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LE TOMBEAU DE SAINT-BRIEUC

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LE TOMBEAU DE SAINT-BRIEUC DANS L'ÉGLISE SAINT-SERGE D'ANGERS (851-1793).

Sous ce titre : Retour à l'église Saint-Serge d'une relique de saint Brieuc, les pages qui suivent ont paru, sous les initiales de l'auteur, dans la Semaine religieuse du diocèse d'Angers

On veut bien se rappeler, en Bretagne, le panégyrique de saint Brieuc, prononcé dans la cathédrale du même nom par Mgr. Rumeau, le 18 avril 1915. La fête à laquelle, selon l'heureuse expression de Mgr. Morelle, l'éloquent évêque d'Angers avait été invité « pour y faire le pèlerinage du souvenir », a eu son épilogue la semaine dernière dans la résidence épiscopale de l'Esvière, puis à Saint-Serge.

Il s'agit d'un fragment appréciable des reliques de saint Brieuc offert à Monseigneur par M. le chanoine Toussaint Lecoqû, vicaire général honoraire de Mgr. Morelle, agissant au nom du très distingué prélat breton et du vénérable chapitre de la Basilique cathédrale, dont il est le doyen.

Procès-verbal de la réception du précieux fragment et de sa remise par Mgr. Rumeau à M. le chanoine Denéchère, curé-doyen de Saint-Serge, a été dressé le jour même, à la date du 15 novembre 1916, pour être conservé dans les archives du diocèse et dans celles de la paroisse. Le fait est déjà connu dans les milieux ecclésiastiques ; nous savons que son importance n'a pas échappé à l'attention des érudits ; mais il nous reste à le placer ici dans son cadre historique, afin qu'il soit permis aux lecteurs de la Semaine religieuse d'en saisir le haut intérêt. MM. les archéologues, nos amis, voudront bien nous pardonner cette incursion dans leur domaine ; d'ailleurs, nous nous faisons un plaisir de le reconnaître, les choses qu'on va lire, c'est dans leurs doctes écrits, autant que dans ceux de leurs devanciers, que nous les avons apprises.

 

I. En l'an 851, Hérispoé, duc de Bretagne, dépose le corps de saint Brieuc dans l'abbaye de Saint-Serge.

Nous voici au milieu du IXème siècle. Trois maîtres se disputent l'Anjou ; on se demande avec anxiété entre quelles mains va le laisser la fin d'une période qui est sans contredit la plus troublée et la plus obscure de notre histoire. Déjà Nominoé, duc de Bretagne, a fait le siège d'Angers ; le roi de France Charles le Chauve a bien fini par se faire rendre la ville ; mais on sent que leurs forces, même réunies, ne pourront contenir plus longtemps les « Normands de la Loire », dont les terribles voiles blanches vont se montrer devant le rocher où se dresse aujourd'hui la Baumette.

Toutefois, à une époque assez difficile à préciser, mais que les auteurs supposent être l'an 851, les Normands n'ayant pas encore paru, la paix a été conclue entre le roi de France et le duc breton. A Nominoé a succédé Hérispoé, son fils, lequel, s'il faut en croire les historiens de l'Anjou, englobe désormais dans son duché toute la rive droite de la Maine [Note : Une charte de l'abbaye de Redon débute ainsi : Ego, Erispoé, princeps Britanniæ provinciæ et usque ad Meduanum fluvium, donavi S. Salvatori etc. D. Morice. Preuves I, 294]. Il se trouve, de plus, pour des raisons qu'on ignore, possesseur de l'abbaye de Saint-Serge. Le célèbre monastère, d'origine mérovingienne, a dû souffrir des récents événements. Peut-être Hérispoé s'intéresse-t-il à sa restauration. Ce qui est certain, c'est que « pour marquer l'affection singulière qu'il lui porte, sachant aussi que l'Anjou est plus fort et en plus grande sécurité qu'aucun lieu de Bretagne contre les incursions des Normands, il y fait transporter le corps de saint Brieuc et le place dans une chapelle qui, depuis ce jour, gardera le nom de chapelle de saint Brieuc » [Note : Les reliques étaient demeurées jusqu'à cette date dans l'église de Saint-Étienne, au monastère des Vaux. Église et monastère avaient été bâtis par saint Brieuc lui-même dans une vallée où s'étend aujourd'hui la ville qui porte son nom].

