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Situation administrative de Saint-Malo à la veille de la Révolution

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Saint-Malo était le siège d'une subdélégation qui s'étendait jusqu'à Cancale, La Gouesnière, Saint-Guinoux, Saint-Jouan et Pleudihen. Cette subdélégation dépendait de l'intendance de Rennes.

Les intendants de provinces avaient apparu peu à peu (Ibid., Notes et fragments, fol. 192. Manet. Le Roi et ses Ministres, Viollet, lib. Sirey, 1912), d'abord sous le nom de commissaires départis. Cette institution fut à son apogée dans la deuxième partie du règne de Louis XIV, sous Louis XV et XVI. En nom, l'intendant date du XVIIème siècle : 1603. Il ne relève que du roi et de son Conseil. Cette fonction correspondait à celle de nos préfets d'aujourd'hui, mais avec des attributions plus vastes et « une personnalité plus marquée ». Les subdélégués, temporaires, puis perpétuels, jouaient de leur côté un rôle assimilable à celui des sous-préfets.

Les pouvoirs des intendants et subdélégués s'étendaient aux finances, à la justice et à la police. Ils devaient veiller à la répartition des impôts, protéger le commerce, l'agriculture, assurer l'entretien des chemins : ils avaient aussi la haute direction sur les communautés des villes, les milices.

En 1788, l'intendant de Bretagne était l'infortuné Bertrand de Motteville. Le subdélégué de Saint-Malo était alors Robert de La Mennais qui remplit cette fonction avec une distinction et un zèle remarquables. Le subdélégué (Etat de la France, op. cit., 3ème partie, p. 78), était l'agent personnel et le représentant de l'intendant : il était choisi par lui et n'avait pas de commission officielle ; il ne pouvait pas correspondre directement avec le ministre, devant suivre la hiérarchie et s'adresser à son supérieur, l'intendant. Ses fonctions étaient, somme toute, les mêmes que celles de l'intendant, mais elles s'exerçaient dans un rayon restreint et sous la surveillance de ce dernier. Généralement, le subdélégué se choisissait lui-même un successeur et le présentait. C'est ainsi que Robert de La Mennais, qui abandonna ses fonctions en 1788 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C. 1714) les avait reçues de M. Gauttier, avocat, en 1782 ; trouvant la charge trop lourde, n'ayant reçu, d'autre part, aucune indemnité pour ce surcroît de travail, M. de la Mennais présenta à son tour un nommé Gilbert, « homme honnête et sage » pour le remplacer.

Saint-Malo était administrée par la Communauté de la ville, dont l'organisation était toute spéciale (Etude sur l'Admininistration municipale en Bretagne, op. cit., p. 14 et 15). Du reste, sur les 42 communautés que comprenait la province, il n'y en avait pas deux qui fussent absolument semblables.

Le corps qui élisait le maire était pris dans la communauté ; le nombre des membres de la communauté était lui-même très variable. Le dispositif de l'édit de la reine Anne du 8 novembre 1513 et de celui de Louis XIV du mois d'août 1692, relativement aux droits et à la tenue des assemblées municipales avaient réglé la situation jusqu'en 1713 (Arch. com., Grandes recherches, Manet) ... A cette époque, les chapitres, les officiers de la justice et quelques autres personnes liées par un commun intérêt, présentèrent à la Cour, à l'insu de la communauté, une requête aux fins d'obtenir un nouveau statut. Le 22 mai 1714 parut l'arrêté du Conseil d'Etat suivant : « Le roi étant informé du peu d'ordre qui s'observe dans les assemblée de l'hôtel de ville de Saint-Malo, qui se font pour délibérer sur les affaires de la communauté, ce qui provient en partie du refus que font les gentilshommes et autres particuliers qui prétendent devoir être exempts d'y assister, par le titre des charges dont ils sont revêtus ; et Sa Majesté désirant y pouvoir par un règlement convenable à une ville aussi considérable, en fixant les personnes qui auront seules le droit d'assister aux dites assemblées, avec l'avis du sieur Ferrand, conseiller du roi en ses conseils, maîtres des requêtes ordinaires de son hôtel, commissaire député pour l'exécution des ordres de S. M. en la province de Bretagne ; ouï le rapport du sieur Desmarets, conseiller du roi au conseil royal, contrôleur général des finances ; S. M. étant en son conseil, a ordonné et ordonne qu'à l'avenir aucun des habitants de la ville de Saint-Malo n'aura droit d'assister aux assemblées qui se tiendront pour les affaires communes de la dite ville, que ceux-ci après nommés, savoir : le gouverneur ose celui qui commande en sa place ; deux députés du chapitre de Saint-Malo, le sénéchal ; l'alloué ; le lieutenant et le procureur fiscal de la justice seigneuriale de la dite ville ; le connétable et colonel de la milice bourgeoise et en son absence, le lieutenant-colonel ; le maire en charge ; tous les anciens maires ; le receveur des droits patrimoniaux et d'octroi, le procureur du roi de la communauté et en son absence le substitut ; le prieur consul en charge et l'ancien prieur sortant, et en cas d'absence ou légitime empêchement, le consul suivant, par ordre d'ancienneté ; l'ancien juge de police et, en son absence ou légitime empêchement le plus ancien ; l'ancien bailly des eaux et en son absence ou légitime empêchement l'officier suivant ; un administrateur de l'hôtel-Dieu ; l'avocat de la communauté ; le greffier de la communauté et douze notables habitants qui seront nommés par l'assemblée de ville et choisis d'avec tous les habitants de Saint-Malo faisant commerce, soit qu'ils soient gentilshommes, secrétaires du roi, ou possédant d'autres offices, lesquels ne pourront se dispenser d'entrer dans les charges publiques, lorsqu'ils seront élus ; desquels 12 habitants ainsi nommés il en sortira quatre, tous les ans qui seront les plus anciens, en la place desquels il en sera nommé quatre autres par la dite assemblée. Ordonne S. M. que toute délibération prise dans l'assemblée de l'hôtel de ville sera nulle et sans effet, si la dite assemblée n'est composée, au moins, de 20 personnes, enjoint à ceux qui sont ou seront ci-après nommés de se trouver exactement aux dites assemblées, et en cas que quelques-uns négligent d'y assister, et que les assemblées ne puissent être tenues, avec le nombre requis, ordonne qu'il en sera donné avis à S. M. pour y être pourvu, ainsi qu'il appartiendra et sera le présent règlement lu, publié et enregistré au greffe de la dite ville de Saint-Malo, pour être exécuté selon sa forme et sa teneur, enjoint S. M. aux commmissaires départis en la dite province de Bretagne d'y tenir la main. Fait au Conseil d'Etat du roi, S. M. y étant, tenu à Versailles le 22ème jour de may 1714. Signé : Colbert ».

