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DOCUMENTS INÉDITS SUR LA CAMPAGNE ET LA BATAILLE DE SAINT-CAST
(SEPTEMBRE 1758)

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La bataille de Saint-Cast est un affrontement livré le 11 septembre 1758, sur la plage de Saint-Cast, entre l'arrière-garde d’un corps expéditionnaire britannique qui est défait par des troupes françaises et bretonnes commandées par le duc d’Aiguillon.

Relation de la campagne et de la bataille de Saint-Cast, par l'Ingénieur de la place de Saint-Malo, témoin oculaire.
Relation publiée en Angleterre en 1761, traduite ici en français pour la première fois.
Provisions fournies aux troupes françaises en marche sur Saint-Cast : pièces diverses contenant de nombreux renseignements sur la préparation de la bataille ;
Les morts, les blessés, les prisonniers : documents venant des Archives de l'Intendance de Bretagne.
La trahison du Guildo : instruction judiciaire à ce sujet.
Les ravages des Anglais : plaintes des intéressés, état des pertes, d'après les Archives des Etats de Bretagne.
Pamphlet contre le duc d'Aiguillon : première forme des accusations portées contre lui à propos de la bataille de Saint-Cast.

Bataille de Saint-Cast (Bretagne) en 1758.

I.

Relation de la campagne et de la bataille de Saint-Cast par l'Ingénieur de la place de Saint-Malo.

Cet ingénieur s'appelait le chevalier Mazin ; il fit partie de la colonne qui, sortie de Saint-Malo quelques jours avant le combat, se joignit aux troupes du comte d'Aubigni et prit sous ses ordres une part principale et essentielle à l'affaire de Saint-Cast. Au cours de cette affaire, Mazin, appelé à tous les conseils de l'état-major, vit très bien la bataille, en homme de l'art qui se rénd compte de tout, qui perce les apparences et ne se contente point d’à peu près. On comprend combien ce témoignage est important. Notons seulement ce point : le nombre des morts et des prisonniers anglais a été et est encore extrèmement controversé ; Mazin nous donne ces deux chiffres, pour avoir fait le compte lui-même, un à un. Et il fait bien d'autres révélations plus importantes, mêlées de traits satiriques fort piquants.

L'original de cette pièce est aux Archives du Génie, à Saint-Malo.

Relation du séjour de la flotte anglaise devant Saint-Malo et mouillée dans l'anse de Saint-Cast, près la baie de la Frênais et proche le château de la Latte.

La flotte anglaise, qui avait paru le 4 juin et qui était disparue le 22 du même mois, fut faire une descente sur la côte de Cherbourg, en Normandie, où elle fit beaucoup de dégâts. On auroit pu s'opposer à leurs opérations, étant assez en force pour cela, mais le commandant n'osa pas se mesurer. Comme cette affaire ne nous concerne pas, nous n'en dirons pas davantage, quoique bien informé de toutes les circonstances.

Dimanche 3 septembre 1758.

Des côtes de Normandie les ennemis retournèrent chez eux, où ils restèrent quelque temps, mirent leurs malades à terre, puis se remirent en mer, pour reparoitre à la vue de Saint-Malo le dimanche 3 septembre. Vers les cinq heures du matin environ, au large de six lieues du cap Fréhel, ils furent aperçus des batteries de la côte. Celle de Daouet, qui les avoit découverts près de l'île de Bréhat, recommença ses signaux suivant l'ordre donné : ce qui fut répété des batteries d'Erquy, et de la bouche du château de la Latte, et des forts de la rade, enfin de tous les autres jusqu'en Normandie. La flotte, au nombre de 105 voiles, louvoya toute la journée et, sur le soir, vint mouiller devant l'île Hagot, à l'Est du château de la Latte.

Lundi 4 septembre.

A huit heures du matin, elle leva l'ancre et s'avança jusqu'au devant de l'anse de Saint-Briac. Pour lors, trois frégates vinrent s'embosser dans l'anse de la Fosse pour protéger la descente ; elles tirèrent quelques bordées par terre. Ne voyant personne se présenter pour s'y opposer, les ennemis débarquèrent près de 5,000 hommes, toujours avec leurs chaloupes des vaisseaux. Une des frégates dont on vient de parler, s'étant trop avancée dans la rivière de Saint-Briac, talonna et jeta à la mer quelques hommes, dont plusieurs, à ce que l'on a dit, s'étoient noyés.

Outre l'infanterie débarquée, ils mirent aussi à terre environ deux cents chevaux, tant pour conduire leur artillerie et bagages que pour monter une centaine de dragons qui furent mis dans le village de Saint-Lunaire, où le général Bligh établit son quartier. L'infanterie établit son camp au pied de la montagne de la Garde-Guérin, oû est un corps de garde pour la côte. L'avant-garde de l'infanterie fut dispersée en avant, dont partie portée jusqu'à Dinard, d'où elle se retiroit à nuit tombante pour retourner au camp.

Le soir, le régiment de Boulonnois, ainsi que le bataillon de Fontenay le Comte et la capitainerie garde-côte de Dinan, entra en ville (à Saint-Malo) ; une compagnie de cette garde-côte resta à la garde de la tour de l’île des Ebihens.

Les forts furent ravitaillés et l'on y envoya le monde pour le service du canon, toujours pris dans la brave bourgeoisie de Saint-Servan.

Il y avait plusieurs corsaires en rade et une frégate du Roi, dite la Renoncule, commandée par le Sr du Chilleau, enseigne qui furent mis de distance en distance au vis-à-vis de la côte de Dinard, qui tiroient le plus souvent sur amis et ennemis, de façon que M. Borronnet fut obligé d'envoyer en ville pour prier M. de la Chastre de faire ralentir cette tiraillerie, qui ne faisoit d'autre effet que d'épouvanter ses pigeons.

Mardi 5 septembre.

Au commencement de cette nuit, les Anglois mirent le feu à vingt-deux barques, qu'ils trouvèrent échouées dans le port de Saint-Briac, et incendièrent plusieurs maisons. Les maraudeurs s'étendirent dans la campagne, où ils ne trouvèrent pas grand chose. De colère, ils brûlèrent granges, maisons et moulins ; ce fut toutes leurs opérations de ce jour.

Mercredi 6 septembre.

Le vent étant N.-E., les ennemis appareillèrent pour se mettre plus au large, dans la crainte d'être chargés sur la côte. La flotte ne fut qu'une heure sous voile et mouilla entre les Ebihens et Saint-Cast. Ils débarquèrent le reste de leurs troupes, qui gagnèrent le camp de la Garde-Guérin.

La capitainerie de Dol entra en ville.

M. de la Châtre fit établir une batterie sur le quai dit de la Grande Porte, malgré l'opposition de l'ingénieur, qui eut beau représenter qu'elle ne pourroit servir à rien puisqu'elle ne pourroit voir l'ennemi ; mais chacun vouloit mettre du sien. Le Ministre ne voulut point passer cette dépense qui n'avoit pas été jugée nécessaire par les officiers du génie, et elle resta à la charge de l'ordonnateur et des exécuteurs, qui en ont payé le montant et fait banqueroute du reste. Sur le soir, la flotte se mit de nouveau au large, les vents toujours au N.-E. et grand frais ; ils s'approchèrent davantage de l'anse de Saint-Cast, oû la tenue est plus ferme et le mouillage meilleur.

Jeudi 7 septembre.

Le camp et la flotte restèrent dans la même position. L'infanterie fit l'exercice aux environs de son camp. Quelques bâtiments appareillèrent pour se porter encore plus près de l'anse de Saint-Cast, sans doute pour mieux connoître le mouillage, car, avec les lunettes, on les voyoit la sonde à la main.

Vendredi 8 septembre.

A trois heures du matin, les ennemis battirent la générale. Vers sept heures, ils abattirent leurs tentes, chargèrent leurs bagages. Vers midi, ils se mirent en marche, prenant leur route par le Pontbriant, et furent camper à Saint-Jacut, leur droite appuyée au Guildo et leur gauche aux marais de Drouet.

M. le duc d'Aiguillon, qui fut informé dès les premiers jours de la nouvelle apparition des ennemis, avoit mis en mouvement les troupes à ses ordres, ayant laissé cependant les garnisons dans les principales villes, à la réserve des grenadiers. Ce général arriva à Lamballe, où le rendez-vous de toutes les troupes étoit assigné. Un bataillon des Volontaires-Etrangers, arrivé des premiers, fut envoyé, avec un escadron des dragons de Marbœuf, à Dinan, aux ordres de M. le Comte d'Aubigny, qui attendoit en cette ville les autres troupes qui venoient de la partie de Nantes.

On fit de cette ville (Dinan) l'entrepôt des vivres, mais qui furent soigneusement gardés par M. Le Bret, intendant.

M. le duc d'Aiguillon, étant venu reconnoître la position des ennemis au Guildo, transporta ses quartiers à Plancouët et y fit marcher deux escadrons de dragons et 800 gardes-côtes.

Il envoya ordre à M. d'Aubigny de quitter Dinan et de s'avancer jusqu'à Plouër avec le régiment de Brie, le bataillon des Volontaires-Etrangers, trois de gardes-côtes et les deux escadrons de dragons, et de pousser en avant jusqu'à Pleurtuit le chevalier de Polignac avec un petit détachement, qui fut joint par un autre sorti de Saint-Malo, suivant ordre de M. le Duc, lequel étoit commandé par le chevalier de Béon, lieutenant-colonel au régiment de Boulonnois, et qui s'avança jusqu'à Plouhalay afin de donner de l'inquiétude aux ennemis.

Ce fut vers les onze heures du matin de ce jour (et non le 4, comme il est dit dans la Relation imprimée) que le Sr Petel, avec son seneau [Note : C'est une sorte de navire] armé en frégate et chargé de vivres pour quinze jours, mit enfin à la voile pour les opérations de la rivière. Les ennemis avoient déjà quatre heures de marche de leur retraite ; il étoit bien sûr qu'on ne trouveroit personne pour s'opposer à cette course. Aussi plusieurs braves gens voulurent-ils en être.

Il y avoit des rafraîchissements pour tous. Ce qu'il y a de bien sûr, c'est qu'ils revinrent le lendemain faire mille beaux contes, quoiqu'ils n'eussent pas tiré un coup de fusil. L'amiral n'avoit pas été choisi des plus clairvoyants, car il n'auroit pas aperçu un chameau à six pieds de lui. Mais ce négociant avoit porté une assez bonne somme d'argent à M. de la Chastre : il étoit juste que par reconnaissance celui-ci cherchât à distinguer le petit-fils d'un meunier, d'ailleurs fort honnête homme, qui s'est ruiné avec les grands.

Samedi 9 septembre.

Les ennemis quittèrent sur les huit heures du matin leur camp de Saint-Jacut, pour passer à marée basse la rivière du Guildo : ce qu'ils effectuèrent [Note : Ils ne franchirent l'Arguenon qu'à cinq heures du soir] après avoir fait passer leurs dragons aux Quatre-Vaux, au bas de ladite rivière, lesquels leur servirent de découverte et d'avant-garde. Après leur passage, ils campèrent sur les hauteurs, le long du grand chemin de Matignon, entre le bois du Val et Saint-Jaguel.

Le troisième bataillon des Volontaires-Etrangers fut porté à Plancauët, avec les autres troupes qui y étoient depuis deux jours. Le chevalier de Saint-Pern fut envoyé avec 800 hommes à Saint-Potan, afin d'être plus à portée d'éclairer les manœuvres des ennemis. M. de Loret, capitaine de Boulonnais, était sorti dès le vendredi avec un piquet de cinquante hommes, et avoit toujours suivi, sur les ailes, les ennemis, à qui il donna beaucoup d'inquiétude, et leur fit environ une soixantaine de prisonniers qu'il envoyoit sur les derrières, escortés de milices gardes-côtes, qui ne leur faisoient aucun quartier dans leurs nippes.

Dimanche 10 septembre.

Les ennemis, dès la pointe du jour, levèrent leur camp de Saint-Jaguel pour se porter à Matignon, où ils campèrent de nouveau sur les hauteurs près de ce village, en assez mauvais ordre, sans gardes avancées. Nos découvertes alloient fusilier jusque parmi leurs gens, sans grand effet.

Les régiments de Bourbon, Brissac, Bresse et Quercy, qui dès la veille étoient à Lamballe, eurent ordre de s'avancer jusqu'à Hénan, à petite lieue de Matignon. M. de Balleroy commandoit ces troupes, avec deux. escadrons du régiment de Marbœuf. Ils passèrent la nuit dans le bois en avant de Hénan, au bivac et sous les armes. Le second bataillon de Penthièvre vint de Jugon joindre le corps de troupes qui était à Plancouët.

M. le comte d'Aubigny eut ordre de marcher en avant, de passer le Guilclo et d'aller coucher et camper à Matignon, après cependant que le marquis de la Châtre l'auroit joint avec les troupes de Saint-Malo, consistant dans le régiment de Boulonvois, les milices de Fontenay le Comte, et deux bataillons de milices gardes-côtes de Dol et de Dinan. La réunion de ces deux corps se fit à Ploubalay, et l'on marcha en ordre pour effectuer le passage du Guildo vers les deux heures après midi.

Toutes ces troupes, après leur passage de la rivière, marchèrent le long du grand chemin pour se porter et aller passer la nuit, suivant les ordres, à Matignon. Le chevalier de Polignac, colonel de Brie, fut détaché pour faire l'avant-garde avec cinquante dragons. Arrivé sur la hauteur à quart de lieue de Matignon, il découvrit le camp des ennemis. Il y a grande apparence qu'on ne savoit trop où ils étoient. A cette vue, le chevalier de Polignac, brave homme et qui n'avoit pas froid aux yeux, poussa en avant le long d'un chemin creux et, couvert d'un fossé, approcha à portée de pistolet des ennemis, qui prirent les armes. Il leur fit deux décharges sans recevoir de réponse, il traversa la tête de leur camp et vint rejoindre M. le comte d'Aubigny, à qui il rendit compte de ce qu'il venoit de voir. Ce général se retira à quartier avec quelques officiers et le soussigné [Note : L'auteur de cette Relation], et après avoir reconnu l'impossibilité d'exécuter l'ordre d'aller à Matignon, on prit le parti de rétrograder quelques pas pour se jeter sur la gauche ; et ayant rencontré le chevalier de Fontette, qui nous cherchoit d'ordre die M. d'Aiguillon, il conduisit ce corps de troupes à Saint-Potan, où l'on passa la nuit sous les armes, dans la boue, et sans vivres. A la pointe du jour du lundi, M. Le Bret, homme prévoyant, envoya trois cents livres de pain sur un cheval, à condition qu'on le payeroit sur le champ, ce qui fut exécuté.

M. le duc d'Aiguillon, qui de Hénan s'étoit porté sur Matignon avec un gros détachement, ayant reconnu la position des ennemis et qu'il n'étoit point temps de les attaquer, remit la partie au lendemain, d'autant que toutes les troupes n'étoient pas encore arrivées. Le régiment des Vaisseaux, mauvais piéton sans doute, n'arriva que bien avant dans la nuit et s'étoit perdu sur le grand chemin.

En arrivant sur les huit heures du soir à Saint-Potan, nous trouvâmes dans ce village M. de Broc, colonel de Bourbon, qui y étoit établi avec huit compagnies de grenadiers, quelques piquets et deux cents dragons. Cette troupe étoit destinée à inquiéter les ennemis pendant la nuit, ce qui fut très bien exécuté par de petites troupes de trente hommes, qui s'approchoient de leur camp le plus qu’il étoit possible, y faisoient leur décharge et se retiroient à petit bruit. De deux heures en deux heures, ces détachements étoient relevés par d'autres. L'on peut dire que c'est à ces manœuvres qu'on doit la rencontre des Anglais du lendemain. Sans ces escarmouches, leur camp, qu'ils avoient levé dès les neuf heures du soir, avertis de l'arrivée des troupes par un dragon déserteur, auroit entièrement disparu, au lieu qu'à la pointe du jour ils étoient encore en partie dans leur camp, n'ayant fait qu'un détachement de 3,000 hommes, qui furent à Saint-Cast avec l'artillerie et les gros bagages, où ils commencèrent à se rembarquer environ les sept heures du matin.

A deux heures du matin, M. de Broc se mit en marche avec ses grenadiers, piquets et dragons, tourna le camp des ennemis par Saint-Germain et gagna la tête de leur retraite, où il les inquiéta et fusilla à toutes minutes. Cette manœuvre obligea les ennemis de marcher avec précaution et lentement, ce qui donna lieu à l'affaire du

Lundi 11 septembre.

M. le duc d'Aiguillon, qui par une estafette avoit été averti de la retraite des ennemis, partit à la pointe du jour de Pluduno, oui il avoit passé sa nuit sans se coucher. Il fit une tournée pour donner les ordres aux troupes qui étoient dans différents villages, et vint à Saint-Potan ou étoit le gros. Il mit tout en mouvement, et sur les sept heures du matin on se mit en marche, lui précédé de 200 dragons, accompagné de plusieurs officiers particuliers et du soussigné. On se porta par une marche vive sur la pointe de Saint-Cast, où étant arrivé l'on trouva les ennemis, c'est-à-dire leur arrière-garde, composée des gardes à pied et des compagnies de grenadiers. La seconde division de rembarquement étoit dans les chaloupes regagnant leurs vaisseaux, et l'arrière-garde, qui ne comptoit pas sur notre arrivée si prompte, espéroit avoir le temps de nous échapper.

L'ardeur des troupes étoit si grande que presque toute l'infanterie arriva sur Saint-Cast aussi tôt que les dragons, qu'on y avait menés au galop. L'apparition de tous nos différents corps de troupes fit faire aux ennemis plusieurs mouvements, qui marquaient bien leur inquiétude et le peu d'envie qu'ils avaient de se mesurer avec nous. Ils étoient le plus désavantageusement postés pour se défendre, n'ayant fait à Saint-Cast aucun préparatif de retraite ; car il est certain qu'ils n'ont jamais pensé à faire la moindre levée de terre, ni à retrancher les villages. Tout ce qu'en dit la Relation imprimée n'est qu'une fable faite à plaisir par des visionnaires. On fit sur le terrain les dispositions pour l'attaque, et nos troupes furent disposées en quatre corps : le premier, pour le centre, aux ordres de M. de Broc sous M. le Duc [Note : Le duc d'Aiguillon], qui y fut pendant toute l'action ; le second, pour la droite, posté à la pointe de la Garde, aux ordres de M. de Balleroy, qui ne bougea point de sa place, satisfait d'examiner l'action sans y faire opérer son corps de troupes ; le troisième, posté au village de Léro [Note : Mazin écrit ainsi ce nom, dont l'orthographe correcte, au point de vue étymologique, doit être Lesros], pour la gauche, aux ordres de M. le comte d'Aubigny, qui fit toute la besogne ; enfin le quatrième, resté en réserve sur la hauteur, aux ordres du chevalier de Saint-Pern.