Ainsi s'exprime, à la fin de XVIIème siècle, Dom Fournereau, moine bénédictin de la même abbaye, dans son Histoire, écrite en latin, de l'abbaye des Saints-Serge-et-Bach-lès-Angers. Il se hâte d'ajouter que ces faits sont confirmés par un manuscrit de la bibliothèque de Saint-Serge contenant un récit de la vie de saint Brieuc, à la fin duquel on lit en effet que les restes du premier évêque de Bretagne « furent portés par le roi Hérispoé près de la ville d'Angers et déposés avec honneur à peu de distance des remparts, dans une basilique dédiée aux saints martyrs Serge et Bach ».  

Tombeau de Saint-Brieuc

Les reliques de saint Brieuc transportées à Saint-Serge par Hérispoé. Médaillon du vitrail de Magne.  

Une autre relation, acceptée par Dom Lobineau dans ses Vies des Saints de Bretagne, nous apprend que le précieux dépôt fut apporté de la côte bretonne dans un sac de cuir de cerf, où il sera encore quatre siècles plus tard, lors de l'exhumation de 1210. Nos lecteurs ne s'étonneront pas de voir le corps du saint maintenu par les moines, ou plutôt par les « clercs » du IXème siècle, dans un reliquaire si étrange, s'ils songent que, moins de cinquante ans après cette translation, l'abbaye fut saccagée par les Normands. Les « clercs » prirent la fuite ; mais, auparavant, il fallut enterrer en lieu sûr le pieux trésor. C'était le seul moyen de le soustraire à la profanation. C'est ainsi que dans le voisinage de l'abbaye, quand la ville eut été délivrée par l'arrivée de Charles le Chauve et du duc Salomon, on vit le roi de France « faire lever en sa présence les corps de saint Aubin et de saint Lezin, que les habitants avaient cachés en terre, les faire remettre à la place où ils étaient vénérés auparavant et assister avec dévotion à la procession qui fut faite ensuite autour des saints tombeaux ».

A peine les clercs de Saint-Serge étaient-il rentrés dans leur abbaye qu'ils se voyaient disputer par la pieuse émulation des églises et des monastères les restes sacrés échappés comme par miracle à la dévastation normande. Dès l'an 961, Salvator, évêque d'Aleth, en avait porté à Paris des fragments qui furent déposés dans l'église de Saint-Barthélémy, en la cité, église aujourd'hui disparue, mais dans laquelle nous savons qu'une chapelle était dédiée au saint évêque. En 988, un autre fragment fut reçu dans la nouvelle église de Crépy-en-Valois, où il était apporté de Chartres. On signale encore à Saint-Benoît-sur-Loire, au diocèse d'Orléans, la présence d'une parcelle sortie sans doute dans le même temps de notre célèbre abbaye bénédictine.

 

II. En 1166, élévation, dans l'église Saint-Serge, des reliques de saint Brieuc, en présence de Henri II, roi d'Angleterre et comte d'Anjou.

 

Tombeau de Saint-Brieuc

Saint Brieuc. — Partie centrale du vitrail.  

Vers le milieu du XIème siècle, rapporte le rédacteur du Gallia christiana, Hubert de Vendôme, évêque d'Angers, met la dernière main à une restauration générale du monastère de Saint-Serge commencée par Rainaud, son prédécesseur. Il demande ensuite à l'abbé de Marmoutier de lui céder un moine architecte, jadis « homme de guerre », lequel avait aussi attiré l'attention de Geoffroy, comte d'Anjou. Vulgrin, c'était le nom du moine, était alors prieur de la célèbre abbaye tourangelle. Hubert de Vendôme l'attire à Saint-Serge et lui confie avec la direction de l'abbaye le soin de reconstruire l'église. Il est probable que le nouvel abbé put, sans toucher au tombeau de saint Brieuc, achever l'édifice, qui fut consacré par l'évêque Eusèbe, le 3 novembre 1059, et dont il ne reste aujourd'hui que quelques fenêtres bouchées, de rares contreforts et les murs du choeur.