Comme de cet arrêt il résultait que le maire, qui, par l'édit de sa création, avait le droit de présider le corps, ne se trouvait plus ici que le neuvième personnage ; comme, de plus, au lieu de la simple assistance d'usage du chapitre, celui-ci obtenait voix délibérative et prépondérance — les membres qui devaient lui être particulièrement dévoués ayant augmenté, — le corps de ville porta au roi, sans succès d'ailleurs, ses réclamations.

En 1727, 1728, on revint à la charge et on essaya de faire reviser cet arrêt de 1714. Les opposants trouvèrent la même résistance. Pourtant, à force de multiplier ses requêtes et ses plaintes, le corps de ville finit par obtenir gain de cause, et le 20 août 1751, le roi signe un nouvel arrêt réglant définitivement la question. Il ordonnait que les édits de 1513, août 1692 et décembre 1706 soient exécutés selon leur forme et teneur. « En conséquence garde et maintient S. M. les officiers municipaux de la ville de Saint-Malo et communauté dans le droit, possession et jouissance de tous les droits, immunités, prérogatives, préséances et privilèges attribués aux offices municipaux par les édits et arrêtés ; fait S. M. très expresse inhibition et défense, tant au chapitre de Saint-Malo qu'à tous les officiers de sa justice, au connétable colonel de la milice bourgeoise de la dite ville et à tous autres de les troubler ; ordonne S. M. que la communauté de la ville de Saint-Malo sera composée à l'avenir du gouverneur, en son absence du lieutenant de S. M., du maire, lieutenant du maire, des anciens maires, du connétable colonel de la milice bourgeoise, du lieutenant-colonel de la dite milice, de six échevins, du prieur, du premier consul en exercice, du prieur et premier consul sortant d'exercice, de six assesseurs, deux administrateurs de l'hôtel-Dieu, du trésorier-miseur des deniers d'octroi et deniers patrimoniaux, du contrôleur des dits deniers et patrimoniaux, des deux juges baillifs des eaux, des trois commissaires à la police, de l'avocat de S. M., du secrétaire greffier, du contrôleur du greffe, du capitaine de la garde du jour, lesquels auront tous rang, séance et voix délibérative dans les assemblées de la communauté de la dite ville dont les délibérations seront exécutées, pourvu qu'il se trouve quinze personnes de celles cy-dessus nommées aux dites assemblées, dans lesquelles les députés du chapitre n'auront que les droits d'assistance si bon leur semble, sans voix délibérative suivant l'édit de 1513, et desquelles assemblées les officiers de leur juridiction seront exclus à l'avenir, à moins qu'ils n'y soient appelés comme principaux habitants de la dite ville. Ordonne en outre S. M. que, tous les trois ans, il sera nommé d'autres officiers municipaux pour remplir tous les offices ci-dessus, à moins que la dite assemblée ne juge à propos de les continuer dans leurs fonctions ».

Par cet arrêt, les maires de Saint-Malo, qui, depuis 1742, avaient provisoirement repris leur place, aussitôt après le lieutenant du roi, sauf dans les cérémonies et marches publiques, où les juges de la seigneurie gardaient toujours la préséance, se rétablissaient entièrement et définitivement dans leurs anciens droits et ce, en dépit des plaintes du chapitre évincé (Arch. d'Ille-et-Vilaine, Fonds La Borderie, G 81).

Par un arrêt du Conseil d'Etat du 11 juin 1763, le maire fut astreint à demeurer en ville, à moins que l'intendant ou le commandant en chef dans la province ne lui en ait accordé la dispense et à moins, aussi, qu'il n'ait été déclaré apte à ne jouir des privilèges que lui conférait sa situation, que dans le lieu de sa résidence.

En dehors des membres de la communauté de ville, il y avait de nombreux employés municipaux qui s'échelonnaient depuis le tambour de ville jusqu'au contrôleur des octrois et deniers patrimoniaux (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 436, et Etude sur l’administration municipale en Bretagne, p. 55 et suiv. ).

L'élection du maire était faite dans le sein même de la communauté, Il était élu pour trois ans. Conformément à l'édit de 1763, on proposait trois sujets qui devaient être agréés par le commandant de la province. Ce mode d'élection était très discuté et, dès 1765, un échange de correspondance entre M. Le Fer de Chantelou, alors maire de la ville, et M. Scott, lieutenant du roi, en témoigne éloquemment. Avant cet édit, le maire était nommé par le roi. L'usage était d'élire pour maire un père de famille choisi dans les familles nobles ou bourgeoises, occupant depuis très longtemps des charges municipales. Le maire était tenu, nous l'avons vu, à la résidence. Il ne devait même s'absenter qu'avec la permission du commandant en chef ou de l'intendant (Etude sur l’administration municipale en Bretagne, p. 41).

