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SAINT MELAINE

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AVANT-PROPOS.

Au Vème siècle la presqu'île armoricaine eut à subir une terrible crise. Anémiée déjà par la longue occupation de ses vainqueurs, ayant perdu au contact des soldats de César son originalité caractéristique, sa langue, sa vitalité propre, il semblait presque impossible qu'elle put recouvrer un jour son autonomie. Après les incursions des Alains et des Saxons elle dut abandonner tout espoir ; et l'archéologue qui fouille les débris de cette civilisation agonisante rencontre à chaque pas les traces d'un linceul de mort. Elle devint un désert aride, desséché : là où avaient été des cités florissantes, quelques habitants disputaient leur nourriture à d'immenses brasiers ; là où s'étaient étalées des campagnes fertiles, des moissons fécondes, la grande voix lugubre des orages plana seule sur des broussailles enchevêtrées, sur un amoncellement de ruines, et de cendres.

Quand un territoire et un peuple en sont réduits à ce point, les moyens humains ne suffisent plus pour les ressusciter, il faut un miracle ; ce ne serait pas assez d'avoir des héros, il faut des saints. Dieu les accorda à ce petit coin de terre auquel il réservait de si glorieuses destinées. Le miracle fut, pendant près de deux siècles, l'émigration des Bretons d'outre-mer. Détachés du même rameau celtique que nos ancêtres, décimés eux aussi par les barbares, ils partirent à l'aventure et découvrirent des falaises noyées dans la brume, où ils abordèrent. Les saints furent ces abbés, ces moines, ces évêques insulaires qui, avec une persévérance inlassable, au prix d'efforts inouïs, se consacrèrent à la tâche de défricher, d'ensemencer, de cultiver et de sauver à la fois les champs stériles et les âmes païennes.

Lorsque, péniblement, la charrue a pu tracer des sillons dans un de nos terrains incultes et que quelques semences y ont été apportées par une brise céleste, il n'est pas rare de voir des germes ignorés se lever de toutes parts et la lande se couvrir d'épis jaunissants. Ces immigrés providentiels firent de nombreux prosélytes et suscitèrent partout des dévouements. L'homme, dont nous entreprenons ici de raconter brièvement la vie, en est la preuve. De race gallo-romaine, il marcha si bien sur les traces des nouveaux venus, ses modèles, qu'il ne fut inférieur à aucun d'eux par les services rendus à la religion du Christ et à son pays.

L'ENFANT. LE MOINE.

A quelques lieues de Redon, autour des maisons du village de la Blandinaie en la commune de Brain, s'étend une assez vaste propriété jonchée de briques romaines (Guillotin de Corson. - Pouillé, III, 495). Elle était située naguère dans le diocèse de Vannes et appartient aujourd'hui à celui de Rennes. Ce fut là, sur les bords de la Vilaine, dans le manoir de Plaz, — ancien nom de Brain, qui correspond au Placium de son premier biographe (Acta sanctorum, Tome I, Jan., p. 328), — que vint au monde, le 6 Janvier, Melanius, en breton Melan, quelquefois appelé aussi Méléan, Melen, Melani.

L'année de sa naissance a échappé à la sagacité des critiques ; mais, d'après le rapprochement de certaines dates, on peut la fixer au milieu du Vème siècle, entre 442 et 456.

Statue de saint Melaine à Morlaix (Bretagne).

Renommés par leur haute distinction et leur éminente piété, ses parents, estimant avec raison qu'une jeune âme est une fleur délicate qu'on ne saurait entourer de trop de soins et qui ne devrait être touchée que par des mains pures ou consacrées, confièrent à des prêtres l'éducation de leur enfant. Il fit sous leur discipline des progrès étonnants, développa ses dons naturels et acquit bientôt une connaissance approfondie des Livres saints. En même temps que son esprit s'ornait des trésors de la science, son coeur s'ouvrait aux aspirations d'En-Haut : « Il n'y avait pas pour lui de plus grande joie que de visiter les églises, fréquenter les hôpitaux et s'exercer à toutes sortes d'oeuvres charitables » (Albert Le Grand, Vie des saints de Bretagne, 1637, page 510).