Il n'est fait mention d'aucune modification apportée à cette époque à la sépulture du saint évêque de Bretagne. Tout au plus pourrait-on se demander s'il n'y aurait pas lieu d'attribuer à l'oeuvre de Vulgrin ou à l'initiative d'un de ses prédécesseurs l'introduction dans le tombeau lui-même d'une table de marbre noir, dont l'inscription servit d'authentique en deux circonstances mémorables. Dom Lobineau assure qu'elle fut trouvée dans la châsse en 1210 ; dom Fournereau écrit qu'elle était déjà dans le sarcophage lors de l'exhumation qui fut faite en présence de Henri II ; d'un autre côté la rédaction du texte gravé sur la tablette s'oppose à ce qu'on l'attribue à l'époque d'Hérispoé. Voici ce texte, tel que nous l'avons lu dans une copie du manuscrit de Dom Fournereau et tel qu'il est reproduit par Péan de la Tuilerie dans sa Description de la ville d'Angers : « Hic jacet corpus Beatissimi Confessoris Brioci Episcopi Britanniæ, quod detulit ad Basilicam istam quæ tunc temporis erat sua capella Ylispodius Rex Britannorum ». « Ici gît le corps du très heureux Confesseur Brieuc, évêque de Bretagne, lequel fut apporté par Hérispoé, roi des Bretons, à cette basilique, qui était alors sa chapelle » [Note : Ce texte, qui aurait pu aussi bien être gravé sur une lame de plomb, ou inscrit sur une bande de parchemin, n'était autre que le texte du pittacium, pièce servant d'authentique, dont les corps saints étaient accompagnés à l'intérieur des sarcophages].

Quoi qu'il en soit de l'origine de cette inscription, il est certain que c'est dans l'église bâtie par Vulgrin qu'eut lieu l'élévation du corps de saint Brieuc, mentionnée par le Gallia christiana à la date du dimanche, dernier jour de juillet de l'an 1166.

Laissons la parole à Dom Fournereau, afin de lui laisser en même temps la responsabilité de tous les détails de son récit. 

« L'une des plus célèbres actions qui se soient passées sous le gouvernement de l'abbé Guillaume fut l'élévation du corps de saint Brieuc. Cette élévation fut faite l'an 1166, en présence du roy d'Angleterre Henri II. L'Évêque d'Angers, qui se nommait aussi Guillaume et non pas Geoffroy-la-Mouche [Note : L'évêque d'Angers qui présidait était bien Geoffroy-la-Mouche, ancien clerc du roi Henri II et ancien doyen de Saint-Maurice. Mabillon, dom Lobineau et dom Fournereau ont-ils été victimes d'une erreur de copiste ? Il est plus facile de s'arrêter à cette hypothèse que de supposer fautive une charte rédigée en son temps dans l'abbaye de Saint-Serge. Voici la copie que nous a conservée Mabillon de cette charte célèbre parmi les Bénédictins de Saint-Maur : Henricus Rex Anglorum, et Dux Normannorum et Aquitanorum, et Comes Andegavorum, omnibus sanctœ Ecclesiœ Dei filiis salutem. Noverit univer­sitas vestra quod anno ab Incarnatione Domini MCLXVI, die Dominica, me prœsente, translatum est corpus S. Brioci Confessoris Episcopi in ecclesia B. Sergii, quœ est Andegavis, et honorifice repositum in eadem ecclesia, officium prœbente Guillelmo Andegavensium Episcopo, assistentibus Guillelmo ejusdem Ecclesiœ Abbate, Guillelmo B. Albani, Hugone S. Nicolai, Guillelmo B. Mauri Abbatibus, cum multo Cleri populique tripudio, Guillelmus Omnium Sanctorum Abbas huic Translationi interfuit, et Conanus Comes Britanniæ], faisait l'office, accompagné de l'abbé de Saint-Serge et de plusieurs autres ecclésiastiques [Note : Guillaume, abbé de Saint-Aubin ; Hugues, abbé de Saint-Nicolas ; Guillaume de Saint-Maur-sur-Loire ; Guillaume, abbé de Toussaint d'Angers, et Conan, comte de Bretagne]. La cour d'Angleterre suivait Henri II, comme porte l'acte qu'il en fit dresser et mettre dans la châsse où le saint corps fut déposé... ».

