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SAINT JACUT A LANDOAC.

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La presqu'île actuelle de Saint-Jacut à la fin du Vème siècle de l'ère chrétienne. — Ses habitants. — Vestiges gaulois et romains trouvés dans ce pays. — Premiers travaux d'apostolat de saint Jacut et de son frère.

[Note : Ouvrages consultés : Manet : Etat ancien et actuel de la Baie du Mont Saint-Michel. — Abbé Mathurin : Les prairies de Cézembre. — La Borderie : Histoire de Bretagne, tome Ier. — Gaultier du Mottais : Répertoire Archives des Côtes-d'Armor].

Qu'était-ce que la presqu'ile actuelle de Saint-Jacut au temps où ses premiers apôtres vinrent s'y fixer, cédant sans doute à l'attrait tout particulier qu'exerçaient les choses de mer sur les cénobites bretons ? — Comme maintenant ce territoire consistait-il autrefois en une étroite langue de terre que la mer enserre deux fois par jour de ses eaux tantôt agitées, tantôt tranquilles et dont l'aspect à marée haute fait songer à un vaisseau à l'ancre mouillé au milieu des flots ? — Les Ebihens et les amas de roches cahotiques qui les entourent, étaient-ils déjà séparés du continent, ou bien dans ces âges lointains, les animaux terrestres pouvaient-ils encore circuler sur ces pierres qui sont maintenant autant d'écueils jetés dans l'Océan, pour servir de défenses avancées contre la fureur des vagues, en même temps qu'elles subsistent comme autant d'ossements, débris séculaires d'une terre qui n'est plus [Note : Ici se poserait la question de savoir si la paroisse de Saint-Jacut a vraiment été une île autrefois ? A première vue, la chose paraîtrait possible. Le bref du pape Alexandre III désigne, l'an 1163, l'abbaye de Saint-Jacut sous le nom de monastère de Saint-Jacut de l'Ile de la Mer, « monasterii Sancti Jacuti de Insula maris ». Mais cette dénomination n'est pas une preuve convaincante, car on trouve parfois la qualification d'île appliquée à des localités comme Saint-Cast, lesquelles ne paraissent pas avoir jamais été séparées de la terre ferme].

Si pleines d'intérêt que puissent être ces questions, nous n'y pouvons répondre d'une façon adéquate, car si la science de l'homme est bornée ici-bas, c'est bien dans l'étude d'un passé si reculé, sur lequel les renseignements certains sont rares, les hypothèses faciles à échafauder, mais combien encore plus faciles à détruire !

Un point semble cependant acquis à l'histoire. La côte que nous habitons n'a pas toujours été limitée ainsi que maintenant : l'Ile Agôt, les Herplues, La Moulière, Rochefol, les Ebihens, l'Asnelière et les petits îlots d'alentour, sont aujourd'hui les derniers vestiges d'un rivage disparu. Mais si nous ignorons les circonstances et la date [Note : La Borderie croit que l'affaissement du sol sur nos côtes bretonnes et normandes est en grande partie antérieur à la période historique. Mais il y a lieu de tenir compte en même temps du phénomène de l'érosion dont nous parlons plus loin] à laquelle s'est produite cette immersion du sol, on peut cependant, dans une certaine mesure, en déterminer les causes.

Sans tenir compte de la fameuse marée de 709, dont l'abbé Manet a narré naguère les détails avec tant de complaisance, mais dont les historiens actuels refusent d'admettre les fantastiques ravages, il faut reconnaître par le travail qui s'accomplit sous nos yeux, que ce n'est pas en vain que les flots de l'Océan viennent à chaque marée battre les falaises de notre littoral, avec parfois l'obstination et la violence d'un bélier acharné à ruiner une muraille. Sous cette action destructive se produit un phénomène d'érosion, des effets duquel, dans certains lieux, on peut facilement se rendre compte d'une génération à l'autre.

Suivant l'expression populaire, « la mer mange petit à petit nos rivages » et la main des hommes dans plusieurs endroits, tel à la Banche par exemple, a dû édifier de coûteux travaux pour arrêter son envahissement. C'est elle, en effet, qui a creusé, élargi et transformé en baies vastes et profondes l'estuaire de cette rivière médiocre qui s'appelle l'Arguenon, et l'embouchure de ce ruisseau plus minuscule encore qu'on nomme Le Laitier ou rivière de Drouet. « N'a-t-on pas, écrit l'abbé Manet, retrouvé plusieurs fois sur nos grèves, mis à découvert par les tempêtes, les troncs d'arbres qui naguère ombrageaient ces rivières, et dont l'aspect, la couleur et la consistance indiquaient un long séjour sous l'eau et les sables marins ? ».