En passant, cueillons une légende. Un jour qu'il gardait ses troupeaux, il alla sans permission prier pendant plusieurs heures dans un oratoire voisin. On s'aperçut de cette fugue ; aussi, quand revint le pieux pastour, sa mère s'empressa-t-elle de le fustiger avec une poignée de genêts. Ce châtiment, mérité peut-être et sans doute douloureux, eut un résultat inattendu. Depuis cette époque, alors que les genêts foisonnent aux alentours, il n'en a plus jamais poussé sur le territoire de Brain.

Une vertu si précoce et de si généreux efforts devaient dès ici-bas recevoir leur récompense. La Providence l'accorda à l'angélique enfant en murmurant à ses oreilles cet appel mystérieux qui vient parfois, à l'aube de l'adolescence, remuer les fibres les plus intimes de certains êtres privilégiés. Sur la fortune, sur le monde, sur les honneurs il jeta un regard dédaigneux, méprisant, se détourna et choisit la croix de Jésus. Regardant autour de lui, il vit des hommes au crâne rasé, à la robe de bure, qui avec cette croix, deux morceaux de bois entrecroisés, régénéraient sa patrie, il les envia et sa décision fut irrévocable il sera plus qu'un simple chrétien ordinaire, plus qu'un simple prêtre, il sera moine.

Le jeune Melanius céda à son attrait et à l'inspiration du ciel. Vers l'âge de 18 ans, croit-on, il embrassa la profession religieuse, sans que l'on sache à l'abri de quel cloître il alla goûter cette paix dont la vie séculière ne possède pas le secret. Il ne s'y rendit pas seul : entrainés par son exemple, plusieurs seigneurs l'y suivirent, Car la foi de ce néophyte était telle qu'avant même d'être un apôtre, il fut un pêcheur d'hommes.

Quelques années après, l'abbé de ce couvent étant mort, les religieux, édifiés des vertus qui brillaient en Melaine, l'élurent d'un commun consentement pour les guider dans la voie de la perfection. Le saint se jugeait indigne de cet honneur et d'une si lourde charge, il voulut les refuser, mais il dut s'incliner devant les désirs de ses frères et l'autorité de son évêque. « Quand il se trouva placé à la tête de la communauté, charitable envers chacun, indulgent à autrui, sévère à soi-même, il réprima les plus revêches, encouragea les vertueux, excita les pusillanimes et confirma par son imitation les parfaits » (Albert Le Grand, Vie des saints de Bretagne, 1637, page 511).

L'EVEQUE.

Le bienheureux Amand occupait alors le siège épiscopale de Rennes. Accablé par la maladie qui devait finir ses travaux et sentant venir sa fin prochaine, il apprend par une révélation surnaturelle que son successeur serait Melanius et il l'envoie chercher. Le pieux prélat était étendu sur son lit au milieu d'une foule en larmes, qui remplissait son palais. Tout à coup un moine fend cette foule. Le moribond qui l'aperçoit se dresse sur sa couche : « Fils bien-aimé, murmure-t-il, prépare-toi à veiller avec sollicitude sur le troupeau que le Souverain-Pontife doit te confier après ma mort » (Roumain de la Rallaye, Vie des saints de Bretagne, page 3). Puis, après l'avoir bénit, un éclair de joyeux espoir illumina ses yeux qui se fermèrent pour toujours.

Statue de saint Melaine (Bretagne).

Cette annonce prophétique impressionna vivement les assistants ; ils y virent un ordre formel du Très-Haut et ne tardèrent pas à l'exécuter. Quand S. Amand eut rendu le dernier soupir et qu'on eut célébré ses obsèques, un grand nombre de clercs, de prêtres, de laïques coururent se jeter aux pieds de Melanius « qui ne pensait à rien moins qu'à cela » (Albert Le Grand, Vie des saints de Bretagne, 1637, page 511) et, malgré sa résistance, au bruit d'acclamations enthousiastes, l'arrachèrent de son monastère et le choisirent pour pasteur.

Ce ne serait pas assez d'affirmer que tel avait été l'abbé, tel fut l'évêque. Parvenu à cette dignité qu'il n'avait acceptée qu'en tremblant, le nouveau pontife fut d'abord obligé à son grand regret de modifier sa manière de vivre : « Autrefois, disait-il avec une certaine amertume, je n'avais à songer qu'à moi-même, maintenant il faut que je m'efforce de procurer la sanctification des autres ». En effet, après s'être enfermé dans un cloître pour s'y ensevelir dans le silence et l'oubli, il était contraint d'en sortir ; après avoir si soigneusement évité la société des hommes, il se voyait forcé d'entrer en rapports avec eux ; méprisant le monde, il était condamné à s'occuper des intérêts terrestres. Autant d'épreuves à subir, autant de croix à porter, autant de perles à sertir pour sa couronne éternelle.