« Après que toute l'assemblée eut rendu les honneurs dus au mérite du Saint Pontife, les reliques furent décemment déposées dans une châsse de bois doré et argenté et le chef fut mis dans un chef d'argent doré, richement " élabouré ", et peut-être aussi aux frais du roy d'Angleterre, car nous ignorons en quel temps il aurait été fait, sinon en cette occasion... La châsse fut placée sur l'autel de la chapelle, entourée d'une grille de fer, jusque environ l'an 1643 que cet autel fut démoli pour le relever plus somptueusement et comme il se voit à présent depuis ce temps-là. Elle s'est depuis conservée dans le trésor ou reliquaire de ladite église ».

Nous aurions voulu, pour l'intérêt de notre récit, pouvoir conserver l'opinion répandue au XVIIème siècle parmi les moines de Saint-Serge, à savoir qu'au même moment où il rendait des honneurs exceptionnels au corps de saint Brieuc le roi Henri II poursuivait son absolution devant le pape Alexandre III pour l'assassinat de saint Thomas de Cantorbéry ; qu'en retour il fut « amplement récompensé » par les prières et mérites du saint évêque breton, lequel « moyenna sa réconciliation devant Dieu et les hommes et lui impétra le don d'une pénitence extraordinaire dont il étonna les siècles suivants ». Mais les religieux, qui savaient la vraie date de l'élévation des reliques, 1166, ignoraient celle de l'assassinat de saint Thomas Becket, 29 décembre 1170. Quand le roi Henri II vint à Saint-Serge, le crime sacrilège provoqué par sa parole imprudente n'était pas encore perpétré ; il devait l'être seulement quatre ans plus tard.

 

III. En 1210, l'abbé de Saint-Serge restitue une partie notable des reliques à Pierre, évêque de Saint-Brieuc.

Les religieux de Saint-Serge étaient-ils propriétaires ou seulement détenteurs du célèbre dépôt apporté par Hérispoé ? On avouera qu'au début du XIIIème siècle une prescription, pour le moins, avait eu le temps de se créer en leur faveur. De plus, dès la fin du IXème siècle, Alain, duc de Bretagne, avait fait don de l'abbaye et de toutes ses dépendances à Rainon, évêque d'Angers. Il semble que les reliques fussent aussi comprises dans la donation [Note : Le texte de la charte de donation se trouve dans l'Histoire de Bretagne de dom Lobineau, Tome II : Preuves et pièces justificatives]. Ce n'est pas ainsi que l'entendirent, durant tout le haut moyen âge, les évêques bretons. On refusa de les écouter, Sancti Brioci exuvias monachi S. Sergii sollicite custodiebant ; ils insistèrent, mais ce fut peine perdue, Briocenses episcopi, assidui depositæ rei repetitores, omnem operam eatenus perdiderant. Tel a été de tout temps le zèle des moines dans les contestations qui survenaient pour la possession des saintes reliques. Ce zèle gagnait leurs amis, jusqu'à leurs historiens ; il semble qu'aujourd'hui même le continuateur du Gallia christiana, que je viens de citer, ait voulu prendre parti, dans cette querelle d'un autre âge, contre la « mauvaise foi » des Sergiens, ab infidis sequestribus.

Enfin, un évêque de Saint-Brieuc eut l'heureuse fortune qu'avaient tentée vainement ses prédécesseurs. Ce fut l'évêque Pierre Ier, appelé déjà par erreur, du temps de Péan de la Tuilerie, Pierre Mauclerc.

