurs mal vus un peu partout, les prêtres réfractaires officient dans les granges, les maisons particulières.

Le Conseil général du Finistère leur donne un nouveau délai de huit jours pour se mettre à la disposition des autorités. Il le fait en ces termes :

ARTICLE 1er. — Le Conseil arrête de donner et donne un nouveau délai de huit jours à tous les Prêtres dans le cas de la déportation qui seroient en ce moment sur le territoire du Finistère, pour quitter les retraites où ils se tiennent cachés et pour se présenter devant les administrations.
ARTICLE 2ème. — Les Prêtres dans le cas de la déportation qui se présenteront d'eux-mêmes seront envoyés au chef du Département pour y demeurer avec les autres ecclésiastiques qui y sont déjà détenus.
ARTICLE 3ème. — Cette détention durera jusqu'au moment où le Directoire, chargé de l'exécution, aura trouvé à prendre les mesures nécessaires pour effectuer leur déportation.
ARTICLE 4ème. — Le délai de huit jours ci-devant fixé ne commencera à courir qu'à compter du jour de la publication dans les municipalités.
ARTICLE 5ème. — Les directoires de Districts seront tenus d'adresser cet arrêté aux municipalités de leur arrondissement respectif aussitôt qu'il leur sera parvenu et de prescrire aux officiers municipaux d'en accuser réception dans 24 heures au plus tard.
ARTICLE 6ème. — Les procureurs des communes requéront aussi dans 24 heures, les officiers municipaux ordonneront, et les secrétaires greffiers effectueront sans désemparer la transcription sur les registres des délibérations.
ARTICLE 7ème. — Cet arrêté sera en outre affiché à la porte de la maison commune, et publié à la sortie de la messe de paroisse le premier dimanche ou jour de fête qui suivra sa publication...
ARTICLE 9ème. — Le délai ci-dessus une fois expiré, tout prêtre non sermenté qui n'auroit pas sorti du territoire de la République ou qui ne se seroit pas remis à la discrétion des corps administratifs sera saisi, conduit au chef-lieu de District et jugé conformément aux Lois...
ARTICLE 11ème. — Ceux qui recevront ces Prêtres après la publication du présent arrêté sont déclarés perturbateurs du repos public et seront punis comme tels.

Après la publication de cet arrêté à Saint-Nic, aucun prêtre réfractaire ne se présenta, aucun ne donna signe de vie. Et quelques mois plus tard, lorsqu'on demanda à la municipalité de donner un état des biens appartenant aux prêtres déportés, elle répondit qu'aucun prêtre de Saint-Nic n'avait été déporté ou du moins s'il en existait et s'ils avaient des propriétés dans la commune, elle n'en savait rien.

Il y avait au moins un prêtre réfractaire qui possédait des terres sur le territoire de Saint-Nic, et la municipalité devait le savoir. Mais elle fut assez sage pour fermer les yeux, et assez honnête pour ne pas appliquer ces décrets barbares. Ce prêtre c'était Jean Piclet, curé de Locronan, qui possédait une ferme au Grand-Launay. Né au bourg de Saint-Nic, à Ty-Glaz, en 1739, il fut d'abord placé à Pouldreuzic. Il était curé dé Locronan depuis 1787, lorsqu'éclata la Révolution. Il refusa de prêter le serment et se rendit volontairement à Quimper, en Janvier 1793. Il fut interné d'abord à la maison d'arrêt, puis, à partir du mois de Février, à Kerlot (PEYRON, Documents, II, p. 120). Transféré ensuite aux Capucins de Landerneau, il signa avec plusieurs de ses confrères la pétition du 27 Décembre 1794, par laquelle les détenus originaires de Cornouaille demandaient leur retour à Quimper : « Plongés dans la misère, écrivaient-ils, manquant presque de pain, réduits à un seul repas par la modicité du traitement fixé pour notre subsistance, nous avons besoin d'être à portée des secours de ceux avec lesquels nous sommes unis par les liens du sang et de l'amitié » (PEYRON, Documents, II, p. 156).

On fit droit à leur demande le 27 Janvier 1795, et les pétitionnaires furent conduits à Quimper le 13 Février.

Le 2 Avril 1795, à la faveur de l'arrêté de Guezno, et Guermeur, ils étaient mis en liberté.

