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LES ANGLAIS A SAINT-SERVAN EN 1758.

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Il s'agit d'une descente navale menée par les Anglais en juin 1758 à proximité du port de Saint-Malo en Bretagne. Bien que la ville de Saint-Malo elle-même n'ait pas été attaquée, comme cela avait été prévu à l'origine, les Britanniques détruisirent un nombre important de bâtiments de commerce et de navires à Saint-Servan (ancienne paroisse de Saint-Malo et aujourd'hui commune de Saint-Servan-sur-Mer) avant de réembarquer une semaine plus tard. Les forces navales britanniques étaient commandée par le commodore Richard Howe, alors que les forces terrestres étaient conduites par le duc de Marlborough et Lord Sackville.

Descente des Anglais à Saint-Malo et Saint-Servan en 1758

Dans leurs guerres du XVIIIème siècle contre la France, les Anglais eurent pour système de menacer sans cesse nos côtes d'attaques et d'invasions incessantes. Par là ils voulaient contraindre notre pays à immobiliser, pour la défense de son littoral, des forces importantes qui, sans cela, seraient allées grossir les armées françaises engagées au delà du Rhin et leur auraient assuré sur les alliés de l'Angleterre une supériorité décisive.

Dès la première année de la guerre de Sept-Ans (1757), la flotte anglaise avait fait contre Rochefort une descente que aboutit à un résultat grotesque. Mais loin d'être rebuté par cet échec, le ministère anglais brûlait de prendre sa revanche.

 

I. — Les forces de l'expédition anglaise.

En 1758, dès le commencement de mai, une flotte était rassemblée derrière l'île de Wight, avec des bâtiments de transport et de nombreux bateaux de débarquement ; on y entassait toute une armée, à savoir : 15 bataillons d'infanterie à 800 hommes, soit 12.000 hommes ; 400 artilleurs, 5 à 600 hommes de cavalerie légère, — en tout 13.000 hommes de troupes.

Cette armée était pourvue d'une artillerie formidable, à savoir : 50 mortiers et 60 canons, dont 10 pièces de campagne seulement et 50 pièces de siège. Car, quoi qu'on en ait dit, le, but de cette expédition était certainement de prendre Saint-Malo, non par un siège régulier, mais par une attaque violente et de haute lutte : plan formellement avoué par les documents anglais contemporains, mais si mal conçu qu'on ne put même pas en tenter l'exécution.

Le chef de l'expédition était le duc de Marlborough.

Le commandant de la flotte était le commodore Howe.

II. Les chefs français.

Nous laisserons de côté le commandant de la province, le duc d'Aiguillon.

Nous ne parlerons que des chefs militaires de la place de Saint-Malo, qui étaient :

Le commandant ou gouverneur, marquis de la Châtre.

L'ingénieur en chef, chevalier Mazin.

La Châtre était brave ; c'était un bon militaire sachant bien la routine de son état, mais sans grande intelligence ; initiative nulle, haute idée de sa propre capacité ; un fort entêtement dans ses idées si peu justifiées qu'elles fussent.

Mazin est un tout autre caractère. — Très intelligent et habile dans son art d'ingénieur ; plein d'initiative et sortant volontiers de la routine ; un esprit très fin, au point que dans l'argot d'aujourd'hui, on pourrait le qualifier un peu... (Passez-moi le mot) un peu roublard ; sentant bien sa supériorité sur La Châtre, que La Châtre lui-même, tout en grognant, reconnaissait, mais contre laquelle il regimbait souvent, repoussant habituellement au grand préjudice du bien public — les utiles, habiles et hardis conseils de l'ingénieur : celui-ci se rongeait le sang en se sentant ainsi entravé par l'impéritie du gouverneur, et surtout en ressentant les tristes conséquences de cette impéritie.

Mazin nous a laissé une très curieuse Relation de cette descente des Anglais, écrite pour lui-même, non destinée à, la publicité, où il a inscrit quelques traits curieux du caractère de La Châtre. — En voici un qui revient tout à fait à notre sujet ; puisqu'il se rapporte à l'arrivée de la flotte anglaise en vue de Saint-Malo, le 4 juin 1758.

A cette époque, comme cela a toujours lieu en temps de guerre, les forts de la côte avaient l'ordre, dès qu'ils voyaient une voile ennemie, de la signaler en tirant un certain nombre de coups de canon dans un certain ordre, et en renouvelant ce signal d'heure en heure jusqu'à ce qu'il eût été répété par les deux forts les plus voisins de droite et de gauche.

Le dimanche 4 juin 1758 au matin, les batteries de Daouët et d'Erqui ayant fait ce signal, le fort La Latte vers dix heures du matin l'avait répété. L'ingénieur en chef Mazin, toujours au guet, l'avait entendu ; et voyant que La Châtre ne bougeait pas, il était allé vers midi le chercher pour lui transmettre cette nouvelle et lui demander des ordres.

La Châtre dînait ce jour là, en gala, chez M. de Souville, commandant de l'artillerie de Saint-Malo. Le festin était splendide ; La Châtre le dégustait eu connaisseur. Il reçut le pauvre Mazin comme un trouble-fête, comme un chien dans un jeu de quilles ; du haut de sa grandeur, il lui signifia qu'il s'était assurément trompé, car lui, le commandant, n'avait aucune espèce d'inquiétude ; « il était informé de bonne part que l'expédition anglaise ne songeait nullement à Saint-Malo ; qu'elle était uniquement dirigée contre Brest ». — Mazin impatienté répartit que, malgré ces assurances, il craignait fort que la digestion de Mgr le commandant ne fût troublée, car le canon du fort La Latte était d'un calibre à se faire entendre et reconnaître de tous, « hormis des sourds ». — Sur quoi le dîner continua. Mais...

