Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA COLLEGIALE DE SAINT-GUILLAUME

  Retour page d'accueil       Retour " Ville de Saint-Brieuc "   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

La longue rue Saint-Guillaume, qui rappelle aux Briochins un de leurs évêques les plus populaires, [Note : En dépit du mot, devenu proverbial, d'un panégyriste de ce grand évêque : « saint Guillaume, mes frères, était né à Saint-Alban, ou ailleurs… » une tradition ininterrompue de plus de sept siècles, ainsi que tous nos hagiographes bretons, disent que Guillaume Pichon (ou Pinchon ?) naquit à Saint-Alban, au diocèse de Saint-Brieuc, et non ailleurs, à la fin du XIIème siècle. Les barons de Longueville et de Parempuyre, de la très ancienne maison de Pichon, en Guyenne et Gascogne, revendiquent ce saint Evêque comme étant des leurs. Cette famille porte un agneau dans ses armes, or de vieilles effigies de saint Guillaume reproduisent parfois son image accostée également d'un agneau (Archives départementales de la Gironde. Fonds du Parlement de Bordeaux. Archives du château de Pichon-Longueville, en Médoc)] nous conduit à la chapelle qui a remplacé l'antique Collégiale, érigée au XIIIème siècle en souvenir de Guillaume Pichon, qui venait d'être canonisé [Note : Détruite par la Révolution, l'ancienne Collégiale de Saint-Guillaume revit dans une élégante chapelle gothique, élevée, il y a une quarantaine d'année, avec le concours des vieilles familles du pays, par les soins de MM. les abbés Souchet, chanoine ; Epivent, curé, et Collin, directeur de la maîtrise de la Cathédrale. C'est le sanctuaire de notre ville où l'on entend la meilleure musique religieuse, exécutée par la maîtrise de la Cathédrale, sous l'habile direction des abbés Collin]. Jusque-là un très vieux sanctuaire, dédié à Notre-Dame-de-la-Porte, remontant, suivant la tradition, au Xème siècle, avait été vénéré par nos pères, jaloux de confier à la garde de Notre-Dame l'entrée de leur ville, du côté de la Haute-Bretagne. A défaut de débris archéologiques, deux belles fresques de Gouëzou, le peintre briochin, rappellent de pieux et lointains souvenirs : l'une, l'Apostolat de saint Brieuc, évangélisant sur la terre de granit recouverte de chênes, druides et druidesses, guerriers et peuple d'Armorique ; l'autre, la Charité de saint Guillaume, qui vend à des Juifs les trésors de son église, pour nourrir ses pauvres [Note : « En l'esglise Sainct Guillaume, il y a le peigne d'ivoire dont Sainct Guillaume se servait, son estole, partie de son surpelis et deux mitaines faites à l'aiguille » (Extraits des Mss. inédits du P. du Paz. Archives de la Villerabel). Ces précieuses reliques que le P. du Paz signalait, au commencement du XVIIème siècle, dans le trésor de la Collégiale de Saint-Guillaume, existent encore. Malheureusement la grande marmite que le saint Evêque, lui-même, faisoit bouillir nuit et jour, au temps de disette, et que le chroniqueur La Devison nomme le précieux gaige et riche joyau de la Cathédrale de Saint-Brieuc, ne s'y retrouve plus. Les mitaines de Saint-Guillaume font actuellement partie du trésor de l'Eglise Saint-Michel ; le peigne appartient au trésor de la Cathédrale].

Eglise Saint-Guillaume de Saint-Brieuc (Bretagne).