Sur les onze heures du matin, tout étant disposé, la gauche commandée par M. d'Aubigny se mit en mouvement, le régiment de Boulonnois en tête, suivi de celui de Brie et d'autres troupes, dont ci-après l'état circonstancié [Note : Cet état n'est plus joint à la Relation de Mazin]. Les grenadiers de Boulonnois, conduits par le comte de la Tour d'Auvergne, s'étoient portés en avant à l'abri des dunes, une vingtaine de gentilshommes de la province servant de volontaires dans ce corps. Lorsque l'arrière-garde des ennemis vit déboucher nos troupes, elle se mit en bataille, ce qui augmenta la valeur de nos troupes, qui redoublèrent leur pas et furent bientôt à eux. Ils essuyèrent une décharge. Les nôtres, presque sans tirer, franchirent les dunes qui les séparaient, se jetèrent sur l'ennemi bayonnette au bout du fusil et en firent une belle déconfiture. Tout plia, fut tué ou fait prisonnier. Mais cette gauche les mena battant jusqu'à la droite, qui constamment ne bougea point. S'ils avoient fait seulement vingt-cinq pas, l'affaire auroit été finie plus tôt et le nombre des prisonniers plus grand. Les Anglais, en portant leur pas vers la pointe de la Garde, droite de l'attaque, avoient conçu l'espérance de pouvoir embarquer, ce que quelques uns d'eux effectuèrent; mais ils se mirent en si grand nombre dans deux chaloupes qui s'étoient approchées du rivage qu'elles coulèrent, et presque tout fut noyé ; ils se coupoient même les mains pour empêcher leurs camarades de se sauver avec eux. Ce n'est sûrement pas notre canon, comme il est dit dans la Relation imprimée, qui occasionna cette perte. Notre artillerie étoit de trop petit calibre pour nuire, et trop éloignée pour opérer sur le lieu. On jugera de ce qui est, dit ici : nos pièces n'étaient que de quatre, et l'on n'en avoit mis que cinq en batterie à barbette, dans un lieu peu propre à servir.

Au commencement de l'attaque, les ennemis avoient détaché deux frégates de 30 canons, cinq chaloupes de guerre et deux bombardes, qui s'avancèrent au flux, la mer montant pour lors. Ils firent un feu beaucoup plus épouvantable que meurtrier, qui cependant ne pouvoit guères leur servir, leurs troupes étant entre eux et nous : ce qui fit qu'ils furent obligés de tirer par-dessus nos têtes et sur la hauteur. Mais l'affaire étant finie, de rage, ils tirèrent aussi bien sur leurs gens que sur nous ce que voyant, nos soldats sans s'émouvoir égorgèrent quelques uns des leurs à leur vue, ce qui opéra le silence, ordonné par un pavillon carré que le commandant de l'escadre fit hisser à son grand mât.

Enfin, la paix étant faite, nos troupes remontèrent sur la hauteur avec des prisonniers au nombre de sept cent trente-deux comptés un à un par le soussigné et en présence de M. le Duc, parmi lesquels il y avait trente officiers, tant de marine que des troupes, et dix de marque et des premières maisons d'Angleterre, qu'on ne pouvoit reconnaître à leur uniforme, nos soldats les ayant pour la plupart dépouillés et mis in naturalibus, c'est-à-dire ne leur ayant pas seulement laissé la chemise.

On les rhabilla le mieux qu'il fut possible, en leur cherchant parmi les dépouilles de quoi couvrir leur nudité. Cette toilette étoit risible.

Notre perte ne fut pas à cent hommes, dont trente au plus tués du canon, environ cent cinquante blessés, dont peu moururent [Note : Tels sont en effet les chiffres donnés par les premières Relations imprimées après l'affaire, mais ils semblent trop faibles. Suivant les témoignages les plus exacts, les Français auraient eu dans cette campagne 155 hommes tués, dont 7 officiers, et 340 blessés, dont 57 officiers (voir Saint-Cast, p. 24-26) ; mais la plupart des blessés le furent très légèrement].

L'affaire ne fut pas plus tôt finie, que le commandant de l'escadre envoya demander quelques officiers de marque, ce qui leur fut refusé, en leur reprochant les trois soldats de Boulonnois qu'ils avaient emmenés de Cancale, leur disant qu'il étoit juste que ces messieurs fissent aussi une promenade en France, où l'on pouvoit compter qu'ils seraient bien traités : ce qui fut exécuté, car dès le lendemain M. le duc d'Aiguillon leur fit donner tout l'argent qu'ils demandèrent et toutes les choses dont ils pouvoient avoir besoin. Les prisonniers blessés furent conduits à Saint-Malo, ainsi que les nôtres ; milord Cavendish conduit à Rennes, où l'on eut toutes sortes d'égards pour lui et sa compagnie [Note : Le jour même de l'affaire de Saint-Cast, le duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne résidant — par ordre — hors de son gouvernement, écrivait à l'intendant de Bretagne, M. Le Bret, la lettre suivante : « A la Rivière, le 11 septembre 1758. J'apprends avec beaucoup de peine, Monsieur, par la lettre que vous m'avés écrit le 6 de ce mois, la nouvelle descente des Anglois en Bretagne, L'endroit qu'ils ont choisi pour débarquer ne me parait pas annoncer de grands projets ; mais, quels que soyent leurs desseins, je n'en sens pas moins vivement le malheur actuel des peuples du canton où ils sont descendus. Je compte bien que les précautions que l’on prend les empêcheront de faire aucune entreprise de conséquence. Continués, je vous prie, de me donner régulièrement des nouvelles ; je vous remercie de celles que je viens de receveir, et me flatte que les prochaines me fourniront une occasion plus agréable de vous assurer, Monsieur, de la sincérité des sentiments que j'ay pour vous. (Signé) L. J. M. DE BOURBON ». [P. S.] « Depuis avoir écrit cette lettre, j'ay reçu la vôtre du 8, par laquelle vous me faites part que les ennemis songent à se retirer. Toute cette année, ils ont été fort prudents dans leurs entreprises.» (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, fonds de l'Intendance de Bretagne, liasse C 1086)].

Mardi 12 septembre.

L'escadre resta dans la même position, mouillée au large de l'anse de Saint-Cast.

Ce jour, on enterra les morts au nombre de onze cent soixante. On ne peut savoir ce qui a été noyé dans les deux chaloupes coulées, mais il s'en était embarqué environ sept cents, car quand on arriva à eux, ils pouvaient être encore à terre environ 2,500.

Toutes les troupes, dès le matin, avaient eu ordre de retourner dans leurs quartiers et garnisons, et cela fut exécuté.

Mercredi 13 septembre.

L'escadre resta dans la même position ; il y eut seulement quelques chaloupes qui transportèrent des troupes de bord à bord, sans doute pour se mettre plus à l'aise, par le soin qu'on avait pris de diminuer leur nombre.

Le chevalier de Béon, lieutenant-colonel de Boulonnois, était resté avec 200 hommes pour observer l'ennemi ; il occupait les villages de Saint-Cast, de Léro, et de l'Ile . Du reste, rien de nouveau.

Jeudi 14 septembre.

Dès la pointe du jour, plusieurs bâtiments de l'escadre commencèrent a déferler leurs voiles, et quelques heures après ils levèrent l'ancre et mirent le cap sur Jersey. Sur les onze heures, le reste en fit de même, et à deux heures tout avait disparu et n'était plus en vue de nos côtes.

On peut s'en rapporter à cette relation et rejeter toutes les fables de celle imprimée, qui a été amplifiée pour la magnificence et rendre les choses plus éclatantes.

A Saint-Malo, le 22 septembre 1758.
Le chevalier MAZIN.

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II.

Relation anglaise de la campagne et de la bataille de Saint-Cast, publiée en 1761.

AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR.

Cette relation se trouve dans un ouvrage anglais peu connu en France, et qui n'a jamais été traduit, intitulé Description des parties maritimes de la France, avec la carte des côtes et les plans de toutes les places fortes du littoral [Note : Voici le titre anglais : « A Description of the maritime parts of France... illustrated with charts of the sea-coasts and plans of all fortified places on it. London. Printed for Thomas Jefferys, geographer to His Majesty, at Charing-Cross. M.DCC.LXI. ». Petit in-folio oblong. Le texte forme un volume, imprimé sur deux colonnes ; les cartes et plans, très soignés, en forment un second, ou, si l'on veut, un atlas de même format. — La Relation ci-dessous occupe les p. 269 à 276 du premier volume de cet ouvrage] : livre publié en 1761, au cours de la guerre de Sept-Ans, ayant pour but de mettre en relief l'utilité des attaques tentées par la marine d'Angleterre contre les côtes de France depuis le commencement de cette guerre (1756). L'auteur donne, en ce qui touche le côté anglais de ces attaques, des détails très précis, très clairs, très utiles pour comprendre la suite des faits, le but réel des envahisseurs et les mouvements de leurs troupes dans chacune de ces expéditions. Evidemment il écrivait sur des documents certains, officiels, produits dans les discussions du Parlement ou directement fournis par l'administration.

En ce qui touche l'affaire de Saint-Cast, il va sans dire que cette Relation anglaise n'est nullement impartiale. Avec un vernis et un ton de modération, elle relève, elle exagère tout ce qui peut diminuer la gloire et le mérite des Français et par suite l'humiliation de l'Angleterre. Elle dissimule autant que possible toutes les circonstances d'un effet contraire. Il y a même des inexactitudes formelles, dont la principale est d'affirmer que les trois colonnes françaises prirent part à l'action de Saint-Cast, tandis qu'il est sûr que celle de droite ne bougea pas, que le centre arriva après la déroute des Anglais, et que la colonne de gauche fit tout. Toutefois nous ne relèverons pas ces inexactitudes. C'est l'affaire de l'écrivain qui, s'emparant de tous les documents — très instructifs et très explicites — publiés jusqu'ici sur Saint-Cast, nous donnera un jour de cette campagne un récit tout à la fois critique et complet.

Relation contemporaine publiée en Angleterre.

Saint-Cast est un village de 200 ou 300 habitants, devenu récemment célèbre à cause de la défaite d'un petit corps de troupes anglaises par toute une armée francaise, en l'année 1758.

La flotte du commodore Howe, avec les troupes et les bâtiments de transport, étant, cette année même, le 19 août, rentrée en Angleterre après l'expédition contre Cherbourg, fit de nouveau voile pour la France, le 31 du même mois à 6 heures du matin. Tout ce jour et la nuit suivante, elle eut le temps contraire, la mer grosse, et fut chassée au loin dans le canal [Note : « As fur as the Start, » dit le texte anglais]. Le lendemain, par un temps meilleur, elle passa devant Guernesey et arriva vers la nuit en vue de Jersey. Le samedi 3 septembre, elle vint au large jusqu'à la hauteur du cap Fréhel, sur la côte de Bretagne, et à 6 heures du soir elle jeta l'ancre dans la baie de Saint-Lunaire, à deux lieues environ de Saint-Malo. Cette baie entourée de rochers offre un mouillage passable. Le signal fut donné aux troupes de passer la nuit à bord, et immédiatement après vint l'ordre de tout préparer pour faire le débarquement à la pointe du jour. Le lendemain matin, 4 septembre, de bonne heure, les bateaux plats furent mis à la mer ; entre 6 et 7 heures, ils reçurent à bord la plus grande partie de l'armée ainsi qu'une trentaine de chevaux, et restèrent quelque temps sous la poupe du commodore et des grands vaisseaux. Vers 9 heures, le commodore ayant hissé son pavillon sur une des frégates, mit à la voile, toute la flotte leva l'ancre et suivit. Durant ces opérations, comme pendant presque toute la journée, il tomba une prodigieuse quantité de pluie, qui incommoda beaucoup les soldats et faillit gâter leurs munitions. Une frégate, en virant de bord, fit chavirer un ou deux bateaux, quatre ou cinq hommes [tombés à la mer] furent perdus ; plusieurs autres, sauvés à grand peine, perdirent leurs bagages.

On craignit aussi qu'il n'y eût quelque danger et quelque difficulté à protéger le débarquement sur cette côte couverte de rochers, mais deux frégates et une galiote à bombes s'étant approchées tout contre le rivage, le commodore y vint avec la frégate qui portait son pavillon, les bateaux en firent autant, et le débarquement eut lieu à midi. A peine à terre, nos soldats, s'étant formés aussi promptement que possible, prirent possession des hauteurs qui dominent le rivage auprès du village de Saint-Lunaire. Dans l'après-midi, le reste des troupes prit terre, ainsi qu'une cinquantaine d'hommes de cavalerie légère avec leurs pièces de campagne, et le soir on débarqua les tentes.

Quoique peu de gens fussent dans le secret, il devint alors évident que l'expédition était dirigée contre Saint-Malo. Toutefois, pour donner le change, on répandit le bruit qu'à Saint-Briac, c'est-à-dire à une lieue et demie de l'armée, il y avait un hâvre rempli de navires. Dès le soir même, cinq compagnies de grenadiers y furent détachées sous les ordres de sir William Boothby ; elles y trouvèrent un trois-mâts, huit navires à deux mâts, quatre sloops ; elles brûlèrent le tout, puis rejoignirent l'armée le lendemain matin (5 septembre), sans avoir rencontré aucun obstacle. Ce même lendemain, sur un autre point du rivage, un détachement de grenadiers des Gardes incendia aussi cinq barques, et dans l'après-midi on fit reconnaître les fortifications de Saint-Malo et les forts qui défendent l'entrée de la rade.

Au mois de juin précédent, on avait estimé qu'une attaque sur Saint-Malo ne pouvait réussir, et cependant en juin l'armée de débarquement était plus nombreuse et mieux pourvue d'artillerie, la côte moins bien gardée, l'effroi plus grand dans la ville et dans toute la région. Nonobstant, on proposa alors de faire attaquer les forts par les grands vaisseaux, de faire bombarder la ville par les galiotes, d'amener les bateaux plats à la rame après la prise des forts, de façon à leur faire traverser de nuit le passage pour transporter les troupes à Saint-Servan, d'où l'on pourrait former un blocus et dresser des batteries contre la ville.

Contre ce projet il fut représenté que l'embouchure de la rivière, formant le bassin entre Saint-Malo et Saint-Servan, a deux milles de largeur ; que les forts qui en défendent l'entrée sont puissants et nombreux, et la navigation tellement difficile qu'aucun pilote ne voudrait se charger de conduire les vaisseaux ; que le passage était défendu par plusieurs batteries portant ensemble environ 50 pièces de gros canon, outre 40 autres placées sur le côté ouest des murs de la ville ; qu'il y avait aussi dans le bassin sept navires armés en guerre, dont l'artillerie pouvait être employée à renforcer les batteries de la côte ouest ou les vaisseaux que l'on mettrait à garder le chenal. On s'aperçut en outre que les deux grands vaisseaux (deckers), avec lesquels on comptait faire taire les batteries de l'ennemi, étaient insuffisants pour cet objet, et que, les murs de la ville ayant quarante pieds de hauteur, on ne pouvait rien contre eux tant qu'une brèche n'y serait pas pratiquée ; or pour la faire nous n'avions pas la moindre artillerie sur le rivage.

Ces considérations auraient suffi pour amener l'abandon de ce projet ; mais on sut de plus que le marquis de la Châtre, commandant de Saint-Malo et du pays d'alentour, à la première apparition de la flotte anglaise, avait fait pendant la nuit entrer dans la ville le régiment de Boulonnois, un bataillon des miliciens de Fontenai le Comte, et la meilleure partie des gardes-côtes des capitaineries de Dinan et de Dol. Il avait aussi armé nombre de petits bâtiments, placés à distance convenable autour de l'embouchure de la Rance et assez loin en amont de cette rivière.

Un autre plan imaginé par les Anglais consistait à envoyer le vaisseau le Brillant et deux galiotes à bombes pour bombarder un des forts et la ville elle-même. Ce plan parut si hasardeux qu'on y renonça aussi, et plusieurs des chefs émirent alors l'opinion que le plus sûr et le meilleur parti à prendre était de se rembarquer. Mais le vent ayant tourné, la flotte avait été forcée de lever l'ancre et de se tenir à distance, en dehors des rochers : si bien que le commodore et le prince Edouard, ne pouvant retourner à bord, avaient dû passer la nuit couchés sur de mauvaise paille dans un grenier à foin. En même temps, les troupes étaient à court de provisions ; les paysans avaient déserté en emmenant leur bétail, dont on n'avait pu conduire que très peu au camp, et il n'y avait plus moyen de tirer de vivres de la flotte, maintenant trop loin de la côte. Et cependant le fond où elle avait jeté l'ancre était si mauvais, si rocailleux, que les gens du pays s'attendaient à voir bientôt nos navires brisés, mis en pièces.

Ne voulant pas rester dans une position si dangereuse, le commodore s'en alla mouiller à trois lieues plus loin vers l'Ouest, dans la baie de Saint-Cast, et l'armée, ayant renoncé à toute entreprise sur Saint-Malo, résolut de pénétrer plus avant dans le pays, de façon à rester près de la flotte, pour s'y pouvoir rembarquer si besoin était. En conséquence, le 7 septembre, 300 grenadiers, avec des pionniers et avec leurs officiers, partirent à la découverte d'une route par où tout le corps d'armée pût passer.

Le lendemain (8 septembre) à huit heures du matin, l'armée se forma en colonne, et vers onze heures elle commença son mouvement, ayant en tête les 300 grenadiers et les quartiers-mestres. Les troupes marchèrent toute la journée, par une pluie battante et une route fatigante, jusqu'à une église située près d'une grande flaque d'eau formée par la marée et qu'elles traversèrent à gué ; puis, une marche d'une heure les mena à la position où elles devaient s'arrêter, près du Guildo.

Les grenadiers avaient devant eux le village du Guildo, de l'autre côté de la rivière (l'Arguenon), dont la mer en montant remplit le chenal à la profondeur de plusieurs brasses, en sorte qu'il n'est guéable qu'à mer basse. De ce village les miliciens français dits gardes-côtes, avec un petit détachement de troupes régulières, tirèrent sur les Anglais quelques coups de feu sans résultat. Les deux pièces de campagne qui accompagnaient la colonne anglaise, ayant lancé quelques boulets, firent taire l'ennemi pendant la nuit. Mais la pluie devint si forte que beaucoup de nos soldats furent contraints de quitter leurs tentes [Note : Où se réfugièrent-ils ? Sans doute (quoique la relation n'en dise rien) dans le couvent des Carmes du Guildo, placé sur la rive droite de l'Arguenon et où s'était logé l'état-major anglais. [Note du traducteur]].