On lit dans l'ancien Bréviaire de saint Brieuc cette relation dont nous empruntons, en la résumant, la traduction à Dom Lobineau : Pierre, ayant appris à son entrée que les reliques du patron de son diocèse étaient conservées dans l'église de Saint-Serge, se rendit à Angers et, ayant rassemblé dans cette église l'évêque, l'abbé du monastère avec ses religieux et tout ce qu'il y avait de personnes de distinction dans le pays, leur adressa un discours si plein de l'écriture sainte et si éloquent, qu'il triompha de tous les obstacles. Il faut dire qu'il ne sollicitait qu'une partie du corps du bienheureux patron de son diocèse. L'abbé de Saint-Serge fixa, pour ouvrir la châsse de saint Brieuc, le moment où les religieux se retireraient dans leurs cellules, après l'office de la nuit, voulant par là prévenir les murmures de quelques esprits fâcheux et mécontents. A l'heure dite, l'abbé et quelques pères mis dans le secret, revêtus d'aubes blanches, prirent au-dessus de l'autel le précieux fardeau et le déposèrent aux pieds de l'évêque. La châsse fut descellée par un orfèvre : on y trouva les ossements du saint enfermés dans un sac de cuir de cerf, avec une plaque de marbre où étaient écrits ces mots en lettres d'or : « Ici gît le corps du très heureux Confesseur Brieuc, évêque de Bretagne, lequel fut apporté par Hérispoé, roi des Bretons, à cette basilique, qui était alors sa chapelle ».

A l'ouverture du sac de cuir, racontent les Bollandistes, un parfum céleste se répandit dans le saint lieu.

L'abbé donna deux côtes, un bras et une vertèbre du cou du saint (Parumper de cervice), que l'évêque recueillit dans un vase précieux. Lorsque Pierre reprit le chemin de la Bretagne, l'évêque d'Angers, Guillaume de Beaumont, et tout son clergé l'accompagnèrent hors des murs au chant des hymnes et des cantiques. La réception des reliques dans la ville de Saint-Brieuc eut lieu avec une grande solennité, le 18 octobre 1210. Alain Ier, comte de Penthièvre, de Gouello, Guingamp, Avaucour, etc.., vint à leur rencontre avec les principaux Seigneurs du pays. Il se prosterna jusqu'à terre pour les vénérer ; après quoi, il voulut les recevoir dans ses mains pour les porter lui-même jusque dans l'église cathédrale. On dit qu'au moment où elles y entrèrent, les assistants entendirent les ossements tressaillir dans le vase où ils étaient portés, comme si saint Brieuc voulait montrer sa joie de voir ses restes sacrés revenir au milieu de son fidèle troupeau.

Tombeau de Saint-Brieuc

Pierre, évêque de Saint-Brieuc, réclamant les reliques du premier évêque de son diocèse. — Médaillon du vitrail.  

 

IV. Le tombeau est honoré jusqu'en 1789. La Révolution ne laisse plus aucune trace à Saint-Serge du culte de saint Brieuc.

On admet de moins en moins les dates données par tous les historiens de l'Anjou pour la construction du choeur de Saint-Serge, bien que ces dates aient été proposées et défendues par l'abbé Choyer dans le Congrès archéologique de France. Mais il est permis de penser avec ce dernier que la présence du corps de saint Brieuc dans la célèbre abbaye bénédictine motiva et rendit possible, grâce aux libéralités des pieux fidèles, la construction des admirables voûtes que nous y voyons aujourd'hui.

Bâti entre 1210 et 1225, le rare et précieux édifice vit grandir jusqu'à la tourmente révolutionnaire le culte du saint évêque breton. La fête principale se célébrait chaque année le 1er mai avec un grand concours de peuple. Ce jour était choisi de préférence pour dater les événements intéressant le monastère, les actes officiels, les hommages rendus par les vassaux à l'abbé de Saint-Serge, et même les chapitres généraux.

La Bibliothèque du Vatican conserve un Bref du pape Eugène IV, Bref donné à Florence à la date du 24 novembre 1442, dans lequel on lit à propos du monastère de Saint-Serge : in quo Sanctorun Briocii et sanctorum multorum aliorum reliquie venerabiliter reconduntur. Le pape accordait une indulgence aux fidèles qui consacreraient des aumônes à la restauration de l'abbaye ruinée par les guerres de cent ans et toutes sortes de fléaux. De fait, peu d'années après, commençait la construction de la nef actuelle de l'église. L'an 1451, un légat a latere de Nicola V, du titre de Saint-Martin, étant venu à Angers, donna cent jours d'indulgence à tous les fidèles qui visiteraient l'église de Saint-Serge le jour de la fête de saint Brieuc. L'indulgence était octroyée pour vingt ans. En 1618, un autre pape, Paul III, concède une indulgence plénière à tous chrétiens, confessés et communiés, qui visiteront le tombeau de saint Brieuc, le jour de sa fête, et feront des prières pour la paix de l'église, l'extirpation des hérésies et la paix entre les princes chrétiens.