Seul l'enfeu des seigneurs de la Ville-Bougault, dans lequel on a momentanément couché la statue tumulaire de saint Guillaume expulsé de sa Cathédrale, est resté intact avec un vieux pan de murailles, pendant que le château de cette famille, voisin de la Ville, n'existe plus que par son joli mail et son vieux colombier entouré d'eaux vives [Note : Après avoir exalté la valeur héréditaire des Budes, le panégyriste du maréchal de Guébriant rappelle en ces termes le Combat de la Ville‑Bougault, 1592, suivi de la prise de la Tour de Cesson, qu'il nomme la journée de Saint-Brieuc : « Et mesme tout récemment, en ces guerres qui se sont esmues en France pour la Religion ; où plusieurs d'entre eux faisans paroistre leur foy tout ensemble à leur Dieu et à leur Prince, ont fait des actions très généreuses et très notables ; voire mesme pour montrer que le cours de leur gloire et de leur vertu n'a point esté interrompu jusqu'ici, plusieurs qui vivent encore peuvent témoigner avoir veu le baron du Hirel, oncle de nostre grand Mareschal, servant son Roy Henri IV, en la journée de Saint‑Brieuc où ayant esté blesse peu après, il ne laissa pas d'aller forcer une petite place appelée Quilliers, en laquelle il mourut d'une seconde blessure, au milieu de ses victoires ». — (Oraison funèbre prononcée dans l'Eglise Notre-Dame de Paris, au service solennel fait par l'ordre du Roy, le 8 de juin 1644, pour l'enterrement de Monsieur le Mareschal de Guébriant, par messire Nicolas Grillié, évesque et comte d'Uzèz. — A Paris, M.DC.LVI)].

Eglise Saint-Guillaume de Saint-Brieuc (Bretagne).

Que sont devenues les vieilles images, richement nippées suivant l'usage de Basse-Bretagne, de la Bienheureuse Madame Sainte-Anne, de Notre-Dame-de-Lorette, auxquelles nos grand'-mères léguaient pieusement, en mourant, la plus belle de leurs robes ? Qu'est devenu le célèbre Bon-Dieu­de-Pitié de la Collégiale, un Ecce-Homo si triste qu'on disait dans le peuple proverbialement « Triste comme le Bon Dieu de Saint-Guillaume ! ».

La Collégiale conserva très tard le Ciborium antique, ostensoir de cristal et de métal précieux, affectant la forme d'une colombe, dans lequel on conservait les saintes Espèces, suspendu à la volute d'une crosse monumentale, au-dessus du Maître-Autel. Cette crosse du ciborium de Saint-Guillaume existe encore au Musée de la ville.

Une modeste clairevoie, en lames de bois terminées en lances et séparant le chœur du reste de l'église, devenait à certains jours une barrière lumineuse, grâce aux cierges et chandelles qui brillaient chacune de ses pointes.

Eglise Saint-Guillaume de Saint-Brieuc (Bretagne).

Le dimanche de Reminiscere, en l'an 1480, dut être une journée pleine d'émotions pour les âmes sensibles du quartier Saint-Guillaume. Une pieuse femme, nommée Robine Le François, après avoir fait voeu de viduité, continence et chasteté, entre les mains de l'évêque Christophe de Penmarc'h, fut solennellement enclose et murée en une logette, appelée depuis la Maison de la Grille, attenante à cette chapelle Saint-Guillaume. Au moyen-âge, les cellules de ces Recluses étaient d'étroites cases en maçonnerie communiquant avec l'extérieur par deux fenêtres grillées, l'une du côté de l'église, pour entendre l'office divin, l'autre sur la rue, pour recevoir chaque jour la nourriture, à laquelle la charité publique pourvoyait toujours avec une pieuse sollicitude. Christophe de Penmarc'h allait souvent consulter cette sainte femme, qui passait pour l'Ange du Bon Conseil, et son testament porte cette phrase touchante : « Item, je donne et lègue à ma Recluse, pour l'ayder à vivre et pour prier Dieu pour moy, la somme et livres de 100 livres monnoye une fois payez ») [Note : Testament de Christophe de Penmarc'h, 16 décembre 1504. (Origines aux Archives dép. Fonds de l'Evêché de Saint-Brieuc)].

C'était aussi en cette chapelle Saint-Guillaume que, lors de leur Joyeuse entrée, les Evêques de Saint-Brieuc, après avoir franchi la porte Notre-Dame, venaient s'agenouiller tout d'abord et revêtir leurs habits pontificaux. Puis commençait le défilé imposant du cortège et la très curieuse cérémonie que vous savez.

Rue Saint-Guillaume de Saint-Brieuc (Bretagne).

