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Réquisitions. — Fraudes. — Résistance. Punition des récalcitrants.

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A l'automne de 1792 et 1793, les cultivateurs avaient semé le moins possible, la moisson de 1794 n'est pas encore faite. Leur reste-t-il assez de grain pour leur propre entretien ? On ne sait. Mais les fonctionnaires chargés des réquisitions ne s'arrêtent pas à de telles considérations. Un arrêté du Comité du Salut public est porté, le 20 Messidor, à la connaissance des Saint-Nicais. Il porte que les possesseurs d'avoine qui la refuseraient à la réquisition ou en cacheraient quelque quantité seraient regardés comme suspects et punis comme tels : « Considérant que les avoines sont une partie essentielle de la subsistance de ce district, que les administrateurs sont chargés de faire provisoirement le prélèvement des quantités rigoureusement nécessaires pour ne pas compromettre la subsistance des administrés jusqu'à la coupe des premières graines, le Conseil municipal arrette de requérir et requiers tous les possesseurs d'avoine de cette commune de rendre tout les avoines qu'ils ont en leur possession, à l'exception de 20 livres pour chaque individus, au magazin de la République à Port-Launay, sous leurs responsabilités et sous huit jours à compter du jour d'aujourd'hui ; et ceux qui refuseront d'obéir à cette réquisition seront traités comme suspect et punis comme tels... ».

« Etre traité de suspect et être puni comme tel », on sait ce que cela signifiait... Cela signifiait qu'on était considéré comme « ennemi du peuple », « ennemi de la liberté » et marqué pour la guillotine !.

C'est le refrain sinistre qui revient maintenant à la fin de chaque ordre de réquisition. Vous ne répondez pas avec enthousiasme quand on vous demande votre blé ? Vous êtes, suspects. Vous ne voulez pas donner vos boeufs à vil prix ? Vous êtes suspects. Vous résistez quand on vous exproprie ? Vous êtes suspects. Revenez à de meilleurs sentiments, ou gare à l'échafaud.

Les paysans ainsi avertis, les réquisitions continuent. Le 7 Thermidor, le citoyen chargé de l'Administration des prisonniers de guerre de la Marine demande 40 quintaux de beurre ! La quote-part de Saint-Nic est de 50 livres. Et ce beurre « salé ou frais » devra être rendu à Ville-sur-Aulne le surlendemain. Alain Kernévez, du Cosquer, et Jean Latreille, de Porz-Quintric, le fourniront, et il leur sera payé à raison de 10 sols la livre.

A la dernière réquisition de froment, il manquait 29 quintaux. On les réclame le 4 Thermidor, par des menaces, naturellement. On réussit à en trouver 26, ce qui montre que malgré toutes les menaces les fraudes continuent.

Partout, les populations souffrent de la faim. Toutes les denrées manquent à la fois. Les marchés sont vides. La récolte a été déficitaire. Et dans tout le pays, c'est la misère et la ruine. Pour essayer d'éviter la famine, le Comité du Salut public s'en prend une fois de plus aux cultivateurs, dans son arrêté du 13 Thermidor, an II de la République une et indivisible... « Le Comité du Salut public voulant préparer les moyens de faire renaître l'abondance dans l'étendue de la République, et procurer à tous les consommateurs la faculté de trouver dans les marchés tout ce qui leur sera nécessaire, arrête :

Article 1er. - Tous les cultivateurs sont en réquisition pour garnir et approvisionner les marchés en quantité suffisante de toutes espèces de denrées et surtout de grains.

Article 2. — Si les cultivateurs ne s'empressaient pas de concourir à garnir les marchés de leur arrondissement, — ce qui supposerait la plus grande malveillance, — ils seront tenus à dater du 1er Fructidor, d'après les demandes qui leur seraient faites, de conduire dans les marchés qui leur seront désignés par les agents nationaux de chaque district et d'après l'arrêté du Conseil général, la quantité de grains proportionnée à leur récolte nécessaire à l'approvionnement de chaque marché.

Article 3. — Il est nécessaire de se servir de la réquisition forcée pour parvenir à faire garnir les marchés. Les Directoires des Districts et les Conseils Révolutionnaires des communes devant présumer qu'il existe encore une coalition au profit d'individus qui au lieu de l'abondance veulent perpétuer la disette, feront informer contre ceux qui n'ayant pas conduit de grain aux marchés paraîtraient être entrés dans cette coalition et les feront arrêter comme suspects, s'ils ne peuvent pas prouver qu'il leur aura été impossible de le faire.

