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HISTOIRE DE SAINT-MALO

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La ville de Saint-Malo a succédé à l'antique cité d'Aleth, chef-lieu d'une des six principales tribus que Jules César trouva établies dans l'Armorique, lors de sa conquête des Gaules, plus d'un demi-siècle avant Jésus-Christ. Elle est située à environ cinq cents toises au nord de cet ancien boulevard, qui était lui-même assis sur cette portion du territoire de Saint-Servan à laquelle en est resté jusqu'ici le nom de la Cité.

Saint-Malo au XVIème siècle.

Le rocher qui sert de base à la majeure partie de cette ville célèbre, était jadis au milieu d'un marais, que la mer envahit au mois de mars de l'an 709. Ce monticule s'appelait dès-lors, et a longtemps continué depuis de s'appeler le Rocher d'Aaron, du nom d'un pieux personnage qui, vers l'an 507, y avait fixé sa demeure, à la tête d'un certain nombre d'autres religieux, et qui y avait accueilli saint Malo, évêque régionnaire d'Angleterre, quand cet illustre pontife vint, en 538, chercher un refuge sur nos côtes.

Par l'effet de l'isolement que l'élément dévastateur venait de faire subir à ce roc, il ne tint plus, de mer haute, au continent, que par une faible langue de terre qui s'avance dans l'est vers le bourg de Paramé, et sur partie de laquelle a été construite la levée artificielle qu'on voit aujourd'hui : ce qui, à l'époque des hautes marées, donne assez à la ville de Saint-Malo l'aspect d'un navire à l'ancre, dont cette chaussée ou sillon représente le câble.

Cet envahissement de l'Océan ayant rendu ce rocher propre à servir d'asyle aux pêcheurs, de nouveaux colons s'empressèrent de venir y élever quelques pauvres huttes, auxquelles succédèrent par degrés des édifices élégans.

Peu-à-peu il s'y forma quelques relations, d'intérêt et de commerce entre ses habitans et ceux des contrées environnantes ; mais cette source de la prospérité publique était à peine ouverte, qu'elle fut pour longtemps fermée, par suite de la révolte des Bretons contre l'empereur Charlemagne, dont les lieutenans, en 811, incendièrent le monastère et l'église du lieu, laquelle avait été mise sous l'invocation de saint Malo presqu'aussitôt après le décès de ce vénérable étranger.

Ce temple ayant été réparé l'année suivante par l'évêque d'Aleth, Hélocar, ce prélat zélé obtint de Louis-le-Débonnaire, le 26 mars 816, un diplôme en vertu duquel ce prince émancipait l'Eglise de l'île de Saint-Malo de toute autre obéissance séculière que de la juridiction royale et impériale de France. C'est là, au vrai, l'origine de la plupart des privilèges dont nos pontifes et leurs chanoines ont joui jusqu'à la révolution.

Sous les trois successeurs immédiats d'Hélocar, l'île d'Aaron se remit un peu de ses désastres, malgré les punitions terribles que Louis-le-Débonnaire lui-même se vit contraint de venir faire en Bretagne, dans les années 818 et 824 : mais cette lueur de félicité ne dura guères. Les Normands ayant plongé la province dans le plus affreux désordre, Aleth et l'île d'Aaron éprouvèrent en particulier, d'une façon funeste, la rage de ces barbares eu 847, 878, 919, 931 et 963.

Enfin, quand ces hommes du nord eurent pour jamais délivré notre patrie de leur présence, la ville de Saint-Malo (car elle avait déjà ce nom) commença à s'embellir et à se peupler d'une manière sensible. Les évêques aléthiens Hamon III, Daniel Ier et Benoît II, entre autres, y firent leur résidence, au moins durant quelques mois de l'année.

Le dernier de ces pontifes, en l'an 1108, dans le dessein de retirer des mains laïques ceux des biens de sa cathédrale dont quelques militaires puissans s'étaient emparés, crut ne pouvoir mieux faire que d'abandonner aux religieux de Marmoutier le temple et tout le contour du rocher d'Aaron avec leurs dépendances ; mais Jean de Châtillon, surnommé depuis le Bienheureux Jean de la Grille, l'un de ses successeurs, loin de ratifier cette concession, prétendit au contraire faire revenir ces biens à l'église matrice d'Aleth, dont il avait été sacré évêque l'an 1143 ; et au bout de plusieurs années d'une procédure très épineuse, qui lui occasionna trois ou quatre voyages à Rome, il eut enfin l'honneur de forcer au silence les opiniâtres bénédictins.

Ce prélat, qu'on peut regarder comme le vrai fondateur de notre cité, fit plus encore : débarrassé des fatigantes tracasseries des moines, il entreprit de transférer son siége, de la ville d'Aleth qui n'était presque plus qu'un désert, dans la ville de Saint-Malo, à l'accroissement de laquelle il travailla dès-lors sans relâche. Ceci arriva au mois d'août 1152.

L'église cénobiale se trouva ainsi établie ou rétablie en église cathédrale ; tout le contour du rocher fut environné de murs ; le droit d'asyle y fut régulièrement et inviolablement observé ; des officiers militaires, municipaux et de justice y furent créés sous l'autorité de l'évêque et du chapitre, seuls seigneurs conjoints et par indivis de toute l'île ; enfin, une nouvelle extension fut donnée au commerce maritime.

Quoique le Nouveau-Monde ne fut pas encore ouvert l'avidité de l'Ancien, les premiers négocions malouins ne laissèrent pas, dès l'an 1170, de faire des entreprises et des profits considérables. Bornés d'abord au simple cabotage dans les ports circonvoisins, bientôt leur industrie s'étendit dans toutes les parties de la France et même de l'Europe. Ce furent eux en particulier, qui, à découvert ou sous des noms simulés, prêtèrent leurs talens, leur crédit et leur bourse, à cette compagnie de marchands par eau dont le zèle alimenta à cette époque Paris et plusieurs autres lieux.

La modicité du prix qu'exigeaient les seigneurs ecclésiastiques pour accorder ce qu'on a appelé depuis un congé d'amiral, était pour nos armateurs un appât très‑propre à les encourager ; d'autant plus que ce congé lui-même, en mettant la cargaison à couvert de tout soupçon de contrebande, mettait en même temps l'équipage à l'abri de toute tracasserie.

De leur côté, ceux que ces armateurs prenaient à leur solde ne se mettaient point en peine de savoir combien dure la vie d'un poltron. Naturellement hardis, et accoutumés dès leur bas âge à la pratique du pilotage et de la manoeuvre, on aurait pu sans exagération leur appliquer ce mot de Sidoine-Apollinaire, au sujet des anciens Saxons : On croirait qu'ils ont vu l'Océan à sec, tant la connaissance qu'ils ont de ses bancs et de ses écueils est précise. En un mot, la marine malouine se mit graduellement sur un pied si respectable, que César, s'il fût revenu au monde, aurait pu dire des habitans de notre nouvelle cité, ce qu'il avait dit de ceux de la capitale des Vénètes, plus de douze cents ans auparavant : Hujus civitatis est longè amplissima auctoritas omnis orœ maritimœ regionum earum ; quod et naves habent plurimas ; et scientia atque usu nauticarum rerum reliquos antecedunt ; et in magno impetu maris atque aperto, paucis portibus interjectis quos tenent ipsi, omnes ferè qui eo mari uti consueverunt, habent vectigales. « Leur ville l'emporte infiniment sur toutes celles qui bordent cette côte, tant par la quantité des navires qu'ils possèdent, que par leur supériorité dans la science et l'usage de tout ce qui concerne la mer ; en sorte qu'on peut avancer, qu'à la faveur du petit nombre de havres dont sont pourvus ces parages ouverts à tous les vents les plus impétueux, et où ils sont les maîtres, presque tous ceux qui fréquentent ces lieux sont leurs tributaires ». Ces havres de leur dépendance étaient ceux de Solidor, de Saint-Père, de Trichet, du Val et de Châles, en Saint-Servan : outre ceux qu'on connaît au-delà de la Rance, et ceux qui pouvaient être entre nos murs et Césambre, tandis que ce terrain, aujourd'hui totalement couvert par la mer, a subsisté, car la funeste, catastrophe de 709 n'avait pas absolument englouti toute cette partie-là.