« A une heure et demie, au milieu du gala, le nommé Gautier, gardien du fort Royal, bon canonnier et homme entendu dans sa profession, arriva tout essouflé chez M. de Souville et dit au marquis de la Châtre que c'étoit pour la troisième fois que le canon du château de La Latte tiroit ; qu'il ne voyoit rien, mais qu'il présumoit qu'il y avoit quelque chose d'extraordinaire. Le marquis se mit en fureur et dit :
« Qu'on m'appelle la garde, et qu'on me mette ce coquin au cachot, qui a l'effronterie de venir débiter de pareilles fables et mettre l'épouvante dans la ville ! — L'ingénieur prit la parole et la défense du canonnier, en disant doucement :
Monsieur le marquis, vous avez acquis trop peu de connoissance depuis que vous êtes ici pour apprécier le talent et le mérite des sujets. Le canonnier qui vous parle est un homme sensé et qui ne dit que ce qu'il a entendu, et sur l'ordre que je lui ai donné de me faire rapport de ses observations.
— Dans le même moment, le gardien de l'île Harbour, qui venait pour la quatrième fois d'entendre le château de La Latte, mit, suivant ses ordres, le feu à son canon. La Conchée et la Varde suivirent, et le reste de la côte jusqu'à Cancale.
— Hé bien ! monsieur le marquis, dit l'ingénieur, voici les signaux bien exécutés et l'alarme sans doute donnée mal à propos ! car ces divers forts n'auroient pas tiré s'ils n'avoient rien aperçu.
— Le commandant dit assez tranquillement :
— Quand nous aurons pris notre café, nous irons voir de quoi il s'agit.
— Restez donc tranquille, dit l'ingénieur; pour moi je vais à la découverte, et je vous dirai ce que j'aurai vu »
. (Relation inédite du chevalier Mazin)

III. — Arrivée et débarquement de la flotte anglaise, 5 et 6 juin 1758.

Voulez-vous savoir ce qu'il vit ?
Il vit simplement la flotte anglaise, forte de 115 voiles, mouillée dans la rade de Saint-Malo, sur le Vieux Banc.

Le lendemain, lundi 5 juin 1758 et le matin du mardi, elle débarquait à Cancale les 13.000 hommes dont elle était chargée.

Le 6 juin mardi, cette armée dressait, en avant de Cancale, sur la hauteur, d'excellents retranchements pour couvrir la flotte et le corps expéditionnaire contre une attaque quand il voudrait se rembarquer.

IV. — Le mercredi 7 juin.

Le mercredi 7 juin, l'armée anglaise se porta le matin à Paramé, où elle établit son camp sur la route de Dol (à la Fontaine-aux Pèlerins), et quelques tentes, pour former un poste d'observation vers Saint-Malo, au pied de la descente de Paramé.

Dans le port de Saint-Servan étaient mouillés plus de 80 navires, soit marchands, soit corsaires, plusieurs chargés de riches cargaisons. Les laisser sans défense devant l'ennemi, c'était les vouer à une destruction certaine et donner aux Anglais la joie triomphante de frapper ainsi mortellement la prospérité de la double ville (Saint-Malo-Saint-Servan) dont les fils avaient porté au commerce et à la marine anglaise tant de coups terribles.

Il y avait alors à Saint-Malo des forces respectables, fort en état de défendre, non seulement la place elle-même — si bien fortifiée pour cette époque et dont les murs présentaient à l'ennemi un front de 250 bouches à feu, — mais aussi le faubourg, car ainsi appelait-on Saint-Servan, — ce faubourg dont le port plein de beaux navires méritait aussi d'être protégé contre la furie anglaise.

La garnison de Saint-Malo se composait du régiment de Boulonnois (colonel comte de la Tour d'Auvergne), du bataillon de milice de Fontenai-le-Comte, bonnes troupes régulières bien exercées, et d'une compagnie de volontaires, bourgeois et gentilhommes du pays, qui s'était choisi pour chef M. de Robien, lieutenant de grenadiers à cheval.

Les officiers du régiment de Boulonnois demandèrent avec instance à La Châtre de défendre Saint-Servan contre les Anglais : cette défense secondée par le fort du Naye récemment construit et qui resta toujours aux mains des Français, protégée par le canon de la place de Saint-Malo qui pouvait de ses feux couvrir tout le faubourg, — cette défense devait être victorieuse ; et même en supposant les défenseurs de Saint-Servan refoulés par les Anglais, — comme il leur était toujours facile de rentrer dans Saint-Malo, cette défense ne pouvait en aucun cas aboutir à un désastre.

L'ingénieur Mazin (sa Relation le prouve) était très favorable à cette idée. L'étroite cervelle de La Châtre l'écarta sans discussion et reste ainsi responsable du grave et fatal désastre qui frappa si cruellement, on va le voir, les habitants de Saint-Servan et de Saint-Malo.

Le 7 Juin au soir, les Anglais poussèrent, de Paramé, un fort détachement qui établit son quartier à Boisouze, et pénétra dans la ville de Saint-Servan jusqu'aux Capucins.

Voyons quelles forces ou plutôt quelles ressources Saint-Servan possédait, non pour résister à cette invasion, mais pour en atténuer autant que possible les effets.

Saint-Servan n'était point alors une municipalité, mais seulement une paroisse. Ses affaires étaient gérées par le conseil de fabrique, municipalité imparfaite, investi cependant de certaines attributions véritablement municipales et ayant à sa tête deux trésoriers ou syndics qui, dans la circonstance, étaient les représentants naturels, autorisés, de l'ensemble de leurs concitoyens. En 1758, ces deux syndics étaient André Le Bourgeois, Gilles Lécoufle, et c'est ce dernier surtout qui va nous occuper. Il nous a laissé de ces événements une Relation parfaitement sincère, mélange de naïveté et de finesse, extrêmement curieuse, qui va désormais nous servir de guide.