Article 4. — Dans chaque commune où il y aura un marché, il sera choisi un officier municipal qui constatera chaque jour de marché et fera enregistrer la quantité des différentes espèces de grains qui y seraient apportés, le prix qu'ils auront été vendus ; et il aura soin surtout d'empêcher qu'aucun particulier ne puisse acheter que ce qui lui sera absolument nécessaire pour la consommation d'une décade.

Article 5. — Cette règle pouvant donner encore lieu à des malintantionnés de s'en servir (sic) pour prolonger la disette, en allant pendant la même décade, après avoir acheté dans un marché leur provision, en faire autant dans d'autres, chaque municipalité surveillera cette manoeuvre et ceux qui seront convaincus de l'avoir employée seront réputés suspects et arrêtés comme tels.

Article 6. — Chaque municipalité, sur sa responsabilité, aura aussi le plus grand soin d'empêcher qu'aucun habitant de sa commune ne s'approvisionne d'une plus grande quantité de grains ou de farine qu'il ne lui en faut pour sa consommation pendant le cours d'une décade... Pour que les uns n'éprouvent pas pénurie et disette lorsque les autres seraient abondamment approvisionnés, tous ceux qui seront trouvés avec chez eux des grains ou farine provenant d'achats pour plus d'un mois seront dès ce moment regardés et arrêtés comme suspects... ».

La foire du Ménez-Hom, qui se tient au début de Septembre, est achalandée de cette façon. Saint-Nic est tenu d'y envoyer quatre bœufs gras sur l'ordre du Directoire du District qui « nous a requis et requiert de les faire rendre par voie de réquisition à la foire qui se tiendra à Ménez-Com le 29 Thermidor ». Deux propriétaires sont désignés pour y envoyer leurs bœufs, et pour qu'il n'y ait pas de fraude possible, chacun des boeufs est bien décrit : « Yves Lastennet, du Grand-Launay, y enverra les plus âgés de ses bœufs, à savoir le rouge et le châtain-noir. Anne Nicolas, du Bourg rendra les deux plus enciens de ses beuf, scavoir un garnoire et un noire... ».

A peu près chaque jour du mois suivant apporte quelque ordre de réquisition. Le 9 Fructidor, il faut fournir et transporter au ci-devant manoir de Quélern, 39 lits « garnis de leurs accoutrements et propres à coucher deux hommes... ». Toute la paroisse contribue ainsi à permettre à une partie de l'armée française de dormir bien chaudement dans des lits-clos ! Chacun fournit qui un lit, qui un drap, qui une couverture, ou le tout à la fois.

Quatre boeufs gras devront être présentés à la foire d'Argol le 15 Fructidor. Ils seront estimés par expert et tiers et payés sur-le-champ selon l'estimation faite, sans que le propriétaire ait rien à voir dans l'établissement du prix.

Le 13 Fructidor, réquisition de 250 quintaux de froment et autant de seigle à répartir sur plusieurs décades. Le prix en sera payé comptant à Port-Launay au moment de la livraison et suivant le maximum fixé par la loi du 11 Septembre de l'année précédente. Si l'on songe que ce maximum n'était fixé qu'à un tiers en sus du prix courant de 1790 et si l'on songe que la monnaie avait encore considérablement diminué de valeur, depuis la fixation du maximum, on comprendra à quel point les paysans étaient volés.

Le 20 Fructidor, nouvelle réquisition de froment pour le marché de Ville-sur-Aulne. Ce sont Toujours les mêmes noms qui reviennent dans les listes : Corentin Le Bris, de Coatérel ; Mathurin Le Bideau, de Trohom ; Hervé Le Droff, du Petit-Launay ; Jean Le Droff, de Lescorvo ; Alain Hascoët, de Kerscouarnec ; Thomas Join, de Quellien ; Pierre Le Ménez, de Quellien ; Jean Calvez, de Penanvoez ; Marie Fouest, de Brémélec ; Marie Broennec, de Porz-Moro ; Pierre Moré et Jacques Paul, de Pentrez ; Anne Moreau, de Kerninet ; Jean Le Mauguen, du Leuré ; Henry Join, de Gorré-Ker-Penc'hoat ; Guillaume Le Droff, de Porz-Gourmelen ; Pierre Boguion, de Penc'hoat-Tinaou ; Hervé Gallou, de Brénalen ; Yves Kerascoët, de Penanvoez, etc...