L'abbé Ruffelet, chanoine de Saint-Guillaume, a laissé, sur son église, des notes nombreuses auxquelles nous empruntons ce qui suit : « La Collégiale de Saint-Guillaume est située sur le fief du Roi. En 1718 et 1719, les chanoines de la Cathédrale intentèrent procès à ceux de la Collégiale et prétendirent que la Collégiale étoit sur leur fief ; les chanoines de la Collégiale contestèrent ce droit et soutinrent que leur église, étant de fondation ducale, ne devait relever que de nos Rois, successeurs de nos Ducs, et ils le prouvèrent. Il semble que les 19 chanoines qui composent actuellement le Chapitre de Saint-Guillaume ne sont pas tous de la première fondation et que des seigneurs particuliers fondèrent dans la suite des places de chanoines pour leurs chapelains. Il y en a six de la sorte » [Note : « 1° Le chapelain des Anniversaires (fondation du seigneur de Hillion) ; 2° le seigneur du Tertre-Jouan et de la Ville-Gaudu a son chapelain ; 3° le seigneur de Pordic nomme à la chapelainie nommée la Jaille ; 4° la quatrième chapelainie est celle de St-Sébastien, hypothéquée sur la métairie de la Ville-Bréhu (Brexin?) en Ploufragan ; 5° les Malets, fondée à ce que l'on croit par le seigneur de la Villeaubri, du Guélambert, et de Robien ; 6° la chapelainie des Ernots. L'Eglise Saint-Guillaume ne consistoit originairement que dans la nef et le choeur. L'autel étoit in-plano, et au-dessus trois grandes fenêtres. Au bas de la nef étoit la tour, qui, étant tombée en ruines, fut rebâtie vers l'an 1500. Il n'y avoit que la seule grande porte au-dessous de la tour, vis-à-vis de laquelle étoit une grande place, où est aujourd'hui le jardin des Ursulines (Champ‑de-Mars actuel) ; les chanoines y avoient autrefois droit de foire, le lendemain de l'Assomption de la Vierge, fête patronale de leur église, avant qu'elle fût dédiée à Saint-Guillaume. — Parmi les Obits : celui des Le Joncour pour un Missel manuscrit. — On croit que le tombeau qui se voit dans le choeur du côté de l'épître est celui de Jean de Plédran, qui vivoit en 1414 » (Mss. Ruffelet)].

Rue Saint-Guillaume de Saint-Brieuc (Bretagne).

A part son mouvement commercial, assez actif de tout temps, rien de particulier à signaler dans cette rue Saint-Guillaume, dont les dernières maisons pittoresques disparaissent chaque jour. Elle comptait cependant quelques vieilles demeures, au milieu du siècle dernier, les hôtels Landais, de la Villehelio, de Hac, Folleville, Kervégan, Des Nos, ainsi que plusieurs maisons prébendales, entre autres la maison du Diaconat. L'Hôtel Tréveneuc était plus près du vieux Marché-au-Bled.

