Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LES DEBUTS DE L'APOSTOLAT DE SAINT-JACUT.

  Retour page d'accueil       Retour " Abbaye de Saint-Jacut-de-la-Mer "    Retour " Plestin-les-Grèves "

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Jacut et Guethenoc prennent l'habit religieux. — Les occupations des moines celtes. — Raisons pour lesquelles les deux frères se décident à quitter Lavré. — Incertitudes sur les premiers temps de leur apostolat. - Ils s'établissent définitivement dans la presqu'lle de Landoac.

[Note : Ouvrages consultés. Sources : Vita Wincaloei a Wurdestina, Analecta Bolandiana, t. VII. 1888. — Catalogus Codicum hagiographicorum qui assercantur in Biblio. Natio. Parisiensi, (Bruxelles 1889, tome 1er. — Vie de saint Jacut, par D. Noël Mars, Man. Lat. 12780 à la Bibl. Nat. — Vita Sti Jacuti ex antiquis breciariis manuscriptis ejusdem monasterii. Bibl. Nat. ms 1. 11766. — Travaux : La Borderie, Histoire de Bretagne, tome 1er. — Dom Gougaud : Les Chrétientés Celtiques. — Geslin de Bourgogne et Barthelemy : Anciens évêchés de Bretagne, tomes I et IV. — Lobineau : Vie des Saints de Bretagne. — Comte de Laigue : Vie de saint Gwennolé. — P. Allier : Vie et légende de saint Gwennolé. — J. Loth : Les noms des Saints Bretons].

La vraie vertu ne redoute rien autant que la publicité ; aussi, tout le bruit fait autour de leur nom chagrinait-il à l'extrême saint Jacut et son frère. Pensant donc échapper ainsi plus facilement aux importunités de la foule et se mieux garder des tentations de la vaine gloire, les deux jumeaux demandèrent ensemble l'habit monastique à saint Budoc et se placèrent définitivement sous sa direction.

D'ailleurs, les évènements que nous venons de raconter furent sans doute beaucoup plus l'occasion, que la raison principale, qui détermina la vocation de Jacut et de Guethenoc. Avec leur tempérament ardent et mystique tout à la fois, avec la générosité propre aux nations récemment converties, le nombre était grand des Celtes devenus chrétiens qui se sentaient alors attirés dans la voie des conseils évangéliques et se retiraient dans les monastères, sûrs asiles, à cette époque troublée, pour la vertu et l'étude.

La vie des moines de race celtique se partageait en effet tout entière, écrit M. de la Borderie, entre l'étude, le travail manuel et la prière. Les conseils [Note : Vita S. Uinualoei, lib. 1. cap. 20, dans le cartulaire de Landevenee édité par La Borderie, pages 49-50] que donnait sur ces sujets saint Budoc à ses disciples sont très suggestifs et s'appliquent à tous les temps comme à tous les lieux. Voici ses paroles :

« Vaquez à l'étude avec humilité, sans vous enorgueillir de votre science, car c'est Dieu qui vous la donne et non vous qui vous la donnez à vous-mêmes. Soumettez-vous au travail manuel avec abaissement et contrition de coeur, sans rechercher la louange des hommes dans l'exercice de votre art, sans mépriser celui qui l'ignore. L'ignorant tout comme l'ouvrier habile est la créature de Dieu ; souvent, par la permission divine, tel qui excelle dans un art, a, pour une autre besogne, besoin d'autrui et réciproquement, car je ne crois pas que Dieu crée un homme sans aptitude pour aucun métier. Que si, au lieu d'un seul métier, vous en savez deux, trois ou davantage de façon à bien gagner votre vie, en cela, comme en tout, c'est Dieu qu'il faut glorifier. Enfin, insistez sans cesse sur la prière, accompagnée de jeûnes et de veilles, suivant l'antique et régulière tradition des Pères. Rien de plus à vous dire. Les trois recommandations que je viens de vous faire, embrassent, si vous les comprenez bien, tous les avantages de la vie auxquels vous aspirez, que ce soit la vie active ou contemplative ou même un mélange des deux ».

Les deux aînés de Fracan étaient bien faits pour entendre des recommandations aussi sages. Sous la direction de saint Budoc, ils avancèrent de plus en plus dans la voie de la perfection qui consiste à maintenir entre les forces du corps et celles de l'âme un heureux équilibre, de sorte que celles-là demeurent toujours les servantes de celles-ci et leur prêtent un continuel secours pour réaliser en chacun, dans l'ordre surnaturel, le plan divin marqué par la Providence.

