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François-Olivier LE GOFF, prêtre mis à mort en 1799 par les colonnes mobiles
dans le territoire du diocèse actuel de Saint-Brieuc.

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379. — François-Olivier Le Goff naquit à Saint-Martin-des-Prés, le 4 juillet 1739, du mariage d’honorables personnes Alain Le Goff et Mathurine Briand. Il fut baptisé le dit jour. On ne peut donner le détail de ses ordinations, car Saint-Martin-des-Prés faisait autrefois partie de l’évêché de Quimper. Or, les registres du secrétariat ainsi que ceux des insinuations ecclésiastiques de cet ancien diocèse, ont disparu pour la plupart, et manquent spécialement pour l’époque où M. Le Goff reçut les saints ordres. Aussitôt après avoir reçu le sacerdoce, cet ecclésiastique s’en fut se fixer à Plourin-Morlaix, où l’appelait son oncle, Louis Briand, alors recteur de cette paroisse.

380. — L’abbé Le Goff vivait depuis quelque temps prêtre habitué dans cette localité, où l’on relève pour la première fois sa signature, le 14 mars 1764, lorsque son oncle résigna son bénéfice en sa faveur, le 10 novembre 1764, M. Le Goff obtint, le 14 janvier 1765, le visa de l’évêque de Tréguier et, le 29 de ce même mois, il prit possession comme recteur de l’importante église de Plourin, qui lui dut en 1775 la réfection de plusieurs de ses autels.

Lors de la constitution des municipalités, M. Le Goff fut choisi le 7 février 1790 comme secrétaire du scrutin, et le lendemain, il fut élu procureur de sa commune par 56 voix sur 109. En cette qualité, il avait l’initiative de toutes les mesures à proposer aux délibérations du Conseil, et put en faire voter de très utiles, soit à l’église, soit aux paroissiens. La séance du 20 juin 1790 mérite d’être citée, car elle témoigne de la charité sacerdotale du recteur de Plourin : « Le sieur Le Goff, recteur de cette paroisse et procureur de la commune (lit-on au registre des délibérations de la municipalité de Plourin, conservé à la mairie de cette localité), a assigné le général de la dite paroisse pour avoir leur avis sur le sort des pauvres qui se trouvent au nombre d’environ 700, qui sont dans le cas de périr de misère, vu la chèreté des denrées ; (vu) qu’il y a entre les mains des particuliers des sommes qui appartiennent au général et qu’on ne peut en faire un meilleur emploi qu’en soulageant les misérables, les citoyens, les membres de la société, en un mot tous nos frères. Tels sont mes motifs en priant le général de la paroisse d’en délibérer ». Signé : Le Goff, recteur et procureur.

Le même souci des malheureux de la part de M. Le Goff se révèle encore dans la séance de la municipalité tenue le 29 juin 1790. M. Le Goff, à cette occasion, pria les répartiteurs d'avoir égard dans l'imposition à la misère publique et de soulager autant que faire se pourra les pauvres.

Le 14 novembre 1790, M. Le Goff résigna ses fonctions de procureur. Il est vraisemblable que l’œuvre utile en certains points qu’avait accompli l’Assemblée constituante et l’habile incorporation des articles de la Constitution civile à ceux de la nouvelle Constitution dont elle venait de doter le royaume, décidèrent l’abbé Le Goff à prêter le serment constitutionnel, le 6 février 1791, à la grand’messe paroissiale. Pie VI, du reste, à cette époque, n’avait pas encore fait officiellement entendre sa voix. Voici donc les paroles que M. Le Goff prononça à cette occasion : « Je jure d’être fidèle à la Nation, à la Loy et au Roy, à l’organisation civile du Clergé, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et sanctionnée par le Roy, et de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m’est confiée ». Il ne dut cependant se décider à cet acte qu’après hésitation, car son nom figure parmi les prêtres du diocèse de Tréguier qui protestèrent à la fin de 1790 avec leur évêque contre l’œuvre religieuse accomplie par l’Assemblée constituante.

