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HISTOIRE DE L'EGLISE DE SAINT-JEAN-DU-DOIGT

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Histoire. — Dans la vallée où s'abrite aujourd'hui le bourg de Saint-Jean-du-Doigt s'élevait, au moyen âge, une chapelle dédiée à saint Mériadec dont le chef a été conservé à la vénération des fidèles. A une époque que l'on sait seulement antérieure à 1420, une phalange du doigt de saint Jean-Baptiste y fut transférée, qui effaça la célébrité des autres reliques. L'importance prise par ce pèlerinage provoqua la construction de l'église actuelle.

A quelle époque fut-elle commencée ? Nous sommes obligés de le demander à l'étude archéologique du monument, car les textes font défaut [Note : Les extraits des comptes de fabrique publiés par M. Bourde de la Rogerie que j'ai amplement mis à contribution regardent le mobilier et les annexes de l'église] et les chroniqueurs ne nous ont rien laissé de certain sur ce double événement. M. Bourde de la Rogerie a parfaitement montré, en effet, combien il est difficile de démêler le vrai des récits composés au XVIIème siècle seulement par Albert Le Grand, tant pour l'histoire de la translation de la relique que pour la prétendue pose de la première pierre, le 1er août 1440, par le duc de Bretagne Jean V et la soi-disant contribution de la reine à la construction et à l'enrichissement de la chapelle. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les parties les plus anciennes de l'église, c'est-à-dire le soubassement du clocher, les deux premières travées de la nef et du bas-côté sud, le bas-côté nord presque entier, ne remontent pas au delà du XVème siècle.

Mais l'édifice primitif auquel elles appartenaient ne devait bientôt plus suffire aux besoins du culte et à l'affluence des pèlerins. Il fallut le reprendre sur un nouveau plan. Un travailleur anonyme du XVIIIème siècle, qui eut entre les mains des actes authentiques aujourd'hui perdus et dont la critique paraît assez sûre [Note : Ce manuscrit appartient à M. Alain Raison du Cleuziou et M. L. Le Guennec m'en a très obligeamment prêté la copie. M. de la Rogerie pense que cet auteur pourrait être J-F. Clech, archiviste de Saint-Jean], nous apprend qu'en 1510, M. de Coatanscour, recteur de la paroisse de Plougasnou, « concéda de son terrain et une petite maison y étant pour servir à agrandir la dite église de Saint-Jean, à y faire construire la ditte grande porte, occidentale et la vieille sacristie et pour l'agrandissement du cimetière ».
Toutefois, j'hésite à voir dans cette note trop brève la date du commencement des travaux, qui comprirent, comme nous le verrons, le chevet, les cinq dernières travées de la nef et du bas-côté sud, les grosses piles nervées destinées à l'arc-diaphragme qui sépare les deux campagnes, la chapelle latérale et le porche sud, la réfection d'une partie de la façade occidentale et l'achèvement du clocher d'angle. Au contraire, la porte occidentale, seule oeuvre désignée avec netteté par l'analyse de la donation de 1510, présente justement les éléments décoratifs les plus avancés de la construction nouvelle. Elle pouvait être en train depuis quelques années et toucher alors à sa fin.

Le millésime de 1512, sculpté à l'intérieur dans le jambage nord de la fenêtre occidentale, prouve d'ailleurs que la nouvelle façade était à cette date entièrement montée. Quand, le 18 novembre de l'année suivante, l'évêque de Tréguier, Antoine de Grigneaux, vint, carrante l'atteste une inscription du porche méridional [Note : Palustre a corrigé ses prédécesseurs et lu 1522. Je maintiens la lecture 1513], procéder à la cérémonie de la dédicace, il consacra une église dont le gros œuvre était sans doute à peu près terminé.

De 1566 à 1571, la charpente de la flèche fut couverte en plomb, sous la direction d'un maître pintier de Morlaix, Fiacre Hamon. A la fin du siècle, pendant les troubles assez courts de la Ligue (1589-1598). La chapelle n'eut d'autre dommage à souffrir que le logement des cavaliers du comte de La Maignanne. Son trésor avait été mis en sûreté au château du Taureau, qui défend l'entrée de la rade de Morlaix. Les marguilliers en furent quittes pour un nettoyage général et un coup de peinture aux statues.