De plus, si l'on tient compte de la constitution du sol, l'on peut croire, semble-t-il, que les conquêtes de la mer se sont faites surtout aux dépens de notre presqu'île, dont les côtes formées, en bien des endroits, de terre argileuse et de roches friables étaient beaucoup plus faciles à entamer que les solides falaises de St-Jaguel et de Ste-Brigitte.

Mais ce travail de pénétration de l'Océan, on se l'imagine bien, n'a pas été l'oeuvre d'un jour. Il a mis plus ou moins de siècles à s'accomplir suivant la nature du terrain contre lequel luttait la mer : le temps n'est pas encore si éloigné de nous où l'on voyait naguère des prairies entre les îlots de Cézembre et du Grand Bey, vis à vis Saint-Malo, puisque des actes authentiques de 1441 et de 1455 nous montrent que les dites prairies existaient encore à cette date.

Peut-être au moment où saint Jacut aborda sur notre côte, des prairies semblables verdoyaient-elles aussi dans les grèves plates, toutes remplies de mystérieuse grandeur, qui séparent maintenant la paroisse de Saint-Jacut des paroisses limitrophes du Guildo et de Lancieux ? Peut-être même une vaste forêt pareille à celle qui recouvrait, lorsqu'il y débarqua, le territoire auquel saint Lunaire a donné son nom, ombrageait-elle les terres maintenant dénudées qui composent le territoire de la commune actuelle de Saint-Jacut.

Pourtant le pays où venaient s'établir les deux aînés de Fracan avait été peuplé et cultivé [Note : La culture du blé était connue et pratiquée au IVème siècle dans toute la zone maritime de l'Armorique. Pline signale même l'emploi de la marne comme amendement comme un signe de l'état avancé de l'agriculture ; mais il suffit que la main de l'homme cesse de s'occuper durant quelques années d'un territoire pour le voir bien vite se garnir de brousse et finalement se transformer en forêt] autrefois. D'après M. Gaultier du Mottats, on a trouvé en effet, dans l'île des Ebihens, en 1849, des monnaies curiosolites qui prouvent que des membres de cette tribu armoricaine ont séjourné jadis en cet endroit [Note : Peut-être aussi certains amas de grosses pierres que l'on trouve, dans une pièce de terre, tout près la grève de Vauvert seraient-ils les restes d'une allée couverte ? D'ailleurs les monuments mégalithiques sont nombreux aux environs. Nous citerons entre autres les allées couvertes des Villes Genouan et des Vieilles-Hautières, trois menhirs près la Binausselin, et un dolmen près la ferme de la Heurchère. Le tout situé dans les communes de Trégon et de Créhen]. Toujours d'après le même archéologue, deux meules à blé [Note : Ces meules mesuraient soixante centimètres de diamètre et vingt deux centimètres d'épaisseur ; on les a trouvées sous un amas de briques et de tuiles] datant de l'époque romaine ont été découvertes en octobre 1866, vers la queue de l'île, enfouies à une assez grande profondeur. C'est assurément là un indice que les Romains ont dû avoir des établissements en ce lieu. Mais lors de l'arrivée de saint Jacut, le pays était presque désert. Les habitants avaient fui les côtes plus particulièrement exposées aux invasions des barbares qui ravageaient tout par le fer et par le feu, comme en témoignent les restes de la superbe villa découverte en 1850 [Note : Les Annuaires des Côtes-du-Nord de 1851 et de 1855 contiennent d'intéressants détails sur ce monument], près la grève de Quatre-Vaux par MM. Cunat et de la Morvonnais et dont les substructions, lorsqu'elles furent mises à jour, portaient encore les traces de l'incendie qu'y avaient allumé les envahisseurs. Aussi vers la fin du Vème siècle les quelques indigènes qui habitaient encore cette région dévastée menaient quasi une vie de sauvages, incertains toujours qu'ils étaient du lendemain et réduits aux maigres produits de leur chasse et de leur pêche.

A leur arrivée [Note : Les diverses relations de la vie de saint Jacut que nous avons sous les yeux, rapportent que lors de l'arrivée de Jacut et de Guethénoc, une source pour étancher leur soif jaillit miraculeusement à la prière de ces saints personnages .... Toujours est-il que jusqu'à une vingtaine d'années, il existait dans le jardin de l'abbaye, près la l'orterie, un puits aux eaux desquelles on attribuait la vertu de guérir certaines maladies, et que l'on appelait fontaine Saint-Jacut] à Landoac, Jacut et Guethénoc, dans l'humble ermitage qu'ils se construisirent sans doute, purent donc satisfaire tout à leur aise l'attrait qu'ils éprouvaient pour la vie contemplative, consacrant le jour au travail des mains nécessaire pour sustenter leur corps et donnant la nuit à l'oraison (Bibliothèque Nationale : Manuscrit latin 5296).

