Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Verrières de l'église de Saint-Hélen.

  Retour page d'accueil      Retour page "Saint-Hélen"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

LES PORTRAITS DES SIRES DE COËTQUEN dans l'église de Saint-Hélen (Côtes-d'Armor).

Je ne viens pas vous refaire l'historique de l'illustre maison de Coëtquen, dont se sont déjà occupés de nombreux historiens ou généalogistes, parmi lesquels, je me contenterai de citer dom Morice (Preuves de l'Histoire de Bretagne), dom Lobineau (Preuves de l'Histoire de Bretagne) Dupaz (Généalogies des principales familles de Bretagne. — Paris, Nic-Buon, 1619), la Chesnaye des-Bois (Dictionnaire de la Noblesse. — Réédité â Paris de 1863 à 1876), et plus récemment Mme la Comtesse de la Motte-Rouge, dans les « Dinan et leurs juveigneurs » (Nantes. Émile Grimoz, 1892), et M. de Kerviler, dans son « Répertoire général de biobibliographie bretonne » (Rennes. — Plihon, tome X, 1897-98).

Je renverrai plus particulièrement à l'étude sur « les Dinan et leurs juveigneurs » pour les détails concernant cette famille, dont l'origine se perd dans la nuit des temps et qui, sans compter ses nombreux et vaillants chevaliers, a donné à la Bretagne une abbesse de Saint-Sulpice-des-Bois, prés de Rennes, un maréchal et un grand'maître d'hôtel de Bretagne, un lieutenant-général de cette province, chevalier du Saint-Esprit, plusieurs chevaliers de l'Ordre du Roy ou de Saint-Michel, et une longue suite de gouverneurs de la ville de Saint-Malo, la cité corsaire. Son nom est intimement lié à l'histoire de Bretagne ; elle a contracté dans son pays d'origine, comme à la Cour de France, d'illustres alliances et possédé, dans le territoire actuel d'Ille-et-Vilaine, le marquisat de la Marzelière (en Bain de Bretagne), les baronnies de Bonnefontaine (en Antrain) et d'Aubigné (Aubigné, près de Rennes), l'immense comté de Combour |Note : Sa juridiction s'étendait à 34 paroisses, dont 16 en relevaient presqu'entièrement] et, dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), le marquisat de Coëtquen [Note : S'étendant ès paroisses de Saint-Hélen, Pleudihen, Saint-Pierre de Plesguen, Plesder, Evran, etc...], la baronnie du Vauruffier (Ancien château, en Plouasne), les vicomtés d'Uzel (Uzel, près de Quintin) et de Rougé (Juridiction en Tréfumel) et les importantes seigneuries du Bois-de-la-Motte (en Trigavou), de Tréméreuc (près de Dinan), du Quélennec [Note : En Merléac ; maintenant en Saint-Gilles-du-Vieux-Marché], etc... A la fin du XVème siècle ses deux principales seigneuries étaient Coëtquen, en Saint-Hélen et le Vauruffier, en Plouasne.

De l'antique forteresse de Coëtquen, rebâtie de 1439 à 1449, et si pittoresquement décrite par Raoul de Navery dans « Patira », il ne reste que des ruines, au milieu desquelles, au XVIIème siècle, on a construit une grande maison sans style, mais imposante par sa masse et son cadre féodal. Trois tours à demi rasées et divers travaux de défense flanquent encore l'ancienne enceinte, couverte d'un épais manteau de lierre à travers lequel on voit paraître çà et là de vastes cheminées, cramponnées aux murailles branlantes, ou le pignon aigu d'une gerbière du XVème siècle. Les grands étangs qui l'entouraient sont presque tous convertis en prairies, mais ce qui reste de Coëtquen, avec son château, ses ruines, sa vieille place entourée de maisons anciennes, son cadre de bois, de prairies et de vergers, en fait encore un des plus jolis sites des environs de Dinan.

Saint-Hélen (Bretagne) : les ruines de Coëtquen.

Le manoir du Vauruffier a été plus ravagé par le temps et surtout par les hommes. Quand je l'ai visité, en 1896, il ne restait du XVème siècle, qu'une porte en ogive, accostée des ruines d'une tourelle à archère. Dans le mur d'une construction datée de 1748 a été replacé, à l'envers, un écu en bannière aux armes des Coëtquen et des Ruffier : parti bandé de six pièces et un semis de billettes ; les mêmes armoiries se remarquent à l'intérieur de l'église de Tréfumel. Prés du Vauruffier on trouve aussi une chapelle, au bord d'un joli étang ; elle ne semble pas antérieure au XVIIème siècle et ne sert plus au culte, mais on en sonne encore la cloche chaque fois qu'il décède quelqu'un dans les parages du Val-Ruffier. C'est sur un monument plus humble, mais qui, malgré sa grande fragilité, a déjà traversé quatre siècles, que je veux aujourd'hui attirer votre attention.