En 1688, la foudre étant tombée sur l'êglise, l’évêque de Tréguier autorisa une « renderie » de fil pour subvenir aux réparations, en même temps que pour recontruire une sacristie et refaire « la pompe ». Les dégâts ne devaient, pas être bien graves et les sommes recueillies semblent avoir passé en grande partie à la sacristie, qui devai t être encore reconstruite à l'époque moderne.

En 1745 et 1748, on dépensa 1.600 livres à peindre le lambris en bleu.

Saint-Jean-du-Doigt, qui n'était même pas une trêve, mais une simple chapelle dépendant de Plougasnou, ne devint paroisse qu'en 1790. L'agglomération portait encore au XVIIème siècle son ancien nom de Traon-Mériadec, dont le souvenir reparaît même dans des textes plus récents.

Plan de l'église de Saint-Jean-du-Doigt (Bretagne).

Intérieur. - L'église comprend une nef et deux bas-côtés terminés par un chevet plat. Elle n'est pas voûtée et compte sept travées à partir du clocher d'angle, qui occupe, à l'intérieur de l'édifice, l'extrémité occidentale du bas-côté sud. Entre ce soubassement et les murs de refend, qui aveuglent symétriquement le commencement du bas-côté nord, un passage, de même largeur et de même hauteur que la nef, relie la porte occidentale à la première travée.

Si l'on considère la succession des travées, on s'aperçoit qu'à partir de la seconde, le plan change. Le niveau des clefs des deux premières grandes arcades en tiers-point ayant été surhaussé pour les cinq dernières, l'écartement des piles augmente en conséquence. Le profil des grandes arcades change en même temps et leur double voussure passe d'un simple épannelage, dont les arêtes sont creusées par un large cavet, au profil plus soigné, du bandeau saillant entre deux tores, avec interposition de contre-courbes.

Avant donc d'étudier les supports, on peut affirmer que le point de suture est entre la deuxième et la troisième travée, les deux premières correspondant à la campagne du XVème siècle.

Les piles des deux premières travées sont octogones, à chapiteaux moulurés sur plinthes à huit pans, tandis que celles de la deuxième campagne, sur plinthes cubiques orientées diagonalement, sont cruciformes ; leurs colonnes, relevées d'un filet saillant, sont adossées à un massif refouillé en cavets, leurs chapiteaux sont ornés de feuillages sous des tailloirs octogones et leurs bases sont à pans coupés. Dans les bases, le talon supérieur n’est pas encore uni au socle huit faces par une doucine, mais s'en détache par un angle droits. Mais, ici, une difficulté : exceptionnellement, la section des piles de la quatrième travée, sauf la pile nord-ouest, est celle de la première campagne, quoique la plantation et les arcs soient nettement caractéristiques du nouveau plan. Il faut bien supposer, pour expliquer cette analogie, qu'on a remonté, par raison d'économie, des piliers empruntés à l'ancienne église dès la reconstruction [Note : On fit la même opération au XIIIème siècle dans le chœur de la cathédrale de Laon, pour ne citer qu'un exemple], ou, ce qui est moins probable, refaits sur ce type lors d'une reprise en sous-œuvre ultérieure. Deux d'entre eux reposent sur les plinthes cubiques des piles cruciformes.

Entre la deuxième et la troisième travée, deux fortes piles nervées, dont les colonnes à filets, les contre-courbes, les bases et les chapiteaux appartiennent à la deuxième campagne, la séparent de la première. Elles étaient destinées à recevoir un arc-diaphragme [Note : Ce système est fréquent en Bretagne (Notre-Dame de Lamballe (Côtes-du-Nord), Ploujean, Roscoff, Gouesnou, Bodilis, Sizun, etc.), comme au XIIème siècle dans les bas-côtés des églises du Laonnois et du Soissonnais étudiées par M. E. Lefèvre-Pontalis], bandé au-dessus de la nef et des bas-côtés, mais qui fut détruit ou inachevé.

Malgré sa grande hauteur (16m 20 pour 5m 66 de largeur), la nef, abritée sous le même toit que les bas-côtés suivant un procédé économique et courant, ne peut avoir de fenêtres hautes et ne reçoit d'éclairage direct que par les verrières flamboyantes du chevet et de la façade occidentale. La première est cachée par le retable du maître-autel. Nous la verrons de l'extérieur, d'où nous montrerons également la réfection de la partie de la façade ouest que s'étend sur la largeur de la nef. Une inscription en bautes lettres gothiques, dans le jambage droit abattu en cavet de la renêtre occidentale, la date avec certitude : MIL Vc XII (1512).