Il faudrait copier presque en entier l'Histoire de la ville de Saint-Malo, qui formera plusieurs tomes, si l'on prétendait rapporter en détail tous les traits de bravoure, de bienfaisance et de patriotisme qui ont illustré nos ancêtres dans les différens siècles. Non contens donc de s'être montrés très-ardens entre les autres Bretons dans l'épidémie des croisades d'Orient, aux années 1185, 1190 et 1198, les Malouins voulurent encore, en l'an 1264, concourir avec eux à aider le roi de France Philippe-Auguste, dans sa conquête de la Normandie sur le roi d'Angleterre, Jean Sans-Terre.

En 1213 et 1216, sous le même prince et sous Louis VIII, son fils, ils ne firent pas paraître moins de zèle dans leurs armemens contre les Anglais, toujours en faveur de la France.

En 1234, sous saint Louis et leur duc Pierre Mauclerc, leurs courses, renouvelées contre ces mêmes insulaires, furent poussées avec tant de succès, que dès-lors ils méritèrent le titre qu'ils ont porté dans tous les temps postérieurs, de troupes légères de la mer : incommodant sans cesse l'ennemi, que l'inégalité de leurs forces ne leur permettait pas de vaincre en batailles rangées, et le contraignant d'affaiblir ses flottes, soit pour leur donner la chasse, soit pour préserver de leurs incursions ses navires marchands.

En 1241 et années suivantes, ils s'empressèrent d'entrer dans la ligue ou confédération anséatique dont Hambourg et Lubeck venaient de jeter les fondemens ; cette alliance, aussi salutaire que sagement combinée, acheva de raviver le commerce presqu'éteint dans toute l'Europe, depuis que l'Océan était en quelque sorte devenu le domaine des pirates du nord.

En 1242, ils aidèrent efficacement saint Louis à écraser le parti du roi d'Angleterre en Poitou et en Saintonge ; et, en 1248 et années suivantes, à exécuter ces voyages d'outre-mer, où le monarque français finit par trouver la mort.

En 1316, ce fut leur évêque Raoul Rousselet qui remit, dans l'église de Saint-Denis, l'oriflamme entre les mains de Philippe V, dit le Long, alors régent, et depuis roi, prêt à marcher contre Robert d'Artois, ligué avec d'autres mécontens pour s'emparer de ce comté ; expédition aussi courte qu'heureuse, qui se termina par la rentrée des révoltés sous l'étendard royal.

En 1318, ils figurèrent avec avantage dans la longue brouillerie qui éclata entre les négocians anglais et les négocians bretons ; démêlé opiniâtre, dans lequel furent plus d'une fois obligés d'intervenir les souverains des deux peuples.

Le 1er octobre 1374, de nouveaux services par eux rendus à la couronne, leur valurent, du roi Charles V, des lettres-patentes confirmatives du droit qu'ils avaient toujours eu de se garder eux-mêmes, sous l'autorité immédiate de leurs seigneurs ecclésiastiques ; privilège honorable que leur assurèrent également tous nos autres monarques, jusqu'à Louis XIV inclusivement.

En 1378, le duc de Lancastre essaya inutilement de les assiéger avec une nombreuse artillerie, dont l'invention était encore très-récente. Cette attaque, en Angleterre même, couvrit de honte les assaillans ; « disant les communautés (pour me servir des termes de Froissard), que ces nobles avoyent en celle saison petit exploité, quand Saint-Malo leur estoit eschappé ; et par espécial le comte d'Arondel en eust petite grace ».

En 1386, ils ne furent pas des derniers à entrer dans le projet de descente en la Grande-Bretagne, que Charles VI laissa honteusement avorter ; et si, de leur part, ils continuèrent toujours depuis à se montrer plus Français que Bretons, la France, de son côté, n'oublia rien pour les attacher à sa couronne, comme un joyau précieux.

En 1404, leurs armemens désolèrent de nouveau les Anglais, en représailles des dégâts que ceux-ci avaient faits sur nos côtes l'année précédente.

En 1423, les Malouins forcèrent ces mêmes ennemis à lever le siège du Mont-Saint-Michel, qu'ils bloquaient par mer et par terre ; ce qui leur valut, deux ans après, de la reconnaissance de Charles VII, le maintien de la franchise de leur port, et plusieurs autres grâces dans tous les lieux de son obéissance.

En 1440, entière liberté fut spécialement assurée à leur commerce pour vingt ans, par l'effet de la trève conclue cette même année entre le duc de Bourgogne et celui de Bretagne.

En 1466, Louis XI prit les franchises et immunités de leur ville pour modèle de celles qu'il accorda à sa capitale, dans le dessein d'en rétablir la population, qui avait horriblement souffert durant les guerres dites du bien public.

En 1475, etc., l'inviolabilité de leur asyle sauva les jours au jeune comte de Richemont, depuis roi d'Angleterre sous le nom de Henri VII, poursuivi à outrance par le féroce Edouard IV, premier souverain de la maison d'Yorck.

En 1492, « tousiours bons et loyaulx subjets du roy (Charles VIII, qui venait d'épouser la duchesse Anne au préjudice de Maximilien, roi des Romains), ils se disposèrent en leur terrouër à ce que leurs anciens bons voulloirs de le servir ne fussent pas dimminuez » ; et équipèrent en conséquence tout ce qu'ils avaient de vaisseaux en état de tenir la mer, pour harceler le commerce du même Henri VII, extrêmement piqué d'avoir vu la Bretagne, par l'effet de ce mariage, augmenter les forces du royaume.

En 1495, de concert avec les Dieppois et les Biscayens, ils découvrirent l'île de Terre-Neuve et quelques côtes du Bas-Canada.

En 1496, sous la conduite des sires de Porcon et de Maupertuis, ils fournirent au même Charles VIII « le nombre de trois cents mariniers, les plus habiles compaignons en faict de mer », pour l'aider dans sa se­conde expédition de Naples : secours généreux qui ne put empêcher Gilbert de Bourbon, duc de Montpensier, abandonné par les chefs de son armée, de terminer en Italie par une capitulation que Comines appelle un vilain appointement, et qu'il compare à celle que les deux consuls romains firent avec les Samnites, aux Fourches Caudines.

Le 9 août 1501, ils furent honorés de la visite de Louis désireux de voir par lui-même les augmentations que l'on faisait au château qui existe encore aujourd'hui, commencé par la reine Anne, devenue son épouse après la mort de Charles VIII.

En 1504, au rapport de Niflet, de Maginus et de nos vieilles chroniques, qui n'entrent sur ce fait dans aucun détail, ils eurent encore la gloire de la découverte du Grand-Banc, vaste montagne sous-marine à cinquante lieues vers l'est de Terre-Neuve, où s'est faite depuis la pêche de la morue verte.