Dès qu'il avait connu le débarquement des Anglais, il était allé prendre les ordres de La Châtre pour le cas — trop probable — où l'invasion s'abattrait sur Saint-Servan. La Châtre ne voulait pas même, on l'a vu, essayer de défendre cette ville ; aussi, (dit Lécoufle dans sa Relation) « l'avis de M. de la Châtre fut-il de nous comporter à l'égard de l'ennemi le plus sagement possible, afin d'éviter, par une soumision raisonnable, les ravages que ces sortes de visites entraînent ordinairement, surtout chez des gens qui ne paroissent pas soumis ».

Cet avis, ce langage de La Châtre, fort peu héroïque, n'était non plus guère réconfortant. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'en l'entendant un grand nombre de Servanais aient pris le parti de décamper avec leurs femmes, leurs enfants et leurs biens les plus précieux, en sorte qu'il resta tout au plus dans la ville « vingt personnes en état d'être utiles, décidées à faire tout ce qui dépendroit d'elles pour le bien de la patrie ».

Lécoufle rassembla ces vingt bons citoyens et se fit donner par eux, sous leur signature, un pouvoir pour aller avec le recteur de Saint-Servan et trois autres, députés « au devant du commandant des troupes anglaises (si elles entraient dans le faubourg) pour lui déclarer qu'ils ne sont nullement dans l'intention de se défendre et qu'ils supplient M. le commandant de les traiter avec clémence ».

Les Anglais entrés dans Saint-Servan, Lécoufle songea tout de suite à s'acquitter de cette mission et à tâcher d'obtenir du général ennemi de laisser sains et saufs la ville et ses habitants.

Avant même qu'il eût pu se mettre en marche, la ville brûlait. L'ennemi s'était rapidement porté vers le port et vers les Bas-Sablons ; il avait incendié la corderie de la digue et une boulangerie voisine.

« Les ennemis, dit Lécoufle, mirent ensuite le feu à 15 vaisseaux qui étaient à Chasle, à cinq au grand Talard, aux magasins destinés pour les matières propres à la marine, et onze ménages ont été enveloppés dans le même incendie. Ils mirent aussi le feu à une barque qui étoit au Val, et de là à Trichet à 28 navires et trois barques, au nombre desquels se sont trouvés cinq corsaires. Ce grand embrasement mit l'alarme dans tous les quartiers ; chacun s'attendoit à voir sa maison réduite en cendres, soit par le feu de l'ennemi, soit par la communication de celui qui étoit déjà dans les vaisseaux, qui étoient assez proches des maisons pour qu'il s'y communiquât si le vent avoit augmenté, ce qui heureusement n'arriva pas. Ce fut dans ce moment qu'une partie des habitants qui avoient tenu ferme jusqu'alors commencèrent à prendre la fuite » [Note : Relation de Lécoufle, imprimée (mais fort rare) sous ce titre : LETTRE du syndic en charge de la paroisse de Saint-Servan, en l'année 1758, à un de ses amis, touchant la descente des Anglais sur les côtes de Saint-Malo en Bretagne].

C'était en effet, dans la nuit, un radieux et terrible spectacle : douze maisons, les magasins, la corderie brûlant sur le rivage, tandis que 52 navires et bâtiments divers embrasaient les vagues d'immenses flammes rouges.

Lécoufle ne faiblit point devant ces horreurs, et refoulant son angoisse, il voulait aller de suite vers les chefs anglais pour solliciter la suspension de ce désastre. Ses co-députés hésitaient, craignant, s'ils se présentaient devant lui en ce moment, d'irriter l'Anglais, loin de l'apaiser.

V. Le jeudi 8 juin.

Pendant qu'ils délibèrent, le général ennemi les mande au milieu de la nuit, à deux heures et demie du matin, le jeudi 8 juin, pour leur signifier ses volontés et exiger d'eux des vivres pour 20.000 hommes. Exigence impossible à remplir.

Cependant, l'actif Lécoufle parvient à rassembler une députation de vingt personnes, prêtres et laïques, qui se présentent au lieu indiqué, à la place de Boisouze, devant un chef anglais que le recteur de Saint-Servan harangue brièvement. « Notre pasteur s'avança, dit Lécoufle, et en peu de mots lui témoigna notre soumission, en le suppliant d'avoir pour la paroisse tous les égards que peuvent attendre des gens sans défense ». — Cet officier répondit plus succinctement, voici « ce qu'il dit mot pour mot :
« — Des vivres pour 20.000 hommes ! Nous parlerons tantôt ».

Cet officier n'était pas le duc de Marlborough, mais un subalterne, auquel on ne put faire comprendre l'impossibilité de trouver, dans une ville médiocre à demi dépeuplée, une pareille provende.

Cependant on s'ingénie, on cherche partout ; on rassemble à grand peine mille livres de pain, On était loin de ce qu'il fallait pour nourrir 20.000 hommes. Pourtant l'habile Lécoufle trouvera moyen — nous le verrons — avec cette petite quantité de vivres, de satisfaire toutes les exigences de l'ennemi, et encore même fera-t-il l'économie de 200 livres et n'en lâchera en tout que 800 aux Anglais.

Aussi Mazin, dans sa Relation, appelle-t-il Lécoufle « un homme d'esprit », ce qui ne veut point dire sans doute qu'il eût été de force à faire des mots pour le Figaro, mais — ce qui valait beaucoup mieux — qu'il sut se dépêtrer des exigences anglaises, en fournissant des vivres pour 400 hommes seulement au lieu de 20.000, « ayant soin de mettre le pain en petits morceaux, pour faire malicieusement croire à l'impuissance du lieu, ce qui tourna au profit des habitants, qui restèrent tranquilles... moyennant quelque peu de beurre » (Relation inédite du chevalier Mazin).