Il est vrai que l'existence que l'on menait à Lavré, était merveilleusement propre à aider Jacut et son frère à atteindre ce but. Si l'emploi du temps des moines de saint Budoc n'est pas parvenu jusqu'à nous, nous connaissons par une relation de cette époque la vie que menaient, à quelques lieues de l'île Lavré, les religieux du monastère que saint Brieuc avait fondé à la Vallée-Double. Nous citons ce document d'après une traduction de M. de la Borderie :

« A des heures déterminées, ils se réunissaient à l'église, pour célébrer le service divin. Après l'office des Vêpres, c'est-à-dire vers six heures du soir, ils restauraient leurs corps en prenant une nourriture qui était la même pour tous. Ensuite, ayant dit Complies, ils revenaient dans un profond silence et se mettaient au lit. Vers minuit, avec le même zèle, ils se levaient et allaient chanter très dévotement des psaumes et des hymnes à la gloire de Dieu, après quoi, ils retournaient se coucher. Mais au chant du coq, dès qu'ils entendaient le bruit du signal, ils sautaient promptement du lit pour chanter Laudes. Depuis cet office, jusqu'à la deuxième heure, ils consacraient tout leur temps aux exercices spirituels et à la prière. Puis ils retournaient gaiement à leur travail manuel. Ainsi en usaient-ils tous les jours, luttant comme de généreux athlètes pour obtenir par leurs oeuvres vertueuses les prix de la vie éternelle » (Vita S. Brioci dans Anal. Bolland. 11 p. 182, 184).

Nous ne croyons pas que la vie des disciples de saint Budoc différait sensiblement de celle-là ; c'est donc cette rude discipline qui servit à la formation monastique de Jacut et de Guethenoc. Cependant cette existence toute faite de renoncements et de mortifications ne suffisait pas à satisfaire leurs saintes ambitions. Dominés qu'ils étaient par des pensées d'ascétisme et d'apostolat, ils rêvaient de faire encore davantage pour l'amour du Christ. A ces âmes neuves, ardentes, pleines d'idéal et d'enthousiasme, l'expatriation volontaire apparaissait par dessus tout, comme l'immolation suprême, supérieurement propre à parfaire l'oeuvre de sanctification à laquelle ils s'étaient voués corps et âme.

D'ailleurs, leur bonheur à Lavré n'était pas complet : un élément, essentiel à leurs yeux, leur faisait défaut. Ils ne trouvaient pas dans ce lieu la solitude qu'ils cherchaient, cette solitude, dont nombre de saints bretons de l'époque étaient passionnément épris. Les vains bruits de la renommée, auxquels ils avaient cru se dérober, en s'ensevelissant dans le cloître, les avaient suivis jusque dans cette pieuse enceinte, et souvent encore des pèlerins traversaient la mer et venaient au monastère, pour obtenir par l'intercession des deux frères la guérison de leurs maux. C'est ainsi, nous raconte leur biographe anonyme du XIIème siècle, qu'une pauvre veuve, qui était devenue aveugle, à force de pleurer, entendant parler des prodiges qui s'accomplissaient à Lavré, se fit conduire dans cette île, dans le secret espoir d'y trouver la guérison. Mise en présence de Jacut et de Guethenoc, cette malheureuse se jette aussitôt à leurs genoux, les suppliant de vouloir la guérir ; mais, dit notre auteur, à peine le front de cette femme eut-il touché les pieds des saints confesseurs, que ce seul attouchement suffit à lui rendre aussitôt la vue (Vita SS. Jacuti et Guethnoci. Bibl. Nat. Mss. latin 5296).

Chaque miracle, dont ils étaient l'instrument, alarmait davantage l'humilité des deux frères. La vénération que leur attiraient de tous côtés les guérisons qu'ils accomplissaient, leur devenait une charge de plus en plus pesante. Aussi, n'y tenant plus, s'ouvrirent-ils un jour à Budoc, du désir qu'ils nourrissaient depuis longtemps de quitter Lavré et de s'en aller quelque part, seuls, dans un lieu désert, où ils jouiraient de la tranquillité et pourraient prier et se sanctifier à leur aise.

Saint Budoc connaissait à fond l'âme celtique, il comprit sans peine les aspirations et les besoins qui troublaient Jacut et son frère. Peut-être aussi, éclairé par un rayon d'En-Haut, vit-il la mission que leur destinait ailleurs la Providence ; en tout cas, il leur donna toute permission de s'éloigner.

Il serait sans doute intéressant de connaître l'âge du bienheureux Jacut lorsqu'il dit adieu à son vénérable maître le Docteur Très Elevé ; mais nous manquons ici totalement de renseignements. D'ingénieux calculs ont permis à M. de la Borderie de fixer à l'an 482, la date à laquelle Gwennolé, alors âgé de vingt-et-un ans, partit de Lavré à la tête d'une troupe de moines pour aller fonder un monastère dans l'île de Tibidi. Malheureusement les premières biographies de saint Jacut, que l'on avait sans doute écrites peu de temps après sa mort, ont été perdues lors des invasions normandes, et l'unique vie quelque peu ancienne qui nous soit parvenue de lui, ne nous fournit pas d'indication permettant de savoir si le départ de Jacut précéda ou suivit celui de saint Gwennolé. Les auteurs des Anciens Evêchés de Bretagne (Anciens Evêchés de Bretagne, tome IV, p. 252) tiennent pour la première hypothèse, mais la qualité d'aîné que possédait Jacut est la seule raison qu'ils apportent pour justifier leur manière de voir.