En l'année suivante, la princesse Anne, avant d'aller accomplir son voyage à Notre-Dame du Folgoët, daigna les favoriser elle-même d'une courte apparition en leurs murs. Pendant le séjour qu'elle y fit, pour marquer le peu de cas qu'elle faisait de l'opposition mise par les gens du chapitre à la bâtisse du château, elle fit graver sur une des tours de cet édifice le fameux Quic en groingne, ainsy sera, c'est mon plaisir, que la révolution en a fait disparaître.

En 1512, les Anglais et les Espagnols les mirent de nouveau à lieu de faire sur eux des prises considérables.

En 1518, le roi François Ier, sans autre motif connu que celui de la curiosité, leur fit à son tour l'honneur de venir voir leur ville, et de faire en même temps une promenade à l'île de Césambre, où était pour lors un couvent de cordeliers.

En 1534, leur célèbre Jacques Cartier fit une exacte reconnaissance de ce Canada qui devait devenir comme une France nouvelle.

Un an après, ils favorisèrent puissamment l'expédition de Charles-Quint en Afrique, pour rétablir sur le trône Muley-Hassen, roi de Tunis.

En 1537, fut le commencement de leurs armemens pour les Grandes-Indes ; entreprises d'où se formèrent depuis les fameuses compagnies de commerce qui s'établirent en France pour ces pays-là.

Sur la fin de l'année suivante, s'il faut s'en rapporter à une tradition perpétuée dans la famille Ebrard, ce fut un personnage de ce nom, l'un de leurs archidiacres, qui se chargea de porter au roi d'Angleterre, Henri VIII, la sentence d'excommunication que Paul III avait lancée contre ce prince le 30 août 1535.

En 1544, le 2 mai, ayant à leur tête M. de Bouillé, leur gouverneur, ils forcèrent les Anglais qui prétendaient s'établir sur l'île de Césambre, à se rembarquer dans le plus grand désordre.

En 1549, ayant eu permission du roi de France, Henri II, « de se getter à la mer, coure sus, et faire du pis qu'ils pourroient à ces mêmes insulaires », ils tombèrent en particulier sur la petite île de Serck, d'où ils harcelèrent vivement Jersey et Guernesey, et qui ne fut reprise sur la colonie française qu'ils y avaient laissée, que sous le règne de la reine Marie.

Au mois de mars 1551, quoique la paix eût été signée entre les deux puissances, ils firent si bonne contenance contre plusieurs vaisseaux anglais réunis à « quelques chaloppes d'Espaigne », aux ordres des gens de l'empereur Charles-Quint, que cette flotte combinée ne put exécuter aucun de ses desseins ni contre notre place, ni ailleurs. « En faveur et considération de laquelle bonne amour et sentimens loyaulx », Henri II les exempta de certain debvoir d'aide de ville, dont ils ont continué d'être affranchis jusqu'en l'année 1660, sous Louis XIV.

En 1560, « quatre de leurs navires en particulier, ayant délibéré de donner jusque dans la terre de la Grande-Bretagne » se signalèrent par diverses captures très-riches, au produit desquelles le gouvernement ne se réserva presqu'aucun droit ; et, sur la fin de cette même année, ils firent bonne garde sur toutes leurs côtes, pour barrer passage aux calvinistes d'Anjou, qui, alarmés de la sentence de mort rendue contre le prince de Condé, leur principal chef, affluaient dans nos parages pour s'échapper en Angleterre.

Le 24 mai 1570, ils donnèrent au roi Charles IX, présent parmi eux, toutes les fêtes les plus magnifiques alors en usage ; et, l'année suivante, une certaine somme, « pour le tirer des debtes dont il se trouvoit chergé envers les estrangers reistres et suisses, qui lui avoient faict service pendant les guerres passées ».

Le 24 août 1572, jour du massacre de la Saint-Barthélemi, ils refusèrent toute coopération à cet acte d'atrocité, digne de servir de pendant à la fête des Lapithes.

En 1573, ils aidèrent vaillamment, à leurs frais, le roi à reconquérir Belle-Isle, où le comte de Montgommery avait favorisé l'entrée des Anglais.

En 1574 et 1575, conduits par les capitaines Jean Bazin, Hamon Jonchée, Bertrand Le Fer, Jean Le Breton et Etienne Chatton, l'un des neveux de Jacques Cartier, ils réprimèrent les pirateries des rebelles Rochellais sur les sujets catholiques du prince.

Durant tout le temps de la ligue, ils se montrèrent constamment contraires aux prétentions du duc de Mercoeur sur la province de Bretagne.

En 1586, les habitans de la Rochelle éprouvèrent de nouveau leur valeur.

Le 11 mars 1590, ils prirent par escalade leur château, sur M. de Fontaines, leur gouverneur, parce qu'il tenait le parti du roi de Navarre encore hérétique ; entreprise la plus hardie qui ait été exécutée dans ce siècle de fer, et qui, trois ans plus tard, servit très-probablement de modèle au sieur Goustiminil du Bois Rosé, pour s'emparer de la citadelle de Fécamp, en Normandie.

A la suite de cette conquête, fruit d'un zèle égaré, outre la reprise de l'île de Bréhat sur les gens du prince, le 3 juin 1591, par le brave Jean Jonchée, ils firent mille exploits de tout genre pour se maintenir dans leur liberté, jusqu'au temps où le monarque serait revenu à l'unité catholique.

Aussitôt que Henri IV eut fait son abjuration à Saint-Denis, le 25 juillet 1593, ils se hâtèrent, selon leur promesse, de rentrer sous son obéissance ; et reprirent alors, en son nom, divers postes, surtout la ville de Dinan, le 13 février 1598.

Depuis cette dernière année, jusqu'en 1763, leurs expéditions et relations commerciales recommencèrent avec le plus grand succès dans le Canada, Terre-Neuve et l'Acadie.

Ville de Saint-Malo.

Déjà comblés de toutes sortes de faveurs de la part du bon Henri, comme « entremetteurs de la plus légitime, franche et loyale navigation qui pust estre désirée », ce grand roi ne dédaigna pas d'intervenir directement pour eux auprès d'Elisabeth, reine d'Angleterre, coutre les pirateries de quelques-uns des sujets de cette princesse [Note : A la lettre du roi, qui est du 22 octobre de ladite année 1598, M. Charles de Montmorency, grand amiral de France, avait joint la suivante, pour le comte de Hawart, amiral de la Grande-Bretagne : « Monsieur, les Malouins estant ceux de tous ses subtjectz que le roy mon souverain maistre désire voir mieux traictez et receuz par les princes ses amis et confédérez, et leurs officiers ; tant par recommandation expresse que j'en ay de sa majesté, que pour le mérite desdits sieurs habitans de ladite ville, et pour la particulière affection que j'ay à leur repos et contentement par une héréditaire inclination de nostre maison, je vous supplie et conjure moyenner de vostre part vers vostre royne, qu'il lui plaise donner et establir quelque bon ordre et reiglement à ce que telles déprédations ne soient plus à l'advenir continuées sur lesdits sieurs habitans et autres François ; et que quelques bien expresses deffenses en soient publiées par les ports et havres de l'Angleterre, etc. ; affin que l'on ne soit contrainct faire en France retention sur ce que les Anglois bons marchans y auroient, jusqu'à la restitution de ce que les pyrates auroient prins, etc. »].

Le 12 avril 1603, le duc de Médina « infiniment regrettant que leur commerce fust quelque peu diverty de Saint-Lucar, en Espaigne », leur écrivit affectueusement pour les prier « de remettre ce traficq comme au passé ».