Le bas-côté nord renferme dans son extrémité occidentale, derrière les murs de refend qui font pendant au clocher, deux salles superposées ; une porte en arc brisé relie à l'église la première, en contre-bas de trois marches, tandis qu'il faut monter un escalier de bois et franchir une ouverture plein cintre pour parvenir à l'autre qui conservait, d'après un procès-verbal de 1627 (Arch. par. de Saint-Jean-du-Doigt), les ornements et les livres du culte.

Le collatéral n'est éclairé que Par une fenêtre en tiers-point, à la hauteur de la première travée, au-dessus d'une porte basse, et par une petite baie plein cintre, recoupée par une rose a six lobes, à la hauteur de la cinquième. La sacristie actuelle, rebâtie sûr les assises d'une sacristie de la fin du XVIIème siècle, bouche cette ouverture, qui pourrait bien être un témoin de la première campagne et prouverait ainsi que l'église, avant son remaniement, s'étendait jusque-là. Ce n'est qu'à l'est de ce point qu'apparaissent, dans le profil des enfeus, la contre-courbe et le filet saillant sur les boudins et cordons des arcades brisées. Le chevet, sa fenêtre en tiers-point et la partie du mur qui correspond à la première travée seraient donc tout ce qui, dans le bas-côté nord, appartiendrait à la deuxième campagne.

Le bas-côté sud est occupé, à l'ouest, par le soubassement du clocher, dont la salle basse, autrefois voûtée comme il vient d'être dit, renferme aujourd'hui les fonts baptismaux.

Au droit de la troisième travée, la double porte du porche méridional divise le mur en deux parties. L'une, à l'ouest, est contemporaine du clocher et des premières travées de la nef, malgré le remplage flamboyant de l’unique fenêtre, comme le prouvent les galeries extérieures. L'autre, à l'est, largement percée, avec sa chapelle latérale collée contre le porche, fut construite à la suite du chevet.

Les piédroits de la fenêtre en tiers-point ouverte dans le chevet, symétrique au bas-côté nord, et de la fenêtre voisine présentent le même profil, colonnettes unies par une contre-courbe, tandis que deux cavets, séparés par un onglet, encadrent la fenêtre suivante et la baie orientale de la chapelle. La baie de fond, rehaussée à l'extérieur par une accolade à crochets frisés, fleurons et pinacles, marque probablement la fin de la construction.

L'enfeu de la chapelle offre la même décoration que l'extérieur de la fenêtre, alors qu'un simple cordon torique en accolade à filet saillant couronne celui du bas-côté, plus rapproché du chevet.

Les murs de l'église sont crépis.

Les fermes de la charpente sont dissimulées par un lambris, en berceau légèrement brisé au-dessus de la nef, en demi-berceau sur les bas-côtés.

Sur la nef, les entraits engoulés et les poinçons sont visibles ; le voligeage est posé sur des aisseliers courbes assemblés par des clefs saillantes à la lierne continue qui court sous le faîte. Le profil des aisseliers est presque toujours le même : un tore entre deux cavets. Ils reposent sur des sablières grossièrement moulurées et ornées aux points d'appuis d'un motif en relief : tête plate ou coquille, feuillage, tonneau, vannerie, etc.

Sur les bas-côtés, cet ornement, de cinq en cinq, fait place au blochet, buste humain, joueur de hautbois, porte-écu, pélican symbolique, figures fantastiques, etc.

Il n'y a que dans la chapelle latérale que les sablières soient sculptées de bout en bout. L'artiste du XVIème siècle y a grossièrement représenté des feuilles de vigne, des raisins, peut-être aussi un exemple tardif de fruits d'arum, des anges porte-écus aux extrémités et aux clefs, dont, quelques-unes, plus accusées, sont de véritables clefs pendantes, un personnage accroupi, etc.