Les séances de la communauté se tenaient tantôt à l'hôtel de ville [Note : Depuis Louis XIII, le blason de la ville était « de gueule à une herse d'or mouvant de la pointe de l'Ecu surmontée d'une hermine passant d'argent bouclée d'or et lampassée de sable ». En 1791, l'écusson gravé sur la porte de la maison commune disparut. On martela également la fameuse inscription de la reine Anne « quinquengroigne, ainsi soit, c'est mom plaisir ». Le 25 décembre 1791, on remplaça ce blason par un écusson de feuilles de chêne, avec ces mots au milieu : « la Nation, la Loi, le Roi », et au-dessus : « Municipalité de Saint-Malo ». Plus tard, l'assemblée municipale fit inscrire sur les panneaux extérieurs, au-dessus de la salle des séances : « Vivre libre ou mourir », et, sur les panneaux intérieurs : « la Notion, la Loi, le Roi » : enfin, dans le cartel intérieur : « La Constitution ou la Mort ». (Archives communales, abrégé chronologique, fol. 274. Manet)] ou à la salle de l'abbaye Saint-Jean, tantôt à la salle du Ravelin qui donnait dans la cour intérieure du bastion de ce nom, devant la Grande-Porte (Saint-Malo historique, p. 8, E. Prampain). Plus tard, en 1790, nos édiles se réunirent à la salle commune du monastère de Saint-Benoist (Arch. com., abrégé chron., fol. 228. Manet).

Les séances, assez rares, généralement, deviennent de plus en plus fréquentes vers 1788-1789 ; elles sont un moment quotidiennes et se prolongent même souvent tard dans la nuit. Le 28 juillet 1789, la communauté établit un conseil permanent avec, de temps à autre, des réunions d'assemblée générale. Les présidents de cette commission permanente furent, tour à tour, MM. Sébire, Rocher, Le Baillif, l'abbé de Launay de Carheil, Le Baillif, Michel de la Morvonnais, Blaize de Maisonneuve, Louvel-Duparc, M. de Varennes, M. Lorin, M. de Varennes et Cudenet (Arch. com., BB 40, fol. 41).

La garde du corps de ville avertissait des séances les membres de la communauté et la cloche de la Grande-Porte sonnait le ralliement (Arch. com., fol. 7).

Le maire était député-né de la communauté aux Etats de Bretagne ; il recevait comme indemnité pour cette représentation la somme de 200 livres qui pouvait être doublée, quand la tenue des Etats-Généraux se prolongeait au delà de trois mois. En outre, s'il se signalait par son activité, il obtenait parfois des bourses de jetons (Etude sur l’adm. mun., fol. 45). La fonction de maire était, du reste, lègerement rétribuée. Il touchait, déduction faite du vingtième et des quatre sols pour livre : 576 livres d'honoraires, M. Sébire fit élever quelque peu cette allocation (Arch. com., BB 40, fol. 18). La charge était évidemment fort lourde ; le désir de ceux qui la supportent de s'en débarrasser suffirait à lui seul à le prouver. Durant l'année 1788, à plusieurs reprises. M. Sébire essaya de se retirer et les procès-verbaux des séances d'alors montrent que ce n'est que sur l'insistance unanime, pressante et répétée de ses collègues qu'il consentit à rester en fonctions.

Le maire avait certains privilèges de préséance, comme celui très honorifique, par exemple, à l'instar des députés de Nantes et Brest, d'entrer et siéger aux Etats, l'épée au côté ; pendant longtemps, il n'y avait pu porter que le petit manteau et le rabat ; il avait encore le privilège de recevoir le serment des échevins et autres officiers, d'examiner et clôre les comptes des deniers patrimoniaux, d'ouvrir les lettres et ordres du roi adressés à la communauté ; il avait la clef des archives, allumait les feux de joie, portait la robe et autres ornements ; il était exempt de tutelle, curatelle, taille, guet et garde, ban et arrière-ban, droits de tarif sur les denrées nécessaires à ses provisions.

Un édit de Louis XIV avait créé, en 1692, dans toutes les principales villes de France ces maires qui devaient succéder aux syndics appelés « maiëurs ».

Le premier maire de Saint-Malo avait été Jean-Baptiste Aumaistre, sieur de la Chassaigne ; 1693-1699. Après lui vinrent, nommés pour trois ans :
2° Jean Gonet, sieur de la Coudre : 1699-1701.
3° Jean Séré, sieur de la Villemartère : 1701-1704.
4° René Guillaudeu, sieur Duplessis : 1704-1708.
5° François Le Fer, sieur du Pin : 1708-1710.
6° François-Auguste Gouin, sieur de Langvollay : 1710-1713.
7° Nicolas Géraldin : 1713-1716.
8° Thomas Gravé, sieur de la Chaise ; 1716-1719.
9° Alain Gaillard, sieur de la Motte : 1719-1722.
10° Pierre Eon, sieur de Ponthay : 1722-1725.
11° Alain Le Breton, sieur de la Pluminais : 1725-1728.
12° Gabriel Macé : 1728-1731,
13° François Le Fer, sieur de Beauvais : 1731-1738.
14° François-Joseph Guillaudeu, sieur Duplessis : 1738-1740.
15° Guillaume Joliff, sieur Duclos : 1740-1751.
16° Michel Picot, sieur Dubois-Feuillet : 1751-1755.
17° Pierre Le Breton, sieur de la Vieuxville : 1755-1758.
White de Boisglé est élu en 1758, mais n'accepte pas la fonction.
18° Pierre Le Fer, sieur de Chanteloup : 1758-1765.
19° Nicolas White de Boisglé (qui a changé d'idée) : 1765-1770.
20° Alain Le Breton : 1770-1773.
21° Nicolas-François Magon de la Villehuchet : 1773-1777.
22° Alain Le Breton : 1777-1786.
23° Dominique-François Sébire : 1786-1790.
Dominique-François Sébire était le fils aîné de Gilles-François, sieur de Longpré et de Julienne-Véronique Lemarchand, la seconde fille de Nicolas-Louis Lemarchand, sieur de la Chapelle, capitaine. Il était armateur et marié à Marie-Jeanne Morin, fille d'un chirurgien du roi Alain Morin (Anciens Registres paroissiaux de Bretagne, t. III, p. 382 Paris. Jallobert).