Quelques semaines plus tard, l'abbé Piclet est à Douarnenez ; il y célèbre la messe à Sainte-Hélène et est pour ce fait dénoncé à l'agent national du District de Pont-Croix, par Piriou, agent national résidant à Douarnenez. Voici cette lettre telle qu'elle se trouve aux Archives du Finistère.

« Au citoyen Tréhot, agent national du District de Pont-Croix. Douarnenez, le 9 Floréal, 3ème année.
CITOYEN,
Je te préviens que le cit. Piclet cidevant curé de Locronan, arriva icy le 6 courant ; il a dit la messe le 7 à la chapelle helene qui continue de servir à la desserte du culte catholique ; hier matin il l'a dite dans une maison particulière. Je lui écrivis hier après midy, tu trouveras ci-après sa réponse pour ta gouverne qui sera la nôtre :
« Le 8 Floréal l'an 3ème de la République une et indivisible.
CITOYEN,
A ma sortie de Quimper, n'ayant pas eu connaissance de l'arrêté du 6 Germinal dernier, pris par les citoyens Guezno et Guermeur, je n'avais élu mon domicile, mais je vous déclare citoyen que je le prends ici et qu'en conséquence, le District de Pont-Croix, ayant accordé au citoyen Billiec une église, je me flatte qu'il voudra bien m'en désigner une... Salut et fraternité,
PICLET ».
Tu verras s'il y a lieu de lui accorder ses prétentions, je ne le crois pas, puisqu'il ne nous reste qu'une que sert à l'Exercice du culte, l'autre est en vente, qu'il l'achète. Salut et amitié,
PIRIOU, Agent national »
.

Le 21 Septembre 1795, l'abbé Piclet signe, avec douze de ses confrères, la lettre encyclique des prêtres insermentés de la ville de Quimper (PEYRON, Documents, II, p. 391).

Le 15 Novembre, il est de nouveau arrêté et interné au Collège de Quimper. A la date du 7 Germinal, an IV (27 Mars 1796), un certificat médical lui est délivré, libellé comme il suit :

« Piclet, à la suite d'une maladie longue qu'il a contracté il y a plusieurs années, a éprouvé et éprouve encore des douleurs aiguës à la cuisse droite, qui ont raccourci cette partie au point de le faire boiter considérablement et de rendre la marche difficile et pénible » (Archives départementales).

Sorti de prison, il allait quitter le pays le 30 Brumaire, an IV (20 Novembre 1797), quand il fut arrêté une troisième fois. Le 7 Août 1798, il entrait à la citadelle de Saint-Martin de l'île de Ré. Celle-ci était devenue le dépôt général de tous les déportables après la capture de la Vaillante par les Anglais. Au dire de Manseau, jusqu'au 2 Décembre 1800, l'on. y compta 1.023 prêtres ou religieux. « Aussi eurent-ils autant à souffrir de la gêne que, des privations, le pain était noir et grossier, le vin âpre et répugnant, la morue rance et dégoûtante ; les légumes, toujours des haricots, étaient tellement vieux qu'ils étaient rebelles à la cuisson. La viande, prescrite sept jours par décade, faisait souvent défaut ; et, si la piété des fidèles du pays et du voisinage n'était venue au secours des pauvres déportés, la plupart, parmi les vieillards surtout, auraient succombé sous le poids des misères et des privations » (MANSEAU : Les prêtres et religieux déportés sur les côtes et dans les îles de la Charente, II, 148).

« L'abbé Piclet fut un de ceux qui succombèrent. Il y mourut le 19 Pluviose, an IX, après deux ans et demi de détention, à l'âge de 62 ans » [Note : Cf. H. Pérennès : Les Prêtres du diocèse de Quimper morts pour la foi ou déportés pendant la Révolution, II, 161, sq.].

Les documents ne nous ont pas gardé d'autres noms de prêtres réfractaires. Cependant, la tradition rapporte qu'au plus fort de la Terreur, un prêtre resta caché aux environs de Stanquélen. Une barrique enfouie en terre au milieu du bois de Kerzant lui servait, dit-on, de refuge. Le jour, il y restait terré, puis la nuit venue, il sortait de sa cachette et s'en allait exercer son ministère dans les villages environnants, disant la messe dans quelque grange écartée, administrant les malades, baptisant les enfants, bénissant les mariages. Et les braves campagnards, loin de voir en lui un « loup dévorant », le regardaient comme leur vrai pasteur, parce qu'il risquait chaque jour sa vie pour leur faire du bien...

(Abbé Corentin Parcheminou).

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