381. — Le 8 mars suivant, M. Le Goff fit chanter le Te Deum après la grand’messe pour remercier le Ciel d’avoir donné Expilly pour évêque constitutionnel au Finistère et lut un mandement de celui-ci pour annoncer son élection. De plus, après une altercation assez vive, il empêcha l’abbé Yves Briand, l’un de ses vicaires, de donner lecture d’une pastorale de Mgr Le Mintier, l’évêque légitime. Sur les entrefaites, le pape Pie VI, les 21 février, 10 mars et 13 avril 1791 avait publié des brefs condamnant nettement la Constitution civile. Sitôt qu’il en eut pris connaissance, l'abbé Le Goff ne demeura point sourd à l'appel du Pasteur suprême. Après avoir pris soin de toucher son traitement, dont il savait que sa rétractation le priverait désormais, il monta en chaire de Plourin, le 21 mai 1791, au prône de la messe paroissiale, et « à l’issue du dit prône » rapporte le registre de la municipalité de cette commune, le dit sieur Le Goff se rétracta du serment par lui fait... Voici en quels termes il s’exprima : « Vous savez, mes chers paroissiens, que j’ai fait ici un serment en votre présence, mais je vous déclare à tous et vous prie de bien vouloir m’écouter, que je me rétracte de ce serment, qui est tout à fait contraire à ma façon de penser. Cependant, je vous promets toujours de mettre le bon ordre dans ma paroisse, et je serai toujours fidèle à la Nation, à la Loy et au Roy, tout le temps que je vivrai. Je vous prie, mes chers paroissiens, de prendre mon exemple. Je ne puis m'empêcher de dire que ceux qui ont prêté le serment ont une grande charge de conscience. Ce qu’il y a de certain, je suis TOUT PRÊT A MOURIR POUR SOUTENIR LA RELIGION. Je dis de plus que si les cavaliers de la maréchaussée venaient me prendre, que je serais (quand même) toujours soumis à la Loi ».

A l’issue de la grand’messe la municipalité de Plourin ayant dressé procès-verbal de la rétractation de M. Le Goff que l’on vient de citer, Mme Bodros, épouse du maire, qui assistait au saint sacrifice, affirma avoir entendu ce prêtre déclarer « qu'il avait eu le malheur de faire un serment contraire à la religion, mais qu'il le rétractait formellement à la face du peuple, qu'il allait faire comme la Madeleine qui avait pleuré ses péchés et qu'il comptait aller aux Capucins de Morlaix faire une retraite ».

M. Le Goff avait noblement réparé son erreur momentanée. Les termes dont il se servit pour se rétracter ne prêtent à aucune équivoque. Du reste, la municipalité de Plourin les jugea susceptibles « d’occasionner une sédition et même une révolte ». M. Le Goff avait en effet d’autant plus de mérite à se rétracter que deux prêtres de Plourin avaient aussi prêté le serment constitutionnel, ce qui ne pouvait qu’occasionner de grosses difficultés dans la localité.

Le vicaire Jacques Piton fut du reste élu curé constitutionnel de Plourin et installé dans ses fonctions, le 28 août 1791 ; M. Le Goff avait à cette époque quitté son presbytère, et depuis le 31 précédent, sa signature ne figure plus sur les registres de catholicité. Il dut même, quelques semaines après, sur l’injonction de la gendarmerie, abandonner le territoire, de Plourin.

382. — Chassé de sa cure par la persécution, M. Le Goff se réfugia dans sa paroisse natale, ainsi qu’en témoigne un certificat daté du 20 mars 1792, dont l’original existe aux Archives du Finistère, série Lv, district de Morlaix.

Lorsque survint la loi du 26 août 1792, qui condamnait à l’exil tous les prêtres insermentés réputés fonctionnaires publics, M. Le Goff essaya vainement de s’y soustraire et de demeurer caché dans le pays. On ignore la date précise de son arrestation, mais elle suivit de près l’application de la mesure de déportation précitée. Le 28 octobre 1792, les membres du district de Morlaix, tous en liesse, écrivaient en effet aux administrateurs du département des Côtes-du-Nord : « Nous avons reçu votre lettre du 23. Avec quel plaisir nous avons appris l'arrestation du fanatique Le Goff, cidevant recteur de Plourin ! Il arrive en ce moment par la gendarmerie. Il sera constitué en arrestation au château du Taureau et bientôt il fera voile avec ses compagnons vers la Guyane française ».