 

Extérieur. — La façade occidentale appartenait au premier cycle de construction. Très simple, selon l'usage breton, interrompue au sud par la saillie du clocher d'angle, elle conserve au nord un parement en moellon primitif. Elle fut crevée dans sa partie centrale, entre le clocher et le contrefort qui épaule les arcades nord de la nef, et remontée en pierre d'appareil, dont le collage sur le clocher est visible, comme le prouvent les crochets qui décorent les rampants du toit, dans cette partie seulement. Cette période de la construction est bien datée, comme nous l'avons vu, de 1510 à 1512. La haute baie, qui surmonte le porche à cordon en accolade, avec fleuron et crochets frisés, est en plein cintre, recoupée par trois meneaux en quatre arcades trilobées sous le même nombre de trèfles. Dans le tympan, une combinaison de nombreuses mouchettes complète le remplage.

Le clocher d'angle est un clocher normand de plan carré, construit en deux fois. Le premier architecte, comme celui de Notre-Dame-du-Mur, à Morlaix [Note : Daumesnil : Histoire de Morlaix..., p. 274-277. On trouve auss une galerie sur la face orientale du clocher de Saint-Mathieu], comme, plus tard, ceux du Folgoët de Bodilis, ouvrit dans l'épaisseur du mur de l'étage inférieur des galeries superposées, ornées d'une balustrade quadrilobée sous un rang d'arcades tréflées. Ily en a trois sur la face sud, deux sur la face ouest, dont une aujourd'hui bouchée. Dans l'angle sud-ouest, la vis d'escalier part de la galerie basse, desservie, comme nous le verrons plus loin, par une autre galerie couronnant le mur sud de l'église, et monte sans interruption jusqu'à la plate-forme, faute de construction qui affaiblit le clocher. Dans l'angle diagonalement opposé, une courte vis réunit les étages des galeries hautes sans dépasser le soubassement.

La cage supérieure est flamboyante et appartient évidemment au second groupe de constructions. Aux motifs de décoration près, le maître de l'oeuvre nouvelle a copié celle du Kreisler, à Saint-Pol-de-Léon. Même ajourage sur chaque face par hautes baies géminées, en cintre brisé, entretoisées par des traverses horizontales, même frise en relief soulignant l'encorbellement, à trois assises en retraite rehaussées de feuillages sculptés, qui supporte la balustrade de la plate-forme à gargouilles, mais la mouchette a remplacé les quatre-feuilles. Les archivoltes toriques des baies, sous un cordon en accolade à fleuron et crochets frisés, retombent sur des colonnettes appareillées, unies, par des contre-courbes et des gorges profondes, dont les bases et les chapiteaux se répètent sur les dernières piles de la nef. Enfin, des pinacles à crochets et arêtes moulurées, liés à la tour, amortissent les contreforts d'angle du plan primitif.

Les clochetons de granit, aujourd'hui affreusement recouverts de plomb, qui chargent les quatre angles, feraient supposer qu'on avait prévu une flèche en pierre. Mais les comptes nous apprennent qu'une première flèche en charpente, dont on ignore le mode de couverture, fut remplacée entre 1566 et 1571 et recouverte de plomb par Fiacre Hamon. Bourde de la Rogerie, qui a signalé d'autres exemples régionaux de flèches en plomb [Note : Saint-Gonery, jadis Saint-Corentin de Quimper et Saint-Tremeur de Carhaix], a montré combien les réparations continuelles contredisent la prétendue économie de ce procédé. La flèche actuelle a sans doute été entièrement renouvelée.

On remarquera au pied du clocher, entre les contreforts, deux ossuaires en appentis. L'un, au sud, monté au XVème siècle en même temps que les premières assises de la tour, présente un rang d'arcades tréflées avec bénitier extérieur. L'autre, au nord, est un placage daté de 1618, dont les petites arcades en plein cintre retombent sur des balustres galbés.

En Bretagne, comme dans d'autres pays où le climat est rude ou pluvieux, les pays de Foix et de Couserans par exemple, le côté nord des églises est souvent dépourvu de toute décoration et la façade ouest sacrifiée à celle du midi, qui reçoit l'entrée principale. Cette règle comporte des exceptions assez nombreuses, comme à Gouesnou, au Kreisker, à Notre-Dame de Lamballe, à la cathédrale de Quimper, mais généralement justifiées par la topographie du lieu. Dans ces églises, l'entrée est reportée au nord. L'église de Roscoff n'a pas de porche latéral.