J'ai lu dans la notice de Thorode que le nom de Saint-Serge-et-Saint-Brieuc était donné par quelques-uns à la célèbre abbaye. On aura quelque idée de l'éclat donné au culte public de notre saint, si j'ajoute qu'en 1626 les religieux firent placer dans sa chapelle « un orgue, petit et harmonieux, acheté aux Jacobins au prix de 250 louis ». Le tombeau, qui était de pierre dure, continuait de s'élever sur l'emplacement primitif, vers le milieu de la chapelle latérale du Nord, à gauche du choeur. Dom Fournereau dit « qu'il était proche de l'autel, mais qu'en 1643 il fut levé et reculé pour donner plus d'espace et plus de grâce à ladite chapelle, quand on la fit paver comme elle est maintenant ».

Le sarcophage lui-même était porté par cinq piliers de plus de deux pieds de haut reposant sur une pierre ardoisine de sept pieds et demi de long. Nous ne saurions dire combien de temps durèrent les peintures dont il est fait mention dans les manuscrits : « L'on m'a dit que c'est le tombeau de Monsieur Saint Briou. Autour apparoist encor en vieille peincture à la mosaicque la vye dudit sainct Briou ; il y a des personnages dont les habictz et robbes sont couvertes d'un vair d'argent avec des arminnes de sable » (Bruneau de Tartifume, 1623). Ces peintures, dites naïvement « à la mosaicque », furent-elles refaites ou augmentées de sujets nouveaux ? Ce que nous savons, c'est qu'un demi-siècle plus tard les contemporains de Dom Fournereau pouvaient voir, « dépeinte autour du tombeau de saint Brieuc, la solennité de ses obsèques ; et pour signe évident qu'il était moynne bénédictin, c'est que tout le clergé et le même saint Brieuc y sont pourtraits en habit de moynne bénédictin ».

La chapelle de saint Brieuc est en contre-bas du choeur et de la nef ; on y descend par un escalier de quatre marches en pierre dure. Le sol avait été mis, au commencement de ce siècle, au niveau du reste de l'église ; on l'a rétabli depuis dans son état primitif. La chapelle est aujourd'hui chapelle de la Sainte-Vierge ; mais un vitrail récent de Magne, exécuté à Angers (par la maison Clamens), se voit au-dessus de la place où se trouvait le tombeau. Le vitrail représente l'évêque domptant le dragon du paganisme. Au-dessus de sa tête, une flamme symbolise l'ardeur de son apostolat ; près de lui une aumônière, en souvenir des offrandes recueillies pendant le moyen âge, grâce à l'influence du saint, pour la reconstruction de l'église ; dans le médaillon du bas, l'arrivée du corps à Saint-Serge, porté par des guerriers de l'époque carolingienne ; dans celui du haut, l'évêque breton Pierre, réclamant avec la seule autorité de l'éloquence la relique pour son diocèse.

« Il y a encore dans cette église, écrivait en 1773 Péan de la Tuilerie, d'autres reliques marquées en latin ». Il donne copie d'un tableau, à la fin duquel nous lisons : Annulus S. Brioci.

C'était l'anneau de saint Brieuc, dont il est aussi parlé dans le manuscrit de Dom Fournereau, au récit de l'ouverture du tombeau faite en présence de Henri II. « L'anneau épiscopal du même saint, qui est d'or pur et plat, marqué seulement du signe de la Croix, fut mis à part et conservé dans une petite " boète " de bois doré, dans laquelle, depuis quelques années, on a mis une petite croix d'argent, qu'on dit avoir été la croix de saint Brieuc ; mais c'est sans fondement, car, depuis vingt-cinq ans que je demeure dans ce monastère, je n'ai point souvenance qu'elle ait été reconnue pour telle, mais bien de l'abbé Tillon, comme je l'ai appris de quelques anciens religieux de cette abbaye ».