Le maire avait un secrétaire inscrit au budget municipal, pour 900 livres par an. Après le maire, le premier officier municipal était le procureur du roi ou procureur syndic. Celui-ci expose les questions, prononce les réquisitions, donne les conclusions (Etude sur l'Adm. mun., p. 54).

Le miseur était le trésorier de la ville, fonction qui se trouvait être parfois fort délicate ; c'était un office. Le greffier tenait le registre des délibérations, avait la garde des archives municipales.

Ces emplois étaient recherchés et se transmettaient souvent de père en fils ; ils étaient d'ailleurs assez lucratifs.

A côté de la police de la ville, plutôt négligée (Etude sur l'Adm. mun., p. 79), attribuée à plusieurs commissaires, il faut aussi signaler l'existence d'une police du port, attribuée de temps immémorial à deux juges nommés baillifs des eaux (Arch. com., BB 59, fol. 143) qui étaient choisis par la communauté parmi les anciens capitaines des familles honorables de la ville. Leur fonction était toute gratuite ; ils recevaient 50 livres par an chacun, comme compensation des menus frais que leur occasionnaient les fréquents passages à Saint-Servan dans leur service. Dans le port, ces baillifs ont une juridiction réelle ; ils jugent toutes les contestations et tous les différents qui peuvent survenir concernant les navires et les bateaux du passage de Saint-Malo-St-Servan. Ils ont le pouvoir d'infliger des amendes qu'ils fixent eux-mêmes selon la gravité des cas. Ils sont chargés de veiller à l'exécution des règlements, de maintenir le bon ordre dans le port ; ils prennent soin de l'entretien des machines qui y sont établies pour la sûreté des batiments, des signaux et balises ; enfin, ils entretiennent le feu du cap Fréhel. Grâce à une concession toute spéciale de S. M., ils jouissent, pendant leur exercice, de l'exemption de garde, tutelle et curatelle. Pour les seconder, ces juges ont un sous-baillif, homme capable et expérimenté qui doit avoir servi sur les vaisseaux du roi, au moins en qualité de maître ou pilote ; le sous-baillif touche 400 livres, et ceci en raison de ce que cette fonction l'occupe complètement.

En 1728, les baillifs acquirent les droits de lestage et délestage pour 5.600 livres ; ce droit était perçu à raison de 5 sols par tonneau de lest de pierres et de 12 sols pour la totalité d'un lest de sable. Le droit d'ancrage perçu encore par les baillifs était de 13 sols pour les bâtiments de 10 tonneaux et au-dessus et de 6 sols 6 deniers pour tous les bateaux pontés au-dessous de 10 tonneaux, à l'exception de ceux qui apportent du blé qui en sont exemptés. Un édit du roi de juin 1788 supprima les droits d'ancrage, lestage et délestage.

Le balliage avait aussi la charge des six ponts qui conduisent à Saint-Servan, ainsi que des quais et des rampes.

Comme employés de la communauté, citons encore l'horloger public, le concierge, les valets, hérauts, huissiers, archers et tambours de ville. Ceux-ci, le plus souvent, ont un autre métier ; ils sont cordonniers, savetiers, et cela déplait fort à leurs concurrents ; il y a aussi un imprimeur-libraire de la communauté qui ne manque pas au 31 décembre « d'offrir à chaque membre du bureau un almanach pour étrennes ». La ville a aussi son médecin, son chirurgien, une sage-femme ; elle n'a pas d'avocat conseil attitré (Arch. com., BB 40 fol. 18).

Les charges de la ville étaient lourdes et obligeaient à recourir souvent à des emprunts municipaux : ces emprunts étaient contractés avec l'autorisation du Conseil d'Etat, d'où des frais énormes ; toutefois, les rentes constituées par les arrérages, étaient exemptes du vingtième. Couvents, associations charitables, hôpitaux en étaient les souscripteurs ordinaires ; souvent aussi les notables de la ville se faisaient un devoir d'y participer (Arch. com., CC. 40, et Etude sur l'adm. mun., p. 420. — Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 816).

Entre autres charges de la ville, signalons, pour son originalité, celle qui consistait en frais de fête et de présents fait à des personnages marquants. Ainsi, en 1788, le 10 janvier, la ville envoyait à M. Petit, commissaire des guerres et secrétaire de l'intendance de Rennes, une caisse de 25 bouteilles de vin d'Espagne et un sac de café de Bourbon (Arch. com., BB 57, fol. 2). De même, quand le comte de Thiard vint te 15 mars 1789 à Saint-Malo, il reçut le cadeau ordinaire et conforme au règlement du 16 juin 1767, les 25 bouteilles de vin d'Espagne ; puis on lui rendit les honneurs en faisant tirer onze coups de canon des tours de la Grande-Porte. Ajoutons qu'en dehors de ces marques coûteuses de respect, le maire était allé à la tête du corps de ville le recevoir à la porte Saint-Vincent, lui remettre les clefs ; les navires avaient déployé leurs pavillons, flammes et banderolles (Arch. com., BB 40, fol. 33).

L'Etat mettait aussi à contribution la ville dont les revenus sont presqu'entièrement dévorés par le fisc ; la ville paye un vingtième du revenu de 91.927 livres à la province (Etude sur l’adm. mun., p. 422).

Comme dépenses importantes, la ville avait celle des gages du personnel. Le gouverneur recevait une partie des octrois, plus de 10.000 livres par an. Il prélevait de plus deux bûchées par brassée de bois de chauffage destiné à la fourniture du corps de garde. Il recevait, enfin, annuellement de la ville 5.550 livres peur ses appointements, sans qu'on lui retire 1 sol pour le vingtième et les 4 sols pour livre du premier vingtième. Le délégué particulier du commerce, à Paris, est « honoré » de 3.000 livres. Un professeur d'hydrographie reçoit 600 livres ; la ville à un maître d'armes qu'elle paie 300 livres (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 436), un aide-major de la milice hongroise, des gardiens des forts Royal, Conchée, du Petit-Bé, de l’île à Rebours qui reçoivent 910 livres. Elle paie un contrôleur de la pompe, les archers des pauvres, le loyer de l'hôtel de ville, du consulat et des bureaux de la marque des toiles, le logement des commissaires de guerre, quelques pensions viagères, les taxations des comptables, les voyages aux Etats, les épices, des droits de sceau, le gage des maire et employés municipaux, les honoraires de l'avocat du procureur du roi de la ville, les quatre porteurs de la ville, les portiers des murs, le gardien du Talard, plus de 30.000 livres de gages en tout. Les frais de police sont assez peu élevés, car la plupart des commissaires sont propriétaires de leurs offices (Arch. com., BB 57, fol. 4).