Le 30 novembre 1792, le recteur de Plourin fut en effet enfermé au sombre château du Taureau en rade de Morlaix ; puis, le 17 avril de l’année suivante, on l’embarqua d’office avec un certain nombre d’autres ecclésiastiques pour être dirigés sur Brême.

En exil, il se trouva réduit à la dernière misère : M. Marzin, économe de l’hospice de Morlaix, a publié quelques lettres d’un volontaire de cette cité nommé Talabardon. Dans l’une d’elles, datée de Namur, le 1er frimaire an IV (22 nov. 1795), celui-ci raconte « qu’il a vu M. Dudresné et M. le recteur de Plourin, qui sont misérables et réduits à porter le sac sur leur dos comme des mendiants, de l’autre côté du Rhin ! ».

383. — Aussi M. Le Goff s’empressa-t-il de profiter du vote de la loi du 7 fructidor an V (24 août 1797), qui autorisait le retour en France des prêtres déportés, pour regagner la Bretagne et venir à Plourin. Il s’y fixa chez un de ses frères, alors domicilié dans cette localité, ainsi que l’atteste le registre de délibérations de la municipalité cantonale de Plougonven en date du 21 fructidor an V (7 septembre 1797).

Le frère de M. Le Goff décéda à Plourin le 1er juillet 1798. A son trépas, désormais sans asile et vivement pourchassé en vertu des lois de fructidor an V, qui avaient rouvert avec une nouvelle acuité la persécution religieuse quelques jours après la rentrée au pays du recteur de Plourin, celui-ci se crut plus en sûreté à Saint-Martin-des-Prés où il avait déjà trouvé refuge une première fois au milieu de sa famille. Il s’y rendit donc, espérant y jouir d’une sécurité relative ; il devait au contraire y trouver la mort.

384. — Si on possède des documents irrécusables sur la façon dont les soldats de la Révolution immolèrent M. Le Goff à leur phobie anticléricale, on ne connaît rien de positif sur les circonstances qui amenèrent son arrestation. Du reste, sa situation de prêtre réfractaire le rendait toujours exposé aux pires éventualités. Les auteurs des Conférences ecclésiastiques du diocèse de Saint-Brieuc en 1892 racontent, au tome Ier, p. 73, de ce travail « qu’ils ne savent à quel moment, étant à travailler le fil (de lin) chez son frère, M. Le Goff fut reconnu comme prêtre et arrêté ».

Ces arrestations d’ecclésiastiques étaient du reste très fréquentes, a-t-on déjà dit, après la loi du 19 fructidor an V (5 septembre 1797), qui donnait au Directoire exécutif le droit de déporter par simple décret tous les prêtres catholiques et même de faire fusiller ceux que l’on pouvait convaincre d’être des émigrés rentrés.

Il est vraisemblable que M. Le Goff fut arrêté le soir : sans cela ses capteurs qui faisaient partie du détachement cantonné à Corlay, l’eussent, dirigé sur cette localité pour le remettre entre les mains de l’administration cantonale. Les circonstances ne s’y prêtant pas, ces individus, avec la mentalité des massacreurs de septembre, complotèrent de l’assassiner. Ils perpétrèrent leur dessein dans l’enceinte de la propriété où ils gardaient leur captif. Quant à la version qu’ils inventèrent pour excuser leur forfait, c’est celle habituelle en pareil cas : « Le prisonnier s’enfuyant, on l’a tué pour l’empêcher de s’échapper ». L’explication est facile, mais elle est démentie par les faits. Si l’abbé Le Goff avait été atteint alors qu’il essayait d’échapper à ses ennemis, ses blessures eussent toutes été reçues par derrière ; or, l’autopsie qui fut faite de son cadavre révèle qu'il succomba à des plaies reçues de face. Comment concilier la déposition des assassins avec la réalité, sinon en appliquant à ces premiers l’épithète d’imposteurs. Du reste, on s’en convaincra en prenant connaissance du « lief » du cadavre de ce prêtre conservé aux Archives du greffe de la justice de paix de Corlaix. En voici la teneur :

