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L'ANCIENNE FONTAINE DE SAINT-BRIEUC

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La route montant du pont de Gouët à Saint-Brieuc côtoie le ruisseau de Lingoguet sortant de la ville qu’il a traversée du Sud au Nord. Vers les premières maisons du faubourg, s’ouvre à droite de la route une vallée secondaire formant le lit d’un ruisseau coulant de la fontaine Notre-Dame. 

Il y a quatorze cents ans, dans la seconde moitié du Vème siècle, les lieux n’avaient pas l’aspect qu’ils présentent aujourd’hui : au lieu de maisons, de jardins, de cultures et de riantes prairies, le flanc de la colline ne portait qu’un bois et d’épais halliers. Mais la configuration du sol n’était pas autre que de nos jours : Le Lingoguet et son modeste affluent se rencontraient à la même place ; et la vallée se dédoublait à leur point de jonction [Note : Vallis bina (vallée double) dans les actes, mot très exact mais qui ne peut s’entendre des deux vallées du Gouët et du Gouédic, comme plusieurs l’ont prétendu. Sur ce point, de la Villerabel, A travers le vieux Saint-Brieuc, p. 14. — Le plan du XVIIème siècle que reproduit le savant auteur donne le nom de vallée double à un îlot au-dessus du pont de Gouët. Si cet îlot a porté ce nom, c’est pure fantaisie. Fantaisie aussi, selon M. de Kerdanet, la traduction du mot Gouët par le mot Sanguis ou Sangua, traduction du mot Goad. « On a pris Gouët pour Goad, sang. On aurait mieux fait de le prendre pour Coet ou Coat, qui signifie bois ». Albert Le Grand, Vie de Saint-Brieuc, p. 251, note 3. — L’érudit Baron du Taya est du même avis. Brocéliande, p. 239]. 

Dans la seconde moitié du Vème siècle, vers 460, des bretons fuyant devant l’invasion saxonne, débarquèrent au hâvre du Légué sous la conduite d’un chef nommé Rigual. 

Aussitôt débarqués les émigrants cherchèrent un lieu où s’établir. Rigual à leur tête, ils remontèrent le Gouët par sa rive gauche, le passèrent vers le point du Pont-de-Gouët, et gravirent la colline opposée. Arrivé au confluent du Lingoguet et du ruisseau de Notre-Dame, Rigual prenant à gauche suivit le cours d’eau principal, le Lingoguet ; bientôt il arriva sur un plateau traversé par une voie pa­vée [Note : La voie romaine allant des abords de Beaulieu (route de Brest) vers le hâvre de Gesson (rive droite). — M. du Mottay en a fait une voie principale de Coz-Yeaudet à Cesson, par Lannion, La Roche-Derrien, Pontrieux, Lanvollon, etc. (Voies Romaines..., p. 161 à 163). — Cette voie se continuait de Beaulieu à Yffiniac, et la voie allant à Cesson en passant sur le site de Saint-Brieuc n’était qu’un embranchement. Nous allons trouver cette voie principale] ; à peu de distance au-delà il trouva une clairière qu’ombrageait un chêne-rouvre. 

C’est en ce lieu que Rigual établit sa demeure, ou, selon le vieux texte latin, sa cour (aula) c’est-à-dire le siège de son autorité sur la petite colonie ; la clairière sans doute défrichée est nommée dans les actes le Champ du Rouvre. C’est sur le Champ du Rouvre que s’élève la cathédrale de Saint-Brieuc. 

Les compagnons de Rigual se répandirent de proche en proche dans le voisinage. Toutefois ils s’écartèrent peu vers l'Ouest, puisqu'ils ne passèrent pas les rives escarpées du Gouët. Vers l’Est ils firent autrement. Une voie romaine coupant la forêt des abords du Champ du Rouvre au fond de la baie les invitait à descendre vers Yffiniac ; et dans cette direction ils trouvèrent d’autres émigrés bretons. Ceux-ci avaient débarqué un peu auparavant au lieu dit Brahec dans l’anse d’ Yffiniac ; et leur chef nommé Fracan s’était établi au lieu dit de son nom Ploufragan. 

Les colons de Rigual eurent bientôt passé la rivière d’Urne, qui tombe à Yffiniac. Lui-même eut un second manoir, une seconde cour au lieu nommé Lis-Hellion (aula Helioni, aujourd’hui Licelion) dans la riche presqu'île d’Hillion. 