Il faut compter encore les charges extraordinaires ; en dehors des présents et dépenses pour les fêtes religieuses ou civiles dont nous avons parlé, on peut comprendre dans ce chapitre le supplément des rétributions accordées aux députés aux Etats, suivant la longueur des tenues, les réparations qu'on est obligé de faire aux banlieues de la ville, à ses ponts et hâvres, aux chaussées, aux pavés, fontaines publiques, ponts, etc... Rien que pour les ouvrages publics, la dépense s'élevait en 1789 à 44.307 livres (Arch. com., CC 40). Le plus souvent, le chiffre des dépenses excède les revenus.

Le 25 mars 1786, la communauté de Ville réclama contre cette situation aux commissaires des Etats de Rennes. Elle protestait contre le rachat des offices municipaux, contre l'obligation dans laquelle elle était d'entretenir les fortifications, séparées de Saint-Malo par la mer, et d'y entretenir des gardiens, une artillerie, une garnison, alors que partout ailleurs les dépenses nécessaires à l'entretien des places de guerre étaient des dépenses d'Etat ; elle s'attaquait aussi à la charge de la nourriture et de l'entretien à l'Hôtel-Dieu des enfants trouvés dans le faubourg de Saint-Servan, charge qui s'élevait à 1.600 livres par an et qui devait incomber aux seigneurs des fiefs du faubourg ayant la déshérence et les successions des bâtards décédant sans postérité ; les récriminations s'élevaient plus violentes encore contre la place du gouverneur (Etude sur l’adm. mun., p. 317) qui semblait véritablement sans utilité à Saint-Malo. Depuis 52 ans, disait la communauté, « la ville a eu 5 gouverneurs dont elle n'a vu ni connu un seul » (Arch. com., BB 57, fol. 6).

Ces charges apparaissaient d'autant plus considérables que la situation même de Saint-Malo obligeait l'administration de la ville à des dépenses de travaux tout à fait inconnues ailleurs. Aussi, pour faire face à ces charges, dut-on établir à Saint-Malo des octrois plus onéreux que dans d'autres places. Ils constituaient le principal chapitre des recettes au budget ; ils consistaient en droits sur les cuirs, toiles, fils, vins, cidres et bières, bois à brûler, charbon. etc... La recette s'en élevait, en 1789, à 46.691 livres 19 sols, selon le rapport du régisseur de ces droits, M. Antoine Pringuié (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C. 817).

Les biens patrimoniaux de la ville qui rapportaient, en 1788, 30.886 livres 15 sols étaient des droits de pancarte se levant sur toutes les marchandises et denrées qui entraient et sortaient de la ville, « ports et havres et limites d'icelle » (Arch. com., CC 58). Ces droits étaient fort anciens ; ils furent accordés à Saint-Malo par les ducs de Bretagne et confirmés par les rois. Les receveurs de ces droits étaient, en 1788, MM. Billy, Montfort, Carraulois, Renoul, Bauville, Lemercier.

Parmi les autres recettes, il faut citer les rentes sur la recette générale des finances se montant annuellement à 505 livres 13, le droit de marque sur les toiles, coutils, bazins et autres étoffes fabriquées en Bretagne. En 1787, le produit en était de 788 l. 19 ; le droit de quarantaine, imposé aux particuliers et fabricants avait été supprimé en 1785 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 433).

Les comptes du budget étaient soigneusement vérifiés ; la municipalité nommait des commissaires à cet effet. Lorsque M. Sébire abandonna les fonctions de maire (Arch. com., CC 40), le contrôle fut des plus sévères ; l'ancienne municipalité fut assez critiquée, surtout en ce qui concernait le mauvais procédé par elle employé dans l'administration des travaux publics. « La reconstruction d'une partie de la banlieue, sur la route de Rennes, l'embranchement du grand chemin au bourg de Saint-Servan dont la dépense s'élève à plus de 41.000 livres, ont été faits à la journée, tandis que ces ouvrages étaient d'une importance à exiger une entreprise par adjudication précédée d'un procès-verbal de devis et bannie dans les villes et lieux circonvoisins ; l'approbation du marché par le commissaire départi était encore une formalité nécessaire pour en assurer l'exécution ». Ce n'était d'ailleurs là qu'une critique de principe qui n'atteignait pas les plus honorables des administrateurs.

Le rôle le plus important, peut-être, de la municipalité était la répartition des impôts, de ces impôts contre lesquels protestent avec ensemble les cahiers de 1789. La levée en était faite, on le sait, par les Etats de Bretagne qui, avant de se réunir, envoyaient aux communautés un mandement fixant la somme à laquelle était évalué le rendement des impositions. Comme toute autres, la municipalité de Saint-Malo faisait remettre aux commissaires des Etats le projet du rôle de la capitation et autres droits qui y étaient joints, en se conformant au mandement. Pour couvrir les non-valeurs des deux années écoulées, an ajoutait un excédent au chiffre donné (Arch. com., CC 54).