Ce fut le jeudi 8 juin, dans la journée, que Lécoufle, en faisant porter du grain au moulin du Chapitre pour satisfaire aux exigences des Anglais « apprit pour la première fois » (comme il dit) « avec quelle arrogance le boulet de canon fait ses visites. ».

Ce n'est pas du canon anglais qu'il parle, mais du canon de Saint-Malo, qui tirait sur les Anglais occupant Saint-Servan pour les inquiéter et les empêcher, entre autres choses, d'y établir des batteries contre Saint-Malo même. Ils essayèrent en effet, le jeudi 8 juin, de dresser à Saint-Servan, sur la place d'Armes, une batterie de 4 pièces de campagne pour battre la porte de Dinan (de Saint-Malo) ; mais le feu de cette place contre eux fut si vif, qu'ils n'y purent réussir, il leur tua même plusieurs cavaliers ; plusieurs autres furent démontés par les canons du fort du Naye, qu'occupait la garnison malouine.

Cette canonnade venue de Saint-Malo obligea les Servanais habitant la zone atteinte par les boulets à se retirer avec leurs effets en des lieux mieux abrités ; ce que les Anglais leur permirent, pourvu toutefois qu'ils restassent dans les limites du « faubourg », c'est-à-dire de la paroisse de Saint-Servan.

Dans cette journée du 8 juin, vers midi, les incendies recommencèrent; les Anglais brûlèrent 17 navires mouillés dans le port Solidor, et ils se disposaient à mettre le feu à deux corderies dont l'incendie eût probablement amené celui de tout Saint-Servan, quand Lécoufle intervint auprès du duc de Marlborough pour empêcher cette catastrophe et eut le bonheur d'y réussir.

C'est le plus beau trait et le plus curieux de l'histoire de ce digne syndic, qui montra dans des circonstances si difficiles tant de sang-froid, d'esprit et de vrai patriotisme.

Voici donc ce petit bourgeois, auquel tout hier encore était inconnu dans le monde militaire, le voici aux prises avec le premier personnage de l'aristocratie anglaise, le premier lord des Trois-Royaumes, et vraiment, dans cet abordage, — on va en juger — le brave Lécoufle soutient fort bien l'honneur du pavillon servanais. C'est un spectacle à voir et que nous pouvons nous donner, puisque ce modeste héros, dans sa Relation si vraie, nous a conservé l'esquisse naïve de ce tableau. La voici :

« Vers la moitié du jour, nous nous aperçûmes que les ennemis avoient mis le feu à 14 corsaires et à trois vaisseaux marchands qui étoient dans le port de Solidor, et peu après nous vîmes plusieurs détachements de dragons et d'infanterie qui environnoient deux corderies situées au milieu du faubourg. Sur le rapport qu'on nous fit qu'ils avoient dessein d'y mettre le feu — le cas devenant pressant, n'ayant plus le temps d'appeler personne je me transportai sur le champ avec le sr Portail Pointel au quartier de la Rivière, où nous trouvâmes une troupe d'officiers, à qui nous demandâmes M. le général duc de Marlborough. On nous dit qu'il n'y étoit pas pour lors, mais qu'il alloit paroître et que nous le reconnoitrions à son cordon bleu. En effet, il ne tarda pas ; aussitôt qu'il parût, un officier nous avertit ; nous fûmes au-devant, et m'étant approché, après les révérences usitées en pareil cas, je pris la liberté de lui dire :
— Monseigneur, nous sommes allés ce matin en corps, notre pasteur et notre clergé à notre tête, pour vous marquer notre soumission et vous prier de nous traiter avec clémence. Nous avions lieu de l'espérer, puisque vous aviez eu la bonté de nous prévenir que vous n'attenteriez qu'à la Marine, si nous vous fournissions des vivres. Le moment où nous nous sommes rendus n'a pas été assez favorable pour vous approcher ; vous nous avez fait répondre qu'il falloit vous trouver du pain et qu'on vous parleroit après. Nous avons satisfait à vos ordres, comptant sur les avances de votre député de ce matin. Néanmoins, nous apprenons avec douleur que vous vous disposez à faire brûler les corderies du faubourg ; elles tiennent à la meilleure partie des maisons ; cet incendie entraînera nécessairement celui du faubourg. Nous remplissons vos ordres : ne pouvons-nous pas compter sur vos promesses ? »
(Relation de Lécoufle).

Etant donnée la situation de cette malheureuse ville sans défense, toute à la discrétion de l'ennemi, n'y a-t-il pas, sous l'obséquiosité forcée de cette harangue, une fermeté très digne, et dans la dernière phrase une fierté, on peut même dire, une singulière hardiesse ? — Nous avons rempli toutes les obligations que vous nous avez imposées ; en retour vous nous avez promis d'épargner notre ville ; vous allez manquer à cette promesse : voulez-vous, oui ou non, tenir votre parole ? C'est ce que dit nettement cette phrase : langage d'une audace superbe, s'adressant à un ennemi tout-puissant, qui ne connaît que la loi de la guerre, c'est-à-dire le droit de la force.

Lécoufle dit, dans sa Relation : « M. le général nous écouta avec bien de la complaisance ». Cela ne paraît pas sûr, en tout cas sa réponse fut mauvaise :
— « Il n'y a pas un quart-d'heure, s'écria-t-il, j'ai pensé faire mettre le feu aux quatre coins de la paroisse. Un coquin, sur la place, a fait un signal ; aussitôt un coup de canon m'a été tiré. Si j'avais trouvé cet homme, je l'aurois fait pendre sur le champ ! ».
Voyant « cet homme » en sûreté Lécoufle n'hésita pas à le sacrifier, en paroles, au salut public :
« Monseigneur, répondit-il, pour un misérable, voudriez-vous faire périr toute une paroisse ? ».
— « Réflexion faite, reprit le général, soyez tranquille, on ne mettra point le feu à vos corderies, j'en vois le danger ».
— Ainsi Lécoufle avait sauvé Saint-Servan. Malheureusement, Marlborough ajouta :
« Mais avez-vous des vivres à me fournir pour 20.000 hommes pendant 20 jours ? ».