Le 22 Fructidor, 4 bœufs sont réquisitionnés pour la foire qui se tient le lendemain au Ménez-Hom. Jean Larour, du Guermeur, y conduira « les deux plus âgés de ses bœufs, l'un noir, l'autre garnoire et qui a la tête blanc ». Jacquette Mazeau, de Gorré-Leuré, y conduira un noir et un rouge.

Le surlendemain, réquisition de 20 cordes de bois, dont 19 à transporter à Crozon et une au corps de garde de Cameros.

Le 12 Vendémiaire, an III, ordre de présenter 10 bœufs gras à la foire de Lanvéoc. Mais l'ordre arrive trop tard. Qu'à cela ne tienne. Un nouvel ordre demande qu'on conduise les 10 bœufs à Ville-sur-Aulne, le lendemain, à 9 heures du matin. Les 10 bœufs ne suffisent pas. Il en faut deux autres pour l'approvisionnement des côtes de Brest. Jean Mauguen, du Leuré, les fournira.

Le 14 Vendémiaire, réquisition de 100 quintaux de paille de froment à transporter au magasin de la République à Ville-sur-Aulne, dans le plus bref délai.

Mais il y a une limite à tout, même à la patience de nos paysans. Et cette fois, ils boudent presque tous, puisque sur 100 quintaux de paille qu'on leur demande, ils n'en donnent que 15. A part Luc Capitaine, Anne, Nicolas et Jacques Marc'hadour, qui donnent chacun 5 quintaux, tous font la grève des bras croisés. Un mois se passe. Ils peuvent penser qu'on les laissera tranquilles, et sans doute déjà, plus d'un se frotte les mains en se disant que la paille dont il a tant besoin pour l'hiver qui vient, va lui rester. Ils oublient que la grève est un moyen qui ne réussit pas en l'an III de la République une et indivisible. En effet, un beau jour ou, plus probablement, un vilain jour de Brumaire, ils reçoivent l'ordre de fournir les 85 quintaux de paille de froment qui constituent le reste de la réquisition du 14 Vendémiaire. Et pour punir leur mauvaise volonté, en même temps que pour leur enlever l'envie de recommencer pareille résistance, ils sont contraints de transporter leur paille, non plus à Ville-sur-Aulne, mais à ... Morlaix ! On leur accorde dix jours pour exécuter l'ordre, et la municipalité est autorisée à procurer chevaux, bœufs, charrettes et voitures à ceux qui n'en ont pas, ce qui revient à faire une seconde réquisition. Pauvres Saint-Nicais qui avaient pu croire un moment que les corvées avaient disparu avec l'Ancien Régime ! Que d'illusions ils gardent encore que la Révolution triomphante brisera peu à peu, jusqu'à les faire disparaître tout à fait.

Un ordre de réquisition du 10 Brumaire aide Corentin Didailler, de Porz-Piriou, à dissiper les siennes. Il faut que le 4 Novembre, vieux style, avant onze heures du matin, ait transporté à Ville-sur-Aulne « les deux plus anciens de ses boeufs, l'un rouge, l'autre jaune ».

Aujourd'hui, à Saint-Nic, on n'attelle plus les bœufs. Au temps de la Révolution, au contraire, c'était chose courante. Il advint qu'un jour, le 7 Frimaire, an III, les deux bœufs de Jean Piriou, de Costéker-Penc'hoat, furent réquisitionnés. Or, c'étaient deux bœufs de labour et il n'avait que ceux-là. La Révolution était cruelle. Singulièrement gêné par cette réquisition, le pauvre Jean Piriou vint exposer ses difficultés et ses doléances à la municipalité, et bientôt tout fut arrangé au mieux des intérêts — non pas de tous — mais du moins du plaignant. « Nous arrêtons, dirent les officiers municipaux, qui étaient de braves gens, nous arrêtons de requérir au dit Jean Piriou deux bœufs à remplacer les siens pour le besoint de son ménage dans les endroit qu'il y a quatres. Et nous avons vu que le citoyen Hervé Guéguéniat de Penanvoez a quatres bœufs à son disposition. En conséquence nous requéron le dit Guéguéniat de donner deux de ses bœufs à Jean Piriou pour faire l'ouvrage de son ménage... ».

(Abbé Corentin Parcheminou).

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