« L’an sept de la République française, le trois ventôse (21 février 1799). Nous, Mathurin-Joseph Tilly, juge de paix du canton de Corlay, avons pénétré dans le jardin du Midi de la maison Darlet, où nous avons trouvé un cadavre masculin, gisant par terre au bas du jardin, vêtu d’un habit de berlinge à mi-usé, d’un gilet blanc, d’une paire de culottes de berlinge aussi à mi-usées, d’une paire de guêtres de toile, d’une paire de bas de laine noire, d’une paire de chaussons bruns ; plus près de la maison, à quinze pas environ, avons remarqué une paire de sabots neufs, et à côté du cadavre, un chapeau de paille rond. Lequel cadavre nous a été déclaré être celui de François Le Goff, prêtre réfractaire. Au même instant, le citoyen Guérin, sur notre invitation, après visite et examen fait du dit cadavre, nous a dit et rapporté que le dit cadavre a reçu deux coups de feu, tiré à la partie latérale inférieure droite du bas ventre et l’autre à la partie latérale droite du sternum et de suite avons procédé à l’information des causes et circonstances de la mort du défunt comme suit :

Jean Lorans, caporal commandant le poste établi chez la dite citoyenne Le Flahec, première compagnie de la treizième demi-brigade d’infanterie légère, après serment par lui fait de dire vérité, a dit qu’environ deux heures du matin un prêtre réfractaire, détenu au corps de garde, demanda à sortir pour des besoins naturels ; qu’ayant sorti du dit corps de garde, cet homme a été dans le jardin au midi, qu’il l’a remarqué jetter ses sabots, et aussitôt s’est mis à courir, qu’ayant crié trois fois : « arrête », se voyant dans l’impossibilité de le rejoindre, il lui a tiré un coup de fusil ; que cet homme n’a pas tombé de son coup de fusil et que aussitôt un autre homme de garde lui a tiré un autre coup de fusil qui l’a arrêté.

Nicolas Bouard, volontaire sapeur de la même compagnie, aussi après serment, a déposé que le matin environ les deux heures, un prêtre arrêté hier et déposé au corps de garde, a demandé à sortir pour des besoins naturels, que le prêtre a passé dans un jardin au midi de la maison où est le corps de garde, et à une certaine distance de l’entrée du dit jardin, cet homme a jetté ses deux sabots ; après a pris sa course pour s’évader. Le déposant a crié « aux armes » et « arrête » trois fois. Un de ses camarades lui a tiré un coup de fusil ; voyant que l’homme courait encore, il lui a tiré aussi son coup de fusil qui l’a abattu, et a signé ». Signé: Tilly, juge de paix ; Boisberthelot, greffier.

Avec l’acte de décès de cet ecclésiastique, lequel mentionne expressément « qu'il a été tué par la colonne mobile » de Saint-Martin, les autres renseignements officiels que l’on a recueillis sur l’assassinat du prêtre Le Goff, se bornent à une mention qui figure à la liasse Lm 5, 141, aux Archives des Côtes-du-Nord. Elle est fort brève et ne fait que confirmer ce que l’on vient de dire. On l’a publiée ailleurs.

La courageuse rétractation de l’abbé Le Goff alors qu’il ne pouvait ignorer les redoutables conséquences de cet acte, sa déclaration d’être prêt à mourir pour la Religion, la vie misérable qu’il mena de 1792 à 1799 par suite de sa qualité de prêtre réfractaire, sont une garantie des sentiments avec lesquels ce prêtre subit la mort après avoir offert à Dieu le sacrifice de sa vie.

385. — La tradition, assure M. le Recteur de Saint-Martin, place le lieu de l’exécution de l’abbé Le Goff presque au sud de ce bourg, au bas du jardin de l’ancienne école des filles. Aussi longtemps que les Sœurs du Saint-Esprit ont eu la direction de l’école, l’endroit fut indiqué par une pièce de bois affectant la forme d'un tombeau. Depuis la laïcisation de ce local, toute trace a disparu. Mais le souvenir demeure toujours vivant à Saint-Martin qu’un prêtre a été massacré là en haine de la Foi par les soldats d’une colonne mobile.

La famille Le Goff s’est éteinte dans la paroisse de Saint-Martin, par la mort d’une demoiselle Mathurine Le Goff, décédée en 1855, léguant ses biens à l’église et aux personnes qui étaient à son service.

(Archives du Finistère, des mairies de Plourin et de Saint-Martin et de la justice de paix de Corlay).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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