En 1609, selon Mézerai (Abrégé chronol., édit. in-12, tome 10 ; page 358), commandés par le brave Beaulieu, et soutenus par quelques galions espagnols, auxquels ils avaient communiqué leur projet, quelques-uns de leurs vaisseaux entrèrent en plein midi dans le port même de Tunis, où, malgré le feu de quarante-cinq pièces de gros calibre qui tiraient du château, et une nombreuse artillerie navale, ils incendièrent trente-quatre navires armés en guerre et une galère, presque tous appartenant à des renégats chrétiens, [Note : « Personne (dit fort sensément M. de Mirne, dans la Gazette de France du 2 décembre 1816), ne contestera la gloire que s'est acquise lord Exmouth dans son expédition d'Alger ; mais il doit nous être permis de réclamer dans cette circonstance, comme dans mille autres ; le mérite de l'invention ; et d'opposer avec tout l'avantage de la priorité, la gloire du capitaine français à celle de l'amiral anglais »].

En 1612 associés avec MM. Laravardière, Razilly et de Sancy, ils tentèrent d'abord avec quelques succès, dans le Brésil, un établissement auquel Jérôme d'Albukerque, gouverneur portugais de Fernambouc, mit fin.

En 1622, le 27 octobre, ils concoururent vivement, sous le commandement de l'intrépide Porée, à foudroyer les calvinistes de la Rochelle dans la Fosse de Loys, proche du bourg de Saint-Martin de l'île de Rhé [Note : « Messieurs (écrivit à cette occasion, le 2 novembre, à nos pères, le duc de Guise, alors en rade de l'Aiguillon), je ne vous manderai rien de tout ce qui s'est passé en la bataille ; d'autant que vous en pourrez être fort particulièrement informés par les capitaines de vos vaisseaux, lesquels y ont si dignement et si courageusement servi le roi, que cette seule considération m'oblige de vous en écrire ce mot, pour m'en réjouir avec le général de tous ceux de votre ville ; vous assurant que je témoignerai si fidèlement à sa majesté le signalé service que vous lui avez rendu en cette circonstance, que vous en recevrez en bref des marques certaines de l'augmentation de sa bienveillance ; et pour ce qui vous sera dû, j'en prendrai moi-même le soin, afin que vous ayez toute sorte de satisfaction. Les ennemis, la plupart tout brisés, sont réduits dans leurs bas-fonds en fort petit nombre, où ils appréhendent le beau temps, que nous prions Dieu de nous donner pour les précipiter dans leur ruine totale. C'est dans ce dernier exploit, que j'espère que les vôtres augmenteront encore la gloire qu'ils ont déjà acquise, et que je trouverai l'avantage de vous témoigner généralement à tous, que je suis votre très-affectionné et plus fidèle ami »] : action doublement mémorable, où, surpassant la gloire des Suggers qui avaient prié Charles-Quint d'allumer un fagot avec les billets qu'ils avaient sur lui, nos braves ne prirent pas même d'écrit de leur souverain, et ne lui demandèrent jamais le remboursement de leurs avances.

En 1636, plusieurs d'entre eux s'aventurèrent à faire partie de la colonie que le sieur Poncet de Bretigny venait de conduire à Cayenne, et qui, vingt-cinq ans plus tard, abandonna ce pays aux sauvages.

En 1655, le 18 mars, Louis XIV décida qu'à l'avenir, « selon la coutume », l'équipage du vaisseau amiral de ses flottes, destiné à porter le premier pavillon de la chrétienté, serait exclusivement composé de leurs matelots, officiers-marins et canonniers ; distinction honorable qui dura, pour ainsi dire, autant que le règne de ce grand roi.

Vers le milieu de l'an 1659, une de leurs concitoyennes, nommée Mlle Lelarge, fille d'une excellente beauté, répondit par un vigoureux soufflet au monarque anglais Charles II, qui s'était hasardé à lui faire une déclaration d'amour en nos murs, où il attendait incognito son rétablissement sur le trône de ses pères [Note : Une tradition très-fondée parmi nous, porte que ce prince, rentré en possession de ses Etats, fit plusieurs fois témoigner à notre jeune Malouine les sentimens d'estime que sa vertu lui avait inspirés].

En 1664, leur industrieuse activité, et leur dévouement pour le bien public, leur méritèrent l'avantage d'obtenir une chambre de direction particulière de la Compagnie des Indes orientales : époque heureuse, pendant laquelle ils firent de très-gros profits pour leur propre compte, tout en travaillant au succès de l'association générale ; ils furent les premiers à ouvrir le commerce de Moka ; donnèrent naissance aux comptoirs de Surate, de Calicut, de Pondichéry, etc. ; et amenèrent pour ainsi dire à leur état de perfection actuelle les deux îles de Bourbon et de France.

Le 5 décembre de la même année, ils eurent l'honneur de fournir deux membres au conseil général du commerce, qui fut formé à Paris des négocians les plus, accrédités de Dunkerque, Calais, Abbeville, Amiens, Dieppe, le Havre de Grâce, Rouen, Nantes, la Rochelle, Bordeaux, Bayonne, Tours, Narbonne, Arles, Marseille, Toulon et Lyon.

En 1665, le gouvernement désirant beaucoup d'étendre ses relations dans le nord, les pressa vivement de tourner leurs pensées vers cette région, « comme étant de tous les Bretons les plus puissans, les plus experts, les plus accoutumés et les plus propres aux voyages de long-cours » ; et leur promit à cet effet, outre la protection royale, une avance de cinquante mille francs sans aucun intérêt.

Ville de Saint-Malo.

Les années suivantes, jusqu'au 26 janvier 1667, époque où la paix fut signée entre la France, l'Angleterre et le Danemarck, leurs corsaires amenèrent en leur port plusieurs riches prises ; tandis que ceux d'entre eux qui possédaient des fiefs et héritages nobles dans le Clos-Poulet [Note : Petit territoire de quatre à cinq lieues de long sur trois de large, dont Saint-Malo, Châteauneuf et Cancale font à peu près les trois angles, et qui, à l'époque de la révolution formait encore le premier doyenné du diocèse, comme suburbicaire de l'ancienne Aleth], s'empressèrent de lever et d'équiper à leurs frais une compagnie de cinquante cavaliers, pour veiller à la garde de cette partie de la province.

En 1669, Louis XIV créa dans leurs murs un collège de marine, « comme un moyen qui pouvait contribuer beaucoup à l'avantage de leur commerce, estimé l'un des plus importans du royaume ».

Pendant la guerre contre les alliés, qui commença à peu près en l'année 1672, et ne finit qu'à la paix de Riswick, le 20 septembre 1697, ils ne manquèrent pas, selon leur coutume, d'acquitter leur dette envers l'Etat, par la prise de plus de treize à quatorze cents vaisseaux ennemis, marchands et autres.

En 1674, une flûte de Saint-Malo, dont le père Labat ne nomme pas le brave capitaine, de concert avec un vaisseau de roi de quarante-quatre canons, préserva le fort royal de la Martinique de tomber en la puissance de l'amiral de Hollande Ruyter, qui y laissa plus de quinze cents de ses gens, morts ou blessés.

Au mois de septembre 1687, ils donnèrent commencement à ce beau candelabre connu sous le nom de phare ou fanal du cap Fréhel, destiné tout à la fois à assurer les retours en leur port de leur précieux trafic, et à faciliter la navigation en général sur toute cette côte dangereuse.

En 1688, ils tentèrent avec quelqu'avantage, à l'instigation du marquis de Seignelay, ministre d'Etat, la pêche de la baleine au Groënland ; mais cette année-là leur fut horriblement fatale, par la privation que le gouvernement fit éprouver à leur port de son ancienne franchise.