La Corbe-Rue, maintenant la Rue-Courbe, dans laquelle débouchait la Venelle-Chapitre, ainsi nommée du Four-banal de Messieurs les Chanoines, non loin de la maison de la Rechignerie, mettait en communication immédiate le quartier Saint-Guillaume avec le centre de la ville. Mais, que de tours et de détours ! [Note : Aux XVIème et XVIIème siècles, Saint-Brieuc était divisé, pour la répartition de l'impôt, l'esgail, comme on disait alors, en onze quartiers, savoir : Martroy, Fardel, Quenqnenne (sic), Gouët, Grand'Rue, Saint-Guillaume, rue Jouallan, Saint-Gouéno, Saint-Pierre, les Villages et Saint-Michel. Pour la milice bourgeoise, Saint-Brieuc comprenait six quartiers, savoir : Fardel, Martroy, Gouët, Saint-Gouéno, Saint-Guillaume et Villages. Ces compagnies ayant pour état-major un colonel et capitaine-commandant, un major, un aide-major, un second aide-major, comprenaient chacun un capitaine, un capitaine en second, un lieutenant, un lieutenant en second, un enseigne et un second enseigne]. Ce devait être une vraie difficulté de se retrouver, le soir, dans ces venelles plus ou moins corbes et biscornues ; notez que l'éclairage y était inconnu. Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, où quelques quinquets fumeux furent appendus aux endroits les plus hantés, les règlements de police enjoignirent aux particuliers de se munir de fallots et lanternes, à partir de sept heures. Lorsque l'Evêque, le Gouverneur ou quelqu'autre dignitaire de la cité devait sortir le soir, la Ville lui envoyait galamment ses hérauts avec des torches [Note : Livres des Comptes particuliers de l'Evêché, au siècle dernier. Nous voyons, par ces mêmes comptes, que lorsque Mgr. de Bellescize se rendait en villégiature à son manoir des Chastelets, en Ploufragan, il y allait en litière, en chaise à porteurs ou à cheval, sur le cheval du séminaire. Ce qui prouve que les chemins étaient à peine carrossables (Archives de l'Evêché)]. De là ce va et vient de lumignons errants, à la tombée de la nuit, à l'heure de la veillée, dans nos petites villes de province, éclairant ces chaises-à-porteurs, regrettées de nos jours encore.

Rue Saint-Guillaume de Saint-Brieuc (Bretagne).

En revanche notre bonne ville se payait le luxe d'une Glacière, dès le XVIIème siècle, et dépensait pais mal d'argent pour l'entretenir toujours en bon état. Cela dénote des goûts aristocratiques qui l'honorent, mais que l'on explique moins que son économie de bouts de chandelles [Note : Règlements divers de la Communauté de ville (Archives de la Villerabel). Ce ne fut également que vers la fin du XVIIIème siècle, que Saint-Brieuc acheta deux pompes à feu, à la suite de l'incendie du four du Chapitre].

Ces rues durent être fort animées, le 10 novembre 1720, un cortège funèbre, celui d'un évêque que le peuple se plaisait à proclamer un saint, était attendu. « Monseigneur Louis de Frétat de Boissieux, lisons-nous sur les registres des Sépultures de la paroisse Saint-Michel, a esté transporté d'Ancenis, où les Estats de Bretagne étoient convoqués, icy, le 10 novembre, et a esté enterré dans l'Eglise Cathédrale, par Monseigneur de Saint-Malo, tout le clergé présent, le sr. Trébouta portant l’estole à l'ordinaire, depuis la porte de Rennes, à l'entrée de cette ville, jusqu'à la Cathédrale, où il fut exposé dans la Chapelle de la Recherche. Signé, Trébouta » [Note : Extrait des Registres des décès de la paroisse Saint-Michel de Saint-Brieuc, année 1720 (Archives du Greffe du Tribunal de Saint-Brieuc). M. de la Belleissue-Limon, contemporain de ce prélat, qui, en dépit des dévastations qu'il opéra dans sa Cathédrale, laissa une mémoire vénérée, ajoute : « Pendant les six jours qu'il a été exposé dans la chapelle derrière le choeur, c'étoit une affluence de monde de toutes parts, pendant lequel temps, le bruit commun est qu'il se fit beaucoup de guérisons miraculeuses, ce qui a redoublé la ferveur des prières et causé que tout le monde s'empressoit d'avoir des morceaux du bois de sa chasse et d'y faire toucher ses heures et chapelets. Un révérend Père capucin a fait son oraison funèbre, le jour de l'enterrement, qui excita les larmes de toute l'assemblée pour la perte d'un si saint homme. Requiescat in pace ! Armoricæ Præsul, ducis de morte triumphum : Æternam moriens famam hic et ubique relinquis ! » (Miscellanées Briochines. Mss. de la Belleissue-Lymon. Archives de la Villerabel)]. La population tout entière se releva constamment autour de sa dépouille mortelle à laquelle on faisait toucher des objets de piété, ce prélat étant regardé comme mort en odeur de sainteté.

Place Saint-Guillaume de Saint-Brieuc (Bretagne).