Nouvelle exigence, effroyable et monstrueuse, qui sur l'heure terrifie le pauvre Lécoufle, mais à laquelle, en fin de compte, il trouva moyen de satisfaire avec 200 livres de pain — pour tout potage.

Le soir de ce jour (8 juin), toutes les troupes anglaises quittèrent Saint-Servan et regagnèrent Paramé.

VI. — Le vendredi 9 juin.

Mais ce n'était encore qu'un faux départ. Le lendemain, dans l'après-midi, les Anglais reparurent sur les hauteurs, puis descendirent dans la ville.

« La cavalerie fut se poster sur la pointe de la Cité ; mais le canon de Saint-Malo et celui d'une frégate du roi (l'Orphelin de la Chine) qui étoit en la rade de Dinard, les en firent déloger ». Il y eut même un dragon anglais coupé en deux. « Les ennemis ne restèrent dans le faubourg (c'est-à-dire à Saint-Servan) ce jour-là que l'espace de deux heures, et se retirèrent assez précipitamment, dit Lécoufle, sans me rien demander que ce que je voulus donner aux soldats qui gardaient les passages aux environs de chez moi » (Relation de Lécoufle).

Cette fois, la retraite des Anglais était définitive ; grâce à Dieu ils ne devaient pas revenir, et ils n'allaient pas tarder à se rembarquer, en délivrant le pays breton de leur présence.

Marlborough s'était aisément convaincu de l'impossibilité d'une attaque de haute lutte contre Saint-Malo. Quant à un siège en règle, si on l'avait entrepris, il eût été très long, il eût donné le temps aux troupes françaises d'arriver et d'accabler sous des forces supérieures les assiégeants.

Déjà même Marlborough était inquiet, il entendait parler de régiments qui, les uns venant de Normandie, les autres de Basse-Bretagne, convergeaient vers lui et allaient le prendre entre deux feux.

Pour savoir à quoi s'en tenir il poussa sur Dol, dans l'après-midi du vendredi 9 juin 1758, une colonne d'environ 2.000 hommes, dont l'expédition, très peu connue, vaut pourtant la peine de l'être. Nous la relaterons ici brièvement, d'après la correspondance administrative de l'intendant de Bretagne, conservée aux Archives d'Ille-et-Vilaine (Fonds de l'Intendance de Bretagne, liasse C 1086).

Ce fut moins une occupation hostile qu'une visite courtoise, toutefois précédée de menaces. Aussi quand, le vendredi 9 juin 1758 dans l'après-midi, parut en vue de Dol la tête de la colonne anglaise, la terreur fut au comble, la ville se vida en un instant, les fuyards couvrirent les routes, se portant de préférence sur Antrain et Fougères, où ils semèrent à leur tour la terreur en y racontant « la prise et le pillage de Dol ».

Les autorités doloises, presque aussi émues, s'étaient « jetées à la clémence de l'ennemi, » lui prodiguant sans compter les soumissions, les offres de provisions, etc.

O surprise ! l'Anglais, ordinairement si rapace, refuse tout : tableau ! A peine lui peut-on faire agréer quelques rafraîchissements et un peu de tabac. Les chefs acceptent à souper chez les autorités indigènes, ils s'y conduisent « en vrais amis et en bons convives ». Leurs troupes affichent les mêmes sentiments et paient tout comptant. Elles montrent une réserve rare : pour ne pas déranger les habitants elles couchent dans les écuries et, comme la saison est belle, beaucoup bivouaquent sous les halles, sous les vieux porches gothiques qui bordent la Grand Rue
Mais tout à coup, au milieu de la nuit, à petit bruit, un détachement de 500 hommes sort de la ville et s'élance vers Pontorson. Le vrai but de leur visite à Dol était de faire sur la frontière normande une grande reconnaissance pour voir s'il existait de ce côté quelques troupes françaises prêtes à combiner leurs mouvements avec celles venant de Basse-Bretagne,de façon à prendre Marlborough dans un étau.

La reconnaissance faite sur Pontorson ne laissa aucun doute. Le détachement sorti de Dol se heurta contre les avant-postes du régiment de Languedoc (dragons), prêt à entrer en Bretagne. Aussi le lendemain, sur les dix heures du matin, tout le corps anglais quitta Dol en hâte, filant sur le camp de Cancale et se gardant avec soin.

VII. — Le samedi 10 juin.

Le résultat définitif de cette opération, fut que, le samedi 10 juin, les Anglais levèrent leur camp de Paramé, évacuèrent le fort La Varde et se replièrent tous sur leurs retranchements de Cancale, à l'abri desquels ils comptaient faire leur rembarquement.

Dans l'après-midi, entre cinq et six heures, La Châtre forma une colonne des troupes qu'il avait dans Saint-Malo, — régiment de Boulonnois, bataillon de Fontenai-le-Comte, compagnie de volontaires — et, sous les ordres du comte de la Tour d'Auvergne. il envoya cette colonne éclairer la retraite de l'ennemi, pour l'inquiéter, l'empêcher, si possible, de piller sur son passage, et presser son départ.

On ne songeait point d'ailleurs à engager le combat avec lui, pas même de sérieuses escarmouches ; on était trop content de le voir partir. Il y eut pourtant, dans cette reconduite, un combat singulier, dont Mazin, dans sa Relation, a gardé le souvenir.