En 1689 et années postérieures, on commença à exécuter, d'après les plans du célèbre Vauban, le vaste système de défense extérieure de leur ville, tel à peu près qu'on le voit aujourd'hui : majestueuse opération pour laquelle le trésor royal fournit, il est vrai, la meilleure partie des fonds ; mais à quoi l'on n'oublia pas de les faire contribuer eux-mêmes en diverses manières, tant pour la construction que pour l'armement de la plupart de ces forts avancés, comme on avait déjà abandonné entièrement à leurs ressources particulières presque tous les autres ouvrages publics, et surtout l'établissement de cette belle pompe qui vient d'une demi-lieue environ leur apporter l'eau douce en grande partie par dessous la mer.

Fortifications de la ville de Saint-Malo.

A la même époque, leurs corsaires et leurs frégates continuèrent d'enrichir eux et l'Etat par des prises presque journalières ; et furent en outre spécialement destinés, par Louis XIV, à protéger le commerce de France dans le golfe du Mexique, de concert avec les Espagnols.

Au mois de décembre 1690, ils furent momentanément honorés de la visite de l'infortuné roi d'Angleterre, Jacques II, dont partie des gens avaient leurs quartiers d'hiver tant à Dinan que dans le reste de la province.

Après le fatal combat de la Hogue, le 29 mai 1692, leurs rades accueillirent heureusement vingt-deux des vaisseaux de ligne échappés à cette défaite : événement qui démentit l'opinion que l'on avait eue jusque-là, qu'il n'y avait dans ces rades ni assez d'eau, ni assez de capacité pour contenir, de basse mer, un si grand nombre de navires de haut-bord.

Le 7 juin 1693, Philippe de France, duc d'Orléans, frère unique du roi, fut reçu par eux avec tant d'affection, que ce prince, à son départ, daigna les assurer « qu'il leur laissait son coeur ».

Malgré les deux bombardemens presque consécutifs dont les Anglais les accablèrent le 26 novembre de cette même année, et le 14 juillet 1695, leurs armateurs ne cessèrent point de soutenir leur réputation, surtout sur les côtes de Hollande, de Terre-Neuve et d'Espagne, où ils capturèrent entre autres huit navires garde-côtes d'Angleterre de quarante à cinquante canons chacun, trente-huit baleiniers, et un grand nombre de traîneurs de la flotte de Smyrne [Note : En ce temps-là, notre immortel Du Guay-Trouin signalait sa valeur sur mer, par des succès brillans : « homme unique en son genre, dit Voltaire (Siècle de « Louis XIV »), à qui il ne manquait que de grandes flottes, pour avoir la réputation de Dragut et de Barberousse » ; excepté qu'il ne faisait pas, comme eux, la guerre en pirate. De son côté, le sieur du Brouillan, gouverneur de Plaisance dans l'île de Terre-Neuve, secondé par cinq de nos corsaires dont l'histoire n'a pas conservé les noms, désolait les affaires des Anglais dans cette partie-là, où il ruina leur fort, fit un grand butin, et leur prit une trentaine de navires].

Au mois de janvier 1696, en reconnaissance de leurs nombreux exploits, Mgr. Louis-Alexandre de Bourbon, fils légitimé de Louis XIV, comte de Toulouse, duc de Penthièvre, grand amiral de France et gouverneur de Bretagne, leur fit présent de vingt-quatre pièces de canon en fer coulé, dont douze de trente-six livres de balles et douze de quarante-huit, toutes montées [Note : Chacune des plus petites de ces pièces pèse sept mille cinq cents livres. La révolution, qui a effacé l'écusson de son altesse sérénissime dont plusieurs étaient décorées, y a laissé dans son entier l'inscription suivante : Armoricœ Prœfectus, Galliarum Thalassiarcha, de hostilium classium spoliis viginti-quatuor tormenta, cum omni tormentaria suppellectile, Macloviensibus Civibus, ad œternum Urbis et Portus tutamentum, dono dedit, M. DC. XCVI ; ce qui veut dire : « En l'année 1696, le gouverneur de Bretagne, grand amiral de France, a donné aux habitans de Saint-Malo, pour l'éternelle défense de leur port et de leur ville, ces vingt-quatre canons avec tout leur attirail, lesquels proviennent des dépouilles des flottes ennemies »] : don magnifique, et destiné à la sûreté de leur place ; mais duquel il ne demeure plus que de faibles restes sur le partie des remparts nommée la Hollande.

En 1697, ils virent s'élever, sous les auspices de M. Louis du Breil, comte de Pontbriand, et du produit de la seule pêche du maquereau pendant quinze ans sur la côte d'entre Pontorson et Saint-Brieuc, la tour dite Ebihens située sur l’île de ce nom, pour protéger les deux mouillages qu'elle a au nord et à l'est.

Le 5 mai de cette même année, au rapport de l'historien de l'Ordre de Saint-Louis (tome 3, page 149), le baron de Pointis, « fortifié d'un armateur de Saint-Malo, qui, de lui-même s'était offert à l'accompagner », mais dont le nom s'est perdu, prit sur les Espagnols la ville de Carthagène, en Amérique, d'où il emporta plus de dix à douze millions de butin.

En 1698, se fit le premier armement des Malouins pour la mer du Sud, par le cap Horn : entreprise aussi glorieuse qu'utile pour eux, par les grandes difficultés qu'offrait alors une route presque inconnue [Note : Il serait difficile de calculer l'immensité des profits qu'apportèrent à notre ville les voyages de ceux de nos compatriotes qui suivirent M. Jacques Gouin de Beauchêne, dans ces parages éloignés. Il suffit de dire que, dans le principe, les retours ne donnèrent pas moins de deux cents à quatre cents pour cent de bénéfice ; mais ce riche commerce ne dura guères dans toute sa splendeur que huit ou dix ans, à cause de la grande multitude de vaisseaux tant de Saint-Malo, que des autres ports du royaume, qui s'y livrèrent, et qui finirent par faire tomber, à la côte du Pérou, nos marchandises presque au même prix qu'elles avaient en Europe., De son côté, Philippe V, premier roi d'Espagne de la maison de Bourbon, étant enfin demeuré paisible possesseur du trône, par le traité d'Utrecht, signé le 11 avril 1713, s'empressa de faire cesser ce négoce, comme infiniment préjudiciable à ses nouveaux sujets ; et Louis XV lui-même, pour ôter aux puissances jalouses tout sujet de plainte à cet égard, rendit, le 29 janvier 1716 une déclaration portant défense à tout Français quelconque, sous peine de mort, de le continuer à l'avenir], et par le bonheur qu'eurent ces nouveaux Argonautes, allant à travers mille écueils à la conquête de la toison d'or, de n'éprouver dans ces voyages lointains aucun accident grave.

Au mois de juin 1701, s'opéra parmi eux la première faillite qui soit venue à notre connaissance : exemple d'intégrité peut-être unique, auquel ajouta infiniment encore la conduite du conseil municipal, qui, jaloux de maintenir la réputation dont sa ville avait toujours joui en matière de commerce, supplia le parlement d'exclure à jamais le coupable de toute voix active et passive dans les affaires de la communauté ; et conjura le duc de Pentièvre d'obtenir du roi « que tout gentilhomme qui voudrait désormais négocier sur notre place, fût déchu de sa noblesse pour le moindre contrat d'attermoiement ».

En juillet 1704, les deux capitaines Harrington et Carman, constatèrent l'existence de cette race presque gigantesque qui s'est montrée plus d'une fois sur les côtes de la Patagonie, vers l'extrémité de l'Amérique méridionale ; et qui, déjà reconnue antérieurement par Magellan, Nuno de Silva, Pierre de Sarmiento, Sebald de Veert, Georges Spilberg, Thomas Cavvendish, Simon de Cordes, Jean de Moore, Olivier de Noort, Guillaume Schouten et beaucoup d'autres navigateurs dignes de foi, fut confirmée dans la suite par Frezier, Shelwock, Byron, etc. ; et, dans ces derniers temps, par MM. de Bougainville, Duclos-Guyot et Chenard de la Giraudais, autres Malouins.