Combien de temps dura cette existence, quel heureux hasard fit découvrir aux rares habitants de ce pays la retraite de nos deux solitaires, nous n'en savons rien. Le vénérable auteur dont nous utilisons la relation, moins prodigue de détails que les reporters d'aujourd'hui, a négligé de nous en instruire. Nul doute cependant que le spectacle des misères qui affligeaient les Armoricains n'ait ému de bonne heure le coeur compatissant de Jacut et de son frère et qu'ils ne se soient prodigués à les secourir. Nous en avons d'ailleurs pour garant le témoignage de leur biographe anonyme qui résume admirablement dans une courte phrase le bienfaisant apostolat que Jacut et Guethenoc exercèrent autour d'eux : « Ils construisirent, nous dit-il, un monastère, et s'appliquèrent ensemble, autant à arracher ces gens à leurs erreurs, qu'à guérir les maux dont ils étaient accablés ». D'après ces indications, nous pouvons aisément nous représenter nos deux saints à l'oeuvre et s'employant à relever le niveau moral des indigènes, en leur inculquant les vérités de la foi, tout en leur faisant en même temps reprendre des habitudes de travail soutenu et de vie sédentaire, indispensables éléments de toute civilisation durable.

A l'époque où vivaient en effet Jacut et Guethenoc, la religion druidique dans les campagnes, et les faux dieux du paganisme romain dans les villes, avaient encore un peu partout leur culte et leurs adorateurs. Aussi toutes les vies [Note : M. J. Loth : Les noms des Saints Bretons Page 143, dit qu'il y avait bon nombre de païens dans la péninsule, surtout en dehors des Evêchés de Rennes, de Nantes et en partie de Vannes] des saints bretons de ce temps nous parlent-elles des païens que rencontrèrent ces missionnaires à leur arrivée en Armorique.

Dom Gougaud ne croit pas cependant au grand nombre de ces païens et tout d'abord à cause de la faible densité de la population armoricaine à cette époque [Note : L'on pourrait se demander ici si la terre de Landoac avait eu connaissance de la foi chrétienne avant l'arrivée de saint Jacut. MM. Ernault et J. Loth, tous deux celtisants distingués, pensent que Landoac veut dire « terre, église ou sanctuaire de Saint-Aufac ou Offac ». Landoac, serait une contraction pour Lan-Toac et le mot Toac lui-même aurait, selon M. J. Loth, perdu sûrement une consonne, le f ou le c, et se serait prononcé autrefois Lan-Tofac. D'ailleurs, nous prévient M. Loth, on ne connaît rien sur saint Tofac et ce qu'on pourrait dire sur son séjour dans notre pays ne serait que pure hypothèse]. En tout cas, il semble bien que le catholicisme n'était guère florissant alors dans notre pays, mêlé trop souvent qu'il était, à des superstitions grossières, restes d'un paganisme mal éteint et dont plusieurs représentants vivaient encore. Le pouvoir de faire des miracles dont étaient favorisés Jacut et son frère, dut singulièrement les aider dans la tâche difficile soit de convertir à la foi la population qui vivait autour d'eux, soit de ramener ses membres à la pratique des vertus morales qui, s'il faut en croire les auteurs du temps, n'étaient guère alors en honneur.

Mais tout en se dévouant aux intérêts des âmes, Jacut et Guethenoc, fidèles imitateurs de Celui qui laissa tomber de ses lèvres le « misereor [Note : « J'ai pitié de cette foule »] super turbam », n'oubliaient point les besoins des corps. « La règle des moines leur prescrivait, nous l'avons vu, le travail incessant, et la force des choses, c'est-à-dire la nécessité de vivre, les poussait à appliquer le travail manuel à la culture de la terre ». Guidés par leur expérience et leurs conseils, les chrétiens qu'ils groupèrent autour d'eux se lancèrent à leur suite dans la mise en labour des terrains en friche qui foisonnaient un peu partout. L'initiation dans cette voie n'était peut-être pas la partie la plus facile de l'oeuvre de nos deux saints, car il s'agissait d'une éducation à refaire et d'habitudes de travail toutes nouvelles à contracter. Mais Jacut et Guethenoc n'étaient plus seuls à prêcher d'exemple. Plusieurs disciples gagnés par leur enseignement, s'étaient mis sous leur direction, et à eux tous, ils formaient déjà un petit monastère, bien minime sans doute par le nombre de ses membres, mais grand devant Dieu par l'éclat des vertus de ceux qui en faisaient partie.

Tels furent les premiers débuts de l'abbaye de Saint-Jacut-de-l'Isle, destinée à devenir si considérable au Moyen-Age et dont les abbés occupèrent durant plusieurs siècles le quatrième rang (Morice, Preuves, II, col. 689) parmi les quarante et quelques abbés qui siégeaient aux Etats de Bretagne. (abbé Lemasson).

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