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Renouvellement du Conseil municipal. Décrets contre les Emigrés. Confiscation de biens. |
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Peu après cette délibération qui lui fait honneur, le Conseil municipal fut renouvelé. Le citoyen Etienne Le Droff devient maire. Les citoyens Gannat, Harscoët, Laouénan, Larour et Join deviennent conseillers, et Hervé Latreille, de Keréon, est élu procureur de la commune.
L'un des premiers soins de la nouvelle municipalité est d'exécuter les décrets contre les Emigrés. Beaucoup de ceux-ci sont des malheureux dont le seul crime est d'avoir été contraints de quitter leur pays pour échapper à la ruine et à la mort. Leurs biens sont confisgués. Et un décret de la Convention, en date du 1er Février 1793, ordonne aux municipalités de dresser sans délai l'état des biens des Emigrés de leurs communes.
Chaque fois qu'une mesure importante est à prendre, chaque fois qu'elle doit exécuter un décret qui lui paraît extraordinaire parce qu'il va contre toutes les idées reçues jusque là, la municipalité prend bien soin de s'entourer des principaux notables de la commune. Les responsabilités étant partagées entre un plus grand nombre semblent moins lourdes.
Les notables convoqués sont cette fois : Corentin Le Bris, de Coatérel ; Louis Lastennet, de Lessirguy ; Alain Kernévez ; Corentin Larour ; Pierre Moré ; Hervé Gallou ; Henri Join et Jean Le Droff.
Pendant des siècles, le prône du recteur fut l'unique mode de publicité. C'est du haut de la chaîre qu'étaient lus tous les actes publics, depuis les ordonnances du Pouvoir jusqu'aux avis de ventes. A la suite d'un édit de 1695, ce genre de publicité par le prône fut interdit par les évêques. Mais voici qu'il est rétabli par la Révolution, lorsque la Constitution civile du clergé fait des ecclésiastiques des fonctionnaires publics. Et c'est à la suite de la convocation faite la veille au prône que se réunissent, le 8 Avril 1793, conseillers et notables.
Avant de faire le relevé des biens des Emigrés, il faut savoir qui sont ces Emigrés. Il y a certainement parmi eux de Moellien-Gouandour, propriétaire de Porzandour ; de Kergariou, propriétaire de Porzamborgne ; de Brézal-Tinténiac, propriétaire du manoir et du moulin de Pentrez ; de Bouteville, propriétaire du Petit-Launay, et enfin de Kersauzon. N'y en a-t-il pas d'autres qui aient des biens dans la paroisse ? Les municipaux n'en sont pas sûrs ou ne veulent pas le dire. « S'il y en a d'autres, disent-ils, nous sommes avis de faire nos possible à cet effet ... ». Mais ceux dont ils donnent les noms sont-ils bien des Emigrés ? Ils disent : « Nous pensons... Nous croyons ». En tout cas, ils décident « de prendre les moyens nécessaires pour dresser l'état des biens » des familles citées, et de faire diligence pour adresser cet état aux administrateurs du district.
En Décembre suivant, ils s'aperçoivent qu'ils ont oublié, — est-ce bien un oubli ? — de citer parmi les Emigrés Jacques-Etienne de Trédern, de Coativrac'h, seigneur de Guermeur. Cet oubli paraît d'autant moins vraisemblable que l'un des municipaux, Jean Larour, du manoir Guermeur, est fermier du dit Trédern de Coativrac'h. A celui-ci appartient le manoir du Guermeur, pour lequel Jean Larour paie 240 livres de fermage par an, le lieu de Berrien pour lequel le même Jean Larour doit la somme de 39 livres de rente domaniale, et plusieurs bois taillis : le bois du Guermeur, Coat-Kall, Coat-Kom et Coat-Kerhas. De Trédern possède aussi un moulin affermé à Hervé Le Droff, du Petit-Launay, pour 150 livres par an.
Tous les biens de ces Emigrés sont tout d'abord
confisqués, puis vendus comme biens nationaux. Et un certain nombre de fermiers
deviendront ainsi propriétaires des dépouilles de leurs anciens maîtres. Ils le
deviendront d'ailleurs facilement, grâce à la dépréciation rapide des assignats.
En effet, « par un contraste très naturel, l'assignat qui ruinait les villes
enrichissait les campagnes. Les biens nationaux étaient payables en assignats et
les acquéreurs avaient douze ans pour se libérer. Comme l'Etat reprenait son
papier au pair, il suffisait d'attendre la baisse, pour profiter de la
différence entre la valeur nominale et la valeur réelle..
En 1796, un
assignat de 100 livres, qui valait six sous, était accepté aux guichets
officiels en paiement de 100 livres de bonne terre. Les paysans qui, en échange
de leur blé ou de leur beurre, recevaient des quantités croissantes de
vignettes, pouvaient avoir une ferme au prix d'un pigeonnier. Plus le mouvement
de dégringolade s'accéléra, plus grand fut leur bénéfice... Les ruraux furent
les grands profiteurs de l'affaire... ».
« Craignant d'être dépossédés par une réaction, d'autant plus attachés à leur terre qu'ils l'avaient eue pour presque rien, les acquéreurs de biens nationaux devinrent les défenseurs obligés du régime qui les avait rendus propriétaires à si peu de frais... » (GAXOTTE : La Révolution française).
Ce n'est pas seulement les terres et les fermes des Emigrés qui seront vendues comme biens nationaux, mais aussi, et avant tout, les biens d'Eglise dont nous avons parlé. Le presbytère fut vendu à un certain Valéry Cormier, qui le céda ensuite à Michel Damoy, Normand d'Evreux, qui deviendra maire de Saint-Nic. Il donnera son nom au vieux presbytère qui s'appellera désormais Kerdamoy. Ses descendants l'habitent encore vers 1908.
Les maisons, jardins et dépendances appartenant à la fabrique de Saint-Côme furent acquis par Yves Guéguéniat.
Enfin, Penhoat-Tynaou, propriété de la fabrique de Crozon, fut également vendu.
Une
fois de plus, se vérifiait la définition : « Qu'est-ce qu'une Révolution ?
—
C'est une translation de biens, au détriment des uns et au bénéfice des autres ».
Mais que d'injustices, que de souffrances, sous cette boutade ironique !
La question agraire résolue au delà de leurs espérances, les paysans ne souhaitaient rien de plus. Ils auraient voulu que la Révolution s'arrêtât là, puis-qu'elle leur avait donné tout ce qu'ils désiraient, et plus encore..
La Révolution continue, et bientôt les paysans la maudiront, quand viendront les jours sombres des restrictions et des réquisitions à outrance...
(Abbé Corentin Parcheminou).
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