En 1708, ils commencèrent, à leurs frais, le premier et magnifique accroissement de leur ville, depuis le château jusqu'à la Grande-Porte : accroissement dont les remparts peuvent rivaliser avec ceux de Toulon, et dont plusieurs maisons seraient de beaux hôtels même à Paris.

Remparts de Saint-Malo.

En 1709, Louis XIV prit avec eux des arrangemens relativement à leur flotte de la mer du Sud : opération financière qui fit passer à la monnaie au moins trente millions, sur promesse de payer aux intéressés la moitié de cette riche cargaison argent comptant, pour solder les équipages, et de recevoir l'autre moitié à titre de prêt, à raison de dix pour cent, jusqu'au remboursement qui en serait fait sur les recettes générales ; et qui, par contre-coup, sauva le royaume, que gagnait peu à peu l'esprit de révolte, suscité tant par un hiver extrêmement rigoureux, que par une disette effroyable et une guerre malheureuse [Note : Il y a loin de leur action, sans doute, au noble et pur désintéressement qui a immortalisé les Fabricius et les Washington : mais, simples traitans si l'on veut, ou bienfaiteurs généreux, ils n'en portèrent pas moins une vive consolation dans le coeur du monarque, tandis que ses autres sujets ne lui offraient que des doléances stériles, ou murmuraient hautement des disgrâces que fui faisait alors éprouver l'inconstance de la fortune]. Non contens du service important qu'ils venaient de rendre à l'Etat en cette circonstance, ils ne furent encore ni des derniers, ni des moins ardens à entrer dans les deux principales compagnies que forma à cette époque le ministère, pour faire venir de l'étranger des bleds dont on avait encore plus besoin que d'argent [Note : « Ce fut aussi à eux, dit l'Observateur français à Londres (quatrième année, Tome 3, page 40), que la France dut la diminution du prix du café de Moka. En 1709, ils firent avec le gouverneur de Moka un traité de commerce, qui leur assura tout autant de café qu'ils en voulurent : de façon qu'ils purent le donner à un prix modéré, et faire encore des gains très-considérables »].

En cette même année, malgré toute l'étendue des sacrifices qu'ils venaient de faire à l'amour du bien public, cela n'empêcha point M. Jean Leprovost et Julienne Danycan, son épouse, de bâtir et de fonder l'Hôpital du Rosais, en Saint-Servan ; Mme Gaultier de la Palissade, de construire, au même lieu, la Communauté du Bon Pasteur, ou maison de refuge pour les repenties volontaires ; enfin plusieurs autres de leurs concitoyens, de commencer à donner à nos alentours, par divers établissemens en tout genre, ce coup-d'œil pittoresque et riche qui est successivement arrivé au point où nous le voyons aujourd'hui.

 Le 12 septembre 1711, le fameux Du Guay-Trouin prit la ville de Rio-Janéiro (Rio-de-Janeiro), au Brésil : perte immense, pour les Portugais, et qui, par suite, causa de grandes dépenses à la Hollande et à l'Angleterre.

En 1712 et années suivantes, ils entreprirent, toujours à leurs propres dépens, le desséchement des marais à l'orient de leurs remparts, et la construction des superbes digues qui mettent ce terrain, aujourd'hui si fertile, à couvert des invasions de la mer.

Ville de Saint-Malo.

En 1714, à leurs frais encore, fut commencé le second accroissement de leur ville, vers le sud, dit le Quartier de la Porte de Dinan, dont les rues reçurent les noms des plus illustres personnages du temps.

Au mois d'août de la même année, Louis XIV, lié par les traités antérieurs, ne pouvant équiper ouvertement pour cet objet, leur célèbre armateur, Noël Danycan, prit sur lui de fournir les navires nécessaires pour faire passer dans la Grande-Bretagne l'infortuné Jacques III, que la France avait toujours tenu pour roi légitime d'Angleterre : transport qui ne s'effectua néanmoins que plus tard, et dont l'issue n'eut pas le succès qu'on s'en était promis [Note : Après six semaines d'une navigation périlleuse, ce malheureux prince, parti de Dunkerque, aborda, le 2 janvier 1716, à Péterhead, en Ecosse, où il trouva un parti considérable : mais bientôt ce parti, trop faible pour tenir contre l'armée de Georges Ier,  son compétiteur, se dissipa ; de façon qu'au mois de février suivant, il fut contraint de revenir sur le continent lutter contre la triste destinée qui le poursuivit jusqu'à sa mort. Le 12 juin 1745, Charles-Edouard, son fils aîné, partit lui-même de Nantes, sur une frégate de dix-huit canons, escortée d'un vaisseau de soixante-quatre, pour aller reconquérir le sceptre à son père : mais après quelques succès mélangés de revers, il termina par n'avoir plus ni armée, ni places de retraite ; il se trouva heureux de sortir de l'Ecosse, le 17 septembre 1746, sur deux vaisseaux malouins, armés par M. Butler, et commandés par MM. Tréhouart de Beaulieu et Macé Marion, qui le ramenèrent à Morlaix, avec les deux Irlandais Shéridan et Sullivan, fidèles compagnons de sa mauvaise fortune et des plus horribles misères que la nature humaine puisse éprouver].

En 1716, au même temps à peu près où Louis XV défendit à ses sujets les voyages de la mer du Sud, ce prince daigna favoriser singulièrement les Malouins dans le commerce de la côte de Guinée et des îles françaises d'Amérique, en leur accordant presque toute liberté de rendre florissante cette branche d'industrie, qui ne dura guères dans toute sa force que jusqu'en 1719 ; un édit royal du mois de juin 1725 l'ayant remise exclusivement entre les mains de la grande Compagnie des Indes occidentales, dont les diverses phases firent éprouver à nos pères plusieurs alternatives de profits et de pertes.

En 1718, s'il faut en croire l'auteur de la Vie privée de Louis XV (tome 1, page 36), la première opération du chef du conseil des finances établi par ce monarque, fut un traité avec des négocians de Saint-Malo, qui s'obligèrent à fournir au roi vingt-deux millions d'argent en barres, moyennant payement en monnaie à trente-trois livres le marc [Note : « Cette matière, ajoute l'auteur précité, devait servir à frapper de nouvelles espèces, avec lesquelles on comptait retirer les anciennes ; et le taux auquel on rehaussa les premières fut tellement combiné, qu'en recevant quatre cinquièmes en argent des autres, et un cinquième en papier, le roi ne rendait réellement que ce qu'il avait touché valeur spécifique. Ainsi ce revirement aurait été fort avantageux pour éteindre en peu de temps tous les billets de l'Etat, si le roi n'eût dû naturellement reprendre la nouvelle monnaie au prix où il l'avait élevée. Cet inconvénient était prévu, et le plan du gouvernement était d'y suppléer en retirant insensiblement tout le numéraire, et en y substituant ces billets de banque et ces actions de la Compagnie d'occident, qui finirent malheureusement par réduire le royaume au fâcheux état que chacun sait »].

En 1721, fut le troisième accroissement de leur ville, du côté de l'est, encore à leurs frais ; ainsi que la construction de la belle citerne publique, située sous la place de la cathédrale.

Le 27 septembre 1732, Louis XV, par dérogation aux privilèges exclusifs de la Compagnie des Indes, leur accorda l'entrepôt des cafés de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Grenade et de Marie-Galande.

