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SAINT-JEAN-DU-DOIGT ET SON PARDON

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Saint-Jean-du-Doigt est une petite paroisse, ancienne trêve de Plougasnou, située dans l'évêché de Quimper mais sur les limites du diocèse de Saint-Brieuc et non loin de la mer. Là se trouve une belle église renfermant un riche trésor ; là se célèbre chaque année le 24 juin l'un des plus pittoresques et des plus suivis pardons de Basse-Bretagne.

D'après la tradition ce n'était au commencement du XVème siècle qu'une chapelle dédiée à saint Mériadec, évêque de Vannes, et dépendant de la paroisse de Plougasnou.

A cette époque vivait en Normandie, dans une localité dont l'église conservait précieusement la relique d'un doigt de saint Jean-Baptiste [Note : On ne sait pas au juste quelle était cette église ; quelques uns pensent que c'était celle de Saint-Jean-de-Day située à quelques lieues de Saint-Lô], un jeune homme natif de Plougasnou « lequel, — dit le bon Père Albert Le Grand, — portoit une singulière dévotion au saint précurseur et réveroit d'une tendre et sincère affection son sacré doigt, et estant sur le point de s'en retourner en Bretagne désiroit extrêmement d'avoir quelque portion de la sainte relique pour apporter en son pays, priant continuellement Dieu et saint Jean de luy faire cette faveur, persévérant quelques semaines en prières devanl l'autel, accompagnées de jeûnes et de larmes » (Vies des Saints de la Bretagne-Armorique, éd. de Kerdanet, p. 444).

C'était durant la guerre de Cent ans, vers l'an 1418, époque à laquelle les Anglais s'emparèrent de Saint-Lô et ravagèrent ses alentours, et notre jeune Breton songeait probablement à sauver la sainte relique des profanations auxquelles elle se trouvait par suite exposée ; il n'osait toutefois mettre la main sur ce trésor sacré. Se confiant donc en la divine Providence et avant de se mettre en chemin pour sa paroisse natale « il fut à son accoustumée en l'église de Saint-Jean où il fit sa prière avec une ferveur et une dévotion extraordinaires ; puis se sentant saisi d'une joie et allégresse intérieure, sans savoir bonnement d'où elle pouvoit procéder, il se mit en chemin ». Nous sommes obligés d'abréger le récit du bon légendaire, mais il faut faire remarquer que celui-ci prétend que le pieux jeune homme ne s'aperçut pas en quittant la Normandie qu'il emportait avec lui la relique de saint Jean. Après quelques difficultés heureusement surmontées, il « se trouva en son pays et paroisse de Plougasnou près d'une fontaine laquelle s'appelle à présent Feunteun-ar-Bis c'est-à-dire la Fontaine-du-Doigt. Tout joyeux il descend en la vallée, les chesnes et les ormeaux se courbans et fléchissans leurs cimes à mesure qu'il passoit. Etant arrivé au fond de la vallée, la cloche de la chapelle qui estoit alors dédiée à saint Mériadec se prit à sonner d'elle-même d'une façon toute extraordinaire de sorte que le peuple des villages circonvoisins s'estant rendu en ladite chapelle y trouva ce jeune homme à genoux devant l'autel, et en leur présence les cierges s'allumèrent d'eux-mêmes et la sainte relique que sans son sceu il avoit apportée en la joincture de sa main droite avec le bras, entre la peau et la chair, sauta sur l'autel ; ce que voyant nostre jeune homme, il pensa mourir de joie, demeurant un long espace de temps sans pouvoir dire un mot ; enfin ayant repris ses esprits, il leva et manifesta à tout le peuple ce qui lui estoit arrivé, asseurant que c'étoit le doigt de saint Jean-Baptiste » (Vies des Saints de la Bretagne-Armorique, éd. de Kerdanet, p. 444).

Si nous dégageons de ce naïf récit ce qui nous semble trop légendaire, il reste du moins le fait historique de la translation de la relique de saint Jean de Normandie eu Bretagne sous le règne de Jean V, duc de Bretagne ; les Comptes des trésoriers de ce prince nous apprennent, en effet, qu'il fit faire en 1429 le reliquaire destiné à renfermer le doigt précieux apporté à Plougasnou.