A Saint-Jean, l'architecte s'est conformé à l'usage. L'élévation nord est presque aveugle, construite en moellon, épaulée par des contreforts frustes. Elle date de la première série de travaux jusqu'un peu au delà de sacristie.

L'élévation méridionale, coupée en deux par le porche et la chapelle latérale qui vient s'y accoler [Note : Même disposition à Goulien par exemple. Le collage se fait à Sizun sur un croisillon], n'est pas homogène. Entre le porche et le clocher, une galerie extérieure en encorbellement court sous le comble et, par les galeries identiques du clocher, rejoint l'escalier. On y accède par une porte qui s'ouvre dans le bas-côté sud et, par une vis postérieure dont la tourelle fait saillie dans l'angle du porche, et qui fut montée avec lui pour en desservir la chambre haute. Sauf une porte et un remplage flamboyants, cette partie, liée au rez-de-chaussée du clocher, est un témoin du premier édifice.

Le reste de l'élévation réunit, comme le chevet, les caractéristiques de la seconde période de construction : épaulement des angles par des contreforts obliques chargés d'un pinacle, moulures continues du soubassement dont l'arête et le talon sont réunis par une gorge en contrecourbe, ornementation flamboyante.

Mais, dans cet ensemble, on peut distinguer encore un repentir, sinon deux campagnes. Si l'on part du chevet en avançant vers l'ouest, on remarquera, en effet, que l'homogénéité cesse à la chapelle latérale. La construction du porche a dû précéder l'achèvement de l'église. J'en vois une preuve dans la petite baie tréflée du flanc oriental, faite comme celle de l'ouest pour s'ouvrir en plein air, jusqu'au jour où le mur devint mitoyen par suite du collage de la chapelle latérale. A l'extérieur, le raccord maladroit des deux plans et le décrochement de la moulure de soubassement confirment cette hypothèse.

Galerie extérieure de l'église de Saint-Jean-du-Doigt (Bretagne).

D'autre part, la reprise du porche sur l'édifice rayonnant se voit facilement au sommet de l'escalier, du côté de la galerie, et dans l'appareil du flanc, du côté de la chapelle.

Parmi les porches méridionaux à grand développement, qui sont une particularité si remarquable de l'architecture religieuse en Bretagne, comme celui de Saint- Melaine de Morlaix, permet d'écarter une explication proposée par Palustre, selon laquelle l'importance des entrées sud serait une conséquence de l'amoindrissement de la porte ouest, percée à la base d'un clocher forcément étroit. En effet, malgré l'absence d'un clocher-porche occidental, cette disposition se rencontre ici. Par ailleurs, les beaux porches de Pleyben et de Saint-Thégonnec, qui s'ouvrent au midi à travers un clocher, contredisent également cette hypothèse. Les réunions communales ou paroissiales que s'y tenaient font bien comprendre la raison de leurs grandes dimensions et la nécessité des bancs de pierre, mais l'humidité du climat et la rareté du soleil suffisent à expliquer leur orientation constante.

L'extérieur de ce porche ne comporte d'autre décoration que deux bénitiers de plan hexagonal, à dais tréflé, engagés, l'un dans le contrefort d'angle, l'autre dans la façade, de part et d'autre de l'archivolte brisée. Deux marches descendent à l'intérieur, fort simple également. Pas de niches, pas de statues d'apôtres au-dessus des bancs latéraux, mais une seule travée voûtée sur croisée d'ogives avec liernes et dont les compartiments de remplissage ont été crépis. Un écu décore la nef, chargé d'une face et d'un lambel, qui est Goezbriand. Dans le mur de fond, deux portes en accolade, sous un tympan nu, donnent accès à l'église. Le trumeau porte un bénitier octogone, dont chaque pan du dais, en granit de Kersanton, est formé d'une petite arcade tréflée, encadrée d'une accolade fleuronnée. Des gorges et des contre-courbes découpent dans les ogives un boudin à filet saillant entre deux baguettes et, dans les archivoltes d'entrée et de fond, une mouluration torique abondante conçue dans le même esprit. Les voussures reposent sur des colonnettes dont les bases et les chapiteaux sont semblables à ceux de la nef. Une niche à volets en bois sculpté, que l'on vitrait en 1575 et 1576, surmonte le dais du bénitier et renferme une médiocre statue dite de saint Jean-Baptiste.