Ensuite, loin de rien retrancher aux rigueurs de sa vie claustrale, l'évêque de Rennes, pour travailler plus efficacement au salut du peuple dont il était devenu le père, regarda comme une obligation de redoubler ses jeûnes, ses veilles, ses macérations et ses prières. D'une intransigeance absolue quand il s'agissait de la doctrine de l'Evangile, sa parole se faisait caressante lorsqu'il s'adressait à des affligés ou à des coupables et il s'en dégageait un charme auquel il était impossible de se soustraire. « Ne représentait-il pas dans sa personne le Dieu crucifié qu'il prêchait, et comment ne pas se rendre aux exhortations d'un croyant qui n'exigeait des autres qu'une minime partie de ce qu'il pratiquait lui-même ! » (Dom Lobineau, Vie des saints, I, page 115).

Aussi n'est-ce pas surprenant, qu'avec un coeur dévoré d'un zèle si brûlant et une chair domptée de si bonne heure par les austérités, il eut l'indicible consolation d'extirper à jamais de son diocèse les restes du paganisme qui y subsistaient encore.

Malgré les devoirs de sa charge, au milieu des honneurs, le doux pontife gardait une secrète inclination pour sa vocation première. Quand, après le décès de ses parents, il fut entré en possession du domaine de Plaz, il s'empressa de le transformer en monastère, L'église en était considérable, s'il faut en croire son plus ancien biographe qui l'appelle une basilique, disant que S. Mars trouva « Melanium in Placio in sua basilica orantem » (Apud Bollandum, Acta sanctorum, I, 6 Jan.). Ce fut là, sur sa terre natale, qu'il aima jusqu'à la fin de son existence à aller fréquemment se reposer, tant il est vrai que les saints, obligés de vivre dans le monde, n'y sont restés que par nécessité et l'ont toujours fui par attrait.

Ville de Rennes (Bretagne).

LES MIRACLES.

Une vie si pure, si élevée au-dessus des faiblesses de la condition humaine, devait être marquée de ces opérations surnaturelles qui sont parfois l'apanage des vertus héroïques. Dieu se plut à glorifier son serviteur par de nombreux miracles et ses Actes, écrits peu de temps après sa mort, nous apprennent que, par sa médiation, des muets recouvrirent l'usage de la parole, des possédés furent délivrés, des boiteux redressés et des morts ressuscités. Mais, parce que Melanius fut toujours pénétré d'une humilité profonde, de même qu'il se servait tantôt d'huile sainte, tantôt d'un crucifix, tantôt d'eau bénite, ou « d'une légère emplâtre », afin qu'on n'attribuât les guérisons qu'à ces objets sacrés ; de même une infinité de ses œuvres merveilleuses demeurera ensevelie dans un perpétuel silence.

Citons quelques faits qui vont vous montrer les pieux stratagèmes employés par l'humble prélat.

Un jeune homme, dont une infirmité cruelle nouait les deux jambes et qui avait été transporté sur les épaules de ses amis, arrive un jour chez le saint. Celui-ci, touché de compassion, supplie le Seigneur de venir en aide à ce malheureux et commence une prière. Puis, il lave ses pieds avec de l'eau bénite. Au bout de quelques instants, un craquement se produit dans les os soudés et le malade, se dressant debout, se met à marcher, sans aucune fatigue, sans douleur. Une telle grâce fut payée d'une reconnaissance si rare que le souvenir mérite d'en être conservé. Non seulement le miraculé s'attacha à son bienfaiteur et ne le quitta plus, mais encore ses descendants, pour témoigner de leur gratitude constante, se succédèrent pendant plusieurs siècles auprès de son sépulcre, dont la garde leur fut confiée (Roumain de la Rallaye, Vie des saints de Bretagne, page 8).