On attribue également à Jean V la construction de l'église de Saint-Jean-du-Doigt dont la première pierre fut solennellement posée le 1er août 1440 ; mais elle ne fut consacrée qu'en 1513 comme le prouve cette inscription gravée sous le porche : Le XVIIIème jour de novembre, l'an mil VcXIII fut l'église de céans, dédiée par Anthoine de Grinaulx, évêque de Tréguier.

Pardon de Saint-Jean-du-Doigt (Bretagne).

Le 23 juin dernier nous nous acheminions vers cette église « l'un des plus hantéz lieux de pèlerinage de la province. ». Laissant à notre gauche Plougasnou, nous entrions dans une vallée légèrement ombragée qui se poursuit jusqu'aux flots de la mer ; la route était encombrée de pèlerins, les uns en voiture, le plus grand nombre à pied ; tout à coup arrivés près d'une croix élevée le long du chemin, se dressa devant nous, émergeant de la feuillée entre deux collines et se reflétant au loin dans l'océan, la svelte et gracieuse flèche du clocher de Saint-Jean-du-Doigt.

Tout le monde s'arrête aussitôt : on met pied à terre devant la croix, car c'est la Croix du Salut, et c'est de là que doit partir la première prière du pèlerin ; on s'agenouille donc et l'on salue de loin l'église du glorieux Saint-Jean, puis après une courte mais fervente prière, chacun reprend sa marche ; toutefois les dévots serviteurs de Saint-Jean, les vrais pèlerins bretons s'abstiennent dès lors de parler entre eux, c'est le chapelet à la main qu'il faut faire son entrée dans le sanctuaire béni.

Quelle merveille architecturale que cette église champêtre ! la tour carrée, flanquée de contreforts à triples retraits que terminent des pyramides à crochets présente dans sa partie inférieure trois délicieuses galeries superposées ; plus haut s'ouvrent de belles fenêtres : plus haut encore une riche balustrade entoure la plateforme d'où s'élève une ravissante flèche octogone travaillée tout en plomb et accostée de quatre clochetons. Des galeries semblables à celles de la tour courent à l'extérieur le long de la nef méridionale jusqu'à la rencontre d'un porche fort joli. Toutes ces galeries communiquent entre elles ; elles donnent à l'église de Saint-Jean un caractère très particulier ; ailleurs des galeries semblables ornent l'intérieur des nefs, à Saint-Jean c'est la muraille intérieure qui se présente aux yeux de l'étranger, travaillée à jour comme une broderie, et cependant toutes ses délicates sculptures sont ciselées dans le dur granit.

Rien de plus élégant que l'intérieur de l'édifice : les colonnes séparant les trois nefs sont d'une légèreté surprenante et les immenses baies du chevet et de la façade offrent de beaux spécimens de style flamboyant.

Mais au point de vue artistique voici bien d'autres choses : c'est d'abord un intéressant ossuaire accolé au Sud de l'église, c'est ensuite une chapelle des morts avec son autel et sa lanterne, c'est encore un monumental portail sorte de jubé en plein air destiné à l'origine aux prédications et aux cérémonies extérieures ; c'est enfin la ravissante fontaine aux triples bassins superposés, peuplée de petits anges, et couronnée par la statue du Père Eternel qui domine la scène évangélique du baptême de N.-S. par saint Jean.

Mais hâtons-nous d'entrer dans le sanctuaire où commence la solennité des premières vêpres de saint Jean. Non seulement l'église est comble, mais la foule couvre le cimetière, envahit tout le bourg et s'échelonne le long des collines ; c'est qu'en effet la grande procession s'apprête à sortir à l'issue des vêpres. Voici déjà la croix et les bannières de Plougaznou, et leurs gentilles clochettes répondent à celles de la croix de Saint-Jean [Note : En Basse Bretagne les anciennes croix processionnelles sont garnies de clochettes] ; toutefois nous éprouvons le regret de ne plus retrouver la vieille bannière donnée, dit-on, par la duchesse Anne, couverte de fleurs de lys et d'hermines et dont nous avions admiré en 1862 la colossale structure. Viennent ensuite de petits enfants habillés en Saint-Jean et conduisant de jeunes agneaux ; puis les Miraclou c'est-à-dire tous les gens guéris dans l'année par l'attouchement du Doigt et par l'eau de la fontaine ; pieds nus, en corps de chemise et un cierge à la main ils sont tenus de venir remercier saint Jean le jour de sa fête ; enfin précédées d'un nombreux clergé s'avancent les grandes reliques du lieu : le Doigt de saint Jean, — le chef de saint Mériadec — et le bras de saint Mandez, renfermés dans trois reliquaires que portent six prêtres en dalmatiques.