La compagnie de volontaires malouins, que Mazin appelle « la troupe bourgeoise, » n'était pas absolument rompue à la discipline militaire, mais elle avait du coeur et de l'ambition, elle résolut de prendre le fort La Varde. M. de la Tour d'Auvergne prévoyait que ce fort devait être déjà évacué par les Anglais, il envoya néanmoins un détachement de Boulonnois aux ordres du capitaine d'Arcizac pour s'en assurer. Ce détachement monta au fort par le chemin des voitures ; la troupe bourgeoise, voulant dérober sa marche à l'ennemi, s'y rendit par un sentier abrupt sur la gauche : en sorte que les deux troupes, arrivées eu haut chacune de leur côté sur le terre-plein du fort, se trouvèrent en présence à portée de fusil.

La nuit était venue. Les volontaires, ne reconnaissant pas les soldats de Boulonnois, croyant l'ennemi devant eux, crient : Qui va là ? — Pas de réponse. Ils tirent : on ne leur riposte pas, d'Arcizac ayant donné pour consigne à ses hommes de ne rien dire et de ne pas user de leurs armes sans ordre formel de leur chef. Ayant d'ailleurs pendant ce temps vérifié l'évacuation du fort, il alla avec sa troupe par un autre chemin rejoindre son régiment.

Ce silence persistant, opposé à leur feu, à leur qui-vive, produisit sur les volontaires malouins des effets fort opposés. Les uns n'y comprenant rien s'en épouvantèrent, dit Mazin, et
« prirent le parti de reculer sans prendre garde que le terrain leur manquoit. La côte étant escarpée en cet endroit, plusieurs firent le saut, revinrent en ville blessés, tout écorchés, débitant toutes sortes d'absurdités renfermées dans la Relation imprimée [Note : Ce que Mazin appelle ici « la Relation imprimée » c'est le récit officiel de la descente des Anglais, que La Châtre fit publier, vers la fin de juin 1758, sous ce titre : Journal circonstancié du séjour de la flotte angloise devant Saint-Malo, mouillée dans la baye de Cancale ; 2 feuillets in-4°, avec la permission d'imprimer, de La Châtre, datée du 23 juin 1758], entre autres qu'ils avoient trouvé 800 hommes des ennemis — qui (en réalité) étoient pour lors à Saint-Vincent et ne pensoient guère à eux, mais bien à faire une retraite précipitée, ayant reconnu que nos troupes approchoient ».

Une autre partie de « la troupe bourgeoise » s'étant rassurée, au contraire, sur ce qu'on n'avait pas répondu à son feu, entra dans le fort La Varde qui était vide, et après avoir fait plusieurs décharges en l'air pour célébrer cet exploit, brûla le corps de garde qui s'y trouvait. Cet incendie, facilement vu de Saint-Malo et combiné avec les propos des fuyards, répandit dans la ville l'opinion que l'on venait de prendre ce fort de vive force sur l'ennemi.

L'ennemi, au contraire, pendant ce temps-là pressant sa retraite, parvenait à rentrer dans ses retranchements de Cancale sans avoir été atteint.

VIII. — Départ des Anglais, 11 et 12 juin.

Le dimanche 11 juin et le lundi 12, l'armée anglaise procéda à la longue et difficile opération du rembarquement. Grâce aux excellentes défenses élevées par elle dès son arrivée en avant de Cancale, elle ne put être inquiétée dans cette opération, qu'elle termina le lundi 12 juin vers midi et accomplit aussi heureusement que possible, « sans laisser à terre un seul soldat, sans aucune perte que celle de quelques brouettes et de deux échelles, qui furent, quelques jours après trouvées au plein » (Relation inédite du chevalier Mazin).

Les vents contraires retinrent encore la flotte anglaise une dizaine de jours en vue des côtes de Saint-Malo ; enfin le 22 juin elle disparut cinglant vers le Nord-Ouest, emportant les malédictions du pays qu'elle venait de ruiner et de dévaster, et qui hélas ! ne devait que trop tôt en cette même année revoir ces néfastes insulaires, mais cette fois du moins pour leur infliger la mémorable et sanglante leçon de Saint-Cast (11 septembre 1758).

IX. — Conclusion sur la descente des Anglais au mois de juin 1758.

La célébrité de la bataille de Saint-fast a, on peut le dire, effacé, enseveli la précédente invasion anglaise qui avait, quelques mois auparavant, affligé, dévasté le pays de Saint-Malo et Saint-Servan, — cette invasion de juin 1758 dont je viens de rappeler les principaux traits. Quand ou en tient compte, ce qui est rare, on la mentionne comme un événement sans importance, presque insignifiant, même au point de vue du désastre matériel, en regard de la descente de septembre qui reçut son châtiment à Saint-Cast. — C'est précisément le contraire du vrai.

Vers la fin de 1758, les Mats de Bretagne firent faire une enquête pour établir le chiffre des dommages causés successivement par les deux invasions qu'avait subies, cette année-là, le pays de Saint-Malo. Nous avons les résultats de cette enquête. L'invasion de septembre (ou de Saint-Cast) causa pour 550.000 livres de dommages, chiffre qu'il faut multiplier par 4 ou plutôt par 5 pour obtenir la valeur actuelle, soit environ deux millions et demi. — Les pertes subies en juin, du fait de l'invasion dirigée par le duc de Marlborough, sont évaluées à 3.363.000 livres, soit en valeur actuelle quatorze à seize millions, c'est-à-dire six fois autant que les pertes résultant de l'invasion du mois de septembre.

Dans les ravages du mois de juin 1758, les pertes causées aux habitants de Saint-Servan et de Saint-Malo par l'incendie des maisons, des corderies, des magasins et des 80 navires brûlés dans le port, sont comptées pour 2.557.000 livres, valeur actuelle onze à douze millions ; les dommages infligés par le pillage des Anglais aux cinq paroisses de Cancale, Saint-Méloir, Saint-Coulomb, Saint-Ideuc et Paramé, montent à 800.000 livres, valeur actuelle trois à quatre millions.