Un chef militaire du pays de Vannes, nommé Eusebius, fort irrité on ne sait pour quel motif — contre les habitants de Comblessac et de Carentoir, fit arracher les yeux et couper les mains à la plupart d'entr'eux. Installé au camp de Marsac, il avait présidé lui-même à ces monstrueuses cruautés, lorsqu'il est pris soudain de douleurs atroces que ses médecins se déclarent impuissants à soulager. Au même moment sa fille, Aspasie, qu'il avait amenée avec lui, tombe à terre et se roule, l'écume à la bouche, en proie à d'horribles crises nerveuses. Désespéré, ne sachant où trouver secours, Eusebius apprend qu'un homme extraordinaire, grand favori de Dieu, était arrivé depuis quelques jours dans un couvent des environs. Fort humblement, au nom de la charité, il l'envoie chercher, le priant de se rendre près de lui : « La distance entre le monastère de Plaz et le camp du Marsac n'était que de six lieues et la voie romaine, qui descendait ensuite vers Duretie, — Rieux — reliait ces deux points » (De la Borderie, Histoire de Bretagne, Tome I, page 332).

L'évêque de Rennes entreprend le voyage, reçoit la confession du prince sanguinaire, lui impose une forte pénitence et, après l'avoir frictionné avec de l'huile consacrée, le guérit ainsi que sa fille. Ce prince fut, lui aussi, reconnaissant et, par une charte scellée de son anneau, donna à son sauveur tout le territoire de la commune de Comblessac.

Un personnage important de Vannes avait assisté à l'agonie de son fils unique possédé par le démon, quand il eut reçu son dernier soupir : « Soulevez ce cadavre, s'écria-t-il, portez-le à Melanius, il saura bien le ressusciter ». Et il se met lui-même en route, suivi d'un grand hombre de parents et d'amis. Lorsque le cortège mortuaire pénètre dans la demeure du pontife et que celui-ci voit la foi du pauvre père dominant l'anxiété de la foule, il dit : « Venètes, à quoi vous sert d'être témoins de tant de prodiges opérés par Jésus-Christ, puisque vous refusez obstinément de croire ? ». Le peuple répond tout d'une voix : « Homme de Dieu, si tu ressuscites l'enfant qui est étendu là, sois assuré que nous croirons au Dieu que tu nous prêches ». Alors le prélat pose une croix sur la poitrine du mort qui se lève d'un bond, pendant qu'une longue clameur s'élève parmi les assistants : « Nous croyons, nous croyons ». Et le saint eut, ce jour-là, l'immense bonheur de les baptiser presque tous (Apud Bollandum, Acta sanctorum, I, 6 Jan.).

L'AMI DE CLOVIS.

La renommée de l'illustre thaumaturge ne tarda pas à franchir les limites de la Bretagne et il nous faut maintenant laisser de côté son rôle spirituel pour nous occuper de son rôle politique, de la, part qu'il prit aux événements, qui se déroulèrent entre 491 et 511.

A cette époque le roi des Franks, ayant soumis à sa domination, les autres chefs de sa race, entra en lutte avec les gouverneurs romains et les cités armoricaines. Barbare par les moeurs mais animé d'intentions droites, Clovis sentit le besoin de s'entourer de personnages éminents et distingués. A qui pouvait-il mieux s'adresser qu'à Melanius, dont l'esprit, clairvoyant, avisé, unissait à la fermeté l'art de démêler les questions les plus difficiles et de persuader avec douceur ?... Il le choisit pour conseiller intime et eut bientôt l'occasion de s'en féliciter.

L'évêque de Rhedons usa de son influence, imposa sa souveraine autorité et, après de longues et sans doute laborieuses négociations, parvint à courber les Gallo-Romains domptés sous le sceptre du roi Frank. Cette accession des cités de l'Ouest de la Gaule doubla la puissance de Clovis ; leur vaste territoire, joint à ceux qu'il possédait ailleurs, lui permit de détruire les Wisigoths et les Burgondes, monarchies ariennes, et de les remplacer par un état catholique.