L'intention des Anglais était de passer la rivière le lendemain (9 septembre) à six heures du matin, et tous les préparatifs furent faits dans ce but. Mais quand vint le moment, ils virent qu'ils avaient mal calculé le temps du bas de l'eau et qu'il était trop tard de quelques heures ; ce qui les força d'attendre à l'après-midi [Note : Prétexte imaginaire, masquant le vrai motif : ce qui empêcha les Anglais de passer l'Arguenon le 8 septembre après midi et le 9 au matin, ce fut la belle conduite d'une poignée de Bretons, embusqués sur la rive gauche de cette rivière, et dont le feu nourri, très bien dirigé, fit craindre aux Anglais d'avoir devant eux un corps important de troupes régulières, — jusqu'au moment où un traître leur fit connaître la faiblesse du détachement de volontaires qui les tenait en échec et comptait à peine une centaine d'hommes. [Note du trad.]].

Ce jour (9 septembre), le navire le Maidstone, accompagné d'un cutter, alla mouiller tout contre l'abbaye de Saint-Jacut, située à un demi-mille du Guildo, sur une langue de terre que le flux baigne de deux côtés, et du troisième (du côté de la mer), une eau profonde. Tout ce jour, le temps fut calme et, selon l'avis des marins, les troupes auraient pu s'embarquer là en toute sûreté, si l'on n'avait pas eu l'intention de faire quelque entreprise dans le pays. Et si, en effet, l'on s'était résolu à s'embarquer en ce lieu ou à s'y établir. solidement pour attendre l'ennemi, l'armée eût eu les frégates sous la main pour aider à l'établissement de ses batteries et un village retranché pour couvrir son front.

L'heure de passer la rivière étant venue, l'ordre fut donné aux troupes d'achever leurs préparatifs, de vérifier l'état de leurs fusils, et à tous les grenadiers de la colonne de traverser le gué en face du village du Guildo, d'où les gardes-côtes français avaient continué, sans grande efficacité, de tirer toute la journée. Quant à la brigade des Gardes, elle eut l'ordre de passer l'eau en même temps, mais plus bas, en face du bois du Val, où elle devait prendre terre sur une grève, à 30 ou 40 yards [Note : Yard, mesure de longueur égale à 914 millimètres. [Note du trad.]] de la lisière de ce bois, occupé par un parti de miliciens et de paysans armés. A quatre heures, les grenadiers marchèrent vers le gué et y entrèrent, après trois ou quatre décharges faites sur l'ennemi par nos pièces de campagne. Néanmoins, ils furent durant leur passage très gênés par le feu de l'ennemi partant des fenêtres des maisons et des murailles des jardins, qui blessa aux Anglais plusieurs hommes, entre autres, lord Frédéric Cavendish, atteint à la cuisse, le capitaine Daniel Jones au pied, et qui ne cessa que lorsque les grenadiers eurent pris et nettoyé ce village du Guildo. Au cours de ce passage, le capitaine Casswel faillit se perdre dans un sable mouvant. Le colonel Jules César, qui commandait la brigade des Gardes, quand il fut au bord de l'eau, s'aperçut qu'en essayant de passer en face du bois du Val il donnerait trop de prise à l'ennemi ; il descendit donc plus bas à droite, où les Gardes trouvèrent un gué plus commode, par où ils gagnèrent l'autre rive sans le moindre empêchement.

Le duc d'Aiguillon, commandant de la province de Bretagne, ayant été informé par M. de la Châtre de la position de la flotte britannique, de la descente de l'armée anglaise et de ses mouvements successifs, fit mettre en marche la plupart des troupes de son commandement, et lui-même, le 8 septembre, arriva à Lamballe, ville située sur la route de Brest à Saint-Malo, à 33 lieues environ de la première de ces villes et à 12 de la seconde. Là avait été fixé le rendez-vous d'une partie des troupes françaises. Un bataillon des Volontaires-Etrangers ayant gagné ce point à marches forcées fut envoyé, avec un escadron de dragons, commandé par le comte d'Aubigni, prendre position à Dinan, ville beaucoup plus à droite, entre Lamballe et Saint-Malo, à 8 lieues environ de la première, à 4 ou 5 de la seconde : place importante parce qu'elle commande le passage de la Rance, renferme plusieurs magasins, et avait été marquée pour rendez-vous à l'une des colonnes françaises.

Quand le duc d'Aiguillon apprit que l'armée du général Bligh avait pris position sur la rive droite de la rivière du Guildo, il vint lui-même à Plancoët, situé sur la même rivière environ une lieue et demie plus haut, avec deux escadrons de dragons et 800 gardes-côtes. A Plouër, qui est sur le bord de la Rance presque à mi-chemin entre l'embouchure de cette rivière et la ville de Dinan, il envoya M. d'Aubigni avec le régiment de Brie, le premier bataillon des Volontaires-Etrangers, le premier bataillon de Marmande (régiment de milice), trois bataillons de garde-côtes et deux escadrons de dragons. Le chevalier de Polignac dut s'avancer avec un détachement jusqu'à Pleurtuit, et pendant que ces troupes rapprochaient leur droite de Saint-Malo, M. de la Châtre eut ordre d'envoyer de cette place le chevalier de Béon avec un détachement du régiment de Boulonnois à Ploubalai, village situé au bord de la baie, à un peu plus d'une lieue de la Rance et autant du Guildo, sur la droite du chevalier de Polignac. L'objet principal de tous ces détachements était de gêner, d'inquiéter la gauche de l'armée anglaise, et par suite de ces divers mouvements, les troupes sorties de Saint-Malo entrèrent dans la colonne commandée par M. d'Aubigni. M. de Béon, à Ploubalai, s'appuyant sur la mer, tint la droite de cette colonne ; M. d'Aubigni la gauche, à Plouër, appuyé sur l'intérieur du pays ; et le détachement de M. de Polignac, placé à Pleurtuit, sur la droite de Plouër, occupa le centre. D'un autre côté, par suite de l'établissement du camp anglais au Val [sur la rive gauche de l'Arguenon] Plancoët se trouvant découvert, on y fit marcher pendant la nuit [la nuit du 9 au 10 septembre] le troisième bataillon des Volontaires-Etrangers, et le chevalier de Saint-Pern fut détaché, cette même nuit, pour prendre position à Saint-Pôtan et surveiller les mouvements de l'armée anglaise, — à laquelle nous allons maintenant revenir.

Le 10 septembre, sur les six heures du matin, pendant que l'armée anglaise défilait vers Matignon, situé à trois milles du Val [dans l'Ouest], il vint du côté de Saint-Cast plusieurs avis, portant que les avant-postes de l'ennemi [Note : « The ennemy's advanced piquets, » p. 272, col. 2. Voir un peu plus loin l'explication de ce mot de piquets. [Note du trad.]] et quelques groupes de sa cavalerie avaient été vus par les grenadiers partis en avant avec les quartiers-mestres, pour marquer le campement de la nuit suivante. En même temps on apprit que, sur les flancs de notre colonne, des détachements ennemis avaient fait feu et blessé quelques-uns de nos soldats. Là-dessus la plus grande partie de l'armée, continuant sa marche, s'attendait à voir paraître le gros des ennemis ; mais les partis qui avaient causé cette alerte s'éloignèrent presque aussitôt et ne se montrèrent plus que de loin en loin. Ils tirèrent, entre autres, sur un lieutenant qui s'était avancé trop loin en reconnaissance avec six ou huit hommes, et ils tuèrent cet officier. Un peu plus loin, l'armée aperçut devant elle un corps d'infanterie et un escadron de cavalerie qui, ayant essuyé quelques coups de nos pièces de campagne, traversèrent Matignon et disparurent. Jusque-là, la plupart des officiers anglais attribuaient exclusivement aux habitants du pays et aux miliciens ces actes d'hostilité contre l'armée en marche. Mais, vers une heure, on fit un prisonnier français, soldat d'un des régiments campés dans le voisinage ; il donna les noms de douze bataillons et de deux ou trois escadrons de troupes régulières, postés avec le duc d'Aiguillon à une lieue et demie de notre armée. Vers trois heures, on eut avis que quatorze bataillons au moins, des anciens régiments, et quatre escadrons de cavalerie avec douze canons et des mortiers, étaient en marche venant de Brest et tout près d'arriver. Un prêtre, envoyé par l'ennemi pour s'informer de la force et de la situation de l'armée anglaise, ayant été pris par les Anglais, confirma ce qui avait été dit des régiments nommés par le premier prisonnier et par plusieurs autres ; il affirma de plus — comme les gens de Matignon l'assuraient aussi — qu'une armée venant de Granville et de Saint-Malo était attendue, dans la nuit même, pour se joindre à celle qui arrivait de Brest.

D'après cela, dans le conseil des principaux officiers, le major-général Elliot ouvrit l'avis que, si l'on n'avait pas dessein de livrer bataille aux Français, il convenait de battre en retraite immédiatement et de se rembarquer aussi rapidement que possible. Cet avis ayant paru raisonnable, on envoya à la flotte l'ordre de s'approcher de terre pour rembarquer l'armée. On arrêta aussi de faire battre la générale le lendemain à trois heures du matin, et de mettre l'armée en marche à quatre heures. Vu le peu de pièces de campagne qu'avait l'armée anglaise — sans parler d'autres motifs — il eut certainement été très imprudent de livrer bataille aux Français ; ce parti était donc le meilleur à prendre. Et en effet, vers midi, la colonne de d'Aubigni et de la Châtre, forte de 3000 hommes, passa la rivière au Guildo, cherchant à rejoindre le corps principal qui accompagnàit le duc d'Aiguillon. [Quand il apprit que les Anglais étaient à Matignon et d'Aiguillon à Plancoët,] d'Aubigni, pour opérer sa jonction, aurait bien voulu repasser sur la rive droite de la rivière du Guildo ; la marée montante l’en empêcha, et il lui fallut traverser le pays par des routes mauvaises et embrouillées, si bien que quand il arriva aux avant-postes du duc d'Aiguillon, il était dix heures du soir. Bref, à ce moment, toute l'armée française se trouva réunie à petite distance de l'armée anglaise, et le marquis de Broc, avec huit compagnies de grenadiers, douze piquets [Note : « On appelle, en termes de guerre, le piquet, un certain nombre de cavaliers commandés par compagnie pour être prêts à monter à cheval au premier ordre. Il y a aussi un piquet d'infanterie. C'est un certain nombre de fantassins toujours prêts à marcher aux ordres des officiers commandés. — On dit, en ce sens, prendre les piquets de l'armée pour une expédition » (Dictionnaire de Trévoux, au mot Piquet, édit. 1771, t. VI, p. 794)], 200 dragons, fut chargé de fatiguer, d'inquiéter le plus possible les avant-postes du général Bligh et de surveiller de très près tous les mouvements de son armée.

Le lendemain matin, 11 septembre, la générale fut battue dans le camp anglais à l'heure arrêtée la veille ; aussitôt tous les piquets rentrèrent. Quant aux grenadiers de l'armée, sous les ordres du colonel Griffin, comme ils avaient dû rester sous les armes toute la nuit en raison des continuelles alarmes données à leurs avant-postes, non-seulement ils ne crurent pas nécessaire de battre la générale, mais même, puisqu'il s'agissait maintenant de s'éloigner d'un ennemi très rapproché, il leur sembla prudent de se mettre en marche avec le moins de bruit possible.

L'armée commença son mouvement au point du jour, les grenadiers formant l'arrière-garde ; mais quoiqu'il n'y eût pas plus de trois milles de marche, il y eut tant de haltes, tant de retards causés par les mauvais chemins que, quand elle arriva sur la grève [de Saint-Cast], il était près de neuf heures. Pendant cette marche, un petit détachement français, lancé en avant et posté dans un verger, tira sur les Anglais, il fut repoussé vivement ; et avent son arrivée à la grève, notre armée ne vit aucun corps ennemi de quelque importance. Immédiatement, l'embarquement commença. Malheureusement les bateaux [qui prenaient les troupes sur le rivage] avaient beaucoup à ramer pour rejoindre les vaisseaux d'où ils dépendaient, alors que, dans une circonstance si critique, il eût fallu rembarquer les hommes sur les vaisseaux les plus proches. Les transports ne revenaient pas avec la régularité, la ponctualité requises en pareil cas ; et quand ils étaient de retour, quelques-uns d'entre eux, dit-on, au lieu de prendre des hommes, chargeaient des chevaux et des vaches, malgré toute la surveillance des officiers de marine, qui montrèrent en cette occasion beaucoup de prudence et de sang froid. Les petits bâtiments et les galiotes à bombes furent rangés près du rivage pour couvrir l'embarquement, et l'on jugea à propos de mettre en regard de la plage tous les cutters et les petites chaloupes. Dans le même moment, l'ennemi parut auprès d'un moulin à vent, à la gauche des troupes anglaises adossées à la mer, contre lesquelles il fit jouer son artillerie pendant presque toute l'opération du rembarquement.

Il était environ neuf heures quand les dragons français arrivèrent en vue et purent découvrir la flotte anglaise rangée en ligne, ayant tous ses bateaux occupés à rembarquer les troupes, que l’on voyait disposées en ordre de bataille au fond de la baie. derrière les dunes (sand hills). L'infanterie ennemie suivait de près les dragons et se montra bientôt sur les hauteurs. Le duc d'Aiguillon, ayant reconnu les divers passages par lesquels ses troupes pouvaient descendre pour attaquer les Anglais, prit ses dispositions comme il suit. M. le comte de Balleroi, avec les régiments de Bourbon, de Brissac, de Bresse et de Querci, faisant face à la mer, dut entrer sur la grève par la droite ; M. d'Aubigni, avec les régiments de Boulonnois et de Brie, les bataillons de Fontenai-le-Comte, de Marmande, 1er des Volontaires-Etrangers, par la gauche. M. de Broc avec son détachement eut ordre de marcher droit au centre de l'armée anglaise. Le chevalier de Saint-Pern fit la réserve, avec le 2ème bataillon de Penthièvre et le 3ème des Volontaires-Etrangers. Le marquis de la Châtre, n'appartenant spécialement à aucune colonne, dut se porter de place en place, où besoin serait. Au cours même de ces dispositions, arriva M. de Villepatour avec l'artillerie venant de Brest, et M. d'Uturbi avec celle de Saint-Malo ; on les mit en batterie au-dessous d'un moulin, entre la droite et le centre de l'armée française.

La colonne de gauche descendit des hauteurs la première, vers onze heures et demie, et parut la première sur la plage, ayant en tête 50 grenadiers des Volontaires-Etrangers, suivis des grenadiers de Boulonnois et de Brie. Ils commencèrent à descendre, en partie couverts par un chemin creux sur leur gauche, dans le dessein de gagner un bois où ils pourraient se former, pour de là s'étendre le long du front de notre armée, en s'avançant de plus en plus à l'abri des dunes qui leur étaient d'un grand secours.

Ils ne furent pas plutôt en mouvement que la flotte se mit à faire jouer contre eux ses canons et ses mortiers, qui portèrent dans cette colonne une grande confusion ; leur ligne de marche, en arrivant au bas de la colline, était très ébranlée et fut obligée de s'arrêter pendant quelque temps.

Tous les grenadiers de l'armée anglaise et quelques compagnies du premier régiment des Gardes restaient seules sur le rivage, faisant environ 1500 hommes, sous le commandement du major-général Dury ; quand il vit l'ennemi avancer, il ordonna à ses troupes de lui faire face en sortant de derrière un retranchement [Note : Bank et plus loin sand-bank, Dans l'idée du narrateur anglais, il ne s'agit point ici d'un rempart fait de main d’homme, mais de l'abri défensif fourni aux Anglais par la hauteur des dunes et par le cordon ou bourrelet sablonneux que leur crête offrait du côté de la terre. Dans une note qui suit sa narration, l'auteur proteste même contre certains récits français où l'on montre les Anglais couverts par de véritables retranchements. « Ils n'auraient même pas eu le temps d'en faire, » dit-il. C'est vrai. Mais en 1746, après l'attaque des Anglais contre Lorient, on éleva sur toutes les côtes de Bretagne des retranchements plus ou moins importants. Les Anglais trouvèrent à Saint-Cast les restes de ces fortifications qui, quoique très dégradés, augmentèrent pourtant la force de la défense naturelle à eux fournie par la disposition des dunes et des sables. [Note du trad.]] qui les couvrait, mais dont la pente empêchait les rangs placés en arrière de prendre part au combat. A peu de distance de ces dunes se trouvait, au pied de la colline, l'issue de la ruelle ou défilé par lequel l'ennemi commençait à déboucher et s'efforçait de gagner, aussi promptement que possible, les petites collines de sable [dont il voulait se couvrir]. Les grenadiers des Gardes firent face sur leur droite à ce défilé et mirent à repousser l'ennemi autant de fermeté que celui-ci à marcher en avant : on ne peut nier que le colonel Clavering qui les commandait montra en cette circonstance beaucoup de sang froid et de solidité, surtout si l'on considère que ses troupes combattaient absolument en enfants perdus.

L'ennemi fit plusieurs efforts de ce genre, dans lesquels il souffrit extrêmement du feu de nos grenadiers. Enfin, un de leurs officiers, mieux avisé que les autres, leva son chapeau en l'air, du côté de ses compagnons, puis, au lieu de s'obstiner contre le rempart de sable (the sand bank), il tourna court sur la droite, courut le long du rivage derrière, ce retranchement ; le reste le suivit immédiatement, ce qui donna la faculté aux troupes qui descendaient de la colline de sortir du défilé et de former une ligne étendue le long de la plage, en face de l'armée anglaise. L'officier qui conduisait la première colonne française fut tué ; mais les deux autres colonnes suivirent la première avec beaucoup d'ardeur et de bravoure.

La petite portion de l'armée anglaise restant sur la plage, attirée ainsi sur un terrain inégal, rendait à l'ennemi un feu irrégulier, de droite à gauche, qui fut à la vérité bientôt rectifié, et l'engagement continua pendant quelque temps avec un succès douteux.

La grande supériorité numérique des Français mettant les troupes anglaises au danger d'être enveloppées et taillées en pièces, le général Dury proposa de battre en retraite le long de la plage jusqu'à un rocher qui la ferme sur la gauche ; dans cette marche, le flanc de nos troupes eût été couvert d'un côté par le retranchement, de l'autre par la mer, et l'ennemi en les poursuivant se serait trouvé exposé à tout le feu de la flotte, qu'il lui eût été probablement difficile de soutenir. Cet avis ne fut pas suivi : dès lors pour vaincre, même pour se sauver, il n'y eut plus de ressource que les bateaux.

Sir John Armitage avait reçu un coup de feu dans la tête dès le commencement de l'action, plusieurs officiers étaient tombés sur le champ de bataille ; et beaucoup d'hommes étaient tués. A la longue leurs munitions, qui étaient loin d'être au complet, commençèrent à s'épuiser : de là une panique qui les fit rompre leurs lignes et s'enfuir dans le plus grand désordre.