La Collégiale de Saint-Guillaume et ses jardins étaient entourés, au nord, par la petite place Sainte-Anne, à l'ouest, par le Pré-Tison, au fief du Tertre-Jouan [Note : Le fief du Tertre-Jouan, dont le siège était à Ploufragan, appartenait aux Budes, qui devaient donner à Saint-Brieuc un maréchal de France, digne héritier de l'un de nos plus vaillants capitaines du moyen-âge, Sylvestre Budes, sous la bannière duquel nos pères s'illustrèrent en France, en Espagne, en Italie. Mais ce ne fut pas seulement de la gloire qu'ils conquirent, la mort tragique du héros devait encore leur obtenir un privilège fort apprécié. Pour reconnaître les services de Sylvestre Budes et de ses compagnons, qui avaient vigoureusement soutenu ses droits contestés, durant le schisme d'Occident, le pape Clément VII voulut que seigneurs et paysans, tenanciers et estagers, qui avaient accompagné Budes dans son expédition d'Italie, jouissent à toujours d'un champ de terre franc de toute dixme, par domaine. Un certain nombre de métairies de nos paroisses voisines et des Villages de Saint-Brieuc possèdent encore leurs Champs-francs, mais le privilège glorieux du XIVème siècle, populaire s'il en fut, la Révolution en a fait litière (Voir Gestes des Bretons en Italie au XIVème siècle, aux Mémoires de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, T. XXVII)], (ancien enclos des Ursulines), au sud et à l'est, par la place à l'Avoir ou à l'Avoine, qui les séparait des remparts et se prolongeait jusqu'à la Croix-Guibour. La ville devait acheter, en 1783, cette place appartenant au Chapitre de Saint-Guillaume, pour en faire une place d'armes et un champ de foire. Ce fut le coup de grâce des remparts et de la Porte Saint-Guillaume, elle-même, dont les massives assises et les toits aigus ne devaient pas manquer d'un certain pittoresque pour ceux qui gravissaient la côte escarpée de Gouëdic [Note : Comptes de N. H. Salomon Compadre, Scindicq et Miseur, pour les années 1684 à 1686. — « A Robert Le Mée, couvreur d'ardoises, pour avoir par différentes fois couvert sur le Pavillon de la Porte Saint-Guillaume de lad. Ville … 23 livres 11 sols ». (Archives de la Villerabel)]. Cette entrée de ville perdait ainsi son cachet féodal.

La nouvelle place d'armes, au début de la Révolution, devait être témoin des parades militaires de la jeunesse briochine, exaltée par les fêtes patriotiques, auxquelles présidaient le sénéchal Palasne de Champeaux et le maire Poulain de Corbion, bientôt remplacé par M. Bagot, lorsque MM. de Corbion et de Champeaux furent députés aux Etats Généraux de 1789 [Note : M. Bagot, descendant des vieux Syndics briochins et d'une famille très considérée dans le pays (à laquelle appartenait le célèbre Père Bagot, l'un des fondateurs du séminaire des Missions-Etrangères, au XVIIème siècle), était un médecin en grande réputation. Elu maire de la ville de Saint-Brieuc, le 8 février 1790, par trois assemblées primaires réunies séparément dans les chapelles N.-D.-de-la-Fontaine, de Saint-Pierre et du Collège, M. Bagot eut pour collègues, M. Gourlay, procureur de la commune, et pour officiers municipaux, MM. Droguet, Jouannin, Hillion, recteur de la paroisse, Le Mée, Besné de la Hauteville, Bourel-Villaudoré, Le Meur, Barbedienne, Lorin, Isidore Gaultier, Deschamps-Oisel, Guimart, Beauchemin, Gaultier, Le Roux, Hinault, Meunier]. Tout d'abord l'enthousiasme fut général. Les Trois-Ordres, lisons-nous dans les documents contemporains, n'eurent qu'un coeur et qu'une âme pour saluer l'aurore de la liberté, à la suite du reste des plus grands seigneurs de France et du Roi lui-même.

On sait comment ces bonnes intentions de réformes devaient en venir, en dépit de ces hommes qui n'avaient pas pour eux l'expérience, à la destruction de l'édifice séculaire de la vieille monarchie française, qu'ils s'efforcèrent plus tard, mais en vain, de maintenir debout, après en avoir sapé la base.