Nous n'avons aussi que bien peu de choses à dire du voyage de nos deux saints. Dans l'édition que Tresvaux du Fraval a publiée de la Vie des saints de Bretagne de dom Lobineau, on lit (Tome Ier, p. 100) « que saint Jacut et son frère ayant quitté saint Budoc, pour embrasser la vie érémitique, se retirèrent d'abord dans un lieu fort incommode ». Malheureusement cet endroit n'est pas autrement désigné dans cet ouvrage, sans doute parce qu'on manquait d'indication à cet égard. D'autres déjà avaient connu cette ignorance ; nous lisons en effet, ce qui suit dans une notice sur saint Jacut, écrite au milieu du XVIIème siècle, par le bénédictin Noël Mars : « Or, de vous dire maintenant quand saints Jacut et Guethenoc sortirent de dessous leur maître, ni où ils allèrent premièrement, c'est ce que je n'ai trouvé dans nul auteur » (Histoire de saint Jacut, manusc. lat. N° 12780 folio 435. Bibl. Nat.). L'explication de ce silence général est très simple à notre avis. Cet épisode de l'existence de saint Jacut, sur lequel se tait complètement la plus ancienne vie de ce saint, a été inventé de toutes pièces, à la fin du Moyen-Age, calqué qu'il est en entier sur la vie de saint Gwennolé. Telle est la raison, nous semble-t-il, pour laquelle personne ne connaît le nom du lieu où saint Jacut aurait fait une station plus ou moins prolongée avant d'aborder à Landoac, à l'instar du séjour que son frère Gwennolé fit à Tibidi, avant de fonder Landévennec.

Ce fut donc à Landoac et non ailleurs, que prirent terre pour la première fois Jacut et Guethenoc après avoir quitté Lavré et c'est là qu'ils se fixèrent définitivement. Nous disons Landoac et non Landouard, ce dernier mot est en effet d'origine toute récente, puisqu'il n'apparaît pas dans les actes avant l'aurore du XVIIème siècle. C'est, croyons-nous, une corruption du mot Landoac, qui paraît avoir été l'ancien nom de la paroisse actuelle de Saint-Jacut. C'est en effet, sous cette appellation [Note : « Peregrinus respondit quod ad monasterium Landoac, ita insula vocabatur, transire vellet (Man. 5296). « Adjungere debemus miraculum quod in monasterium Landoac memoratur factum » (Man. 5296)], que le manuscrit 5296 de la Bibliothèque Nationale désigne le lieu où saint Jacut établit son monastère [Note : Nous n'ignorons pas l'opinion exprimée par M. de la Borderie, au tome Ier page 569. de son Histoire de Bretagne, d'après laquelle le fondation de l'abbaye de Saint-Jacut devait être regardée comme une œuvre de propagande religieuse, uniquement due à la famille de Fracan. Que la famille de saint Jacut lui soit venue en aide lorsqu'elle le sut fixé à Landoac, la chose semble probable ; que sa famille lui ait aussi valu de puissantes protections, nous n'y contredisons pas. Mais un fait reste hors de doute à notre avis : la fondation de l'abbaye de Saint-Jacut est avant tout l'oeuvre de Jacut lui-même et doit être attribuée à son établissement à Landoac] et cette relation applique indifféremment le nom de Landoac aussi bien à l'abbaye de Saint-Jacut qu'à l'île où cet établissement fut fondé.

A l'appui de nos dires, nous citerons encore un aveu rendu le 8 août 1574, par l'abbé Louis de Saint-Méloir, et dans lequel nous lisons que l'abbaye de Saint-Jacut se trouve située « dans la parouesse de Landoal ». Un peu plus tard, les registres paroissiaux de Saint-Jacut, encore maintenant conservés à la mairie, portent à la date de 1590, la mention suivante : « Catalogus defunctorum parochiae de Landoual » (Archives de la Loire-Inférieure, B. 820), c'est-à-dire, nomenclature des trépassés de la paroisse de Landoual. C'est en 1599 seulement, que le nom de Landouart [Note : Landouar — terre de landes : (Douar, terre et lann, lande), ou Landouar — temple de la terre : (Lan, temple et douar, terre)] figure pour la première fois sur les registres d'état-civil. Ce n'est donc pas le nom primitif de cette paroisse et il n'y a pas lieu de s'arrêter aux étymologies que l'on a données de ce mot, pour en tirer quelques indications sur l'état du pays lors de l'arrivée de ses premiers apôtres. (abbé Lemasson).

 © Copyright - Tous droits réservés.