Les uns coururent à la mer et tâchèrent de gagner à la nage les bateaux, auxquels on avait prescrit de leur donner tout le secours possible. Le général Dury, blessé, se jeta à la mer et y périt : ce fut le destin de beaucoup d'autres.

Dès que les Français virent les Anglais lâcher pied, ils se mirent à le poursuivre assez irrégulièrement et en firent un grand carnage. Les derniers périrent, partie sur le rivage, partie dans l'eau ; beaucoup furent tués en nageant par les boulets et les bombes que les Français lançaient sur eux et sur nos bateaux, dont un sombra sous ces projectiles.

Le carnage eût été moindre si nos frégates n'avaient continué de tirer sur l'ennemi ; un signal du commodore les ayant fait taire, les soldats et les officiers français montrèrent aussitôt leur humanité et leur modération en donnant quartier et sauvegarde aux vaincus. Quelques centaines d'Anglais, au lieu de se jeter dans la mer, eurent l'idée de se retirer. Contre le rocher situé à gauche de la plage, où ils firent halte, et après avoir épuisé leurs munitions se rendirent à discrétion.

La perte des Anglais dans cette malheureuse affaire monta à 700 hommes de troupes choisies, qui furent tués, blessés et faits prisonniers. Mais l'ennemi acheta cher ce petit avantage. Les boulets de nos frégates et les bombes de nos galiotes, lancés sur les Français pendant qu'ils descendaient la colline, firent de grands ravages parmi eux, et le feu de nos troupes fut contre eux d'un tel effet que leurs pertes durent égaler les nôtres, quoiqu'ils se soient efforcés de les diminuer autant que possible.

Le commodore Howe, voyant les marins de nos bateaux ébranlés par le feu de l'ennemi, fit mettre en mer son propre canot, qui prit autant de nos soldats qu'il en put charger et fut le dernier à regagner la flotte.

Eu égard au peu de temps qu'elle dura et à la grande disproportion numérique existant entre les Anglais et les Français, cette action fut très chaude. Du corps anglais resté sur la plage il y eut la moitié de tués, de blessés ou de prisonniers. Parmi les morts figurèrent le major-général Dury et le lieutenant-colonel Wilkinson. Le lieutenant-colonel Cary fut terrassé et gravement contusionné. Le colonel lord Frédéric Cavendish, les lieutenants-colonels Pierson et Lambert, les capitaines Rowley, Mapleson, Paston, Elphinstone de la marine, furent faits prisonniers. Ce sont là les officiers de marque perdus dans cette affaire par les Anglais ; ils en eurent en outre plus de quarante autres tués ou blessés, dont quinze moururent sur la place. Du côté des Français, les principaux personnages atteints dans cette action furent le chevalier de Redmond, maréchal de camp, quartier-mestre général, — le marquis de la Châtre, brigadier, commandant de la Haute-Bretagne, — le chevalier de la Tour d'Auvergne, colonel du régiment de Boulonnois, — le chevalier de Polignac, colonel du régiment de Brie, — le marquis de Montaigu, — le marquis de Lucé, — M. de la Bretonnière, gouverneur de Dinan. Tous ceux-là furent blessés, ainsi qu'une cinquantaine d'autres d'un moindre rang. Ils eurent aussi sept [officiers] tués sur place, mais aucun d'un rang notable.

Les régiments d'infanterie venus de Brest étaient ceux de Bourbonnais, Royal-Vaisseaux, Brissac, Bresse, Querci, Penthièvre, Volontaires-Etrangers et Brie, plus deux escadrons de dragons, huit canons, autant de mortiers ; la plupart de ces régiments avaient deux bataillons. Par leur réunion avec les régiments venus de Saint-Malo et les miliciens gardes-côtes tirés de ces deux places, ils formaient un corps de troupes considérable, mis en ligne par les Français.

La noblesse et la bourgeoisie de Bretagne donnèrent en cette occasion de grandes marques de valeur et de zèle pour le service du souverain. Nombre de leurs membres, retirés à Saint-Malo. s'offrirent comme volontaires dès l'apparition de la flotte anglaise et s'étant mis à la tête des grenadiers du régiment de Boulonnois, ils firent campagne avec eux et se distinguèrent dans la bataille. Autant en firent beaucoup d'autres, qui se joignirent à l'armée du duc d'Aiguillon la veille ou le jour du combat;

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III.

Provisions fournies aux troupes françaises en marche sur Saint-Cast.

 

1.Fournitures faites à Redon, à Morlaix et à Jugon.

— « Fournitures faites à Redon et à Assérac, à titre de rafraîchissement, au régiment de Brie et à un escadron du régiment de Marbeuf (dragons), lors de la marche forcée qu'ils ont faite au mois de septembre dernier pour se porter sur Saint-Cast, suivant deux récépissés signés Burgat, major du régiment de Brie, et Boissac, capitaine commandant l'escadron des dragons du régiment de Marbeuf ». — La réquisition, faite à Hardy, maire de Redon, par Darole, capitaine aide-major du régiment de Brie, est datée du 6 septembre 1758.

« Fournitures faites à Morlaix, à titre de rafraîchissement, aux régiments de Brissac et de Royal des Vaisseaux et à un détachement conduisant un train d'artillerie, à leur passage en cette ville pour se porter sur Saint-Cast, suivant les récépissés des 6, 7 et 8 septembre 1758, sçavoir... ». Lesdites fournitures montant ensemble à la somme de 67 livres, 5 sols, 10 deniers [Note : Cette pièce et celles qui constatent les fournitures faites à Redon et à Assérac, existent aux archives départementales d'Ille-et-Vilaine, fonds de l'Intendance de Bretagne, liasse C 1085].

« Fourniture faite à Jugon, à titre de rafraîchissement, de 839 pots de cidre aux troupes qui ont passé par ce lieu pour se porter sur Saint-Cast, au mois de septembre 1758, par le Sieur Charles-Jean Deniau, avocat à la Cour ». — Ladite fourniture faite les 7, 8, 9 septembre 1758. Après épuisement préalable de tout ce qu'il y avait de cidre dans les cantines et cabarets de Jugon, le sieur Deniau fournit ces 839 pots de cidre à divers détachements de gardes-côtes, qui en donnèrent des reçus, entre lesquels on en trouve un, pour 272 pots de cidre, délivré à jugon le 9 septembre 1758 et signé « De Boisboissel, capitaine-genéral garde coste du departement de Tréguer » (Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C 1085).

 

2. Fournitures faites par le curé de Saint-Pôtan.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C 1085].

Je soussigné missire Mathurin Lemoine, prêtre, curé de la paroisse de Saint-Pôtan, y demeurant à la maison noble de la Ville-Even près le bourg dudit lieu, certifie en vérité qu'à la recommandation de M. de Lantillais fils, l'un des juges de Plancoët et y faisant fonction de maire, il a été fourny chez moi et de mes provisions, à messieurs les officiers des troupes du Roy les vivres et fourrages dont le mémoire suit :

La quantité d'environ trois milliers de foin que j'avais pour la provision de mon cheval.

Une demie barrique de vin que j'avais pour ma provision.

Il fut fait main basse sur ce que j'avais de volailles dans ma basse-cour ; mon pain, tout fut fourny avec grand cœur.

Il fut consommé deux cents de fagots.

Messieurs les officiers seroient en état d'attester ce que j'avance ; ma peine est de ce qu'il ne se fût pas trouvé davantage à leur fournir dans le besoin où ils étoient de tout secours pour la vie, attendu que ce lieu voisin de l'ennemi étoit entièrement denué de vivres.

Si Monseigneur l'intendant juge qu'il me soit dû quelque dédommagement, je le supplie de me l'accorder, laissant le tout à sa décision.

A Saint-Pôtan, ce quatorze septembre mil-sept-cent-cinquante-huit.

LEMOINE curé de Saint-Pôtan.

 

3. Lettre de M. Basmeule, sieur de Lantillais, sénéchal de Plancoët, faisant les fonctions de maire, aux membres de la Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne, en leur envoyant le mémoire qui suit.
[Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, fonds des Etats de Bretagne. Descentes des Anglais].

Messieurs, le désir que j'ay eu de remplir à la satisfaction de Mgr le duc d'Aiguillon les devoirs de la correspondance dont vous m'avez honoré m'a tenu debout six jours et six nuits, sans trouver le loisir de prendre une heure de repos. Depuis le mercredi 6 de ce mois jusqu'au 15, notre village de Plancoit a été le passage et le séjour d'une quantité de troupes, auxquelles il m'a fallu fournir des logements, et même la subsistance à partie d'elles. M. le duc d'Aiguillon prit son logement chez moy depuis le vendredy 8 jusqu'au lundy ; je fus chargé de faire les approvisionnemens de foin et d'avoine, et comme les particuliers ne vouloient livrer l'avoine qu'en payant, je pris chez le receveur des devoirs 60 livres pour frayer aux premières avances.

Le lundy 11, aux 8 heures du soir, arriva à Plancoët un picquet commandé par un capitaine de grenadiers de Quercy, qui demanda que je luy eusse fourny l'étape et m'annonça l'arrivée des regimens de Quercy et de Bresse. Comme il n'y avoit icy ny fournisseurs étapiers ny commissaires, je fis tuer de la viande par des bouchers qui se chargèrent de la distribuer, et j'achetay du cidre qui fut délivré au picquet qui voulut l'étape. Je joins icy un état général des fournitures.

J'ay l'honneur d'être avec un profond respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur,

LANTILLAIS fils. Plancoët, ce 17 septembre 1758.

 

4. Premier mémoire de M. de Lantillais, adressé à la Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne
[Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, Ibid].

MM. de la Commission Intermédiaire avoient chargé le sieur de Lantillais fils, leur correspondant à Plancoit, de faire faire les fournitures et logements qui seraient ordonnés par Mgr le duc d'Aiguillon, ce qui sembloit alors ne s'étendre qu'à pourvoir aux logements et à la fourniture de l'étape, en cas de passage de troupes.

On sçait que les mouvements de l'ennemi ont rendu Plancoët le quartier-général de notre armée. Cet événement, qui a tourné à la gloire de nos armes, a rendu le sieur de Lantillais à des soins plus grands qu'il ne pouvoit se l'imaginer et que MM. de la Commission ne l’avoient pu prévoir.

En effet, relégué dans une misérable bourgade dépourvue de tout et désertée par la plus grande partie des habitans que l'approche des ennemis avoit effrayés, sa maison et ses soins ont été, il ose le dire, une ressource que Mgr le duc d'Aiguillon et ses principaux officiers ont daigné accepter pour hospice et pour pourvoir aux fourrages, aux logements, aux voitures, aux courriers, aux guides, etc., en un mot, [à tout] ce que le besoin actuel du service exigeoit.

S'il osoit réclamer le témoignage de cet illustre commandant, aux ordres duquel il a l'honneur d'estre, il s'exempteroit des détails des mouvements divers et momentanés où son zèle, autant que sa soumission, l'a porté. Près de quatre mille hommes de troupes ont abordé Plancoët, où il n'y avoit pas de quoy en sustanter un cent : les premiers jours, sans pain, sans viande, sans vin, sans fourrages, le sieur de Lantillais, sous les ordres de Mgr le duc d'Aiguillon, a trouvé de tout par son activité et son zèle, et les troupes ont été aussi bien secourues qu'il étoit possible de le faire relativement aux lieux et aux circonstances [Note : Suit le détail des soins donnés à l'armée par de Lantillais, détail qui se trouve reproduit avec plus de développement dans le mémoire suivant, tiré du fonds de l'Intendance].

 

5. Deuxième mémoire. — Dépenses et soins particuliers que le Sr de Lantillais, correspondant de la Commission Intermédiaire à Plancoët, a faites et pris, par les ordres de Mgr le duc d'Aiguillon, commandant en chef en cette province de Bretagne, à l'occasion de la descente des Anglois.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Intendance, liasse C. 1085].

Des 5 et 6 septembre 1758. — Le Sr Combé, maréchal des logis, chargé par Mgr le duc d'Aiguillon de faire les approvisionnements de fourrages pour l'armée, alla à Plancoët trouver le Sr de Lantillais, luy remit un bordereau de quelques foins et avoines qu'il avoit arrêtés dans les campagnes, luy laissa le soin de les faire voiturer et de faire l'emplette du surplus, et se joignit à des volontaires qui alloient faire la petite guerre. Le Sr de Lantillais arrêta des magasins à Plancoët, acheta des fourrages, et établit des fourriers pour les distribuer.

Le 7, il commença à défiler quelques troupes par Plancoët, dont partie y séjournèrent, auxquelles le Sr de Lantillais fournit des logemens.

Le 8, M. le duc d'Aiguillon, M. de Balleroy et plusieurs officiers généraux arrivèrent à Plancoët et prirent logement chez le Sr de Lantillais. Depuis ce jour jusqu'à l'onze, il fut jour et nuit occupé à faire fournir des chevaux et à faire partir des courriers pour porter leurs ordres ; à répondre aux instructions locales qu'ils pouvoient luy demander, à trouver des guides et des voitures. Le même jour, le Sr de Lantillais fournit des logemens aux dragons de Marbeuf et à la capitainerie entière des gardes-côtes de Morlaix, qui séjournèrent à Plancoët.

Le 9, il eut ordre de faire passer sans différer une voiture de pain au château de la Latte ; il ne s'en trouva point de munition à Plancoët, et le Sr de Lantillais fut obligé de fournir cette voiture de pains de la provision des habitans de Plancoët et des environs ; il parvint à en charger une charrette, qui fut conduite au château de la Latte avec une escorte de volontaires.

La nuit du 9, M. le duc d'Aiguillon ordonna au Sr de Lantillais de faire voiturer sur le champ du vin aux troupes qui étoient à Saint-Pôtan. Il n'y avoit pas une goutte de vin chez le receveur des Devoirs ni dans aucune auberge. Le Sr de Lantillais s'adressa aux particuliers qu'il sçavoit en avoir pour leur provision ; ils le cédèrent volontiers ; il fit charger deux voitures et réussit à remplir les ordres de M. le duc.

Le 10, il fut chargé de commander des travailleurs pour préparer les chemins pour l'artillerie. Le Sr de Lantillais assembla les habitans de Plancoët et des environs, les conduisit dans les routes où devoit passer l'artillerie, fit réparer les mauvais endroits et faire des ouvertures dans les champs.

L'onze, nouveaux soins pour les voitures des munitions. Aux dix heures de la nuit, les régiments de Bresse et de Quercy et quelques piquets de Volontaires-Etrangers arrivèrent à Plancoët [Note : Ils revenaient de Saint-Cast après la bataille], portant l'ordre au Sr de Lantillais de leur faire fournir le logement et la subsistance. Il n'avoit pu prévoir cet ordre ; il n'étoit assisté ny d'étapiers, fournisseurs, munitionnaires, ny de commissaires, qui vraisemblablement étoient occupés ailleurs. Cependant, il réussit à leur fournir avant minuit les logemens et la subsistance en pain, cidre, vin et viande. Le même soin continua jusqu'au jeudy matin, que le régiment de Quercy partit. Le Sr de Lantillais leur fit fournir les chevaux, les guides et les voitures qu'ils demandèrent. Il fut aussy appellé à donner des rafraîchissemens aux blessés, tant François qu'Anglois, que l'on transportait à Dinan et qui passèrent à Plancoët par trois divisions et dans deux jours consécutifs. Le Sr de Lantillais leur distribua luy même du pain et du vin ; celuy que le Commissaire avoit ordonné de prendre à l'auberge n'ayant pas suffi, le Sr de Lantillais suppléa du sien.

A onze heures de la nuit du mercredy 13, la capitainerie des gardes-côtes de Dol arriva à Plancoët. L'embarras pour loger cette troupe fut d'autant plus grand que le lieu de Plancoët, qui à peine contient cinquante maisons, étoit occupé par le régiment de Quercy et que quelques piquets d'autres troupes étoient logés dans les villages voisins. Cependant, il parvint à loger ces gardes côtes.

Les détails du Sr de Lantillais ont été portés jusque dans les paroisses voisines, où les troupes étoient assemblées ; il a été forcé d'y faire fournir par différentes personnes les premiers besoins, indispensables pour des troupes fatiguées par des marches forcées et surtout pour messieurs les officiers qui se seroient trouvés manquant de tout.

Ces embarras multipliés et qui ont duré plus de huit jours, pendant lesquels il n'a pu prendre aucun repos, ont fait négliger au Sr de Lantillais ses propres intérêts ; il a abandonné des effets qu'il avoit au château du Val dont il fait la régie, et ce château a été enflammé par les Anglois.

La, maison du Sr de Lantillais a été celle de tous les officiers ; il a vu avec peine que les plus considérables ne prenoient que des instants de repos sur des matelats et paillasses dont on couvroit les appartemens, et c'étoit avec une peine plus grande qu'il a vu que la disette de tout dans un malheureux et petit bourg les forçoit d'accepter les rafraichissemens dont il étoit foiblement pourvû. Il n'a pu refuser sa maison à des officiers blessés qui y ont séjourné.

Le Sr de Lantillais seroit trop heureux si, dans ces differentes parties de son travail, il a pu montrer tout son zèle pour le bien du service, les sentimens d'un bon patriote, et sa respectueuse considération pour tous ceux qui ont eu recours à luy dans leurs differens besoins.

A Plancoët, ce 19 septembre 1758.
(Signé) LANTILLAIS fils.

 

6. Etat des fournitures que le Sr de Lantillais fils a fait faire à Plancoët, par ordre de Mgr le duc d'Aiguillon.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine ; Etats de Bretagne, Descentes des Anglais ; — et Intendance, C 1085].

[1er Article]. — En avoines.
A M. le duc, 38 rations : 38
Idem : 14
A M. de la Châtre : 5
A quatre compagnies du régiment de Marbeuf : 244
Aux chevaux d'artillerie : 72
Au régiment de Quercy : 10
A M. Capet, commissaire : 3
Total : 386 rations : 386

Le boisseau d'avoine, mesure de Plancoët, pèse 50 livres.

[2ème Art.] — En foin.
Bottes du poids de 20 livres.
A M. le duc 46 bottes : 46
A M. de la Châtre : 5
Aux dragons de Marbeuf : 244
Aux chevaux de l'hôpital ambulant : 49
Aux chevaux d'artillerie : 48
A M. Capet : 14
Au régiment de Bresse : 21
Aux Volontaires Etrangers : 6
Au régiment de Quercy : 4
Total des bottes du poids de 20 livres : 437

Bottes du poids de 15 livres.
Au régiment de Quercy : 90
Aux munitionnaire : 120
Total des bottes du poids de 15 livres : 210

[3ème Art.] — Fournitures aux corps de garde, paille, bois et chandelle, par le trésorier de Plancoët.
Aux Volontaires-Etrangers, 1 fourniture : 1
Aux régimens de Bresse et Quercy : 5
Aux gardes-côtes : 2
Total : 8

[4ème Art.] — Par ordre de M. de Balleroy, le Sr de Lantillais fit prendre, tant chez les boulangers que chez des particuliers, à Plancoët, 200 livres de pain blanc pour porter au château de la Latte ; le convoy fut escorté par des volontaires commandés par le Sr Galiot, cavalier de la maréchaussée de Lamballe, cy : 200 l.