Vingt-cinq ans après son arrivée, l’autorité et les domaines de Rigual s’étendaient ainsi du Gouët au Gouessan. 

Toutefois on peut remarquer que, au voisinage du Champ du Rouvre, sur la rampe escarpée qui descend au Gouët, la forêt n’avait pas été sérieusement entamée, et qu’un chemin vers la mer n’y avait pas été percé. Les nouveaux venus s’étaient contentés de la voie romaine traversée par Rigual auprès du Rouvre et qui allait directement au hâvre de Cesson. 

Or, vingt-cinq ans environ après Fracan et Rigual, attérit au Légué une troupe de cent soixante-neuf moines bretons. Leur chef était Brioc, déjà septuagénaire. Brioc était cousin de Rigual ; mais, si Brioc savait le passage de son cousin en Armorique, il ne soupçonnait pas sa résidence en ces parages. 

En quête d’un lieu où établir un monastère et le centre de son apostolat, Brioc prit à travers la forêt de la rive droite du Gouët, comme avait fait Rigual, et arriva bientôt au confluent du ruisseau de Notre-Dame avec le Lingoguet. Là, quelle direction va-t-il prendre ? S’il suit la vallée de gauche, le Lingoguet, il arrivera droit au Champ du Rouvre ; mais il prit sur la droite en remontant le ruisseau de Notre-Dame. 

A quelque cinquante pas, Brioc trouva une source limpide. Fatigué d’une ascension pénible à travers le bois, le vieillard se reposa ; et il puisa à la fontaine, remerciant la Providence d’avoir préparé une onde si pure pour lui et pour ses compagnons assis autour de lui. 

A ce moment survint un « chasseur » au service de Rigual. Cette troupe d’inconnus vêtus de peaux de chèvre ne lui inspire par confiance [Note : Le costume des moines bretons de cette époque était une tunique de laine gardant sa couleur naturelle et par-dessus un surtout très large dit coule, en peau, le poil en dehors. D’après le texte, Brioc et ses compagnons portaient des vêtements bruns ou roux à poil (rubeas ac hispidas vestes), expression, remarque M. de la Borderie, « qui se rapporte à la teinte fauve du poil de chèvre ». — Histoire de Bretagne. I. 300. — 514. — Il est curieux qu’un costume analogue ait été conservé par les moines de Landévenec jusqu’aux premières années du Xème siècle. On peut voir combien leur costume étonna Louis Le Débonnaire, qui leur prescrivit de suivre la règle de Saint-Benoît, déjà vieille de près de quatre siècles. — (Cartulaire de Landévenec. Ed. de M. de la Borderie, p. 75)] : il va prévenir son maître de l’arrivée des étrangers. Rigual, malade et de méchante humeur, ordonne qu’on chasse ces intrus même par la force, puis se ravisant, il fait prier leur chef de venir le trouver. 

Brioc obéit ; les deux cousins se reconnaissent ; Brioc guérit Rigual ; et celui-ci, pour témoigner sa joie et sa gratitude, abandonne à son cousin et à ses frères toutes ses possessions entre Urne et Gouët, et se retire à Lis-Hellion. Ce territoire, sauf l’étroite seigneurie de Casson, appelé par corruption le Turnegouët, a fait partie jusqu’à la Révolution du regaire de Saint-Brieuc. — Mais revenons au Vème siècle. 

La piété populaire ne pouvait manquer de consacrer la source à laquelle saint Brieuc avait puisé. Il semble bien vraisemblable qu’une chapelle l’a autrefois couverte ; et, la chapelle disparue, qui pourrait s’étonner que la tradition ait marqué la place de la fontaine ? 

Le sentier depuis élargi qui monte de la route du Gouët à Notre-Dame marque le creux du vallon de la source de Notre-Dame descendant au Lingoguet. Vers le point où saint Brieuc s’arrêta, il y avait non une seule source et une fontaine unique, mais deux sources nées à droite et à gauche du sentier, et formant chacune sa fontaine. 

A droite, la source née sur le flanc du Tertre-Buette formait une fontaine qui se déversait dans un bassin, lavoir ou douet bordé de marches en pierre. 