Pour mémoire, rappelons les principaux impôts de l'ancien régime ; fouage ou taille : taxe mixte, à la fois réelle et personnelle, réelle en ce qu'elle ne frappait que les terres roturières ou devenus roturières, soit par la prescription de 40 ans, soit par un afféagement roturier ; personnelle, en ce qu'elle ne pesait que sur les roturiers. Cette imposition était assez bien acceptée, parce que relativement peu lourde. Seuls, les exemptions et les privilèges la rendaient injuste (Etude sur l’adm., op. cit., t. I, p. 148 et suiv.) ; la capitation ou impôt sur le revenu, personnel et général dont personne n'est exempt sauf le clergé ; le vingtième, purement réel, ces deux dernières impositions abonnées pour la province ; la corvée, imposée pour la réparation et la construction des grands chemins ; la dime perçue au profit du clergé, enfin de nombreux impôts indirects dont les principaux étaient les aides, les droits de contrôle, les traites, le centième denier et une quantité de droits seigneuriaux. La Bretagne, rappelons-le, était exempte de gabelle.

La municipalité n'était chargée que de la répartition et du recouvrement des impôts directs : les plaintes des habitants conservées par nos archives, en dehors même des cahiers de la sénéchaussée qui n'exprimait sur ce point que des idées générales, portent surtout sur la capitation. Il est facile d'en trouver la raison. Cette imposition atteignait surtout les petits bourgeois travailleurs, intelligents, économes, qui augmentaient rapidement (Etude sur l’adm., op. cit., t. I, p. 172) leurs ressources, soit en cumulant plusieurs fonctions lucratives, soit en pratiquant plusieurs branches de commerce ou d'industrie.

Au cours du XVIIème siècle, la création de la ville de Lorient avait enlevé à Saint-Malo un grand nombre d'habitants, indépendamment de ceux qui quittaient la ville pour se soustraire à des charges publiques trop lourdes pour eux (Arch. com., CC 4. n° 300) ; les habitants qu'ils y laissaient ne pouvaient plus, dans ces conditions, assumer toute la charge de la capitation à laquelle la ville était taxée dans la répartition générale de la province. On avait alors promis que les habitants de Lorient contribueraient à la décharge de ceux de Saint-Malo, la capitation de ceux-ci dépassant de beaucoup la somme reportée sur ceux-là ; mais l'espérance fut trompée ; rien ne fut changé.

Or, comme le nombre des habitants existants avait diminué de moitié, la capitation appliquée à chacun était une fois plus forte qu'auparavant. Loin de s'atténuer, le mal s'aggrava ; il arriva, en effet, qu'un grand nombre d'habitants se retirèrent à la campagne dans une des paroisses voisines ; plusieurs aussi trouvèrent le moyen de se faire taxer dans le rôle de la noblesse où la même augmentation n'avait pas eu lieu.

A chaque tenue des Etats, les députés de la ville ne manquaient pas de s'élever contre ces désertions et proposaient, comme remède, la diminution du taux de l'imposition et la compensation entre les villes et les paroisses des campagnes voisines.

« Le poids de la capitation est devenue insupportable, — disaient-ils, — pour le petit nombre des habitants de Saint-Malo ; les héritages ont perdu de ce fait une moitié de leur valeur primitive ; un cinquième des maisons et boutiques n'est pas loué et cela prouve la désertion, la langueur du commerce ; pourtant, il est intéressant de conserver une ville utile par son commerce, une ville qui fournit les meilleurs matelots et ouvriers de la marine, qui est une des principales clefs de la province et qui, si elle devient tout à fait déserte, ne sera plus qu'une citadelle à charge d'Etat. Il est impossible que Saint-Malo sans territoire ni manufactures, une des plus petites villes de cette province — puisqu'elle ne contient que 72 journaux de terre — puisse faire face aux dépenses et réparations continuelles qui sont à sa charge » (Arch. com., CC 59).  Leurs plaintes s'étendaient aussi aux habitants de Saint-Servan, « dont le peuple nombreux, qui n'a d'autres ressources qu'un travail qui manque d'objets, languit dans la misère ». Et l'on demandait que la capitation soit fixe et s'élève à la somme de 20.000 livres pour la ville et 4.000 pour son faubourg. Ces pétitions étaient signées des plus notables habitants.

La capitation s'élevait en moyenne à 35.000 livres ; la remise ordinaire accordée par la loi était de 100.000 livres pour la province et, sur ce chiffre, Saint-Malo était compris pour 2.000 livres.

La répartition était faite comme s'il n'y avait pas de diminution à opérer (Arch. com., CC 54). Cette première répartition se faisait par un seul rôle — le plus fort aidant le plus faible — sur tous les contribuables de la ville qui, par leurs naissances ou leur état, étaient sujets aux impositions roturières. Cette première répartition achevée, on diminuait : 1° sur tous les plus pauvres contribuables, dont la cote de capitation n'excédait pas 3 livres, une somme d'environ 2.000 livres, ce qui représentait la remise accordée par le roi ; 2° sur toutes quotes de 3 livres et au-dessous (non comprises celles des domestiques de MM. les Ecclésiastiques), une somme variable, mais de 500 livres environ.

A lu fin des projets, les députés des villes devaient faire « des rôles pour mémoire seulement des chapitres des ecclésiastiques, des gentilshommes, de leurs veuves et enfants résidants dans la ville, qu'ils dénommaient par leurs noms, seigneuries et qualités, comme aussi des employés aux fermes du roi, ports et hâvres, droits de prévôté de Nantes, traites et gabelles aussi, résidants dans la ville, comme aussi des mendiants et autres personnes absolument hors d'état de payer la capitation et autres impositions y jointes ».

Chaque contribuable était taxé proportionnellement à son aisance, commerce ou industrie, en sorte que les contribuables les plus aisés ne devaient pas être « soulagés à l'oppression des pauvres ». Les commissaires et notables qui travaillaient à la rédaction des projets de rôle — et auxquels, nous le verrons plus tard, on ne ménageait pas les critiques — étaient tenus de se taxer, ainsi que leurs parents, leurs femmes et domestiques, en proportion des autres contribuables, sans pouvoir diminuer leurs cotes des années passées, à peine d'être imposés par supplément au double de leur juste taxe et à 10 livres d'amende, autant en décharge de leur ville. Les clercs tonsurés, les suppôts de Chœur n'ayant d'autres biens que les gages de l'Eglise, toute personne vivant en communauté régulière ou séculière, sous la juridiction ecclésiastique, les principaux et professeurs de collèges ou ecclésiastiques et n'ayant d'autres biens que leurs honoraires ne pouvaient, conformément à la délibération des Etats de 1770, être assujettis à la capitation. Ajoutons que les officiers des armées de terre et de mer, les invalides retirés du service avec une pension, ne pouvaient être imposés à la capitation.