[5ème Art.] — Ces pains étoient dans six sacs qui n'ont point été renvoyés ; ils peuvent valoir chaque 1 l. 10 s., ce qui fait 9 l.

[6ème Art.] — Par même ordre, le Sr de Lantillais fit fournir au Sr Galiot et autres volontaires trois livres de poudre fine, que le nommé Beuvry et M. de la Touche ont délivré, et dont il leur est dû raison.

[7ème Art.] — M. le duc d'Aiguillon ayant ordonné qu'il fût transporté du vin aux troupes qui étoient à Plusduno et Saint- Pôtan, et ne s'en étant point trouvé chez le receveur du fermier à Plancoët, plusieurs particuliers cédèrent leurs provisions, sçavoir :

Les religieux Dominiquains de Nazareth 2 barriques de vin rouge de Bordeaux, qui leur coûtoient de prix marchand 90 l. la barrique : 160 l.
M. de Gouyon, une barrique : 96 l.
M. Gagon, une barrique : 90 l.
M. de Gouyon a fourny de plus un tierçon vuide fermé de fer pour transporter de l'eau-de-vie à l'armée, valant : 6 l.

[8ème Art.] — M. Lemoine, prêtre, curé de Saint-Pôtan, a fourny les vivres et fourrages compris en son mémoire cy joint [Note : Voir la pièce n° 2 ci-dessus].

[9ème Art.] — Le 9 de ce mois, un détachement de grenadiers du régiment de Brie, de Boulonnois et de volontaires-Etrangers, alla au château de Launay-Commats, en Ploubalay, et se fit fournir par le concierge 100 l. de pain, 30 l. de beurre, une barrique et 25 pots de cidre, dont les officiers luy ont donné des reçus, qu'il a remis au Sr de Lantillais pour luy en procurer le payement.

[10ème Art.] — Le Sr de Lantillais, chargé de faire les fonctions de maire à Plancoët, a été obligé d'employer plusieurs exprès et valets pendant dix jours et dix nuits, pour les fournitures de charroys, chevaux, guides, etc., auxquels il a payé... 24 l.

[11ème Art.] — Il a fourny à M. le duc d'Aiguillon, à, plusieurs officiers généraux et autres, et aux différens régimens et piquets qui ont passé à Plancoët, 22 guides, lesquels demandent salaire.

Le lundy, 11 de ce mois, aux huit heures du soir, arriva à Plancoët un détachement suivi des régimens de Quercy et de Bresse, auxquels le Sr de Lantillais eut ordre de faire fournir le logement et la subsistance ; il fit aussitôt tuer des génisses et vaches et arrêta du cidre et du vin pour leur être distribué.

[12ème Art.] — Il délivra au commandant du détachement, qui l'exigea ainsy, des billets d'étapes pour 226 rations, dont le Sr de Lantillais a retiré des reçus, cy ..... 226.

[13ème Art.] — Les régimens de Bresse et de Quercy se firent délivrer, sçavoir, le régiment de Bresse 715 livres de viande, celuy de Quercy 766. Total : 1481 livres.
Les bouchers et fournisseurs ont fait les avances.

[Evaluation des articles ci-dessus.]

1er Article : 193 l. 0 s. 0 d.
2ème Article : 249 l. 13 s. 9 d.
3ème — : 12 l. 0 s. 0 d.
4ème — : 20 l. 0 s. 0 d.
5ème — : 18 l. 0 s. 0 d.
6ème — : 3 l. 4 s. 0 d.
7ème — : 346 l. 0 s. 0 d.
8ème — Article : Mémoire.
9ème — : 34 l. 0 s. 0 d.
10ème — : 24 l. 0 se 0 d.
11ème — : 30 l. 0 s. 0 d.
12ème — : 84 l. 15 s. 0 d.
13ème — : 296 l. 4 s. 0 d.
Total : 1310 l. 16 s. 9 d.
[Cet état est accompagné de la lettre d'envoi qui suit.]

A Messieurs les Membres de la Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine ; Etats de Bretagne, Descentes des Anglais].

Messieurs, j'ay eu l'honneur de vous envoyer l'état des  fournitures que j'avois fait aux troupes à Plancoet et aux environs par ordre de Mgr le duc d'Aiguillon, et suivant les mémoires et reçus que m'ont représenté les personnes que j'avois chargé de faire ces fournitures. L'évaluation n’y étoit point faite, j'en joins icy un mémoire. J'ay l'honneur d'entre avec le plus profond respect, Messieurs, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
(Signé) LANTILLAIS fils. Plancoet, ce 26 septembre 1758.

 

7. La Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne à M. de Lantillais.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine ; Etats de Bretagne, Descentes des Anglais. — La première de ces pièces est en minute].

10 Octobre 1758.
M. le duc d'Aiguillon nous a, Monsieur, communiqué le mémoire que vous lui avez adressé, contenant le détail des soins que vous vous êtes donné pour le logement des officiers généraux et la subsistance des troupes. Nous ne sommes pas, Monsieur, en état de vous donner des preuves de notre satisfaction particulière, mais nous rendrons avec grand plaisir compte aux Etats de votre zèle, et nous les engagerons à reconnaître vos services. Vous voudrez bien en conséquence nous marquer l'espèce de récompense que vous désirez, et soyez certain que nous nous employerons pour appuyer votre demande.
Nous sommes etc.
[LES COMMISSAIRES DES ETATS DE BRETAGNE].

Réponse de M. de Lantillais.

Messieurs, je vois par la lettre dont vous m'avez honoré que mes soins ont été agréables à M. le duc d'Aiguillon, et que vous les approuvez vous-mêmes. Quelque puisse estre la gratification dont vous me flattez, elle sera pour moy d'un prix infini, étant un témoignage authentique de votre satisfaction. J'ay l'honneur d'estre avec un très profond respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur, (Signé) LANTILLAIS.

Plancoët, ce 22 octobre 1758.

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IV.

Les morts, les blessés, les prisonniers.

1. Inhumation des morts de Saint-Cast.
[Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C1085].

Etat des avances faites par le Sr de Vildé Aubry, maire de Dinan, pour le prix et la voiture d'une barrique de chaux, qu'il a envoyée à Saint-Cast le 12 septembre 1758, pour servir à l'inhumation et à la consommation des cadavres des soldats françois et anglois morts sur le champ de bataille à l'affaire du 11 dudit mois.

Sçavoir

Au Sr Faveron, marchand à Dinan, pour le prix de ladite barrique de chaux, cy ...... 9 l. 10 s.
Aux nommés Allain Luziere et Julien Bezard, qui ont voituré ladite barrique de chaux de Dinan à Saint-Cast, cy ...... 6 l.
Total — quinze livres dix sols, cy .......... 15 l. 10 s.

Nous, maire de la ville et communauté de Dinan, certifions le présent état véritable, montant à la somme de quinze livres dix sols, dont nous avons fait personnellement l'avance, pour les causes y mentionnées. A Dinan le 20 septembre 1758. (Signé) AUBRY DE VILDÉ.

2. Lettre de M. Nouail, vicaire-général de l'évêque de Saint-Malo, à l'intendant de Bretagne
[Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C 108].

Monsieur, j'ay l'honneur de vous remettre quatre exemplaires d'un mandement que M. l'évêque de Saint-Malo vient de faire paroistre, et il me charge en même tems de vous assurer de son respect et de la part qu'il prend au rétablissement de votre santé.

Voylà aussi, Monsieur, un certificat, que la supérieure de l'hôpital de Dinan me prie de vous faire passer pour sa justification. Elle m'assure qu'elle n'a jamais manqué de fournir aux malades les remedes et les soins qui ont été ordonnés, et que tout ce qu'on vous a mandé à cet égard est faux. Elle m'ajoute que M. le duc d'Aiguillon a eu la bonté en passant à Dinan de visiter l'hôpital, et qu'il y a trouvé tout en bon ordre. Il est vray que cet hôpital n'ira jamais bien, tandis que tant de personnes entreront dans le gouvernement, et je crains que la congrégation des Dames de Saint-Thomas de Villeneuve ne soit obligée de l'abandonner. Au reste, nous sommes aujourd'huy si peu écoutés dans les bureaux d'hôpitaux que, quelque bonne volonté que nous ayons, nous ne pouvons influer en rien sur le gouvernement. Il n'y a que celuy de Saint-Malo, où on veut bien encore me compter pour quelque chose, le connaissant depuis vingt-un ans.

Vous avez sans doute connoissance, Monsieur, des graces qu'on vient de répandre sur nos militaires ; elles sont bien méritées. M. de la Tour d'Auvergne continue de bien faire, et ses blessures sont en bon état de guérison. Pour M. le chevalier de Polignac, il n'est pas si bien ; on luy fit encore vendredy une nouvelle opération, dont il me parut fort affoibli.

Oserais-je vous supplier de faire agréer à Madame Le Bret les assurances de mon respect ; celuy que j'ay pour vous ne peut être égalé que par le parfait dévouement avec lequel vous sçavez que je fais profession d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

(Signé) NOUAIL vie. gén. Saint-Malo le 23 octobre 1758.

Le Sr Du Bois, dont les corderies ont été brûlées au Talard par les Anglois [Note : Non en septembre, mais en juin 1758] et qui a été totalement ruiné, doit aller vendredy à Rennes et de là à Paris pour demander au ministre de fournir au roy des cordages. Il vous priera de vouloir bien vous intéresser pour luy.

3. Certificat des blessés de l'hôpital de Dinan.
[Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C 1086. Cette pièce est jointe à la précédente].

Nous soldats blessés, à l'hôpital de Dinan, certifions être et avoir toujours été très-contents tant des aliments que des remedes que nous avons eu dans l'hôtel Dieu ; en foy de quoy nous nous sommes signés tous icy dessous :

Beaussegour, dragon de Marbeuf.
Roux, grenadier de Brie.
Losaône, grenadier de Brie.
Barq, soldat de Royal Vaisseau.
La Ramée, grenadier de Quercy.
La Giroflée, soldat de Bresse.
Hizoir, de Royal de Vaisseau.
Moralis, grenadier de Bolonnois.
La Roche, grenadier de Volontaires-Etrangers,
Rochefort, soldat de Brie.
Tournier, grenadier de Quercy.
Pretaboire, de Brie.
Blondin, de Brie.
La Fortune, grenadier de Quercy.
Marche à terre, de Brye.
Beau Soleil, grenadier de Brie.
Librecy, sergent de Penthièvre.
Sint Qeuentin, de Pinthieve.
Baneville, tambour de Royal Vaisseaux. (Mort.)
Christiane, sergant des grenadiers de Bresse.
La Forme, grenadier de Quercy.
Bourgogne, grenadier de Bresse.
Et les autres ne sçachant pas signer, ils ont fait une croix (8 au total) pour leurs signes.

Nous soldats blessés, à la salle Saint-Malo, nous sommes signés aussi :
Contois, de Brie ++
Lauerny, de Brie.
Sans Soucy, de Boulonnois.
Prêt a Boire, de Boulonnois.
Léonard Antoine, de Marmande.
St Martin, de Brie.
Loraine, grenadier de Boullonnois.
Dumarest, grenadier des Vollontaires.
Gallaud, regimand de Boullonnois.
Leger, de Roialle Veausseaux.
Briendamour, sergent Roial de Vaisseaux.
Bonenfant, de Royal Vaisau.
Braindamour, de Royal de Vesseaux.
Tous les autres ne scachaut pas écrire, ils ont fait une croix (9 au total) pour leur signature.

4. Réponse de l'Intendant à M. Nouail.
[Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, Intendance C 1086. — Minute jointe à la lettre de M. Nouail, ci-dessus n° 2].

A Rennes, le 25 octobre 1758.
J'ay reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je vous rends mille grâces du mandement de M. de Saint-Malo ; on lit toujours avec plaisir et édification ce qui sort de sa plume.

Tout va très-bien actuellement à l'hôpital de Dinan, et je suis persuadé que cela continuera de même ; ainsy il faut oublier le passé. Mais il est sûr que dans le principe les choses n'ont pas été aussi bien ; j'y étois, et vous pouvez m'en croire.

Je n'oublieray point le pauvre Dubois, et je le recommanderay avec plaisir à M. de Massiac lorsque je seray à Paris.

Je suis avec un très-sincère et très-parfait attachement, Monsieur, votre etc.

5. État des soldats malades et blessés qui sont actuellement à l'hôpital général de Dinan, tant François qu'Anglais, ce jourd'huy 24 novembre 1758.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Ibid].

Sçavoir

Noms des régiments.

Royal des Vaisseaux : 25

Externes

Boulonnois : 8
Volontaires-Etrangers : 2
Quercy : 1
Bresse : 1
Milice de Marmande : 1
Brie : 10
Total : 48

Anglois : 34

Fait par nous Commissaire des Guerres au département de Dinan, le 24 novembre 1758.
(Signé) HOUVET.

6. Ordres de l'intendant de Bretagne pour les chirurgiens-majors de l'hôpital de Dinan.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C 1085. — Minutes].

Je prie M. de la Boissière, trésorier-général des Etats de Bretagne, de payer au Sr Dupont, chirurgien-major de l'hôpital de Dinan, la somme de 300 l., pour être par luy distribuée aux aides-chirurgiens employés dans ledit hôpital, proportionnellement au tems de leurs services et à leurs besoins particuliers, à compte des appointemens qui leur seront cy après réglés, de laquelle somme de 300 l., le remplacement sera fait audit Sr de la Boissière par le trésorier de l'Extraordinaire des guerres, des fonds qui seront remis à ce dernier pour le payement des dépenses faites à l'occasion de l'affaire de Saint-Cast, et raportant le présent acquitté. Fait à Rennes le 29 octobre 1758.
[LE BRET].

— 1758, 7 décembre. — Ordre de même teneur à M. de la Boissière « de payer au Sr Guillemois, chirurgien-major de l'hôpital de Dinan, la somme de 300 l., pour être sur icelle par luy distribué, tant aux aides-chirurgiens qu'il congédiera qu'à ceux qui resteront employés dans le dit hôpital, les sommes dont les uns et les autres pourront avoir besoin, à compte des apointemens qui leur seront cy après réglés » etc. —

— 1759, 15 février. — Ordre de même teneur à M. de la Boissière « de payer au Sr Rolland, médecin à Dinan, la somme de 600 l. pour la gratification extraordinaire à lui accordée par S. M. pour les soins qu'il s'est donné jusqu'icy auprès des soldats malades et blessés qui sont entrés aux hôpitaux de la ville de Dinan, et qu'il continuera jusqu'au mois de septembre prochain » etc. —

« Le même jour, 15 février 1759, expédié un pareil mandat de 600 l., pour les mêmes causes, en faveur du Sr Courand, aussi médecin à Dinan ».

— 1759, 24 février. — « Gratification accordée au Sr Des Roches, Me chirurgien de la ville de Saint-Malo, employé en qualité de chirurgien-major dans l'hôpital général de Dinan, au traitement des soldats françois blessés au combat de Saint-Cast le 11 septembre 1758, et ce pendant 19 jours à compter du 12 au 30 dudit mois de septembre, à raison de 6 l. par jour, cy — 144 l. ». — Ordre, (du 24 février 1759) à M. de la Boissière de payer ladite gratification au Sr Des Roches.

7. Hôpital de Saint-Malo.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Ibid. — Minute].

Bordereau des gratifications accordées aux chirurgiens de Saint-Malo qui ont été employés, à l'hôpital de ces villes au traitement des soldats François blessés au combat de Saint-Cast, le 11 septembre 1758, des sommes qu'ils ont touché à compte des mêmes gratifications et de celles qui restent encore à leur payer suivant les ordres de la Cour du 2 février dernier (1759).

Sçavoir

Note : Gratifications jusqu'au 1er février 1759 ; Payé ; A payer.

Au St Chiffoliau, chirurgien-major de l'hôpital, pour 143 jours, du 11 septembre 1758 au 31 janvier suivant, à 5 l. par jour, cy : 715 l. ; 240 l. ; 475 l.

Au Sr Ballay , aide-chirurgien, pour le même tems à 2 l. par jour : 286 l. ; 90 l. ; 196 l.

Au Sr Duval, chirurgien aide-major, pour 30 jours du 11 septembre au 11 octobre, à 3 l. par jour, cy : 90 l. ; 30 l. ; 60 l.

Au Sr Heurtitud, aide-chirurgien pour le même tems, à 2 l. par jour, cy : 60 l. ; 30 l. ; 30 l.

Au Sr De Paul, idem, cy : 60 l. ; 30 l. ; 30 l.

Au St Scot, idem, cy : 60 l. ; 30 l. ; 30 l.

Au Sr de la Fosse, aide-chirurgien, pour 45 jours du 11 septembre au 26 octobre, à 2 l. par jour, cy : 90 l. ; 45 l. ; 45 l.

Au Sr Le Mesle, idem, cy : 90 l. ; 45 l. ; 45 l.

Au Sr Plantain, aide-chirurgien, pour 2 mois, du 11 septembre au 11 novembre, à 2 l. par jour, cy : 120 l. ; 60 l. ; 60 l.

Totaux : 1571 l. ; 600 l. ; 971 l.

NOTA. — Retenir les 4 d. pour livre sur la somme de 1571 l.

Je prie M. de la Boissière, trésorier général des Etats de Bretagne, de payer au Sr Chiffoliau, chirurgien-major de l'hôpital de Saint-Malo, la somme de 971 l. pour en être retenue par ses mains celle de 475 l., et le surplus distribué conformément au bordereau porté en tête du présent aux chirurgiens y dénommés et pour les causes y mentionnées. De laquelle somme de 971 l. le remplacement sera fait audit Sr de la Boissière par le trésorier de l'Extraordinaire des guerres, des fonds qui seront remis à ce dernier pour le payement des dépenses faites à l'occasion du combat de Saint-Cast, et ce rapportant le présent acquitté. Fait à Rennes, le 24 février 1759.
[LE BRET].

8. Hôpital de Dinan.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Ibid. — Minute].

Bordereau des gratifications accordées aux chirurgiens qui ont été employés aux pansemens et traitemens des soldats françois blessés au combat de Saint-Cast le 11 septembre 1758, tant sur le champ de bataille et à l'hôpital ambulant établi à Matignon qu'à l'hôpital général de Dinan, des sommes qu'ils ont touché à compte des mêmes gratifications et de celles qui restent encore à leur payer, suivant les ordres de la Cour du 2 février dernier (1759).

Sçavoir :

Note : Gratifications jusqu'au 1er février 1759 ; Payé ; A payer.