A droite, dans le tympan, est scellée l'inscription suivante :

Inscription de l'église de Saint-Jean-du-Doigt (Bretagne).


Enfin, l'architecte a ménagé au-dessus du porche une chambre [Note : On peut signaler la même disposition à Notre-Dame de la Clarté (Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor), et dans les églises du Pas-de-Calais citées par M. Enlart (Manuel d'Archéologie, t, I, p. 592 n. 2), et dans celle de Loguivy (Côtes- du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor)], desservie par le même escalier que la galerie rayonnante, éclairée au midi par une fenêtre à meneau cruciforme et sur les flancs par les petites baies tréflées que j'ai déjà citées.

Au chevet, la baie centrale, extrêmement allongée, offre, sur deux arcs brisés, recoupés en triplets et étrésillonnés par deux traverses horizontales, une rose dont les soufflets composent un dessin assez raide autour des cinq branches d'une étoile à six pointes inachevée. La voussure en plein cintre est encadrée par une baguette et un boudin continus, réunis par une contre-courbe, et qui retombent sur des mêmes bases prismatiques.

Les baies latérales, de même profil, qui éclairent les bas-côtés, sont de dimensions beaucoup moindres et tracées en arc brisé. Leurs remplages sont aussi flamboyant et très ingénieux, spécialement celui du collatéral sud, dont une traverse horizontale sépare la partie droite, divisée en trois compartiments, de la partie courbe recoupée en deux formes seulement.

Entre des rampants sans crochets, la pointe du pignon se rehaussait, avant la Révolution, de l'écu de Bretagne, signalé par un procès-verbal de 1679 : « Soutenu de deux léopards et portant quatre hermines et autres marques qu'on ne peut distinguer ».

Ce chevet plat, avec ses lignes horizontales, les tailloirs ronds de quelques chapiteaux, les gorges qui réunissent les colonnes des piles, la sobriété des lignes, l'absence de sculptures extérieures, le clocher sont significatifs d'influences normandes qui ne sont plus à démontrer. Enfin, à propos des piles octogonales à chapiteaux moulurés de la première église, on peut discuter pour Saint-Jean-du-Doigt, comme pour les chœurs de Plougasnou et de Ploujean, les Jacobins de Morlaix et Plouaret (Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor) la question des influences anglaises ou monastiques, que notre confrère M. Lécureux a soulevée à propos du Kreisker.

 

Mobilier. — Malgré des pertes considérables, dont un inventaire de 1569 et un procès-verbal de 1627 permettraient d'établir le bilan, le mobilier et surtout le trésor de l'églises sont encore fort riches.

Un « tabernacle » de menuiserie, cité en 1627, surmontait les fonts baptismaux, dont il reste la cuve de granit octogone à pied unique, flanquée, selon une mode bretonne, d'une petite cuve-déversoir de même forme. La décoration indique la fin du XVème siècle ou le commencement du XVIème, et comprend, pour la grande cuve, deux rangs de moulures et une frise d'anges ou de personnages allongés tenant à bout de bras les têtes plates qui ornent les angles, le dessous étant garni de feuillages en relief ; pour la petite cuve, une couronne de masques grotesques sous un tailloir mouluré.

Avant 1627, l'église possédait quatorze autels qui ont tous disparu : les trois autels du chevet sont postérieurs à ce document.

Le maître-autel et son retable monumental en marbre, daté de 1670-1672, sont l'œuvre d'Olivier Martinet, « architecte sculpteur », appartenant à ce groupe d'artistes qui, au XVIIème et au XVIIIème siècle, travaillaient autour des carrières de marbre de Laval et de Sablé pour les églises de l'Ouest. Mais on y remarque les fragments de bois doré, réemployés, d'un autel antérieur, construit en 1646 par le sculpteur Jean Bertouloux, à savoir des bas-reliefs en médaillon représentant l'Annonciation et la Visitation et des statuettes excellentes qui accompagnent le tabernacle : le Christ, saint Pierre, l'Espérance et la Foi, deux anges agenouillés.

