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Evaluation de la dîme du Recteur et du presbytère. - Abolition des privilèges, droits et prééminences de Seigneurs.

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Dans la nuit du 4 Août 1789, nuit demeurée fameuse, l'Assemblée Constituante décréta l'abolition de tous les privilèges, tant des communautés que des personnes. « Dans une sorte de délire sentimental, coupé d'acclamations et de larmes, on adopta pêle-mêle la suppression des droits féodaux, des garennes, des banalités, des dîmes, du casuel, des immunités provinciales et municipales » (GAXOTTE : Révolution française).

Le 2 Novembre suivant, l'Assemblée déclare à la disposition de la Nation tous les biens du clergé. Ce n'est pas encore la mise en vente, ni même le séquestre, mais on y viendra. En Avril 1790, le clergé était dépossédé purement et simplement.

C'est en vertu de ces divers décrets et sur l'invitation de Messire Le Nir lui-même, que le maire, le procureur de la commune et les officiers municipaux montent au presbytère, le 31 Octobre 1790, y mesurer le blé de la dîme du Recteur. Celui-ci les prie « de remplir avec exactitude le décret de l'Assemblée Nationale », et le travail commence. La dîme comprend en froment, quarante mesures de roi pesant cent livres ; en seigle, quatorze mesures ; en orge, cinquante mesures combles ; et en avoine, quarante-cinq mesures de roi « aussy combles ».

Reste ensuite à évaluer le presbytère lui-même, devenu bien national. Outre la maison, la cour et le jardin, le domaine du Recteur comprenait un champ labourable d'un demi-journal d'étendue, une « garenne à lande » de deux journaux environ, un pré fauchable et une aire à battre, mesurant ensemble un journal et demi, deux vergers d'un demi-journal et enfin un bois taillis de trois journaux. Avec cette petite ferme, Messire Le Nir pouvait avoir cheval et voiture. Les municipaux parcourent ces terres et évaluent le tout vingt-quatre livres, la maison presbytérale, sa cour, son jardin et le bois taillis exceptés. C'est peu.

Les jours sont courts à cette époque de l'année. Le soir arrive et ce n'est pas fini. Mais le lendemain, c'est la Toussaint, et ils pourront terminer ce qu'ils n'ont pu faire la veille. Ce sera aussi une occasion pour passer l'après-midi au presbytère, après vêpres. Ils ont encore à évaluer le blé de la dîme mesurée hier. Ils estiment la mesure de roi froment dix livres, dix sols ; le seigle, même mesure, cinq livres, quatorze sols ; l'orge, « mesure comble de roy », trois livres, dix sols ; l'avoine, « même mesure de roy comble », trois livres ; et la paille de la dîme soixante livres. La valeur de la dîme s'élève donc à la somme de 869 livres, 16 sols. Dans cette somme est comprise la portion congrue du curé ou vicaire, qui est de 350 livres. Puis il faul compter les charges : 100 livres pour frais d'exploitation de la dîme elle-même et deux fois 56 livres 10 sols pour le vingtième payés en argent au collecteur. De sorte qu'en fin de compte, le revenu net de la dîme se trouve réduit à 306 livres 16 sols.

La dîme se percevait rarement à la dixième gerbe, comme son nom l'indique. En Bretagne, l'usage le plus fréquent la fixait à la trentième gerbe.

Lorsque Messire Le Nir eut exposé les charges de son bénéfice, les officiers municipaux trouvèrent sa délibération « sincère et valable » et l'approuvèrent. Pour le moment, tout s'arrête là, et bien que le clergé soit dépossédé de ses biens depuis le mois d'Avril, le Recteur continuera à habiter le presbytère pendant plusieurs années encore.

***

L'Assemblée nationale ayant aboli tous les droits et prééminences des seigneurs, on s'empressa un peu partout de supprimer jusqu'aux signes de ces droits féodaux, afin d'en supprimer jusqu'au souvenir. C'est sous ce prétexte que dans toute la France furent mutilées tant d'œuvres d'art et accumulées tant de ruines.