Aucun laïque, à part les exemptions vues, ne pouvait se soustraire à la capitation (Etude sur l’adm., op. cit., p. 159 et suiv.). Le rôle des gentilshommes leur était spécial. L'imposition de la noblesse était au-dessous de ses facultés, d'autant plus qu'outre les gentilshommes, elle comprenait leurs domestiques et même les précepteurs laïques et leurs enfants.

Pour soulager le Tiers-Etat, on lui attribuait les cotes de gentilshommes de noblesse dormante et naissante, A la noblesse naissante appartiennent les annoblis qui ne peuvent jouir de tous les droits de la noblesse qu'à la troisime génération, les secrétaires du roi qui ne peuvent être admis dans la noblesse qu'après avoir exercé leurs charges pendant vingt ans. La noblesse dormante est celle des gentilshommes qui dérogent par le commerce, qui occupent un emploi dans les fermes ou un office dans les rangs inférieurs de la magistrature. A Saint-Malo, l’état de MM. les Gentilshommes capités à la décharge du Tiers-Etat était, en 1789, le suivant (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4262) : M. Baude, marquis de la Vieuville, Mme veuve Eon de Carmau, le fils mineur de M. White d'Abbévillé, M. Magon de la Lande fils, Mme veuve de la Motte du Lesnage, Mlle White, Mlle du Velaër, M. Harrington, Mme veuve Magon de la Gervesais, Mme veuve de Pontrieux, M. Sauvage de Beauséjour, Mme Roubaud, veuve Le Fer de la Saudre, M. Le Fer de Bonnaban, M. Le Fer, M. Le Fer de la Saudre, M. Meslé de Grandclos, M. Serré, les demoiselles de la Villemarterre-Serré, Mme veuve Baudran de Maupertuis, Mme veuve de Saint-Jouan de Tréquintin, M. Naye, Mme veuve Magon du Bos, Mme veuve de la Bouexière, M. Magon de la Lande père, M. Le Fer de Beauvais, M. Garnier du Fougerais, M. Eon fils, M. François White, MM. Gardin, Gérard de Lislesellé, du Fredot du Planty, Mme veuve Gardin et ses demoiselles, Mme veuve Le Fer de la Saudre. En 1789, ces contribuables payèrent 5.168 livres sur 35.877.

L'inégalité entre les évêchés frappe peu les contribuables, parce que l'étendue de ces circonscriptions ne leur permet d'établir aucun point de comparaison. Entre les villes et les paroisses rurales, l'inégalité est beaucoup plus saisissante ; enfin, pour les particuliers, il est impossible de les taxer équitablement, car on ne connaît jamais complètement leurs véritables ressources. Nous avons vu déjà les ruses employées par les Malouins pour s'exonérer partiellement au moins de cet impôt (Etude sur l’adm., op. cit., p. 166 et suiv.).

Il y avait en tout, en 1789, 2.633 assujettis à la capitation (Arch. d’Ille-et-Vilaine, G 4098). Le rôle était divisé par parties : quartier rue du Pilory, quartier Grande-Rue, quartier rue Croix-du-Fief, rue Vicairerie (ce quartier commençait au coin de la rue de la Harpe, en montant à main droite...), quartier rue Abbaye-Saint-Jean, rue Poissonnerie, rue Champs-aux-Verts, rue du Boyer, rue des Brevets, rue de Lorme (ce rôle commence à la rue de la Vieille-Boucherie, au coin de la rue du Puis-au-Bled), quartier rue Saint-Thomas, rue de la Fosse, rue du Grand-Placitre. Il y avait un rôle spécial des habitants du Talard, du marais du Routouan (22 contribuables), des pensionnaires à Sainte-Anne, à Victoire (17 contribuables). Il y avait un chapitre pour les employés dans les fermes générales des devoirs de Bretagne résidants à Saint-Malo, un pour les domestiques des ecclésiastiques, et, enfin, un chapitre, comme nous l'avons vu, pour les nobles de l'évêché de Saint-Malo employés à la décharge de la ville. Les gentilshommes qui pratiquaient le commerce se laissaient sans difficulté inscrire sur les rôles du Tiers.

En 1788, le receveur de la capitation, comme des vingtièmes des biens fonds et d'industrie, était M. de la Houssaye-Potier l'aîné (Arch. com., BB 57, fol. 33).

Le vingtième était de toutes les impositions de l'ancien régime la mieux répartie (Etude sur l'adm., p. 185 et suiv.). Comme la capitation, le vingtième est abonné par les Etats et administré par la commission intermédiaire ; mais il diffère de la capitation en ce qu'il est purement réel. Les terres exemptées du vingtième étaient « les jardins à fleurs qui ne sont pour le propriétaire qu'un objet d'agrément et non de produit ». Le vingtième était réparti par évêchés, par villes et paroisses rurales. Chaque ville ou paroisse a sa part de l'imposition commune qui est partagée ensuite entre les contribuables. Au vingtième se rattachait le vingtième d'industrie, établi sur les bénéfices que produisent le commerce et l'industrie. Mais ces bénéfices sont très incertains, très aléatoires ; l'imposition n'a pas la même base fixe que les autres vingtièmes : le vingtième d'industrie se rapproche plus de la capitation que du vingtième des biens fonds ; la capitation lui sert de base.