Le marquis de la Châtre se montrait donc, comme toujours, très mal informé quand, dans la Relation officielle de l'invasion de juin, publiée par ses ordres, il disait : « Les ennemis ont vécu dans une grande discipline, le pillage n'a été fait que par les maraudeurs ».

D'abord, il est vrai, pour ne pas soulever contre lui un pays où il comptait faire un plus long séjour, d'abord Marlborough avait pris soin de ménager, comme on dit, l'habitant. Mais forcé, contre ses prévisions, de se rembarquer à la hâte ; convaincu que sa mission était de faire aux Français, au moins dans leurs biens, le plus de mal possible, il s'en acquitta en détruisant ou faisant détruire par ses soldats tout ce qui — étant donnée la précipitation de leur retraite —pouvait tomber sous leurs coups, moissons, bétail, fourrages, mobilier, etc.

Aussi notre brave Lécoufle est-il absolument dans le vrai, quand, au rebours de La Châtre il déclare que, lors de la retraite de Marlborough sur Cancale, « dans les paroisses de Paramé, Saint-Ideuc, Saint-Coulomb, Cancale et Saint-Méloir, le désordre (c'est-à-dire le pillage) avait été général ».

Revenons donc, pour finir, à notre héros, — car c'est un héros. Et le jour où Saint-Servan aura — comme sa soeur aînée Saint-Malo en cela bien inspirée — sa salle des grands hommes, à côté des tableaux et des statues consacrés aux illustrations militaires et religieuses de premier ordre — aux Bouvet, aux Jeanne Jugan, au P. Le Pailleur, et autres, — je demande nettement, dès aujourd'hui, un buste tout au moins pour Gilles Lécoufle, héros plébéien, héros modeste, mais tout pétri d'honneur, de courage, de dévouement à la chose publique ; vrai type, en son humble sphère, des solides vertus bretonnes plantées, il y a treize siècles, en Aleth par le vieil apôtre des Aléthiens (saint Malo), et qui continuent d'y vivre, d'y fleurir dans la race servanaise.

(Arthur DE LA BORDERIE).

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Documents inédits.

I.

Contrat de mariage entre Gilles Lecoufle et Marie Pointel, le 31 janvier 1739.
Pour parvenir au mariage à futur entre le sieur Gilles-Vincent-Simon Lecoufle, natif de la paroisse de Saint-Servan, fils unique du sieur Jean-Simon Lecoufle et demoiselle Marie Brouard, marchands, demeurants en ladite paroisse de Saint-Servan, d'une part,
Et demoiselle Marie Pointel, native de ladite paroisse, fille de Luc Pointel, sieur de Bassesalle, et de damoiselle Guillemette-Françoise Alline, marchands cordiers, demeurants en la même paroisse, d'autre part :
Devant nous, notaires du roi et apostoliques héréditaires établis à Saint-Malo, soussignés, ont comparu led. Sieur Lecoufle fils et ladite demoiselle Marie Pointel, futurs époux et autorisés de leursdits pères et mères présents : entre lesquels ont été arrestés et accordés les points, clauses et conditions de leurdit mariage qui suivent, et sans lesquelles il n'auroit été :
C'est à sçavoir que lesdits sr et dlle Lecoufle ont accordé en dot au futur, leur fils, en avancement de droit successif, la somme de deux mile livres, qui (lisez « qu'ils ») lui ont présentement délivré et payé comptant, dont il reconnoist estre saisy et en quitte sesdits père et mère.
Et lesdits sr et demoiselle de Bassesalle ont aussy accordé en dot à la future, leur fille, en avancement de droit successif, pareille somme de deux mile livres, qu'ils ont aussy présentement delivré et payé comptant entre les mains dud. sr Lecoufle, futur époux, sous l'autorité dud. Sieur Lecoufle et femme, ses père et mère, dont il quitte lesdits sr et dlle de Bassesalle :
Desquelles sommes de deux mile livres il y aura les deux tiers qui tiendront à chacun des futurs époux lieu de fond propre et patrimoine en leurs estocs, ligne directe et collatérale, pour eux et leurs héritiers, sans pouvoir être mobilizés ny changer de nature de propre, en aucuns tems ny sous quelque prétexte que ce soit ;
Et l'autre tiers desdites sommes de deux mile livres entrera en la communauté des futurs époux, laquelle communauté commencera et ouvrira du jour de la bénédiction nuptiale, dérogeant à cet effet à l'article de Coutume à ce contraire.
Du surplus, les futurs époux se prennent avec tous leurs droits, actions et prétentions, et seront uns et communs en tous autres biens mobiliers, et acquest et conquest immeubles qu'ils pourront faire, constant leurdit mariage.
Est convenu que, sy la future épouse survit à son futur époux, elle aura et retirera ses hardes et nippes servant à sa personne hors de part de communauté, outre ses propres, quand même elle renoncerait à ladite communauté, et outre son trousseau suivant Coutume.
Demeurent lesdits sr et demoiselle Lecoufle, père et mère du futur époux, solidairement garands des propres de la future épouse, qui consistent en la somme de treize cent trante-trois livres, six sols, huit deniers, pour les deux tiers de ladite somme de deux mile livres, ladite Brouard à cet effet autorisée de sondit mary.
Sous lesquelles conditions lesdits futurs époux, sous lesdites autorités, ont promis et s'obligent passer outre à leurdit mariage et icelui solemniser incessamment en face de notre mère la sainte Eglise, selon les saintes constitutions canoniques, à peine de tous dépends, dommages et interest :
Ce que lesdites parties ont ainsy voulu, connu vray, consenty, promis tenir et exécuter de la sorte, chacun en ce que suit son obligation, sur l'hypotèque généralle de tous leurs biens présents et futurs, suivant Coutume et les Ordonnances royaux. Par tant, nous dits notaires de leur consentement les y avons condamnés, d'autorité de notre cour royalle de Rennes, avec permission et prorogation de juridiction à celle de Saint-Malo.