Chaque année le 1er mai, le maire d'Angers venait à Saint-Serge pour y faire hommage de sa dignité, l'Hôtel de Ville étant bâti « sur un fief de l'abbaye ». Le maire était reçu par le prieur, qui lui offrait un bouquet de violettes ; ensuite, ils allaient ensemble à la chapelle de saint Brieuc pour y entendre la messe et baiser l'anneau d'or de ce saint. La fête, qui était en même temps celle de l'installation du maire, se poursuivait, avec moins de gravité, au château et sur divers points de la ville. Celui qui lira dans une relation écrite par le chapelain Lehoreau, au XVIIIème siècle, le bruyant cérémonial de cette journée municipale, se croira transporté bien loin, au sud de la Loire, dans telle autre région que caresse un soleil ardent.

A la suite d'une nouvelle forme d'élection, introduite par un édit du 31 mai de l'année précédente, ces usages furent interrompus en 1766. Ils furent ramenés le 6 juillet 1773 par l'installation du maire Allard, de son lieutenant François Prévost etc. Tous les candidats élus se transportèrent à Saint-Serge pour y faire des prières et baiser l'anneau de saint Brieuc [Note : « On fait mention du bouquet de violettes présenté par le chapelain des Raiseaux ; la compagnie reçoit les petits bouquets et les petits tambours verts ; on va prêter au château le serment de fidélité et présenter un bouquet à Madame l'abbesse du Ronceray. On serait allé à l'évêché, si l'évêque y avait été ; enfin, il y eut un dîner aux frais du maire ». Blordier-Langlois, Angers et l'Anjou sous le régime municipal]. « Ce fut, dit Blordier-Langlois, une sorte de restauration qui ne déplut pas à Angers ». Elle se maintint, cette fois sans interruption, jusqu'en 1789.

On sait la rage de destruction qui sévit dans la ville d'Angers, du 10 août 1793 au 8 février 1794. Neuf cent quatre-vingt-treize volumes ou liasses furent brûlés, parmi lesquels les chartes des principales abbayes. Le vandalisme s'attaqua ensuite aux statues, aux reliques et aux tombeaux. « Dans la nuit du 18 au 19 novembre 1793, six membres du Comité révolutionnaire d'Angers demandèrent à l'un des sacristains de Saint-Serge les clefs de l'église et, après y avoir tout saccagé, ils dirent aux deux sacristains, Jean Caillé et Pierre Gasnier " ; Vous annoncerez demain à votre curé (M. Ferré, curé constitutionnel) que nous sommes venus enlever les effets de votre église " » (Abbé Uzureau, Anjou Historique : Saint-Serge pendant la Révolution). Peu de temps après, les autels furent brisés. Ce qu'avait épargné la dévastation normande ne put échapper à la fureur révolutionnaire. Le tombeau de saint Brieuc disparut, et avec lui les corps de deux évêques d'Angers du VIIème siècle, saint Agilbert et saint Godebert, conservés et honorés depuis leur mort dans l'abbaye. Leur présence était mentionnée par les plus anciens documents du monastère ; nous pouvons lire encore dans les Chroniques de Bourdigné, (1529) : « A Sainct-Serge lez Angiers ilz ont les corps de saint Bryou, saint Gilbert et saint Godebert ».

Or, tandis que le trésor de Saint-Serge sombrait tout entier, la cathédrale de Saint-Brieuc pouvait soustraire à la profanation les reliques rapportées d'Angers, en 1210, par l'évêque Pierre.

C'est un fragment de ces précieux restes, mesurant cinq centimètres de long sur trois de large, qui est rendu aujourd'hui à la piété des habitants de Saint-Serge.

Les négociations, est-il besoin de le dire, ont eu un caractère quelque peu différent de celles qui furent engagées au début du XIIIème siècle. Conduites avec discrétion par M. le Vicaire général Toussaint Lecoqû, l'hôte aimable et toujours désiré de l'Esvière, favorisées par la douce et vieille amitié qui unit son évêque et le nôtre, celles de 1916 se sont de plus ressenties des nouveaux liens universitaires créés par le Souverain Pontife entre les deux églises d'Angers et de Saint-Brieuc.

(J.-C. Costes).

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