Plouane (Bretagne) : les ruines de Vauruffier.

L'église de Saint-Hélen n'est pas belle ; à part trois ou quatre fenêtres et une porte des XIVème et XVème siècles, très sobres d'ornementation et perdues dans une construction sans style, ou du moins si remaniée qu'elle n'en a plus, elle ne tente guère par son extérieur la curiosité du touriste. A l'intérieur, de nombreuses pierres tombales, les unes ornées d'écussons, blasonnés ou frustes, les autres chargées d'épitaphes, recouvrent pour la plupart les sépultures des anciens officiers de la juridiction du marquisat de Coëtquen. Mais si on entre dans le choeur on se trouve, derrière le maître-autel, en présence des débris d'une intéressante verrière. Je dis débris, car plus de la moitié des peintures de cette maîtresse vitre a disparu. Des sujets principaux, on ne reconnaît guère qu'une grande figure du patron de la paroisse Saint Helenus, évêque, terrassant un dragon.

C'est la partie inférieure du vitrail qui a été la plus épargnée et dont je vous apporte aujourd'hui la fidèle reproduction. Si peu importante qu'elle paraisse par ses petites proportions [Note: La grandeur réelle de chacun des quatre fragments ici reproduits est en moyenne de 60 centimètres de hauteur sur 50 de largeur], elle est d'un grand intérêt pour l'iconographie bretonne. C'est à tort que M. Gaultier du Mottay, en 1883 (Répertoire archéologique du département des Côtes-du-Nord, par Gaultier du Mottay. — Prud'homme, Saint-Brieuc, 1883-1884), et, d'après lui, M. Kerviler, en 1897, y ont signalé la présence du portrait de Raoul IV de Coëtquen, maréchal de Bretagne.

Verrière des Coëtquen en l'église de Saint-Hélen (Bretagne).

Ce seigneur vivait à la fin du XIVème siècle et au début du XVème siècle ; il occupa une des plus importantes charges de la Cour ducale, où il tenait rang de banneret, et son mariage avec Philippotte Ruffier fit entrer dans sa famille les seigneuries du Vauruffier, du Boisruffier, de la Ville-Anne et de Rougé. Il ne faut pas non plus y voir la figure de son fils Raoul V, sire de Coëtquen et du Vauruffier, chambellan du duc Jean V et l'un de ses ambassadeurs en Angleterre, à la suite du prince Gilles de Bretagne, en 1431. De 1439 à 1449 Raoul V reconstruisit et fortifia son château de Coëtquen, avec l'autorisation des ducs Jean V et François Ier, et malgré les violentes récriminations du sire de Châteauneuf, son voisin et suzerain immédiat. L'arrestation de l'infortuné Gilles de Bretagne, son ancien chef d'ambassade, décida peut-être Raoul de Coëtquen à chercher un asile en France, en 1446, car on le trouve peu après au service du roi Charles VII dont il était chambellan dès 1450.

Le vitrail de Saint-Hélen, par les personnages qu'il représente, a du être placé dans cette église entre 1486 et 1502, c'est-à-dire longtemps après la mort de Raoul IV et de Raoul V ; après le mariage d'Hardouine de Surgères avec Jean IV de Coëtquen et avant la mort de ce dernier. La partie inférieure est divisée en quatre panneaux, renfermant chacun un personnage : du côté de l'Evangile, Jean III, sire de Coëtquen, et Jacquemine Tournemine, son épouse, et, du côté de l'Epitre Jean IV, leur fils, et leur belle-fille, Hardouine de Surgères.