Ce fut sur cette place, appelée depuis place Necker, que devaient se dresser l'échafaud révolutionnaire et s'accomplir les exécutions sanglantes.

Elle était tout près de là la vieille prison de la ville, avec ses cellules, ses promenoirs aux massifs corbelets, ses grilles et ses portes de fer, à l'aspect sinistre, que firent sauter les Chouans, dans la nuit du 27 octobre 1799, pour en arracher deux à trois cents prisonniers.

Hâtons-nous de le dire, grâce au dévouement, à l'énergie de ses Magistrats et de ses administrateurs, tous hommes du pays et réfractaires aux doctrines sanguinaires, notre ville n'eut à pleurer que sur un nombre relativement restreint de victimes, alors que toutes nos cités importantes de Bretagne subissaient les hétacombes provoquées par les farouches missionnaires de la Terreur. La mémoire de ces hommes courageux, qui ne craignirent pas de conserver et d'exercer le pouvoir, en ces jours terribles, doit être entourée d'estime, d'une sincère reconnaissance. La chronique particulière d'un grand nombre de familles briochines est pleine des actes courageux de ces magistrats, qui sauvèrent les têtes et les biens de plusieurs de leurs concitoyens, recelant sous leur propre toit, prêtres et émigrés, girondins et proscrits de toutes sortes, au péril de leur vie, alors qu'ils étaient chargés, eux‑mêmes, de promulguer des arrêts de mort. Mais éloignons-nous de ces souvenirs et achevons notre course travers nos monuments du passé, très rares en ce quartier. Saluons toutefois cette statue d'un héros, élevée sur l'emplacement des anciennes fortifications à Du Guesclin, notre immortel connétable, l'ami de Pierre du Boisboissel, dont le nom est sur toutes les lèvres et dans tous les coeurs [Note : Cette statue de pierre blanche, du sculpteur Barrême, de Nantes, inaugurée en 1824, est d'un bon style]. De beaux arbres, qui dépérissent chaque jour, font encore un agréable rempart de verdure à ce boulevard Du Guesclin, et à leur ombre, marchands forains, saltimbanques et pitres établissent régulièrement leur bruyant empire.

Saint-Brieuc (Bretagne) : cathédrale Saint-Etienne (chapelle de Saint-Guillaume)

Que sont devenues, au milieu de toutes nos transformations, deux reliques inexpliquées de l'époque mégalithique, la Pierre-és-Sonnoux et la caverne de Madame la Nuit, de mystérieuse mémoire ? La première, pierre sonnante peut-être à l'origine, affectant la forme d'une rondelle grossièrement entaillée de quatre encoches, incrustée dans le talus du petit chemin conduisant au Moulin au Chaix, remplacé aujourd'hui et singulièrement élargi sous le nom de Boulevard National. Cette pierre faisait la joie des enfants sinon la sécurité des parents. On invitait les simples à appuyer l'oreille pour entendre le chant des fées ; alors le mauvais plaisant de la troupe poussait brusquement contre la pierre la tête du mélomane, qui se contentait d'ordinaire d'une première audition de cette Pierre-ès-Sonnoux.

Quant à la caverne de Madame la Nuit, c'était une excavation béante formée par de grandes roches, à l'entrée de la rue Notre-Dame, dans le terrain en élévation où l'on a bâti depuis la Cité ouvrière. Etait-ce un reste d'allée couverte ? de souterrain ? toujours est-il que les bruits les plus incohérents circulaient sur ce trou sombre, au fond duquel les enfants jetaient furtivement un caillou puis s'échappaient avec effroi. Cette caverne de Madame la Nuit se rattachait-elle à l'établissement druidique du champ voisin appelé Champ de la pierre, où l'on voyait les débris d'un menhir abattu, disait la tradition, par l'apôtre Brieuc, lorsqu'il bâtissait son oratoire près de Fontaine-Orel ? (Arthur Du Bois de la Villerabel, 1891).

 © Copyright - Tous droits réservés.