Une très juste répartition était impossible, mais comme l'imposition n'était pas lourde, on ne rencontre pas autant de réclamations contre elle que contre la capitation... « L'égail » s'en faisait maison par maison. La recette des impositions abonnées fut, pendant longtemps, mise aux enchères à Saint-Malo, mais comme on ne trouvait pas toujours d'amateur, que la rétribution était assez médiocre, la communauté finit par nommer le receveur. Etaient exempts de cette charge, ceux qui l'avaient déjà occupée, les miliciens, les avocats et receveurs des droits de jaugeage et courtage, les septuagénaires.

Il y avait deux rôles séparés pour les biens fonds et pour le commerce et l'industrie (Arch. com., CC 54). L'imposition fixée par le mandement était répartie, en ce qui concernait la cote des biens fonds, par un seul et même rôle, sur tous les propriétaires de biens fonds de la ville, tant nobles que roturiers, privilégiés et non privilégiés, exempts ou non exempts, affermés ou exploités par le propriétaire, à l'exception néanmoins des biens appartenant à l'Eglise, à l'ordre de Malte et aux hôpitaux. La cote du commerce et de l'industrie était également imposée et répartie par un seul et même rôle, entre tous les contribuables de la ville sujets à cette imposition.

La recette et la collecte ne pouvaient être faites que sur les rôles arrêtés et signés par trois commissaires des Etats, un de chaque ordre, ou sur des retraits dûment certifiés et signés par les mêmes ; ils ne pouvaient être exécutés qu'après avoir été lus et publiés aux prônes ou à l'issue des grand'messes paroissiales, deux dimanches consécutifs, par le curé. On y indiquait aussi le terme des paiements.

En 1789, la somme à partager pour le premier et second vingtième, ainsi que pour les quatre sous pour livre du premier vingtième, était en Bretagne de 3.142.050 livres. L'évêché de Saint-Molo était compris dans cette somme pour 404.917 livres. De la masse commune, la décharge était de 22.673 livres en chiffres ronds.

Saint-Malo devait fournir : 31.170 livres pour les biens fonds et 2.506 l. 6 pour le commerce et l'industrie.

Il y avait exactement 524 commerçants et industriels imposés. Le rôle était, comme pour la capitation, décomposé par quartier ; de nombreux contribuables ne paient qu'une livre.

Quartier du Pilori, les plus imposés étaient : M. Odore, orphèvre : 9 livres, Mme veuve Fourchon, marchande de draps : 30 livres ; M. Offray de la Mettrie, marchand de draps : 24 livres ; M. Tousé, marchand de linge en gros : 15 livres.

Quartier de la Grande-Rue : MM. Le Breton de Blessin et Dessaudrais-Sébire, négociants, payaient 87 livres ; M. Thomazeau, marchand quincaillier : 27 livres ; M. Apuril de Kerloguen, négociant : 45 livres ; MM. Hovius père et fils, imprimeurs : 9 l.

Quartier de la Croix-du-Fief : M. Bodinier l'aîné et Rouault de Coligny, négociants : 15 livres ; MM. Robert de la Mennais frères, négociants : 66 livres ; M. Rouillé, marchand épicier et droguiste : 15 livres.

Quartier de la Vicairie : M. Chenu-Piednoir, armateur : 9 l. ; M. Marteville, marchand de meubles et tapissier : 15 livres.

Quartier de l'Abbaye Saint-Jean : Marion et Duguen : 33 livres ; M. Cosson, armateur et marchand de vins : 18 livres ; M. Thomas Gautier l’aîné, marchand de fer : 30 livres ; M. de la Lande-Magon fils, négociant : 120 livres ; M. Potier de la Houssaye. armateur : 30 livres ; M. Gautier de Marancour, marchand de fer : 15 livres ; M. Quentin, négociant : 120 livres ; M. Maisonneuve-Blaize, négociant : 66 livres.

Quartier Saint-Buc : M. Chenu-Lejeune, marchand de vins : 10 livres.

Quartier de la Poissonnerie : MM. Huard et Bodinier, négociants : 21 livres ; M. Canevas l'aîné, négociant : 15 livres.

Quartier des Champs-au-Verd : Peu ou point de commerce, quelques rares impositions.

Rue du Boyer : Mme Roubaud et Le Fer de la Sandre et MM. ses Fils, négociants : 84 livres.

Quartier de Brevet : M. de Grandclos-Meslé, négociant : 156 l. ; M. Despechers-Guillemault : 36 l.  M. Dujardin-Fichet, armateur : 24 l. ; MM. Dupuy-Fromy et fils, armateurs : 108 l. ; M. Desegrais, négociant : 36 l.  ; M. Le Clerc, négociant : 54 l.

Rue de l'Orme : Nicolas-Noël Savary, courtier de toiles : 10 livres.

Quartier de Saint-Thomas : M. Fouchet, marchand de fer : 16 l. ; MM. Deshais, Doley et Louvel, négociants : 24 l. ; M. Magon de la Blinais, négociant : 84 l. ; M. Harrington, négociant : 24 l.

Quartier de la rue de la Fosse : M. Magon de la Villehuchet père, négociant : 24 livres.

Quartier du Grand-Placitre : quelques petits commerces.

Les Talards : M. Dubois l’aîné père, cordier : 12 livres.

Comme on le voit, les impositions de l'ancien régime n'étaient pas particulièrement lourdes. Le régime seul en était vexatoire. Aujourd'hui, on se plaint beaucoup plus du poids des impôts que de leurs inégalités ; les doléances du 18ème siècle, au contraire, tendaient à la réforme de leur répartition et à la suppression de tous privilèges et exemptions pécuniaires. Il est reconnu que la Révolution est née de la crise financière. L'on se trouvait en face d'un problème politique et fiscal non résoluble : augmenter le revenu des impôts sans accroître les charges du tiers et sans atteindre les privilégiés. Le roi avait bien essayé de faire peser sur les ordres privilégiés quelques impôts nouveaux. Les Parlements, enregistreurs des ordonnances royales, s'y étaient opposés. Aussi bien, la situation allait-elle devenir de plus en plus difficile, de plus en plus critique et inquiétante.

(Yves Bazin).

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