Au Sr Cleret, Me chirurgien à Rennes, employé en qualité de chirurgien major pendant 57 jours, du 10 septembre au 5 novembre 1758, à 6 l. par jour, cy : 342 l. ; 90 l. ; 252 l.

Au Sr Veillard, chirurgien de l'hôpital de la Charité de Nantes, employé en qualité d'aide-major pendant 63 jours, du 7 septembre, jour de son départ pour Dinan, au 8 novembre 1758, à 4 l. par jour, cy : 252 l. ; 74 l. ; 178 l.

Au Sr Massey, chirurgien des vaisseaux de la Cie des Indes, employé en qualité d'aide-major, 107 jours du 7 septembre au 22 décembre 1758, à 4 l. par jour,
cy : 428 l. ; 109 l. 10 ; 318 l. 10.

Au Sr Carvilly, Me chirurgien à Dinan, employé en qualité d'aide-major, 5 jours, du 12 au 16 septembre 1758, à 3 l. par jour, cy : 15 l. ; 0 l. ; 15 l.

Au Sr Malescot, aide-chirurgien à Rennes, employé en qualité d'aide, 56 jours du 7 septembre au 1er novembre 1758, à 3 l. par jour, cy : 168 l. ; 100 l. ; 68 l.

Au Sr Le Beaupin, aide-chirurgien à Rennes, employé 11, jours, du 7 au 17 septembre 1758, à 3 l. par jour, cy : 33 l. ; 30 l. ; 3 l.

Au Sr Morin, chirurgien dans la campagne de Dinan, employé en qualité d'aide, 94 jours, du 12 septembre au 14 décembre 1758, à 2 l. par jour, cy : 188 l. ; 57 l. 10 ; 130 l. 10.

Au Sr Balochais le cadet, chirurgien dans la campagne de Dinan, employé en qualité d'aide, 23 jours, du 12 septembre au 4 octobre 1758, à 2 l. par jour, cy : 46 l. ; 20 l. ; 26 l.

Au Sr Briou, chirurgien à Matignon, employé en qualité d'aide, 12 jours, du 11 au 22 septembre, à 3 l. par jour, cy : 36 l. ; 0 l. ; 36 l..

Au Sr Le Roy, chirurgien dans la campagne de Dinan, employé en qualité d'aides 50 jours, du 12 septembre au 31 octobre 1758, à 21. par jour, cy : 100 l. ; 50 l. ; 50 l.

Au Sr Angely, sergent du bataillon de Marmande, employé en qualité d'aide-chirurgien, 142 jours, du 12 septembre au 31 janvier suivant, à 2 l. par jour, cy : 284 l. ; 183 l. 10 ; 100 l. 10.

Au Sr Regnault, chirurgien dans la campagne de Dinan, employé en qualité d'aide, 94 jours, du 12 septembre au 14 décembre, à 21. par jour, cy : 188 l. ; 57 l. 10 ; 130 l. 10.

Totaux, cy : 2080 l. ; 772 l. ; 1308 l.

NOTA. — Retenir les 4 d. pour livre sur la somme de 2080 l.

Je prie M. de la Boissière, trésorier général des Etats de Bretagne, de payer au Sr du Pont, Me en chirurgie à Rennes, la somme de 1308 l., pour être par lui distribuée conformément au bordereau ci dessus etc. De laquelle somme etc... Fait à Rennes le 5 mars 1759.
[LE BRET].

9. Fournitures de matelas pour les blessés de Saint-Cast.
[Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C 1084]

« Ville de Dinan. —Dédommagemens accordés aux habitans de Dinan, pour le prix des matelas perdus ou entièrement hors de service, appartenant à divers particuliers, suivant l'état arrêté par les directeurs de l'hôpital des Cordeliers et visé par le Sr de Vildé Aubry, maire, en date du 10 janvier dernier (1759) ».

« Ville de Moncontour. — Dédommagemens accordés aux habitans de Moncontour qui avoient prêté 30 matelats pour coucher les soldats qui ont été blessés au combat de Saint-Cast... » (Du 22 juin 1750).

« Ville de Lamballe. — Dédommagemens accordés aux habitans de Lamballe, qui avoient prêté 78 matelats pour coucher les soldats qui avoient été blessés au combat de Saint-Cast... » (Du 22 juin 1759).

« Ville de Saint-Brieuc. — Dédommagemens aux habitans de Saint-Brieuc, de 100 matelats » pour même cause (Du 2 juin 1759).

10. Lettre de l'intendant de Bretagne à M. de Cremille, lieutenant-général.
[Note : Arch. d’Ille-et-Vilaine, Intendance C 1092. (Minute). — Louis-Hyacinthe Boyer de Crémille, né en 1700, mort en 1768, adjoint au ministère de la guerre sous le maréchal de Belle-Isle].

Le 29 septembre 1759.
J'ai l'honneur, Monsieur, de vous informer que le nommé La Vergne, soldat du régiment de Brie, qui a reçu une blessure considérable au combat de Saint-Cast, n'a pu profiter de la route que vous lui avez fait expédier au mois d'avril dernier pour aller aux eaux de Bareiges, ayant essuyé depuis cette époque trois maladies des plus sérieuses, comme vous le verrez par le certificat ci-joint des médecin et chirurgien de l'hôpital de Dinan. Ce soldat a paru, depuis que sa santé s'est rétablie, avoir envie de rejoindre le régiment de Brie ; mais comme il est estropié du pied gauche de la blessure qu'il a reçue au combat de Saint-Cast, et que son régiment est destiné à s'embarquer, je lui ai fait dire de rester à l'hôpital jusqu'à ce que vous eussiez décidé de son sort. Je vous prie donc, Monsieur, de vouloir bien marquer si vous jugerez convenable de le faire admettre à l'hôtel royal des Invalides, où je pense que sa blessure et la circonstance dans laquelle il l'a reçue lui donnent quelque espérance de pouvoir entrer. J'attendrai les ordres qu'il vous plaira de me faire passer à son sujet.
Je suis avec respect etc.

11. Lettre du maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, à l'Intendant de Bretagne
[Note : Archives d'Ille-et-Vilaine, Intendance, C 1086. — Louis-Charles-Auguste Fouquet, duc de Belle-Isle, maréchal de France, né en 1684, mort le 26 janvier 1761, ministre de la guerre du 3 mars 1758 jusqu'à sa mort].

A Paris, ce 25 septembre 1758.
J'envoye par ce courrier à M. le duc d'Aiguillon, Monsieur, à cachet volant, la réponse que je vous fais aux trois lettres que vous m'avez fait l'honpeur de m'écrire, et en même tems ces mêmes lettres et les différents états qui y étoient joints. Je vous renvoye luy, et luy à vous réciproquement, pour que vous concertiez ensemble tous les articles des dépenses relatives aux prisonniers anglois de l'affaire du 11, conformément à l'engagement que milord Cavendich prendra par écrit avec M. le duc d'Aiguillon avant de repasser en Angleterre (ainsy que le roy le trouve bon) pour le remboursement de la dépense que vous ferez pour ceux de ces prisonniers qui sont en bonne santé, au-delà du pain et de l'eau, que l'humanité exige que nous leur fournissions seulement (car c'est ainsi qu'ils en usent en Angleterre avec les nôtres). D'après ce que vous dira M. le duc d'Aiguillon que milord Cawendich s'engagera à faire rembourser au-delà, à la bonne heure, vous leur en ferez faire l'avance, mais jusque là ne leur faites rien donner de plus, c'est à dire, ni solde, ni viande, ni habillement autre que des sarraus les plus simples à ceux qui se trouvent tout nuds.

Je comprends que, pour ceux qui sont blessés et malades, il n'est pas possible de se dispenser de les faire traiter comme les nôtres, sur le pied des journées d'hôpitaux que le roy paye aux entrepreneurs, dont vous ferez tenir des états et revues exactes, afin de pouvoir dans tous les cas en répéter le remboursement à l'Angleterre. M. le duc d'Aiguillon fera voir à milord Cavendich les états et soumissions différentes que vous avez fait faire ; ce sera à lui à décider s'il veut s'engager à en faire faire le remboursement sur le pied qui y est porté.

Le ne perdrai pas de vue les témoignages avantageux que vous me rendez du zèle et de l'intelligence que les commissaires Capet et de Morlat ont marqué sous vos yeux, dans une circonstance qui vous fait à tous autant d'honneur.

Je m'en raporte avec juste raison sur votre prudence et économie pour les différents objets de dépense extraordinaire que ce mouvement de troupes a nécessairement occasionné au compte du roy. Vous m'en enverrez les états détaillés, dès que vous aurez pu tous les rassembler, et en attendant j'approuve fort que vous fassiez tout payer.

J'approuve tous les arrangements que vous avez fait pour nos blessés dans les hôpitaux de Saint-Malo, Dinan et Lambale, conformémont aux détails que vous m'en avez fait et à l'état que vous m'en avez envoyé. Vous pouvez également mettre au compte du roy le loyer et les avaries des matelats que vous avez fait prester par les communautés au défaut de paille, et pour les transports, l'augmentation indispensable des approvisionnements des hôpitaux, les appointements des deux chirurgiens majors, et enfin les gratifications que vous jugerez convenable de donner aux aydes majors pour les indemniser de leur déplacement. Je ne puis trop aplaudir aux soins personnels que vous vous êtes donné sur cet article des hôpitaux, dont la bonne règle devient aussi avantageuse à nos blessés qu'à ceux des ennemis, de même que sur l'inhumation des corps morts sur la grève de Saint-Cast ou rejetés par la mer.

J'ay été fort content des bonnes nouvelles que vous m'avez donné de l'état où étoient les blessures des trois officiers du régiment de Brie, que vous avez fait mettre dans des maisons particulières à Dinan.

J'ay l'honneur d'être parfaitement, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

(Signé) LE MAL DUC DE BELLEISLE.

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V.

La trahison du Guildo
[Note : Toutes les pièces de cette série sont tirées des Archives d'Ille-et-Vilaine, Intendance, liasse C 1087].

AVERTISSEMENT.

Les Anglais, on le sait, n'osèrent franchir le gué de Guildo, le 9 septembre au soir, qu'après avoir été informés par un traître du petit nombre des volontaires qui, par leur vaillante résistance, avaient pendant vingt-quatre heures arrêté la marche des envahisseurs.

Les relations donnent à ce traître, qui était du Guildo même, le nom de Grumellon. Les pièces suivantes se rapportent à l'instruction judiciaire faite à ce sujet par M. de la Glestière, lieutenant de la maréchaussée, sur l'ordre de l'intendant de Bretagne et du duc d'Aiguillon. Outre plusieurs détails intéressants, on y verra que le soupçon de trahison ne resta point concentré sur la tête de Grumellon, qu'il s'étendit à plusieurs autres personnes, les unes du pays, les autres plus ou moins étrangères, par exemple trois Espagnols et un natif du Rouergue, qui était peut-être quelque soldat du régiment de Querci, — A. DE LA B.

1. Ordre de l'Intendant de Bretagne.

Il est ordonné au Sr de la Gletière, lieutenant de la maréchaussée à Rennes, de se rendre immédiatement à Saint-Malo avec le Sr Dureau, greffier de ladite maréchaussée, pour y prendre les ordres de M. le marquis de la Chastre, à reflet de procéder aux interrogatoires de différens particuliers détenus comme espions dans les prisons de ladite ville. — Fait à Rennes, le 27 septembre 1.758. — (Minute).

Je prie M. de la Boissière, trésorier-général des Etats de Bretagne, de payer au Sr Dureau, greffier de la maréchaussée à Rennes, la somme de 50 livres, pour le mettre en état de se rendre à Saint-Malo avec le Sr de la Gletière, lieutenant de ladite maréchaussée, chargé de procéder aux interrogatoires de différens particuliers soupçonnés d'être espions : de laquelle somme le remplacement sera fait au Sr de la Boissière sur le montant de l'exécutoire qui sera par nous expédié sur le Domaine pour le payement des frais qui seront faits à cette occasion. — Fait à Rennes, le 27 septembre 1758. — (Minute).

2. Lettre de M. de la Glestière à l'Intendant de Bretagne.

Monseigneur, le vingt neufviesme de septembre dernier, à mon arrivée à Saint-Malo, j'ai eu l'honneur, suivant vos ordres, de rendre mes devoirs à M. le marquis de la Chastre, qui me chargea de procéder aux interrogatoires de cinq particuliers suspects, détenus aux prisons de Saint-Malo, et aux informations sur faits résultans des réponses de ces mêmes particuliers. J'y procéday le lendemain et, par continuation, jusques et compris le trois de ce mois ; et ledit jour, il fut, par ordre de M. de la Chastre, amené des prisons de Dinan en celles de Saint-Malo quatre particuliers et deux particulières, qui avoient esté arrestés comme suspects dans les cantons de Dinan, pour être vers eux procédé ainsy que vers les autres ; et j'y ay esté occupé j usqu'à ce jour.

Sur le compte que j'ay rendu à M. de la Chastre de notre travail, il a jugé à propos que sept desdits particuliers fussent mis en liberté, et qu'il fût informé plus amplement à l'égard de Jullien Grumellon, François Castaret, d'Yves Pargat et de Claudine Samson, qui nous restent quant à présent. Si ces informations se trouvent concluantes sur le titre d'accusation d'avoir servi d'espions ou de guides aux Anglais, quelles mesures puis-je prendre ? Les suivray-je extraordinairement, en suivant les ordonnances du roy pour en faire juger la compétence ? ou bien continueray-je militairement et laisseray-je aux prisons de Saint-Malo ceux de ces quatre particuliers qui se trouveront prévenus ? Honorez moy, s'il vous plait, de vos ordres.

J'ay l'honneur d'être, avec un très profond respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

(Signé) GARDIN DE LA GLESTIÈRE fils,
A Saint-Malo, le 8 octobre 1758.

3. Réponse de l'Intendant de Bretagne à la lettre précédente.

11 octobre 1758.
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 8 de ce mois, au sujet des quatre particuliers soupçonnés d'être espions, contre lesquels M. de la Chastre a jugé à propos qu'il fût plus amplement informé que vous ne l'avez déjà fait. Si vos secondes informations se trouvent concluantes, je pense qu'il sera indispensable de procéder extraordinairement contre les accusés suivant les ordonnances du roy, et par conséquent d'envoyer à Rennes la procédure, pour faire juger la compétence par les officiers du Présidial. Vous pourrez en ce cas faire transférer à Rennes ceux de ces particuliers qui se trouveront prévenus.

J'ai l'honneur d'être très parfaitement, Monsieur, votre etc.
(Minute)

4. Mémoire des vacations et salaires concernant les suites militaires et juridiques faites à Saint-Malo et aux environs, en exécution des ordres de Mgr le duc d'Aiguillon, commandant pour sa Majesté en la province de Bretagne, etc., suivant les procez verbaux qui ont esté adressés à Mgr de Cremille, lieutenant général des armées du roy, en cour.

1 — Suivant le procez verbal du 23 juin et autres jours suivans jusques au 12 de juillet 1758, y compris le retour de Saint-Malo à Rennes, il est dû au sieur Gardin de la Glestière, lieutenant de la maréchaussée de Bretagne, pour 20 jours qu'il a esté occupé, à raison de 10 l. par jour, la somme de 200 l. cy : 200 l.

2 — Au Sr Dureau, greffier de ladite maréchaussée, pour pareil nombre de journées qu'il a esté occupé, pareille somme de  200 l.

3 — Au sieur Joseph Michelot, avocat en Parlement, qui a fait fonction de procureur du roy dans les procédures suivies juridiquement contre le nommé Jean Geslin, et a esté occupé pendant 4 jours, à raison de 10 l. par jour, est dû, cy : 40 l.

4 — Au sieur François Le Bourguignon, avocat en Parlement, qui a fait fonction d'assesseur dans lesdites procédures, et a esté occupé 4 jours à la susdite raison, est dû pareillement : 40 l.

5 — Au Sr Thomas Caruel, interprète juré à Saint-Malo de la langue espagnole, occupé en cette qualité aux interrogatoires des nomnés Barthélemy Alvarez, Jean Floret et Jean Compane, pendant un jour, est dû, à raison de 2 l. par interrogatoire, cy : 6 l.

6 — A Yves Le Blanc, habitant de Saint-Malo, qui a servi d'interprète de la langue bretonne aux interrogatoires du nommé Claude Mazé, cy : 2 l.

7 — Suivant autre procez verbal du 28 septembre dernier et autres jours suivants, pour transport de Rennes à Saint-Malo, de Saint-Malo au Guildo, séjour sur les lieux jusques et y compris le 23 octobre 1758, outre le retour de Saint-Malo à Rennes après le décret décerné ledit jour 23 octobre contre le nommé Yves Parga, il est dû au sieur Gardin de la Glestière, lieutenant de la maréchaussée, pour 27 jours, à raison de 10 l. par jour, la somme de 270 l., cy : 270 l.

8 — Au Sr Dureau, greffier, occupé pareillement pendant 27 jours, transport et retour compris, à la susdite raison, est dû 270 l., cy : 270 l.

9 — Au Sr François Le Bourguignon, avocat, qui a fait fonction d'assesseur dans les procédures juridiques faites contre les nommés Jullien Grumellon et Yves Parga, qui, en vertu de décrets de prise de corps des 20 et 23 du mois d'octobre 1758, ont esté transférés des prisons de Saint-Malo en celles de Rennes, pour vers eux estre procédé suivant les ordonnances du roy : il est dû aud. Sr Bourguignon, pour 8 jours qu'il a esté occupé, à 10 l. par jour, cy : 80 l.

10 — Au Sr Marie Michelot, avocat, qui a fait fonction de procureur du roy dans ces deux procédures, occupé pendant 8 jours, est à la susd. raison, 80 l., cy : 80 l.

11 — A Georges Dandurand, habitant de Saint-Malo, qui a servi d'interprète de l'idiome de Rouergue aux interrogatoires de François Castaret qui avoit esté arresté comme suspect, est dû 2 l. cy : 2 l.

Total, sauf erreur : 1190 l.

Sauf au Sr Dureau, greffier, à tenir compte, sur sa contingente du présent, de la somme de 50 l. qu'il a plu à Mgr l'intendant de Bretagne luy faire délivrer au bureau de M. de la Boissière, trésorier-général des Etats de Bretagne, à Rennes, le 27 septembre 1758, pour mettre led. Sr Dureau en état de se rendre à Saint-Malo avec le sieur de la Glestière, lieutenant de la maréchaussée.

[Aux termes de la lettre ci-dessous de M. de Crernille, en date du 12 février 1759, les articles de ce mémoire furent réduits comme suit :

Art. 1. — 150 l.
Art. 2 — 110 l.
Art. 3 — 26 l.
Art. 4 — 30 l.
Art. 5 — 6 l.
Art. 6 — 2 l.
Art. 7 — 202 l. 10 s.
Art. 8 — 148 l. 10 s.
Art. 9 — 60 l.
Art. 10 — 52 l.
Art. 11 — 2 l.
Total : 789 l.