Les idées nouvelles ne pénètrent pas rapidement dans les masses paysannes. Ce n'est qu'en Novembre 1790, que le Conseil municipal commence à s'émouvoir. Tout à coup, il s'aperçoit qu'il serait dangereux de garder plus longtemps dans nos églises ce qui, de près ou de loin, rappelle la féodalité, et c'est pourquoi il charge Henry Join, procureur de la commune, d'enlever les bancs des seigneurs, de faire disparaître les enfeus et les armoiries de l'église paroissiale et « autres chapelles » de la paroisse. Peut-être hésite-t-il encore, car c'est seulement deux mois plus tard, en Janvier 1791, qu'il conclura un marché avec un maçon de Pleyben, Gilles Rannou, qui, pour la somme de 36 livres, consentira à « combler les enfeus et effacer les armory en dedans et en deshors de l'églize parroisial et de la chapelle de Saint-Cosme ». Ceci nous laisse supposer que la chapelle de Saint-Jean et la Chapelle-Neuve ne possédaient rien qui rappelât l'Ancien Régime. Ceci nous prouve aussi que les murs de l'église paroissiale et ceux de la chapelle de Saint-Côme gardent encore dans leur épaisseur des enfeus, puisque ceux-ci furent, non pas détruits, mais tout simplement comblés, murés. Même aujourd'hui, en sondant les murs, il serait possible de les découvrir.

Tous ceux qui ont visité l'église de Saint-Côme ont pu voir vers le bas de l'édifice une vieille pierre en granit bleu posée à terre et accôtée au mur du bas-côté gauche. Elle a été brisée dans la moitié de sa longueur, mais elle garde le blason de Rosmadec : palé d'argent et d'azur de six pièces. Il est évident que cette pierre n'est pas à sa place primitive, et il est probable qu'elle a été enlevée d'un enfeu, à l'époque révolutionnaire.

C'est tout ce qui subsiste aujourd'hui des armoiries que l'on voyait alors, à l'intérieur et à l'extérieur de nos églises, sculptées dans la pierre.

On a hésité davantage, semble-t-il, à briser les armoiries des vitraux. Peut-être a-t-on compris qu'on allait abîmer la partie la plus belle de nos édifices religieux. Peut-être aussi a-t-on eu peur des protestations de la population. De là cette longue hésitation. Quoi qu'il en soit, le 30 Avril 1791, on décida d'achever le travail de destruction. Jean-Louis Cavellier, vitrier de Quimper, se charge, pour la somme de soixante-douze livres, d'enlever les écussons des vitres peintes de l'église paroissiale et de la chapelle de Saint-Côme, et de les remplacer par du verre blanc. Il s'acquitta d'ailleurs très mal de son travail, car de Courcy dit dans la Bretagne contemporaine que l'on voyait encore, vers 1860, dans l'une des vitres de Saint-Côme, les armoiries des Tyvarlen, seigneurs de Brénalen : d'azur au château d'or. Il arriva, d'autre part, qu'en voulant enlever les écussons, il brisa les vitres qui les encerclaient. Et voilà pourquoi la chapelle de Saint-Côme, si remarquable à d'autres points de vue, ne possède aujourd'hui que des vitres ordinaires. Voilà pourquoi les vitraux du transept de l'église paroissiale, dont l'un représente le Jugement dernier et l'autre la Passion, ont été rapiécés avec du verre ordinaire. Dans celui qui représente le Jugement dernier, il reste un écusson, mais il a été raclé, de sorte qu'il est indéchiffrable. Malgré tout, ces deux fenêtres représentent deux joyaux d'art d'une grande valeur [Note : En 1922, un artiste américain les estimait 60.000 dollars chacun]. Ils ont été restaurés vers 1929, par les soins du ministère des Beaux-Arts, soucieux de sauvegarder ces reliques vénérables.

Quelques fragments de verre peint restant au tympan d'une autre fenêtre du côté Sud, prouvent que cette fenêtre a eu aussi des vitraux peints qui ont dû disparaître à la même époque.

Nos édiles pouvaient être contents de leur œuvre et dormir à l'aise. Saint-Nic était sauvé, puisque ses monuments publics et religieux étaient épurés et nettoyés de tout ce qui rappelait la noblesse, ses prééminences et ses bienfaits !

(Abbé Corentin Parcheminou).

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