Jean III, sire de Coëtquen et du Vauruffier, était fils de Raoul V de Coëtquen et de Marguerite de Malestroit. Il apparaît pour la première fois, dans l'histoire de sa famille, à propos d'un procès contre Gilles Tournemine, son beau-frère, au sujet de la dot de sa femme, en 1448. En 1453 il fut nommé, par le duc Pierre II, capitaine du château de Léhon, près de Dinan ; avait, en 1474, droit de guet et garde pour son château de Coëtquen, et rendit de si importants services au duc François II, que ce prince exempta de tous impôts ou subventions quelconques les habitants du village de Coëtquen. Après le désastre de Saint-Aubin-du-Cormier, en 1488, Jean de Coëtquen occupait déjà une place prépondérante à la Cour de Bretagne. En 1489 il fut, avec le chancelier Philippe de Montauban et François de Pontbriand, l'un des adversaires les plus déterminés du projet d'union de la duchesse Anne avec Maximilien d'Autriche, roi des Romains. Lors de l'abandon par ce prince de la cause bretonne, les mêmes conseillers, sans doute, poussèrent leur souveraine à demander en Cour de Rome l'annulation de ce mariage fictif et à donner enfin sa main à son ancien adversaire Charles VIII. Jean de Coëtquen figure en effet avec Jean de Pontbriand, frère de François, parmi les seigneurs bretons qui accompagnèrent la bonne duchesse à Langeais et y assistèrent, le 13 décembre 1491, à son mariage avec le roi de France [Note : Voir au sujet du rôle des sires die Coëtquen, de Pontbriand et de Montauban, dans l'union définitive de la Bretagne à la France : « Deux Bretons à la Cour de France avant l'annexion de la Bretagne » par Ch. d'Ebbo — Vannes. — Lafolye, 1893].

Dès 1490 Jean de Coëtquen est qualifié grand maître d'hôtel de Bretagne ; à partir du mariage de la reine Anne il prit aussi la qualité de maître d'hôtel du Roi de France en Bretagne. Il fit deux testaments, les 21 mars 1493 et 2 mai 1502, ce dernier après la mort de son fils Jean ; lui-même était mort avant 1511. Dans le vitrail de Saint-Hélen, Jean III de Coëtquen est
représenté à genoux sur un prie-Dieu. Il est revêtu d'une armure d'acier bruni recouverte d'une cotte armoriée, bandée de six pièces d'argent et de gueules, que dépassent un peu le
col et le bas d'un haubergeon doré. Ses cheveux ont déjà blanchi ; sa tête est couverte d'un riche tortil à torsades d'or et de pierreries. Il ne porte pas d'éperons, peut-être à cause de sa charge de grand maître d'hôtel, qui implique surtout un service dans l'intérieur du Palais. Près de lui est posé son heaume. Un tapis d'étoffe brochée d'or, recouvre presqu'entièrement son prie-Dieu, lequel supporte un livre d'heures. La partie inférieure du tableau représente un carrelage uni et sur le fond bleu de la partie supérieure flotte une banderolle blanche portant le premier verset du psaume Miserere ..

Jeanne Tournemine, fille de Jean II, baron de La Hunaudaye (en Plédéliac, Côtes-d'Armor), seigneur de Botloy, Leshardré et Jacson, et de Jeanne de Saffré, dame dudit lieu et de Syon, avait épousé Jean III de Coëtquen par contrat du 19 novembre 1438 et reçut, à cette occasion, en dot, 400 livres de rente. Le procès, de 1448, dont nous avons précédemment parlé, permet de croire que ce contrat ne fut pas exécuté à la lettre. Les généalogistes ne disent pas grand chose de cette dame de Coëtquen, sinon qu'elle appartenait à l'une des premières familles féodales de Bretagne. Elle était morte dès le 4 novembre 1471.

Jacquemine Tournemine est représentée à genoux devant un prie-Dieu recouvert d'une tenture verte, damassée, supportant un livre d'heures à peu près disparu. Elle porte une cotte armoriée, parti de Coëtquen, parti de Tournemine, qui est : écartelé d'or et d'azur. Son surcot, gris clair, est orné sur le devant d'une large broderie d'or enrichie de pierreries, et laisse paraître les manches bouffantes en drap d'or broché, de son corsage. Ses cheveux disparaissent presqu'entièrement sous un riche réseau de fils d'argent et de perles d'or surmonté d'un splendide escofion au bourrelet tortillé d'or et de pourpre et constellé de pierreries.

Le carrelage de ce panneau est composé d'un damier dont chaque carreau, divisé en diagonale, est moitié gris foncé, moitié gris clair. La partie supérieure du fond est d'un rouge presque noir ; une banderolle porte pour inscription : O fili proecor miserere mei, invocation qui semble indiquer que le vitrail, postérieur au mariage de Jean IV, est antérieur à sa mort, la mère défunte se rappelant aux miséricordieuses prières de son fils.