Déduisant les 50 l. payées par avance au greffier, reste 739 l. que l'Intendant fit payer au Sr de la Glestière par M. de la Boessière, trésorier des Etats de Bretagne, par ordre du 22 février 1759, pour les distribuer conformément aux articles du mémoire].

5. Lettre de M. de Cremille, lieutenant-général, à l'intendant de Bretagne.

A Versailles, le 12 février 1759.
J'ay receu, Monsieur, avec les lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, le mémoire et l'état cy joint des vacations employées par le Sr de la Glestière, lieutenant de la maréchaussée de Rennes, un assesseur, un procureur du roy et un greffier, qui ont été employés à Saint-Malo, lors de la descente des Anglois, pour l'exécution des ordres de M. le duc d'Aiguillon, cet état montant à 1190 l. sur le pied de 10 l. par jour chacun, et de 2 l. à l'interprète par chaque interrogatoire.

La taxe ordinaire des vacations des officiers de la maréchaussée étant de 7 l. 10 s. par jour au lieutenant et à l'assesseur, 6 l. 10 s. au procureur du roy, et 5 l. 10 s. au greffier, vous voudrez bien réduire sur ce pied les journées contenues au mémoire, et en faire payer le montant par le commis de l'Extraordinaire des guerres qui est près de vous. Il y aura à y comprendre les vacations de l'interprète à raison de 2 l. par interrogatoire. Je suis, avec un parfait attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
CREMILLE.

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VI.

Les ravages des Anglais.
[Note : Toutes les pièces de cette section sont tirées des Arch. d'Ille-et-Vilaine, fonds des Etats de Bretagne, liasse Descentes des Anglais].

1. Lettre de M. de Pontual à la Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne.

A la Villerevaut [Note : La Villerevaut est en Saint-Lunaire, aujourd'hui commune du canton de Dinard (naguère canton de Pleurtuit)], ce 21 septembre 1753.

Messieurs, vous n'ignorez pas sans doute les malheurs du pais que j'habite. Mes pertes particulièrement sont les plus considérables ; elles le sont plus que je ne le croyois. Tous mes fermiers et vassaux sont ruinés et par conséquent hors d'estat de me payer. Dans le nombre des maisons brûlées j'ay deux grandes métairies et un moulin.

Je puis cependant vous assurer avec verité que je suis bien plus touché du malheur des habitants de ce malheureux canton que de la perte de mes biens. Je ne puis vous peindre leur misère : les huit premiers jours après le départ des Anglois, ils n'ont vécu que de pommes, faute de pain et de moyen d'en avoir. M. l'Intendant leur a fait distribuer un peu de pain ; je leur donne le plus que je puis de secours ; mais avec tout cela je ne puis ny les loger ny les mettre en estat d'ensemencer leurs terres ny d'acheter des bestiaux. Je crois cependant qu'il est naturel qu'il y soit pourvu par le roy ou par la province, et qu'il est de son interest d'empêcher que chaque partie de la province qu'il plaira aux Anglois de ravager devienne un désert.

Je crois qu’il conviendroit que vous y pourvussiez. Comme je puis estre suspect dans une cause qui est en partie la mienne, je vous prie d'envoyer chez moy un d'entre vous pour faire la vérification des dégâts des Anglois. La chose presse, car le temps des semailles approche, et les malheureux ne peuvent estre trop tost secourus.

Les paroisses de Saint-Briac et Saint-Lunaire sont entièrement ruinées.

J'ay l'honneur d'estre avec respect, Messieurs, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
PONTUAL.

Je crois, Messieurs, qu'il convient de défendre aux receveurs des fouages de poursuivre aucun des contribuables des paroisses désolées par les Anglois.

(L'adresse porte : « Messieurs Messieurs les Commissaires des Estats. A Rennes. »).

2. Réponse de la Commission Intermédiaire.

A Rennes, ce 26 septembre 1758.
Monsieur, nous avons reçu la lettre que vous nous avez fait l'honneur de nous écrire le 21 de ce mois. Nous sommes extrêmement affligés des pertes que vous avez souffertes par la descente des Anglois et de la misère où elle a réduit vos vassaux. Nous pensons comme vous, Monsieur, qu'il est essentiel de les mettre en état de cultiver et d'ensemencer leurs terres ; mais vous sçavez que nous ne pouvons leur en procurer les moyens. Nous envoyons votre lettre à MM. nos co-députés à Saint-Malo, et nous mandons à M. de Gennes de ne faire aucunes suites vers les collecteurs des paroisses de Saint-Briac et de Saint-Lunaire.

Nous comptons avoir une conférence à ce sujet avec M. le duc d'Aiguillon, qui arrivera à Rennes dimanche prochain, et faire ce qui dépendra de nous pour l'engager à procurer les secours nécessaires aux paroisses ravagées par les Anglois.

Nous avons l'honneur d'être avec respect, Monsieur, vos très humbles et très obéissants serviteurs. KERGUEZEC;

(L'adresse porte : « A M. le baron de Pontual, commissaire des Etats, à la Villerevaut, près Saint-Malo »).

3. Lettre de la Commission Intermédiaire à M. de Gennes de la Chancelière, receveur des fouages extraordinaires à Dinan.

Le 26 septembre 1758.
Nous vous prions, Monsieur, de ne faire jusqu'à nouvel ordre aucunes suites contre les collecteurs des paroisses de Saint-Briac et de Saint-Lunaire de Pontual, pour le payement du montant des rolles de capitation et des deux vingtièmes, dont ils sont chargés de faire le recouvrement.
Nous sommes etc (Minute).

[LES COMMISSAIRES DES ETATS DE BRETAGNE].

4. Lettre de la Commission Intermédiaire à M. le baron de Pontual.

Rennes, le 4 octobre 1758.
Monsieur, M. le comte de Kerguezec a parlé ce matin à M. le duc d'Aiguillon, qui est persuadé de la nécessité du prompt secours dont ont besoin les paroisses qui ont été ravagées par les Anglois lors de leur descente à Cancalle au mois de juin, et au mois de septembre à Saint-Cast. Il est persuadé que la bonté du roy voudra bien y faire attention. Nous vous envoyons la présente par un exprès ; nous vous prions de nous envoyer votre réponse par le même exprès, avec un mémoire circonstancié contenant :

1° Le nombre d'habitants de chacune des paroisses ravagées qui se trouvent hors d'état d'ensemencer leurs terres.

2° Observer que les terres de ces cantons sont de nature à n'être ensemencées que de froment, qui fait la nourriture ordinaire des habitats.

3° Spécifier la quantité de boisseau nécessaire pour ensemencer les terres de chaque paroisse, à raison de tant de boisseaux par arpent ou par journal.

4° Le nombre de boisseaux, soit de froment ou d'autres grains, nécessaires en chaque paroisse pour la nourriture des habitans hors d'état de pourvoir à leur subsistance.

5° Spécifier pareillement s'ils manquent de bestiaux pour la culture des terres ; en ce cas, l'espèce et la quantité, dont chaque paroisse auroit besoin.

6° En un mot, faire un tableau exact et détaillé par article, de tous les secours dont chaque paroisse a besoin d'être aidée pour le présent.

Observer que, quoique la Commission soit sans qualité et sans pouvoir pour engager la province à procurer des secours aux paroisses ravagées, elle se porteroit, comme elle l'a fait pour le camp qui a été établi en 1756 près Saint-Malo, si le roy l'y autorisoit, à faire les avances nécessaires, si S. M. vouloit bien donner l'assurance d'en tenir compte à la province, soit sur le prix des abonnements ou autrement. — (Minute).

5. Réponse de M. de Pontual.

Messieurs, j'ay reconnu dans votre lettre du 4 de ce mois l'effet du zele patriotique qui vous anime. Le parti que vous prenez est aussi sage qu'il estoit nécessaire. Il est digne de vous. Pour y correspondre de mon côté, je vais travailler à former des estats des pertes des paroisses suivant vos intentions : ce qui me sera d'autant plus aisé que j'avois, dans les estats déjà formés, distingué par colonnes la perte des habitans de ce canton, pensant bien que quelqu'unes de ces parties paroitroient à vos yeux plus nécessaires à dédommager que certaines autres.

Comme les détails que vous demandez ne sont pas l'ouvrage d'un jour, et qu'ils exigent même un travail réfléchi, je ne puis pas vous les faire passer par l'exprès que vous m'avez envoyé. Mais j'y vais travailler avec la plus grande vivacité, et j'espère que la plus grande partie en sera faite à l'arrivée de M. le duc d'Aiguillon à Saint-Malo. Quoique ma santé ait toujours été assez mauvaise depuis le départ des Anglois, soyez sûrs que je ne négligeray rien pour seconder vos vues. Il me paroist par votre lettre qu'il est nécessaire de joindre un mémoire aux Estats, que j'auray l'honneur de vous envoyer, pour supplier la Commission de faire les avances de ces secours, comme elle a fait pour le camp sous Saint-Malo en 1756.

Comme je ne pourray vraisemblablement, pas spécifier l'objet de chaque article dans le mémoire détaillé que vous désirez, je mettray par estime ce que je ne pourray pas spécifier exactement.

J'ay l'honneur d'être, avec un sincère attachement et respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur.
PONTUAL.

A la Villerevaut, ce 5 octobre 1758.

(L'adresse porte « Messieurs, Messieurs les Commissaires des Estats, à Rennes »).

6. Lettre de M. de Pontual à la Commission Intermédiaire.

Messieurs, personne de vous n'ignore les malheurs qu'ont essuyés les paroisses voisines de Saint-Malo. La dernière descente, s'estant faite dans le temps de la récolte, a réduit les païsans à mourir de faim. Ils n'ont ny bestiaux, ny meubles, ny habits, ny instruments d'agriculture ; enfin ils sont dans une misère d'autant plus difficile à supporter que la pluspart estoient à leur aise avant ce triste événement. Aucun des secours qu'on leur avoit annoncés n'est parvenu encore jusques à eux, non plus que les diminutions sur les différentes impositions. Au contraire, M. de Gennes vient de faire signifier tous ceux qui doivent des deniers royaux à les luy payer. Ces significations, faites à grands frais, ne peuvent procurer qu'une plus grande misère, sans que le recouvrement en soit plus avancé, car il est impossible dans les circonstances présentes de faire payer ces pauvres gens-là. Quoiqu'ils me doivent des sommes considérables, je suis encore obligé de leur donner de quoi subsister. M. l'évêque de Saint-Malo, plusieurs particuliers riches de la ville, ont envoyé quelques aumônes qui les ont soutenus jusques à présent.

Dans ces circonstances, Messieurs, je crois qu'il est indispensable.que vous écriviez à M. de Gennes de cesser ses poursuites contre les habitants des paroisses ravagées. C'est ce qu'on ne peut pas refuser, jusques à tant que le sommaire des diminutions soit arrêté par M. l'Intendant. Il ne seroit pas naturel qu'on fit des suites contre des gens qui seront déchargés en suite de la vérification qu'on va faire de l'état des pertes.

Je vous supplie, Messieurs, d'écrire à M. de Gennes pour arrêter son activité et de me faire savoir vos intentions le plus tost qu'il sera possible, pour empêcher les collecteurs de faire des frais vexatoires. Je say, par votre lettre écrite à la Commission de Saint-Malo, que M. de Gennes est fort pressé par M. de la Bouëxière. Mais on pourrait envoyer à M. de la Bouëxière l'état des sommes dûes par les contribuables ravagés, afin qu'il n'en demande pas compte à M. de Gennes.

Je joins icy les noms des paroisses ravagées ; j'en oublie une ou deux de la première descente, vous pourrez en savoir les noms à l'intendance.

Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur.

P0NTUAL.

A la Villerevaut, ce 29 mars 1759.

Première descente [Note : Les Anglais débarquèrent à Cancale le 5 juin 1758, firent un camp à Paramé, occupèrent Saint-Servan, envoyèrent un détachement à Dol, et se rembarquèrent le 11 juin]. — Ville et paroisses qui ont souffert.
Saint-Malo
Saint-Servan
Cancalle
Saint-Méloir
Paramé
Evêché de Dol
Saint-Ideuc
Saint-Coulon

Seconde descente [Note : Celle du 4 septembre 1758, à Saint-Lunaire, qui aboutit à l'affaire de Saint-Cast le 11 du même mois. — Manque dans cette lettre la liste des paroisses de l'évêché de Saint-Brieuc qui eurent à souffrir de l'invasion de septembre 1758, mais on en trouvera l'indication dans la pièce suivante].
Evêché de Saint-Malo
Saint-Lunaire
Evêché de Dol
Landouart ou Saint-Jagu
Saint-Briac
Saint-Enogat
Lancieux
Ploubalay
Trégon
Créhen.

(L'adresse porte : « A Messieurs Messieurs les Commissaires des Estats, à Rennes »).

7. Etat des pertes causées par la descente des Anglais.

Les réclamations de M. Pontual ne furent pas isolées, il en vint de tous les points maltraités par les Anglais dans leur double descente de 1758. Appuyés par la Commission Intermédiaire des Etats de Bretagne et par le commandant de la province, ces réclamations ne furent pas vaines. Le roi accorda des dégrevements ou des exemptions d'impôt assez importantes à ceux qui avaient souffert. Pour régler ces exemptions, il fallut d'abord déterminer, au moyen d'une enquête, l'importance des dommages subis par les réclamants. Cette enquête fut faite, sous l'autorité des Etats de Bretagne, par des commissaires désignés dans cette assemblée à laquelle ils présentèrent le résultat de leur travail, c'est-à-dire, l'état détaillé des pertes causées aux diverses paroisses des environs de Saint-Malo par les deux invasions anglaises de 1758. Ce document existe encore aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, dans le fonds des Etats de Bretagne. Nous allons en donner quelques extraits, concernant la seconde de ces invasions, c'est-à-dire celle qui aboutit à l'affaire de Saint-Cast.

PERTES CAUSÉES PAR LA DESCENTE DES ANGLAIS DU 4 AU 11 SEPTEMBRE 1758.

Evêché de Saint-Malo.

Paroisse de Saint-Briac : 257.216 livres
Saint-Lunaire de Pontual : 86.489 l.
Saint-Enogat : 12.491 l. 15 s.
Lansieu : 5.850 l.
Ploubalai : 6.863 l. 17 s.
Trégon : 10.736 l.
Créhen [Note : En cette paroisse le village du Guildo, rive droite de l'Arguenon] : 24.766 l. 2 s.
Pleurtuit, rôle de la noblesse : mémoire
Total : 404.439 l. 14 s.

Evêché de Dol.

Saint-Jacut de l'île : 16.973 l. 3 s.

Evêché de Saint-Brieuc.

Saint-Cast : 12.752 l. 17 s.
Pléboulle : 9783 l.
Pluduno : 7.521 l. 9 s.
Saint-Germain de la Mer [Note : En cette paroisse est compris Matignon, sa trêve] : 37.960 l. 9 s.
Saint-Pôtan [Note : En cette paroisse le village du Guildo, rive gauche] : 60.802 l. 18 s.
Total : 128.841 l. 13 s.

Récapitulation.

Evêché de Saint-Malo : 404.439 l. 14 s.
Evêché de Dol : 16.9731. 3s.
Evêché de Saint-Brieuc : 128.841. l. 13 s.
Total des pertes causées par la descente de
Septembre 1758 : 550.254 l. 10 s.

Nous n'avons pas retrouvé les états détaillés des pertes dans les paroisses de l'évêché de Saint-Malo. Ils existent pour les autres paroisses ; voici les noms des personnes qui eurent le plus à souffrir.

En Saint-Germain de la Mer et Matignon.« M. de la Moussaye de la Chesnaye, pertes évaluées à 4800 livres. — Mlle Rioult et M. Rioult des Villes-Audrain, 3600 l. — M. Brohel, 1.495 l. — Christophe le Goff et femme, 1254 l. — M. du Bois -Baudry, 1200 l. — Ecuyer Pierre Vitu, seigneur de la Roncière, 1000 l. ».

En Saint-Pôtan.« Le Sr Gabriel Masson, conseiller, 11.177 l. 10 s. — M. Picot de Beauchêne, 6000 l. — M. le marquis du Hallay, 5000 l. — Le Sr François Le Masson, 2832 l. — Le Sr Chopin, 2066 l. — M. Picot, 1500 l. — Charles Bonenfant, fermier, 1350 l. — François Lucas, aubergiste, 1300 l. — Charles Tricot Sr du Clos, 1300 l. — M. Gouyon de Beaucorps, 1200 l. — Le Sr Langlois, 1123 l. 13 s. — M. Habillaut et consorts avec Mme Sommay, 1.000 l. ».

Saint-Cast.« M. Picot de Beauchêne, 1350 l. — Le Sr de la Chapelle Gouyon, 1066 l. — Mme de la Moussaye, 980 l. — Ecuyer Yves Launay Sr du Perron, 908 l. 8 s. — Ecuyer Olivier Josset Sr de la Vieuville, 514 l. 15 s. ».

En Saint-Jacut de Ille.« Pierre Guillaume et Françoise Allaut sa femme, 1449 l. — Yves Dagorne, 746 l. — François Morvan, 573 l. — Jeanne Allaut, femme de Joseph Macé, 571 l. — Laurent Amiraud, 539 l. ».

Inutile d'ajouter que le pouvoir de l'argent étant, en 1758, quatre à cinq fois plus fort qu'aujourd'hui, cette perte de 550.000 livres, causée par la descente des Anglais en septembre 1758, équivaut à deux millions et demi de l'année 1887.

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VII.

Pamphlet inédit contre le duc d'Aiguillon.

A Saint-Cast, le duc d'Aiguillon fit bravement son devoir de général en chef. Des hauteurs où se trouve posé le bourg paroissial — hauteurs incessamment foudroyées par toute l'artillerie de la flotte anglaise, — il surveilla et dirigea la bataille, courant sans cesse d'un point à un autre pour mieux suivre les phases diverses de l'action, sans souci de la pluie de boulets lancée contre lui ni des obus qui éclataient a ses pieds. Là dessus les relations contemporaines sont unanimes, et les plus explicites sont celles des témoins oculaires qui accompagnaient le duc, comme, par exemple, l'ingénieur Mazin et le héros du Guildo, Rioust des Villes-Audren. Après la victoire on célébra partout en même temps, en vers et en prose, la vaillance des troupes et la bravoure de leur général ; pendant les sept premières années qui suivirent l'événement on ne saurait à cet égard signaler une seule voix discordante.