Ce fait, dont les conséquences devaient être si considérables, fut solennellement sanctionné. Sous l'inspiration de Melanius, le roi décida de convoquer un concile à Orléans et, en 511, trente-deux évêques s'y rendirent. Notre saint en fit-il partie ? On peut le croire, sans oser l'affirmer. Toujours est-il qu'il fut le directeur, l'inspirateur, l'âme de cette imposante réunion. « Il y brilla, nous dit l'auteur de sa vie, comme le vaillant porte-étendard de toute l'assemblée, réfuta les objections des hérétiques et proclama les véritables maximes de la foi orthodoxe » (Vita St-Melanii, dans Bolland, Janv. I, p. 329). Un antique catalogue des conciles tenus en Gaule ajoute : « En 511, à Orléans, les pères décrétèrent des canons dont le principal auteur fut saint Melaine, évêque de Rennes » (Adnotatio Sydanis, Nouv. Archiv. XIV, page 28).

Le résultat de ce concile fut un des plus importants de notre histoire. Le trône et l'autel ne furent plus séparés ; les deux pouvoirs marchèrent d'accord vers un même but, réglant de concert les intérêts moraux et matériels de la nation. Cette union établit la suprématie des Franks dans la Gaule ; cette suprématie fonda la monarchie française et la fondation de la monarchie française fut la création de la France (De la Borderie, Histoire de Bretagne, Tome I, page 330).

Clovis reconnut si bien ce qu'il devait au saint pontife que, pendant tout son règne, il s'empressa d'acquiescer à ses désirs : « Par les conseils de Melanius, le roi construisit beaucoup d'églises neuves, releva celles qui étaient ruinées, travailla à développer le culte, soulagea la misère et rendit exactement la justice à ses peuples » (Vita St-Melanii, dan s Bolland, Jan. I, p. 329).

LA MORT. — LES OBSÈQUES.

Ce fut dans son cher et tant aimé monastère de Plaz, que après avoir bénit ses religieux et s'être lui-même communié, l'évêque de Rennes rendit le dernier soupir le 6 novembre 530 ou 535. La nuit suivante fut consacrée aux oraisons ; le lendemain on offrit pour le défunt le sacrifice de la messe et alors se déroula un spectacle émouvant qui devrait bien tenter le pinceau d'un peintre.

Le corps du saint fut déposé sur un bateau et, autour de sa dépouille, s'agenouillèrent trois évêques : Albinus d'Angers, Lauto de Coutance, Victurius du Mans. D'autres barques se chargèrent de moines, d'ecclésiastiques, de pieux fidèles et toute la flotille remonta la Vilaine « qui lors était peu navigable », au chant des hymnes et des litanies, pendant que sur les deux rives suivait un peuple immense et sans cesse grossissant qui unissait sa voix à celle des clercs. Là-bas, à Brain, on raconte qu'à son départ la nef mortuaire, poussée par le courant, toucha le bord, comme si le saint eut voulu donner à sa terre natale un ultime baiser et que, les soirs d'été, on voit se dessiner sur l'eau un mystérieux sillage.

Quand cette procession funèbre, — j'allais dire ce cortège triomphal — aborda à Rennes, à l'endroit actuellement occupé par l'escalier du Carthage ou le bas de la rue de Rohan, la ville entière l'y attendait avec des cierges, des croix et des bannières. « On aurait cru, au deuil qu'on en faisait, qu'un chacun, en particulier, avait perdu son père ».

Au bord de la rivière, enclavée dans les murs de la cité, s'élevait une tour qui servait de prison et où languissaient douze voleurs. Lorsque ces malheureux entendirent les échos de la pompe solennelle qui se déployait autour du corps de Melanius, ils lui adressèrent une fervente prière pour obtenir par son intercession leur salut. Tout-à-coup on perçoit un bruit sourd semblable à un roulement de tonnerre, la tour s'ouvre du haut en bas et les douze délivrés, sautant par cette brêche, se mêlent aux assistants en acclamant leur libérateur.

La multitude innombrable contourna l'enceinte murale, se rendit au cimetière public situé sur le terrain occupé aujourd'hui par la partie de la promenade du Thabor dite carré Du Guesclin, et le saint évêque y fut inhumé avec les plus grands honneurs. Vers la fin du VIème siècle on construisit au-dessus de son tombeau un édicule d'une prodigieuse hauteur, mais tout en bois, avec une toiture de tuiles. Un jour, le feu prit dans la charpente qui s'abattit sur le sol avec un grand fracas. Le sépulcre du pontife vénéré aurait du être détruit, pulvérisé ; cependant, affirme un contemporain « quand l'incendie s'apaisa, le peuple jetant de grands cris courut au sépulcre et, écartant un amas de tisons enflammés, on trouva, à la stupéfaction universelle, la tombe sans souillure et le voile de lin qui la recouvrait intact » (Greg. Turon, Gloria Confessorum, cap. 55). Après un tel prodige l'église fut vite relevée, plus solide qu'auparavant ; des moines vinrent la desservir et telle fut l'origine de la célèbre abbaye de Saint-Melaine.