La croyance populaire attribuait à ces eaux une vertu curative. Beaucoup venaient s’y baigner les pieds, notamment les malheureux atteints du mal des Ardents [Note : Mal épidémique, que quelques-uns ont cru être l’ergotisme gangreneux. Ce mal qui, comme la lèpre, semblait avoir un caractère mystérieux, se nommait aussi feu sacré, feu de Saint-Laurent, feu de Saint-Antoine. L'Eglise avait consacré aux soins des Ardents un ordre religieux, les Antonins ou frères de saint Antoine (1089)] ; et telle est la persistance de la tradition qu’il y a cinquante ans à peine, des vieillards, sans plus comprendre le sens du mot, nommaient encore la fontaine et le lavoir fontaine et douet des Ardents

Sur la gauche du sentier, une seconde source, née dans le terrain compris aujourd’hui dans l’enclos de Montbareil (Religieuses de Notre-Dame de Charité du Refuge) formait une fontaine vis-à-vis de la fontaine des Ardents. Quand le sentier fut élargi, cette seconde fontaine se trouva sous l’accotement du chemin et fut recouverte d’une large dalle dite de Saint-Cast, que l’on peut encore voir en place. C’est à cette seconde fontaine que la tradition réservait le nom de Fontaine de saint Brieuc (Note : Mes souvenirs personnels, moins complets que ceux de M. l’abbé Daniel, sont conformes sur ce point. Vers 1840, mon père me conduisit à la fontaine qu’il nommait seule fontaine de saint Brieuc. Il me dit aussi que la fontaine avait été autrefois protégée par une petite chapelle. Il avait recueilli ces souvenirs pendant les années passées au collège de Saint-Brieuc, 1817-1823), et la fontaine garda ce nom même aux jours néfastes où la ville, sans devenir port, reçut le nom mal imaginé de Port-Brieuc

Cet état des lieux attesté par des souvenirs fidèles est exactement figuré sur un plan de la ville publié, il y a moins de quarante ans ; le plan donne au chemin qui séparait les deux fontaines le nom de chemin de la Fontaine de saint Brieuc (Plan de la ville de Saint-Brieuc, par E. Postel, géomètre, publié par les Tablettes statistiques, etc..., Annuaire pour 1860). 

Depuis longtemps, la fontaine et le douet des Ardents n’étaient plus visités par les malades ; mais, il y a quelques années, les deux sources coulaient encore à ciel ouvert. Même aux jours d’été, elles épanchaient libéralement leurs eaux limpides. Depuis le moine du Vème siècle, combien ont-elles désaltéré de passants montant la longue et rude rampe du Gouët à Notre-Dame ! 

Or en 1891-92, les fontaines ont été comblées [Note : « Les fontaines de Saint-Brieuc ont été comblées vandaliquement en 1891 ». M. de la Borderie. Histoire de Bretagne I. p. 303, note 4. L’éminent historien n’a pas su le nom du vandale, et c’est dommage : il allait le porter à la postérité] — Pourquoi ? Parce qu’il y a des hommes ignorant ce que tous savent autour d’eux ; ou (c’est encore pire) pour lesquels ces lointains et religieux souvenirs sont indifférents, sinon importuns. Cette destruction que déplorent encore les pauvres gens du voisinage, a-t-elle eu pour cause ignorance, insouciance ou hostilité ?... Quoiqu’il en soit, la fontaine de saint Brieuc a disparu de nos jours, et les traces qui en restent disparaîtront. La fontaine touchait presque le mur d’enclos du couvent de Montbareil à son angle nord. Il suffirait d’une croix fixée à ce mur, avec une inscription indiquant la place exacte de la Fontaine de saint Brieuc, et rappelant la première station sur le sol de l'Armorique du moine apôtre du pays, fondateur et patron de la cité. La croix se nommerait Croix de saint Brieuc

Sans ce signe visible, l’ancienne tradition sera perdue pour la génération qui nous suivra, et il y faudra peu d’années. Voyez plutôt : Beaucoup d’hommes vivent aujourd’hui qui ont puisé à la fontaine de saint Brieuc, et pourtant, eux présents, le nom de Fontaine de saint Brieuc est transféré à une fontaine voisine dite pendant des siècles Fontaine de Notre-Dame. Ce nom était emprunté au vocable de la chapelle qui la surplombe : et, à son tour, la chapelle empruntant son surnom à la fontaine, s’est nommée Notre-Dame de la Fontaine (Note : Le plan de 1860 dont j’ai parlé figure le Chemin de la Fontaine de Saint-Brieuc, et aux abords de Notre-Dame, la rue de la Fontaine Notre-Dame).