Bientôt la procession serpente sur la montagne, ses nombreuses oriflammes flottent gracieusement au vent, ses hymnes latines alternent avec des cantiques bretons et la voix majestueuse des flots de la grande mer se joint à ces concerts des hommes. En même temps, plusieurs barques apparaissent sur l'océan, ce sont des pèlerins retardataires ou des étrangers dans l'admiration de cet élan de la foi bretonne. Cependant la procession s'arrête sur le versant de la colline, près de la fontaine miraculeuse dont nous avons parlé en commençant. Là se dresse un gigantesque bûcher relié à la tour de l'église par un câble tendu au-dessus du vallon. Le clergé entoure le bûcher : tout à coup une détonation se fait entendre ; une grosse fusée appelée dragon et surmontée naguère d'une figure d'ange en carton. — malheureusement supprimée maintenant. — part de la plate-forme du clocher, suit le câble avec un sifflement formidable, puis rapide et brillant comme un éclair, courant au-dessus du bourg, de la vallée et du peuple, vient enflammer le bûcher. Immédiatement on met le feu à des pièces d'artifice placées autour de la fontaine et l'allégresse populaire se traduit par de nombreuses et bruyantes acclamations.

Le prêtre présidant la cérémonie s'approche alors de la fontaine et y trompe le doigt de saint Jean ; immédiatement,

..... C'est à qui vers la rampe

Se dresse pour toucher le saint Doigt ; à qui trempe

Ses yeux dans la fontaine, ou le long de son dos,

Sur ses bras fait couler les salutaires eaux

(Brizeux, Les Bretons).

La procession se remet en marche et descend gravement dans la vallée eu chantant l'hymne de Saint-Jean-du-Doigt :

Qui sacer tactu medicus medetur

Languidis, reddis nitidumque lumen

Perditum cœcis, rigidosque morbos - Nomine purgas.

c'est-à-dire : médecin sacré qui par ton toucher soulages les languissants, remis l'éclatante lumière aux aveugles qui l'ont perdue et guéris par ton nom les maladies les plus rebelles.

Après la rentrée dans l'église a lieu la bénédiction solennelle du Saint-Sacrement ; puis l'on donne le Doigt aux fidèles, c'est-à-dire qu'on présente aux pèlerins à baiser ou plutôt à toucher la sainte relique ; un prêtre applique sur les paupières de chacun ce doigt de saint Jean-Baptiste, qui a la vertu miraculeuse de conserver et de rendre la vue ; c'est un empressement inouï que témoignent en ce moment tous les pèlerins ; pendant de longues heures le temple est envahi, et comme dit fort bien le poëte breton :

La foule cependant vient, revient et se presse,

L'église se remplit et se vide sans cesse

(Brizeux, Les Bretons).

Nous aussi, nous allâmes toucher pieusement la sainte relique, puis nous admirâmes le calice et la patêne offerts, croit-on, par le roi François Ier et sa femme Claude de France. Ce sont de merveilleux vases sacrés qui forment avec un autre calice du XVème siècle, une croix processionnelle en vermeil aux clochettes d'argent et un vieil ostensoir fort élégant, un des plus riches trésors que possèdent nos campagnes. D'après la tradition populaire ce sont des dons de la bonne duchesse Anne de Bretagne dont le nom demeure intimement lié à tout ce que notre contrée possède de beau au point de vue artistique. Mais il nous faut quitter Saint-Jean-du-Doigt dont le pardon va se prolonger dans la journée du lendemain avec la même foule et la même piété. Nous rentrons le soir dans un bourg voisin, croyant la journée sainte terminée ; il n'en était rien. A peine la nuit couvre-t-elle la terre de son ombre que de tous côtés dans la campagne éclatent des feux de joie :

C'est la Saint-Jean ! Des feux entourent la Bretagne,

Serpent rouge qui va de montagne en montagne ;

Et de chaque hauteur qu'illuminent les feux,

Montent avec la flamme autant de crix joyeux

(Brizeux, Histoires poétiques).

Dans cette seule soirée nous apercevons de nos fenêtres plus de cinquante bûchers flambants autour de nous ; c'est un spectacle féerique que cet ensemble des feux de Saint-Jean et c'est le digne couronnement de cette première et solennelle journée du pardon de Saint-Jean-du-Doigt.

(abbé Guillotin de Corson).

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