Mais en 1765, la lutte engagée depuis trois ans par d'Aiguillon contre les libertés de la Bretagne prit un caractère d'extrême violence. Le Parlement tout entier donna sa démission ; le procureur-général La Chalotais et quatre autres magistrats furent arrêtés, traînés de prison en prison, décrétés de haute trahison, menacés de mort. A ces attentats odieux et stupides du commandant les Bretons répondirent par une haine bleue, qui eut bientôt fait de briser sur le front du petit duc (d'Aiguillon) l'auréole de Saint-Cast, qu'elle remplaça par une légende d'infamie. Ses observatoires pendant le combat avaient été deux moulins à vent, le moulin du Chêne et le moulin d'Anne, situés à droite et à gauche du clocher de Saint-Cast : on déclara qu'il n'y était allé que pour cacher sa peur et attaquer la meunière. Un mot courut la Bretagne : — « A Saint-Cast, les Bretons s'étaient couverts de gloire, et le petit duc... de farine ! ».

En dépit de son absolue fausseté, ce mot aigu, barbelé comme une flèche empoisonnée, s'incrusta dans la peau de d'Aiguillon, et il n'en est pas encore sorti. La première trace imprimée que j'en aie pu découvrir jusqu'ici se trouve dans le tome V de l'Hermite en province (n° IV, novembre 1819), volume in-12 réédité en 1825 sous le titre de l’Hermite en Bretagne, par M. de Jouy. Malgré cette attribution, il y a lieu de croire qu'en réalité M. de Kératry rédigea ce volume ou en fournit tout au moins les matériaux. On y lit (p. 75-76) :

« Le duc d'Aiguillon, gouverneur de Bretagne, avait tenté de détruire quelques uns des privilèges [de cette province]. La Chalotais s'y opposa avec véhémence et fermeté ; cette généreuse résistance indigna le duc... Lors de la descente des Anglais à Saint-Cast, le duc d'Aiguillon ne s'était pas signalé par sa bravoure ; on parlait même d'un moulin dans lequel il s'était prudemment réfugié ; un de ces flatteurs subalternes qu'on trouvé partout, même en Bretagne, s'avisa de dire que le gouverneur, en cette circonstance, s'était couvert de gloire — « Non, répliqua vivement le procureur-général, mais de farine ». Cette sanglante répartie ne fut pas perdue. Des gens qui avaient leur cour à faire la rapportèrent à celui qu'elle offensait ; d'Aiguillon jura de se venger ».

Ici ce mot est attribué à La Chalotais et donné comme une des causes qui poussèrent d'Aiguillon à « se venger » du procureur-général, c'est-à-dire à le faire emprisonner. C'est une erreur. Si ce mot ou autre analogue eut été lancé avant l'arrestation et le procès du procureur-général, il en serait certainement question soit dans les interrogatoires, soit dans les pièces de la procédure, surtout dans quelqu'un de ces nombreux factums où les défenseurs de La Chalotais s'attachent à examiner par le menu, à réfuter, atténuer ou expliquer toutes les imputations portées contre lui. En tous cas, ses adversaires n'auraient pas manqué de s'en prévaloir pour justifier les violences de d'Aiguillon. — Or, dans aucune de ces pièces nulle mention, nulle allusion, ni à ce mot ni à aucune attaque du procureur-général contre le commandant de la province à propos de l'affaire de Saint-Cast. Donc, ou le mot n'est pas de La Chalotais, ou il est postérieur non seulement à son arrestation, mais à son exil à Saintes sur la fin de 1766, car ce n'est pas sous le coup d'une menace de mort, quand on est pieds et poings liés aux mains de son ennemi, qu’on s'amuse à exciter et presque à justifier sa violence en lui lançant de la boue à la tête.

Toutefois l'opinion si injurieuse, si calomnieuse, résumée par ce lardon sanglant contre d'Aiguillon, était activement propagée par les ennemis du duc et les partisans du Parlement peu de temps après l'arrestation de La Chalotais, probablement dès 1766. J'en trouve la preuve dans un pamphlet manuscrit, non signalé jusqu'ici, dont j'ai eu connaissance récemment [Note : En septembre 1886, à Pontivi, pendant la tenue du Congrès de l'Association Bretonne ; il appartient à Madame Galzain, que je me plais à remercier ici de sa gracieuse communication. C'est un manuscrit en papier, petit in-folio, écriture du XVIIIème siècle, de 32 pages, dont 29 écrites et chiffrées, les 3 autres blanches], et qui est intitulé : Essai sur la situation de la Bretagne.

Cet écrit est une histoire de l'administration du duc d'Aiguillon en Bretagne, composée au point de vue de ses ennemis et des partisans du Parlement après la démission générale de celui-ci en 1765 et même après l'exil des membres démissionnaires en 1766, car quelque part l'auteur dit : « Gémissant sur la destruction totale du Parlement, dont tout le crime était de s'estre oposé au despotisme dangereux de M…….. [Note : Ces onze points, d'une discrétion bien inutile, couvrent évidemment, sans le voiler, le nom de d'Aiguillon], la Noblesse crut ne pouvoir plus rester dans le silence » — Cette histoire se compose d'une introduction ou avant-propos (p. 1 à 4) et de deux parties intitulées : Première époque (p. 4 à 11), et Seconde époque (p. 11 à 29). La première partie est une revue de l'administration de d'Aiguillon depuis son arrivée en Bretagne en 1753 jusqu'à 1756 inclusivement ; la seconde poursuit ce tableau, arrêté à 1762, par conséquent incomplet, puisque l'auteur, comme on vient de le voir, écrivait en 1766.

Non seulement cette prétendue histoire est hostile à d'Aiguillon, mais elle est bourrée jusqu'à la gueule de venin et de calomnies contre lui et contre tous ses partisans. C'est simplement la guerre au couteau. L'auteur ne se faisait guère illusion sur la nature de son œuvre, car il dit dans son introduction : « Cet ouvrage aura le même sort que tous ceux qui ont porté l'empreinte de la vérité : il sera condamné au feu, et je m'en consolerai ». Il fut seulement condamné à moisir dans un tiroir, non peut-être sans avoir couru de main en main, mais sans avoir été imprimé du moins je n'en connais pas d'exemplaire.

Avant de citer la partie de ce pamphlet relative au rôle de d'Aiguillon dans les deux descentes anglaises de 1758, disons que l'auteur commet, sur les faits, sur les lieux et les dates, de grosses et fréquentes erreurs dont nous n'entreprendrons pas la rectification ; il suffira d'avoir averti le lecteur que le
pamphlet, entre autres bourdes, met à Saint-Jacut, et le 30 août, le second débarquement des Anglais, qui eut lieu en réalité à Saint-Lunaire et à Saint-Briac le 4 septembre 1758. On voit par là quelle confiance il convient de lui accorder. Voici le texte du passage relatif à Saint-Cast. — A. DE LA B.

ESSAI SUR LA SITUATION DE LA BRETAGNE

Le duc d'Aiguillon à Saint-Cast
[Note : Pages 13 à 17 du manuscrit].

Le 4 juin 1758, l'escadre anglaise parut à la hauteur de Saint- Malo. Le 5, la descente se forma à Cancalle, et le quartier general fut étably à Saint-Servan. L'intention des Anglois étoit sans doute de profiter des leçons qu'on leur avoit données dans l'escalade de la ville de Saint-Malo, lors du camp de 1756. On assure même, et plusieurs gens dignes de foy l'ont dit, que si leurs échelles ne s'étoient pas trouvées trop courtes, la ville eût été prise. Cet événement sauva la place, mais ne la garantit pas de l'incendie général de tous les vaisseaux. Si M. d'Aiguillon avoit été aussi vigilant à se rendre à Saint-Malo lorsque les ennemis parurent qu'il l'avoit toujours été à courir les grands chemins à la moindre contestation, il auroit sûrement évité la perte de cette marine marchande. Il y avoit beaucoup de troupes en province, et les Anglois furent longtems à Saint-Servan ; mais M. d'Aiguillon n'avoit pas sans doute encore acquis les talents du général à la tête d'une armée militaire. Il ne connoissoit alors que ceux du général commandant les grands chemins. Ce fut un malheur et pour luy et pour la province : pour luy, parceque bien des gens penseront peut-être assés mal pour l'en rendre responsable, et ce seroit un échec à la gloire d'un héros tel que luy. Mais — ce qu'il y a de sûr — c'est la première époque de la ruine du commerce.

Les Anglois lui fournirent ensuite un champ bien plus vaste. Ils descendirent à Saint-Jagu le 30 août de la même année. Leurs détachements, répandus dans les environs, y commirent des vexations inouïes ; on leur laissa tout le tems de faire ce qu'ils vouloient. M. d'Aiguillon parut cependant avec un corps de troupes assés considérable et fut témoin en partie de leur opération. Le 7 [septembre], l'armée angloise, se presenta au passage du Guildo, où un gentilhomme avec quelques bourgeois et plusieurs païsans l'arrestèrent six heures. Ce retardement devoit donner le tems aux troupes d'aller soutenir ce gentilhomme et empêcher le passage. On ne le jugea pas à propos. L'armée [angloise] défila à la fin et prit son quartier au Val, d'où elle ravagea pendant trois jours tous les environs.

Ces troupes, éloignées d'une lieue et demie de Saint-Cast [Note : L'auteur écrit constamment Saint-Cats, et presque toujours Englois] où étoient leurs bateaux, pouvoient estre facilement coupées ; tout autre n'auroit pas manqué cette occasion. Mais M. d'Aiguillon, plus prudent, se réserva pour un moment moins périlleux. L'onze de septembre, les Anglois se rembarquèrent : il disposa alors son armée en trois colonnes pour former trois attaques, et ensuite il se retira à un moulin éloigné de........ [Note : L'indication de la distance est restée en blanc dans le manuscrit] de l'endroit oû étoit placée la division qui attaqua. Il est à présumer que M. d'Aiguillon n'avoit d'autre dessein que de faire voir son armée aux ennemis : son inaction l'annonce clairement. Il demeura immobile au pied de son moulin sans donner aucun ordre ; peut estre étoit-il comme pétrifié, et il y a bien de l'apparence, car il ne fit alors aucune reponse à tout ce que les officiers generaux lui firent demander.

Cependant les Anglois se rembarquoient tranquillement ; ils l'étoient desjà presque tous, lorsque la colonne commandée par M. d'Aubigny, souffrant depuis longtems du canon de plusieurs frégates embossées, s'ébranla et marcha à l'ennemy. Cette division étoit composée des régiments de Boulonnois et de Brie, des bataillons de Marmande, Fontenay-le-Comte, du premier bataillon des Volontaires-Etrangers, et des gentilshommes bretons qui, marchant à la teste, décidèrent seuls cette affaire. Les Anglois, lors de l'attaque, n'avoient à terre que douze à treize cents hommes. M. d'Aiguillon, tranquille au pied de son moulin et qui n'avoit pas eu intention d'attaquer, vit avec surprise l'ébranlement de la division de M. d'Aubigny. Cet événement ne contribua pas encore à le rappeler à luy-même. Il est des cœurs plus susceptibles de trouble les uns que les autres, il l'éprouva cependant, et son agitation ne l'empescha pas de chercher à la cacher aux yeux de ce tas d'aides-de-camp inutiles qui l'entouroient. Il entra dans le moulin et y fut suivi de ses plus intimes, et son embarras l'empescha de s'apercevoir qu'il étoit escorté de quelques uns qui n'avoient pas mérité sa confiance : mais s'aperçoit-on de quelque chose lorsqu'on est dans un pareil état ? Il y resta longtems, et vraisemblablement n'en eût-il sorti qu'après la décision de l'attaque, si par hasard il n'avoit aperçu son hôtesse.

La vue de la meunière le rappela à la vie : qui croiroit qu'une femme sans jeunesse et sans figure, avec l'appareil de la misère et de la malpropreté, pût faire de telles impressions ? Cela paroistroit incroïable ; mais ceux qui connoissent M. D.... sçavent qu'il est fait pour les choses. On sçait qu'il excelle en tout genre : c'est l'homme unique, mais surtout auprès du sexe : c'est dans cette carrière qu'on l'a vu voler à tire d'aile, affronter les plus grands périls et s'y exposer en héros. Si ces victoires luy ont souvent causé de tristes souvenirs, il s'en est dédommagé par le récit journalier de ses trophées. Que ne peut donc pas une femme sur un aussi beau cœur, sur un cœur aussi susceptible d'impression ? La meunière en fit d'assez vives sur notre héros pour détruire celles qu'avoit occasionnées le bruit du canon. Tout à lui pour lors, tout à sa reconnoissance, il voulut la témoigner à cette déesse des farines. Sûr du succès, il attaqua en vainqueur. Et que d'avantage n'avoit-il pas réellement ? Tout parloit en sa faveur : son origine [Note : N. Vignerot, menestrier, et ensuite intendant des plaisirs du cardinal de Richelieu dont il épousa la sœur, étoit fils d'un meunier du Poitou. Voir les mémoires du grand Condé, dans le procès qu'il eut avec le duc de Richelieu, petit-fils de ce Vignerot le joueur de flûte, pour la succession du duc de Fronsac. Il donne la preuve de cette généalogie, et dit : « Il sied bien à l'arrière petit-fils d'un meunier de me disputer la succession de mon beau-frère ». Le meunier étoit sorty du garde-chasse, qui fut chassé de la maison de Thouars pour ses friponneries et faux témoignage (Note du manuscrit)], un titre ducal commandant la province, de la jeunesse, de la figure, et de la hardiesse. Le moment même étoit unique pour porter à la reconnoissance : son armée étoit aux mains avec les ennemis. Combien de femmes eussent voulu païer pour leur patrie !

La meunière cependant, toute femme de moulin qu'elle étoit, pensa différemment : elle s'opposa avec vigueur aux entreprises du duc, cet homme nouvellement ressuscité. Mais la résistance alloait être inutile ; des mains étrangères et bienfaisantes se prêtoient aux vues du général, lorsque des cris répétés annoncèrent une bombe ! Elle fut mal jugée par ceux de dehors, mais leurs cris n'en eurent pas moins leur effet ; M. d'Aiguillon revint à son premier état, se jeta à terre, et la meunière profita de ce moment de terreur pour fuir les tendres empressements de notre héros. Sur ces entrefaites, on annonce que les Anglois sont rembarqués et qu'on leur a pris ou tué cinq ou six cents hommes. M. d'Aiguillon reparoît et reçoit des compliments. Il part pour Saint-Malo, y reçoit les remerciments dûs au libérateur de la province ; va ensuite à Rennes y faire une entrée triomphante. Les prisonniers de marque suivoient un carasse chargé de lauriers et traîné par six chevaux couverts de palmes. Tout le monde cria victoire. Ces cris furent répétés par toute la Bretagne, et la France eut la complaisance de le croire.

Cependant ceux qui étoient à Saint-Cast et les gens même du métier veulent que la réussite de la journée de l'onze [septembre 1758] estait due à M. d'Aubigny. Cela peut estre, car il est des gens qui, à force de vouloir examiner de près, ne jugent pas toujours comme le public. Il y a bien de l'apparence que ces propos parvinrent à M. d’Aiguillon et qu'il manœuvra en conséquence : M. d'Aubigny fut rappelé de la province et eut une espèce de disgrâce.

Le héros de Saint-fast, de retour à Paris où il avoit été faire voir ses prisonniers comme les preuves de sa victoire, vint tenir les Etats de 1758. L'absence de l'évêque de Rennes donnoit, si les Etats avoient été dans cette ville, la présidence au doïen des évêques. Ce doïen etoit fils d'un conseiller et avoit dans le Parlement beaucoup de parents. Le commandant, mécontent dès lors d'un corps qui commençoit à éclairer sa conduite, ne vouloit pas qu'il eût présidé ; s'il l'avoit mieux connu, il ne l'eût pas craint. La suite a prouvé que ce prélat [Note : L'évêque de Quimper. Il s'appelle Farcy. Il est arrière petit-fils d'un manœuvre des forges de Paimpont. Son grand-père y eut un poste plus éminent : son grand-père, surnommé Cuillé, en fut le directeur et y eut un intérest ; il acheta dans la suite une charge de conseiller au Parlement. Son petit-fils, neveu de l'évêque de Quimper, est actuellement président à mortier. Ainsi on pourroit avec raison dire de luy, lorsqu'il est en robe, que c'est un sac à charbon dont il est revêtu (Note du manuscrit)] étoit aussi vil esclave qu'il étoit imbécille. Que le lecteur me permette de raporter icy quatre vers qu'un homme célèbre a faits à son occasion : Farcy d'orgueil et d'arrogance, - De sottise et d'impertinence, - C'est le portrait en raccourcy - Du petit évêque Farcy.

Les Etats furent donc assemblés à Saint-Brieuc, afin de ne pas perdre l'avantage d'avoir un président du Tiers comme M. de Coniac.

En effet, le sieur Baillot [Note : Voir p. 6 du manuscrit], nommé intendant de la Rochelle en 1754, avait été obligé de se défaire de sa charge de sénéchal du présidial de Rennes, qui luy donnoit la présidence du Tiers lorsque les Etats s'assemblaient sous son ressort. M. d'Aiguillon chercha à procurer cette charge à un homme dont il eût pu disposer. Le sieur de Coniac, jeune conseiller au Parlement, fut celui que le commandant trouva digne de sa confiance. Avec peu de fortune, encore moins de naissance [Note : Le sieur de Coniac est arrière petit-fils d'un marchand de toile de Quintin ; tous ceux de son nom, ses parents, y mènent encore le commerce. Il s'est engagé dans l'infanterie à 23 ou 24 ans, et sa mère en le dégageant lui donna une charge de conseiller, qu'il remplit aussi mal qu'il avait été mauvais soldat. (Note du manuscrit)], il joint à un esprit vif et hardi une ambition demesurée. Coniac étoit un homme à tout faire ; ce fut luy que le premier commissaire du roy [Note : C'est-à-dire d'Aiguillon] choisit comme un des exécuteurs de ses projets.

A peine le don gratuit fut-il accordé par les Etats assemblés à Saint-Brieuc [en 1758], que les partisans du commandant proposèrent de frapper une médaille en son honneur, en reconnaissance de la bataille de Saint-Cast. La Noblesse s'y opposa ; mais entraînée par les deux [autres] Ordres, elle fut obligée d'y consentir...

Nous arrêtons ici nos extraits, qui contiennent à peu de chose près toute la partie intéressante de ce pamphlet. Par les méchancetés et les faussetés qu'on vient de lire contre deux anciennes et honorables familles, dont tout le crime était de suivre le parti d'Aiguillon, on juge aisément l'esprit de l'auteur il se soucie peu de dire vrai, pourvu qu'il blesse, qu'il déchire, qu'il vilipende ses adversaires, traités comme des ennemis mortels. Témoignage fort expressif de l'état des esprits, de la violence des haines et des passions politiques de ce temps : par là ce pamphlet est un curieux document d'histoire, mais le dernier à consulter pour établir sincèrement la vérité des faits.

(Arthur de la Borderie).

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