La fontaine Notre-Dame 

[Note : Sur la dualité des fontaines de saint Brieuc et de Notre-Dame. Voir A Travers le Vieux Saint-Brieuc par M. de la Villerabel, p. 14-15-93-94. Cette démonstration admise par M. de La Borderie (Histoire de Bretagne, I, p. 300) semble bien certaine. Disons pourtant que Albert Le Grand confond les deux fontaines. Dans la Vie de saint Brieuc (p. 255, édition de M. de Kerdanet), il écrit : « Ils (les moines) étaient assis près d’une fontaine » et, un peu plus loin, « Il (saint Brieuc) bâtit un petit ora­toire prés de la fontaine où il s’était premièrement arrêté, laquelle a été depuis nommée la fontaine de saint Brieuc »]. 

Dès que saint Brieuc fut en possession du vaste domaine que lui donnait Rigual, sa première pensée fut de construire une église et un monastère. Il choisit sur le Champ du Rouvre la place qu’occupe encore aujourd’hui la cathédrale. Ses moines élèveront leurs cases au voisinage de l’église. Plus tard, des habitants viendront se grouper autour de ce village monastique ; et, comme il est arrivé en tant de lieux, les moines qui cherchaient la solitude auront fondé une ville. 

A l’exemple de leur chef, les moines se mettent à l'oeuvre ; mais les constructions prendront du temps ; en attendant qu’elles s’achèvent, il faut un oratoire, un lieu de prière qui soit le centre de ralliement des frères dispersés dans les divers ateliers ; pour cette raison, il faut à l’oratoire le voisinage d’une fontaine. Or, un peu au-dessus de la source dont nous avons parlé, coule une autre source bien plus abondante et non moins limpide. C’est ce lieu que saint Brieuc choisit ; et il construisit l’oratoire au flanc du rocher au-dessus de la source [Note : Si l’on en croyait Déric, ce serait de cette situation de l’oratoire que Brioc aurait pris son nom : « Saint Brieuc a emprunté son nom de bri, rocher, et d’oc, vis-à-vis : ainsi par le terme Brioc, on entendait un homme qui habitait vis-à-vis d’un rocher ». - « Ce saint s’appelle encore Briomacle, ce qui exprime la bonté de son caractère et son attrait pour la solitude. Briomacle est formé de bri, rocher, d’oc vis-à-vis, de ma, bon et de clé, qui se cache ; bon homme qui se cache dans un lieu qui est vis-à-vis d’un rocher ». Tant de choses en un mot, n’est-ce pas admirable ! Déric. (Histoire Ecclésiastique de Bretagne, I, p. 325)]. 

Grâce au voisinage de l’oratoire et plus heureuse que la fontaine de saint Brieuc, la fontaine de Notre-Dame, subsiste ; elle a même pris sa part des honneurs rendus à l’oratoire. L’oratoire a été recouvert d’une chapelle ; la fontaine a été couronnée de l’édicule dont je parlerai plus loin ; comme l’oratoire et la chapelle, la fontaine a reçu la visite de nombreux pèlerins, et comme eux, elle a son histoire. 

La source nommée d’abord Orel aurait-elle été comme on l’a écrit, consacrée par les druides ? On pourrait répondre que, au temps de saint Brieuc, le druidisme avait disparu depuis longtemps. Mais restait-il attaché à la source quelque souvenir de l’ancien polythéïsme? Saint Brieuc eut-il à substituer au culte d’une divinité païenne le culte de la Vierge Marie ? Quoi qu’il en soit, il est permis de croire que, de bonne heure et peut-être dès le VIème siècle, le vocable de la Vierge Mère, traduit plus tard par le nom de Notre-Dame, appartint à la chapelle et à la fontaine contigüe (Note : Sur la Fontaine Notre-Dame, M. de la Villerabel, p. 93 et suivantes. C’est là que l’auteur parle du douet des Ardents dont il aurait dû parler à propos de la Fontaine de Saint-Brieuc, p. 14 et 15).

J. Trévédy - 1897

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