En 1733, et années suivantes, fut reconstruite, en très-grande partie de leurs deniers aussi, la Chaussée actuelle ou Sillon, qui forme la principale entrée de la place.

En 1737, eut lieu le quatrième et dernier agrandissement de leur ville, vers nord, toujours à leurs propres dépens ; de même que le rétablissement à neuf du chemin de leurs banlieues sur les routes de Rennes et de Normandie, aux années 1748 et 1754.

Depuis 1744 à 1748, il fut armé dans leur port quatre-vingt-cinq bâtimens pour la course, sans compter quinze autres expédiés pour les colonies avec des commissions en guerre : ce qui donne un nouvel aperçu de ce que peut leur ville pour la ruine du commerce ennemi.

Pendant ce temps-là, leur brave Mahé de la Bourdonnaie répara dans l'Inde les désastres de la France, tant par la prise de Madras, capitale des possessions anglaises dans ces contrées, le 10 septembre 1746, que par la ruine de plusieurs autres comptoirs britanniques disséminés sur cette côte.

Le 1er mai 1753, leur ville acquit un nouveau degré d'importance par la réunion de Saint-Servan comme faubourg : union qui a duré jusqu'au 13 décembre 1790, époque où ces deux communes ont été séparées.

Dans la guerre de 1756, quatre-vingt-dix-neuf corsaires, et vingt-sept autres navires bien armés, sortis de leurs rades, se signalèrent la plupart par de nombreuses prises sur les Anglais ; prises qui les dédommagèrent en partie des pertes cruelles que ces insulaires, par un procédé de pirates, venaient de leur faire éprouver à Terre-Neuve, avant toute déclaration d'hostilités.

Port de Saint-Malo.

Malgré les désastres plus considérables encore que les Anglais leur causèrent en 1758, lors de leur descente à Cancale, et le refus que fit alors le gouvernement de rétablir la franchise de leur port, pour leur servir de dédommagement, ils surent en peu de temps remettre sur un pied respectable leur marine et leur commerce. « Les Anglais (écrivaient-ils le 28 juin de la même année, à M. le maréchal de Belle-Isle), en nous brûlant plus de quatre-vingts navires, n'ont fait qu'enflammer notre zèle ; notre port est ruiné : mais nous ne sommes plus à plaindre, puisque le roi est satisfait de notre conduite, et touché de nos malheurs ».

Dans le cours de ladite année 1758, par la levée qu'ils firent à leurs frais d'une nouvelle compagnie de cent vingt hommes pour la défense de leurs murs, ils vérifièrent de plus en plus en leurs personnes ce que Virgile (Georg. 4, v. 248, et suiv.) a dit si élégamment de la petite république des abeilles : « Plus vous retranchez de leur miel et de leur cire, plus vous les rendez actives à réparer le dégât fait dans leurs magasins, à rebâtir leurs logettes, et à les remplir du suc des fleurs ». [Note : Quo magis exhaustœ fuerint, hoc acrius omnes - Incumbent generis lapsi sarcire ruinas, - Complebuntque foros, et floribus horrea texent].

Le 3 septembre de cette même année 1758, un grand nombre d'entre eux, simples volontaires à l'affaire de Saint-Cast, y donnèrent à l'envi des preuves non équivoques de dévouement pour la patrie.

Le 8 septembre 1763, plusieurs autres, sous les ordres de M. de Bougainville, exécutèrent leur premier voyage pour aller fonder une colonie aux îles Malouines, qu'avaient découvertes leurs ancêtres à quatre-vingt ou cent lieues à l'est du détroit de Magellan, vers la pointe de l'Amérique méridionale. Ce voyage fut suivi de trois autres, aux mêmes lieux, dans les années 1764, 1765 et 1766, à la suite desquels le chef de ces expéditions voulut bien donner à l'une des baies de ces parages lointains le nom de Baie du Clos-Guyot, qui était celui de nos compatriotes « dont les lumières et l'expérience lui avaient été du plus grand secours ».

Le 30 septembre 1767, leur ardeur soutenue pour les intérêts de l'Etat, leur valut, de la part de Louis XV l'exemption des 10 livres par tête de nègre que les négocians du royaume étaient tenus de verser au trésor royal, pour faire librement le commerce de la côte d'Afrique.

Le 7 mars 1770, ils supprimèrent définitivement les chiens du guet, dont l'origine remontait jusqu'à celle de leur ville. Cette milice singulière, que Davity, dans sa Description générale de l'Europe, nous assure avoir été employée par les Grecs, n'était destinée qu'à empêcher pendant la nuit les voleurs d'approcher des navires laissés à sec sur les vases ; et qui avait donné cours au dicton bannal qu'on connaît encore aujourd'hui dans toute la France.

Le 11 mai 1777, ils furent honorés de la visite de Mgr. le comte d'Artois, frère de S. M. Louis XVI ; et le 4 juin suivant, de celle de Joseph II, empereur d'Allemagne, qui venait puiser au centre de la civilisation européenne les moyens de donner un nouveau lustre à son pays.

Pendant la guerre de 1778 à 1783, guerre si impolitique dans son objet, et si funeste dans ses conséquences, outre les douze belles frégates de roi qui sortirent de leurs chantiers en Solidor, ils mirent encore en mer soixante-douze corsaires et autres bâtimens armés, dont la plupart se distinguèrent par des exploits souvent difficiles ; et dont plusieurs, dans leur défaite même, obtinrent les éloges de leur patrie et de leurs ennemis.

Le 1er août 1785, plusieurs d'entre eux, notamment le jeune Le Gobien, partirent avec l'infortuné La Peyrouse, pour ce fatal voyage autour du globe, d'où ils ne sont jamais revenus.

En un mot, dans l'affreuse lutte qu'amenèrent, en 1789, les états-généraux, presque tous eurent la gloire de résister longtemps au délire universel, et de rentrer des premiers sous les étendards tutélaires de la légitimité ...

Il y a peu de villes en France plus heureusement situées pour le négoce, que la ville de Saint-Malo ; la mer lui ouvrant une communication facile avec toutes les parties du monde : aussi, dans tous les temps, ses relations commerciales ont-elles été très-étendues. Nantes seule, dans toute la province, pouvait entrer en concurrence avec elle, à l'époque de la révolution. Un léger aperçu, fondé sur la vérité, outre ce que nous avons déjà dit sur ce sujet, en sera la preuve.

En effet, sans compter les expéditions pour les Indes et la Chine, les grand et petit cabotages, et le trafic des toiles avec Cadix pour les colonies espagnoles, le relevé des armemens exécutés en ce port depuis le 1er janvier 1749 jusqu'au 31 décembre 1753, donne, pour les îles d'Amérique, quarante navires ; pour la Guinée, trente-trois ; et pour la pêche à Terre-Neuve, quatre cent trente-huit.

Pendant les dix années de paix depuis 1763, il sortit de nos rades deux mille cent vingt-quatre navires de toutes grandeurs, du port ensemble de cent quatre-vingt-seize mille sept cent soixante-dix-huit tonneaux, et sur lesquels furent employés cinquante et un mille sept cent vingt-six hommes d'équipage.

Depuis l'an 1783 inclusivement, jusqu'au 31 mai 1790, notre place, tant pour son compte particulier, que pour celui des étrangers, expédia au long-cours six cent soixant-dix navires, et Saint-Servan deux cent dix-sept ; au cabotage trois cent vingt-sept, et Saint-Servan cent soixante-seize ; en totalité, pour les deux endroits, treize cent quatre-vingt-dix navires, sur lesquels furent employés trente-cinq mille six cent soixante et un hommes.