LE CULTE.

1° Reliques. — Au IXème siècle, l'église de Redon possédait plusieurs ossements du saint évêque, mais il est probable que la plus grande partie de son corps dut rester à l'abbaye de Saint-Melaine. En 853, pour les mettre à l'abri de la fureur des Normands, les Moines transportèrent ses reliques à Bourges. Ils les rapportèrent plus tard à Rennes, où elles furent honorées jusqu'à la Révolution qui les dispersa. Il n'en reste plus dans la ville métropolitaine que quelques fragments à la Cathédrale et à l'église Saint-Sauveur, et un morceau de tibia à Notre-Dame.

Eglise de saint Melaine à Rennes (Bretagne).

2° Patronage. — L'église élevée sur le tombeau de St-Melaine lui fut consacrée jusqu'au 8 avril 1844. A cette date, sur les instances du curé, M. Mesle, on la dédia à la sainte Vierge, ce que l'on ne saurait trop regretter. Les églises qui ont gardé notre saint pour patron sont :

En Ille-et-Vilaine. — Thorigné, Pace, Châtillon-sur-Seiche, Andouillé, Mouazé, Cintré, Brain, Moigné, Montours, Cornillé, Domalain, Saint-Melaine, La Chapelle-Saint-Melaine, Lieuron.

Dans le Morbihan. — Meslan, Plumelin, Rieux.

Dans le Finistère. — Saint-Melaine de Morlaix, Moelan.

3° Fête. — Les petits Bollandistes la placent au 6 janvier. La plupart des calendriers bretons l'indiquent au 6 novembre. A Rennes, elle fut fête de précepte jusqu'en 1710 ; elle est maintenant du rite double de 2ème classe.

A Quimper. — Fête Semi-double.

A Nantes. — Commémoration à Vannes et à Saint-Brieuc. — Fête double.

4° Invocations. — Ses reliques avaient la vertu d'éteindre les incendies. A Plélauff (Côtes-d'Armor) on mène à sa chapelle les chiens du pays pour les préserver de la rage. (P. Sebillot).

5° Chapelles. — Des chapelles ont été élevées en l'honneur de Saint-Melaine :

En Ille-et-Vilaine. — A Brain, Maure.

Dans le Morbihan. — A Lignol, Lanvénégen.

Dans le Finistère. — A Plobannalec.

Dans les Côtes-d'Armor. — A Plélauff, Plufur.

6° Fontaines. — Trois fontaines portent son nom en Ille-et-Vilaine, celles de Pléchâtel, Andouillé et Mouazé.

7° Iconographie. — A Rennes, dans l'église Notre-Dame, une statue moderne.

8° Bio-Bibliographie. — Il existe deux Vies anciennes de Saint-Melaine ; l'une, la plus longue, écrite avant 593 et imprimée par Bolland, dans les Acta sanctorum, au tome Ier de janvier ; l'autre, qui n'est qu'un abrégé de la première, et qui a été récemment publiée par les modernes Bollandistes dans le Catal. hagiogr. Biblioth. Nat. Paris. I. p. 7 (De la Borderie).

Dans les époques postérieures son existence a été narrée par divers auteurs. On peut consulter à ce sujet :

L'ancien bréviaire de Saint-Brieuc de 1542.

Albert Le Grand. — Vies des Saints de Bretagne-Armorique. 1637.

Dom Lobineau. — Vies des Saints de Bretagne. 1707.

Dom Morice. — Mémoires pour servir de preuves à l'histoire ecclésiastique et civile de Bretagne. t. I. 1742.

D. Rivet. — Histoire littéraire de la France. t. III.

Roumain de la Rallaye, — Vies des Saints de Bretagne.

De la Borderie. — Histoire de Bretagne. I. p. 265, 266, 329, 370, 531, 533.

A. Millon.

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