Jean IV de Coëtquen, qualifié seigneur dudit lieu et du Vauruffier, mourut avant 1502, suivant le second testament de son père et les actes passés par sa veuve comme tutrice de ses enfants mineurs. Le testament d'Hardouine de Surgères nous apprend que son mari avait été inhumé au couvent des Cordeliers ou Frères prêcheurs de Dinan.

Jean IV est réprésenté avec le même costume militaire que son père, mais a de plus des éperons d'argent à molettes dorées et une épée à pommeau et garde d'acier, dans un fourreau blanc à bouterolle d'or. Le haut d'une cotte de mailles dorée dépasse, en s'élargissant, le col de sa cotte d'armes et retombe légèrement sur ses épaules. Ses cheveux sont noirs et il porte sur la tête un turban ou tortil analogue a celui de Jean III. Son prie-Dieu, sculpté, est recouvert en partie d'une draperie blanche et supporte également un livre d'heures. Son casque, de même modèle que celui de son père, est en acier bruni, en forme de salade, à visière mobile baissée. Un gorgerin renforcé est retenu au casque par une courroie garnie de métal doré, enserrant le couvre-nuque ; un sous-gorgerin de mailles dorées en dépasse de plusieurs rangs de maillons la partie inférieure. Le pavage de ce panneau est aussi simple que celui du premier, mais la partie supérieure en est rouge et porte une banderolle avec l'invocation : S(anc)te J(o)h(an)nes batista ora pro me.

Hardouine de Surgères, mariée à Jean IV de Coëtquen, seigneur du Vauruffier, le 26 novembre 1486, appartenait à une illustre et puissante famille du Poitou, alliée à la maison ducale de Bretagne. Jacques de Surgères, son père, chevalier, seigneur de la Flocellière, St-Pol, Cerizay, Ambriéres et Balon, fut conseiller et chambellan du roi Charles VII dès 1485. Il était fils de Jacques de Surgères, chevalier, seigneur de la Flocellière, de Saint-Pol et de Cerizay, chambellan des rois Charles VI et Charles VII, né vers 1370, mort vers 1436, veuf de Marguerite de Vivonne et de Marie de l'Isle-Bouchard, et de sa troisième femme, Marie de Sillé, veuve elle-même de Jean de Champagne. Hardouine de Surgères avait pour mère Renée de Maillé, mariée en 1452, fille d'Hardouin, sire de Maillé et de Beaussay, et de Pernelle d'Amboise, et cousine-germaine, par sa mère, de la bienheureuse Françoise d'Amboise, femme de Pierre II duc de Bretagne.

Le peintre verrier semble avoir voulu rappeller ces illustres origines dans le détail du costume et des accessoires du portrait de la dame de Coëtquen. Le prie-Dieu qui supporte son livre d'heures disparaît entièrement sous un tapis armorié d'un mi-parti de Maillé fascé-ondé-nébulé d'or et de gueules, et un mi-parti coupé : a : taillé de gueules sur azur, à la fasce vivrée d'or brochant sur le tout ; blason que nous n'avons pu déterminer ; et : palé de 6 pièces d'or et de gueules, qui est : d'Amboise. Hardouine de Surgères porte un escofion, un réseau et un surcot aussi riches que ceux de sa belle-mère, mais les manches de son corsage sont rouge foncé et la partie senestre de sa cotte, la seule visible, porte un mi-parti coupé : d'or au semis de 6 lions de gueules, qui est : de Sillé ; et de gueules fretté de vair, qui est : de Surgères. La mosaïque du carrelage est beaucoup plus riche que les précédentes et composée de petits triangles en girons noirs et gris-jaunâtre. Le fond du tableau, d'un rouge très foncé, est chargé d'une banderolle ou j'ai cru reconnaître ces paroles du Magnificat : Quia fecit mihi magna..., à demi effacées.