Le reste est l'œuvre, un peu lourde, mais décorative, d'Olivier Martinet, aidé du statuaire Millet et d'Antoine Robereau, sieur de la Violette, à qui M. de la Rogerie s'est demandé s'il fallait attribuer le tableau central représentant le baptême dans le Jourdain. M. le chanoine Abgrall, dans son étude d'ensemble des retables Bretons du XVIIème et du XVIIIème siècle, les a divisés en deux types qui sont réunis dans celui-ci. Les avant-corps convexes qui le flanquent comportent, à l'étage inférieur, deux colonnes corinthiennes de marbre lisse et un fronton courbe brisé encadrant une niche avec sa statue : le Sauveur, du côté de l'Évangile, le Précurseur, du côté de l'Épître. Sous un fronton analogue, une balustrade découpe le panneau supérieur entre des pilastres, tandis qu'au même étage et au centre de la composition, un fronton courbe sur deux colonnes de l'ordre composite abrite une statue de la Vierge et sert de couronnement. L'ensemble a plus de dix mètres de haut et masque en grande partie la Verrière. Il n'en serait pas moins absurde de détruire cet ouvrage et même de le déplacer. Il coûta 4.000 livres aux paroissiens, sans compter les frais de transport de Laval à Primel par rivière et par mer, la construction d'un soubassement en maçonnerie, etc.

Au chevet du bas-côté sud, l'autel de Saint-Mériadec possède un retable en bois, qui fut payé, en 1723, 700 livres à Olivier Lespaignol. Deux colonnes entre deux pilastres composites le divisent aussi en trois parties. Mais, ici, le fronton courbe surmontant le tableau central est fâcheusement dominé par les motifs qui couronnent les niches latérales, pots de flamme et corbeilles de fleurs. Dans le bas-côté nord, l'autel de sainte Élisabeth est du même type.

Une poutre de gloire, placée forte au-dessous des entraits de la charpente, plus bas même que les chapiteaux, entre la quatrième et la cinquième travée, supporte la Vierge et une sainte femme, un grand Christ, peut-être celui que, en 1571, Jacques Chrétien, « maître imaigeur de Morlaix », sculpta pour 300 livres et dont le transport nécessita une charrette.

Le reste de la statuaire comprend, dans la nef, un groupe du Baptême du Sauveur ; dans le bas-côté nord, un saint Jean l'évangéliste ; dans le bas-côté sud, un saint Mandez, un Ecce Homo ; dans la chapelle latérale, saint Laurent et une sainte Barbe qui est le meilleur morceau de cet ensemble assez gauche.

L'église possédait, dès le XVIème siècle, des orgues qui furent deux fois remplacées par les soins de facteurs ambulants : un Flamand, Arnould Smidt, en 1585, moyennant 180 livres, et un gentilhomme anglais, Robert Dallam, catholique, et, ainsi que ses fils, très répandu dans la région, moyennant 1.320 livres, en 1652. Les orgues de Smidt occupaient en partie la tribune ou « chantereau » qui, en 1627, régnait, comme un jubé, au-dessus de la porte du chœur. Elles partirent pour Plougasnou lorsque celles de Dallam, données par un chanoine de Tréguier, Michel Thepault de Rumelin, les remplacèrent. Entre 1668 et 1672, les comptes relatent d'importantes modifications au « chantereau ». Aujourd'hui, le buffet d'orgues occupe la deuxième travée du bas-côté nord. Les peintures naïves qui le décorent et représentent le roi David jouant de la harpe et sainte Cécile touchant de l'orgue au milieu d'anges musiciens, paraissent contemporaines des Dallam.

Les cloches méritent d'être signalées, parce que, fondues l'une et l'autre par J.-F. Guillaume, l'an II de la République, elles eurent pour parrains « les représentants de la Société des Amis de la Constitution établie à Morlaix » ; l'une fut nommée « la Constitution » et l'autre « Jean-Baptiste ». Elles succédaient à quatre cloches existant en 1627, dont l'une avait été déjà refondue en 1669 à Morlaix.

Les anciens vitraux, sur lesquels M. de la Rogerie a retrouvé quelques indications, n'existent plus.

Outre l'inscription du porche, on peut noter des noms de donateurs sur deux piliers sud de la nef : B. TREGUER M. P. CHEVALYER FIT FAIRE.

Deux priants en relief de la famille Marc'hec de Kervoazion sont scellés sur les sommiers des grandes arcades, de part et d'autre du chœur, entre la première et la deuxième travée.

(Par le Vte Alfred DE LA BARRE DE NANTEUIL).

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