Fait et passé chez lesdits sr et dlle de Bassesalle, aux Bas-Sablons, paroisse de Saint-Servan, ce trante-unième jour de Janvier mil sept cent trante-neuf, après midy.

Et ont les futurs époux signé, en présence de leurs parents et amis soussignés, à l'exception, de ladite Brouard, qui a dit et juré ne savoir écrire ny signer ; à sa requeste a signé le sieur Jean Doity, clerc, demeurant en la ville de Saint-Malo cy présent.
Ainsy signé : Lecoufle. — Duchêne. — G. Lecoufle. — Luc Pointel. — Marie Pointel. — Guillemette-Françoise Alinne (sic) Pointel, Guillemette Pointel,... de Belouan, Doity. — Gendron, Morel, notaires royaux.
Sur la minutte, deument controllé à Saint-Malo, le 14e février, par Groult, qui a reçu 24 1. 12 s. Icelle minutte demeurée vers ledit Morel, notaire royal soussigné.
(Signé) GENDRON, notaire royal. MOREL, notaire royal.
(Pris sur l'expédition originale, parch.)
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II.

Lettre du comte de Saint-Florentin au duo d'Aiguillon.
A Versailles, le 9 octobre 1758.
J'ai l'honneur, Monsieur, de vous envoyer la médaille que le Roi veut bien donner au syndic de Saint-Servan. Ce sera une nouvelle satisfaction pour lui de recevoir par vos mains cette marque des bontez de Sa Majesté.

Je vous prie de croire que je suis toujours, plus parfaitement que personne du monde, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, (Signé) S. FLORENTIN.

[A] M. le Duc d'Aiguillon.
[Au dos de cette lettre, dont l'original fut laissé par le duc d'Aiguillon aux mains de Gilles Lécoufle, celui-ci a inscrit de sa main les deux notes qui suivent :]
— Le bienfait du Roy m'a été présenté le 15 octobre 1758 par le duc d'Aiguillon, à la maison de ville de Saint-Malo, en présence de toutte la Communauté assemblée par l'ordre de Mgr le duc, où se sont trouvés en outre M. le marquis de la Chastre, commandant des quatre eveschés [de] la Haute-Bretagne, M. Scot, lieutenant de roy à Saint-Malo, M. de Morlat, commissaire provincial des guerres, et plusieurs colonels et capitaines de divers régiments, qui accompagnoint Mgr le duc.
— Le 21 pluviose, an 2 de la République Françoise, cette medaille a été déposée par moy à la municipalité de St-Servan, pour en faire hommage à la Nation, suivant les décrets touchant la remise des décorations ; et a été déposée au district de St-Malo, avec plusieurs croix de S. Louis.

 

III.

Extrait des Registres des délibérations de la Communauté de ville de Saint-Malo.
Du dimanche, 15 octobre 1758, environ les 11 heures du matin.
Assemblée de la communauté tenue à l'hôtel de ville, où présidoit écuier Pierre Le Breton sieur de la Vieuville, conseiller du roy, maire de ladite communauté, après avertissement fait à chacun de ceux qui doivent composer l'assemblée par le garde de la Communauté, et le son de la cloche de la Grande Porte en la manière accoutumée ; le garde ayant affirmé avoir averti M. le Doïen du Chapitre pour que MM. Les députés du Chapitre y eussent assisté, si bon leur semble.
PRÉSENTS
MM. Des Saudrais Fleuriot, connétable et colonel de la milice bourgeoise.
De la Houssaye Pottier, échevin.
Fforty de Préravilly, échevin.
De Léhen de Brignon, échevin.
De la Villeneuve Brisart, échevin.
De Jallobert, échevin.
De la Moinerie Léveille, échevin.
Le fer de Chantelou, prieur en exercice.
MM. Beccard, prieur sortant d'exercice.
Locquet, assesseur.
De Lislle Scellé Girard, assesseur.
Marion de Beauregard, assesseur.
De la Villehuchet Magon, administrateurs de l'hôtel Dieu.
Vincent des Guimerais, administrateurs de l'hôtel Dieu.
De la Rivière Le Gentil, baillif des eaux.
De la Cour Gaillard, baillif des eaux.
Gardin, commissaires de police.
De Juttignay, commissaire de police.
Piednoir, commissaire de police du faubourg Saint-Servan.
Pinochet, commissaire de police du faubourg Saint-Servan.
Michelot, avocat et procureur du roy.
Pottier, capitaine de garde.
Grandchamps Chevalier, secrétaire greffier.

Monseigneur le duc d'Aiguillon étant entré en l'assemblée, avec Monsieur de la Chastre, Monsieur de Scott, lieutenant du roy, sieurs autres personnes de distinction et les officiers municipaux de cette communauté, a décoré le sieur L'Ecoufle, trésorier en charge de la paroisse de Saint-Servan, d'une médaille d'or que Sa Majesté a bien voulu lui accorder, pour témoignage public de sa satisfaction des services qu'il a rendus et pour récompense de ses travaux dans les descentes des ennemis de l'Etat sur ces côtes. Ledit sieur L'Ecoufle, ayant reçu des mains de Monseigneur le duc d'Aiguillon cette marque de distinction, lui en a fait ses très-humbles remerciements. (Signé) GRANDCHAMPS CHEVALIER, Greffier.
Controllé à Saint-Malo le 28 octobre 1758. (Signé) GROULT
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