Hardouine de Surgères, veuve dès 1502, figure comme tutrice de ses enfants mineurs dans divers actes de 1502 à 1512. Le 24 mai 1514 elle fit son testament au château de Coëtquen, donnant son âme à Dieu, son père et Créateur, et la recommandant à la benoiste Vierge Marie, à Monseigneur Saint Michel, à son bon ange, aux benoitz Saint-Pierre et Saint-Paul, à Monsieur Saint-Dominique, à Monsieur Saint-François, à Madame Sainte-Claire et à toute la benoiste compagnie du Paradis. Par le même acte, elle veut mourir en l'habit de Saint-François, auquel est sa dévotion, et son corps être ensépulturé au coeur de l'église des Frères prescheurs de Dinan, au plus haut près de son feu mary. Elle recommande à son fils François et à ses exécuteurs testamentaires de lui faire des funérailles selon l'honneur et estat de noblesse, de faire dire ensuite quatre messes avec diacre et surdiacre, et quatre annuels ; le premier audit couvent des Frères prescheurs de Dinan, le second dans l'église de Saint-Hélen, le troisième à Plouasne et le quatrième au couvent de Monsieur Saint-François en l'isle de Sezambre. Elle fait à ces intentions diverses fondations et donne de plus 50 livres pour prier Dieu pour elle et ses amis trépassés. Elle vécut encore quelques années, mais mourut avant 1529. Son fils aîné, François, servit avec distinction comme capitaine d'une compagnie de cent lances des ordonnances du Roi François Ier et commandant de la noblesse des évêchés de Dol et de Saint-Malo. De son mariage avec Françoise de Malestroit, dame d'Uzel et de La Soraye, naquit Jean V, marquis de Coëtquen, comte de Combour, vicomte d'Uzel et de Rougé, baron du Vauruffier, lieutenant-général du Roi en Bretagne et chevalier du Saint-Esprit, avec lequel la maison de Coëtquen atteignit l'apogée de sa gloire et de sa puissance, qui ne devait s'éteindre qu'avec son nom, vers la fin du XVIIIème siècle.

Ces quatre petits panneaux de verre, malgré leur humble apparence, rappellent donc tout un passé illustre et je dirai même la page la plus importante de l'histoire de Bretagne, celle de la réunion de cette province à la France : Jean III de Coëtquen, fils d'un breton passé au service du Roi Charles VII, marie son fils Jean IV à une française et travaille de tout son pouvoir à la réunion des deux patries après avoir rendu à la dynastie de ses ducs les plus éminents services. Comment ces fragiles portraits ont-ils échappé à la destruction pendant quatre siècles ? Les guerres de la Ligue ont renversé les tours de Coëtquen ; les révolutionnaires de 1789 ont brisé la partie supérieure de la maîtresse vitre de Saint-Hélen, mais leur rage aveugle ne reconnut sans doute pas les emblêmes féodaux des cottes d'armes des chevaliers et des robes armoriées des châtelaines en prière. Les images des sires de Coëtquen ont couru un bien plus réel danger, à une époque ou l'archéologie était peu en honneur chez les architectes et le clergé, et où la horde des revendeurs dinannais s'abattait, sans scrupules, sur tout les vestiges d'art qu'on voulait bien leur vendre pour les expédier à l'étranger.

On a voulu en effet reconstruire entièrement l'église paroissiale de Saint-Hèlen, et on avait réuni dans ce but une somme de 40.000 francs. Des difficultés imprévues dans l'établissement des fondations de la tour absorbèrent dans le seul clocher toutes les ressources de la paroisse, et, avec la nef et le choeur de la vieille église les intéressants vestiges dont je viens de vous entretenir ont, eux aussi, été épargnés.

Mais le vitrail des sires de Coëtquen est encore menacé, cette fois par le manque d'entretien. Comme je vous l'ai dit, plusieurs parties de la verrière ont entièrement disparu ; d'autres sont à demi brisées, le vent l'a beaucoup endommagée et elle n'a jamais été l'objet que de maladroites restaurations. La figure de Jean III de Coëtquen, grand maître-d'hôtel de Bretagne et conseiller de la Reine Anne, a été, à la suite d'une chute, replacée à l'envers, de telle sorte que la peinture, placée à l'extérieur, est exposée à toutes les intempéries, ce dont elle a déjà un peu souffert. Les autres personnages, en particulier Hardouine de Surgères, ont aussi eu à subir de dangereuses réparations, le verre et les plombs absents ayant été remplacés avec du mortier par un maçon du village.

Indépendamment de la partie supérieure, la plus endommagée mais encore cependant intéressante, de la maîtresse vitre de Saint-Hélen, ne serait-il pas désirable, dans un double but, historique et artistique, de prier la Société des Monuments historiques de classer et, si j'osais dire, de restaurer, les quelques vestiges venus jusqu'à nous du vitrail des sires de Coëtquen (Vte HENRI FROTIER DE LA MESSELIÈRE, 1907).

 © Copyright - Tous droits réservés.