Nous ne disons rien des vaisseaux anglais, hollandais et autres, qui de tout temps ont afflué dans nos parages, et en ont plus ou moins augmenté le mouvement.

Enfin, dans les seules années 1806 et 1807, trente-neuf corsaires ont sorti de nos chantiers ; et si leurs courses n'ont pas toujours eu les résultats heureux que l'on s'en promettait, ils ont du moins eu l'avantage de former d'excellens matelots, et de forcer l'ennemi à se tenir dans un état de croisière et de surveillance qui a notablement augmenté ses dépenses maritimes.

La ville de Saint-Malo, par la loi du 10 juillet 1791, en perdant la propriété de ses remparts, fut en même temps déchargée de leur garde et de leur entretien. Des troupes de ligne doivent désormais loger dans son enceinte ; mais comme elle ne contient aucun bâtiment militaire, excepté le château (les casemates pratiquées sous le mur du premier agrandissement étant des propriétés particulières), on a été obligé de recourir aux anciennes maisons religieuses de Victoire et de Saint-François, dont on a fait des casernes. Le surplus de la garnison, dont les différens postes exigent à peu près soixante hommes de garde par jour, occupe les bâtimens du susdit château, lesquels peuvent contenir en totalité de trois à quatre cents hommes. Ce dernier lieu du reste est un des meilleurs boulevards qui soient en France, tandis surtout qu'il sera en bonne intelligence avec la ville.

Outre cette excellente pièce de défense, et celles des remparts de la place, Saint-Malo offre encore plusieurs forts extérieurs et avancés ; à savoir : le château de la Latte, situé à la côte ouest, près du cap Fréhel, à quatre lieues un quart à vol d'oiseau ; la batterie du Guesclin, sur la côte orientale et hors de la vue de la ville, dont elle est distante de deux lieues un quart ; le château et tour de Solidor, à l'embouchure de la Rance, au sud du quartier de la Cité, en Saint-Servan, et à sept cent vingt-cinq toises de Saint-Malo ; la redoute du Grand Bé, sur un monticule distant au nord-ouest de cent quatre-vingt à deux cents toises ; la batterie du Petit Bé, à quatre cents toises dans la même direction ; le fort Royal, à une portée de fusil au nord-quart-nord-est ; l'île Harbour, à seize cents toises à l'ouest-nord-ouest ; le fort la Varde, à l'extrémité orientale de l'anse dont la ville occupe le fond ; celui de la Conchée, à une lieue en mer, au nord-nord-ouest ; celui de la Cité, à quatre cents toises méridionales, et à l'ouest de Saint-Servan, auquel il est attenant ; enfin, celui de Châteauneuf, près de la paroisse de ce nom, à deux lieues et demie dans le sud-sud-est, et entièrement hors de vue ; outre plusieurs petites batteries sur les deux côtes, le fort des Rimains et celui des Landes, à Cancale, et une méchante redoute en terre à l'extrémité orientale de notre Chaussée ou Sillon.

Tous ces moyens de résistance réunis, et joints au flux et reflux perpétuel de l'Océan qui nous entoure, ont fait de notre place un lieu qu'il serait difficile de réduire, soit par mer, soit par terre. Disons-le cependant, malgré ce tableau rassurant des ressources qu'a maintenant cette principale clef de la Bretagne pour tenir contre toute agression terrestre, son meilleur motif de sécurité reposera toujours sur un bon corps de troupes pourvu de canons de bataille, lequel, en disputant le terrain pied-à-pied avant de s'enfermer dans nos murs, ne manquerait pas de faire perdre du temps à l'ennemi, de donner le moyen aux secours nationaux d'arriver, et par conséquent de rendre le rembarquement des agresseurs sinon impossible, du moins très-hasardeux.

Ville de Saint-Malo.

A l'époque de la révolution, la ville de Saint-Malo était le siége de l'évêché de ce nom, qu'il avait été question de rétablir par le concordat du 11 juin 1817, mais dont on n'a plus reparlé depuis la bulle du 10 octobre 1822. Outre diverses corporations ecclésiastiques, elle avait alors une communauté de ville, dont Saint-Servan, son faubourg, faisait partie ; une subdélégation de l'intendance de Bretagne ; un gouvernement, dont le district s'étendait, outre la ville et le château, aux forts, ports et havres en dépendant ; un directeur et autres officiers des corps royaux du génie et de l'artillerie ; un commissaire et autres agents pour l'administration de la marine et le service des classes ; une brigade de maréchaussée, résidant à Saint-Servan ; quatorze compagnies de milice bourgeoise uniquement pour sa garde et cinq autres compagnies pour celle du faubourg ; un député du commerce à Paris ; plusieurs vice-consuls des nations étrangères ; différens bureaux de perception d'octrois, des fermes du roi, des traites, du tabac, des contrôles d'or et d'argent ; une juridiction commune et ordinaire, dont l'évêque et le chapitre nommaient conjointement les officiers ; un bureau de police ; un siége d'amirauté ; divers interprètes et courtiers ; un consulat ; un bureau de correspondance nationale et étrangère ; une poste aux lettres, et une aux chevaux ; une congrégation de dames et de soeurs de la charité, pour le soulagement des pauvres à domicile ; un bureau de manufacture pour les femmes indigentes et valides ; un hôtel-dieu et un hôpital-général, outre celui du Rosais, en Saint-Servan ; une marmite pour les malades du lieu ; des écoles de charité pour les garçons et les filles ; en un mot, tout ce qu'il importe à une cité bien organisée d'avoir. De son côté, Saint-Servan était pourvu de divers établissemens analogues ; de magasins et chantiers de construction ; de corderies et autres objets pareils, dont plusieurs subsistent encore.

Aujourd'hui Saint-Malo est le chef-lieu d'une sous-préfecture ; et renferme, outre un corps de ville, une juridiction de paix, un tribunal de première instance, différens bureaux de perception des contributions et octrois, un tribunal et une chambre de commerce, divers courtiers, une école de la doctrine chrétienne, une d'enseignement mutuel et plusieurs autres élémentaires pour les deux sexes, une école gratuite de dessin, une de navigation, une institution d'instruction secondaire, un état-major de place, une direction du génie et de l'artillerie, un bureau des douanes, un d'enregistrement des hypothèques, etc., etc., deux télégraphes, postes aux lettres et aux chevaux, bureaux de messageries, de roulage, etc., etc.

En vertu du décret du 23 juin 1790, ses armoiries (symbole de la valeur et de l'intrépidité, de la richesse et de la fidélité, de la prudence et de la virginité, de la science et de la liberté) avaient, le 11 octobre de la même année, subi l'avanie de la fausse sagesse du temps, et même été proscrites depuis sous peine de la vie : mais, par son diplôme du 14 décembre 1822, S. M. Louis XVIII en a autorisé la reprise, « tant pour perpétuer le souvenir des services rendus par nos ancêtres aux rois ses prédécesseurs, que comme témoignage particulier de sa propre affection ». Elles sont de gueules ; à une herse d'or mouvant de la pointe de l'écu, surmontée d'une hermine passante d'argent, accolée et bouclée d'or, et lampassée de sable : et elles ne différent des anciennes que dans leurs accompagnemens, qui étaient ci-devant deux palmes de sinople en support, avec une couronne ducale pour timbre, comme on peut le voir dans l'écusson : Urbs hœc perduret fluctus dum musca marinos - Ebibat, aut totum testudo perambulet orbem !! … Puisse cette cité durer autant d'années, - Qu'une mouche en mettrait à boire l'eau des mers ; - Ou que d'une tortue il faudrait de journées, - Pour atteindre aux confins de ce vaste univers !!!... (F.-G.-P. Manet, 1824).

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