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LE COLLEGE DE SAINT-BRIEUC du XVI au XIXème siècle

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Première Période.

En parlant de notre ancien collège, au moment où l'on vient d'en abattre le dernier débris, je me propose non-seulement de réveiller dans les coeurs un pieux souvenir, celui des premières études, mais surtout de constater la part si large qui revenait, dans l'oeuvre de l'instruction publique, au clergé du diocèse et à la municipalité de Saint-Brieuc. 

L'histoire du collège de Saint-Brieuc se divise en deux périodes d'un caractère bien distinct : l'une, antérieure à la révolution de 1789 ; l'autre, postérieure à cette révolution. Pendant la première, l'établissement a été confié à des ecclésiastiques dans un local aujourd'hui abandonné ; pendant la seconde, la direction laïque a généralement prévalu, et le vieux monastère, où le collège avait, reçu un asile, a été reconstruit pour faire place au Lycée. 

Malgré le vif désir, qu'on éprouve si naturellement, de suivre, pendant le moyen-âge, les traces de l'instruction publique à Saint-Brieuc, il faut se borner à dire qu'il y avait, à cette époque, dans notre ville un scholastique. Le scholastique possédait une des prébendes ou bénéfices (Note : On appelait ainsi le revenu de certains biens dont jouissait le prêtre ou le clerc, qui rendait à une église des services prescrits par les canons ou par la fondation. La prébende pouvait dépendre d'un canonicat, ou en être distincte) de la cathédrale, et s'occupait, comme l'indique son nom, du soin des écoles. Il représentait cet enseignement général et public remis par Charlemagne aux mains du clergé, le seul corps qui en eût sauvé la tradition pendant l'époque mérovingienne. Après le démembrement de l'empire carovingien, l'Eglise avait conservé dans ses cathédrales et ses monastères l'enseignement sans contrôle, et nous savons combien, à Paris par exemple, le chancelier de Notre-Dame exerçait, d'une manière absolue, la prérogative d'accorder la licence, ou permission d'enseigner dans l'étendue de sa juridiction. 

Au XIIIème siècle apparurent les Universités, qui tendirent bientôt à se rendre indépendantes du pouvoir civil, des chapitres et des évêques, et formèrent des corps savants, ayant le privilège de l'enseignement sous toutes les formes et le droit de conférer les grades. 

Mais déjà la royauté française marchait, à grands pas, vers l'unité du pouvoir. Elle ne pouvait laisser l'enseignement public en dehors de son action ; aussi Philippe-le-Bel revendiqua-t-il le droit de contrôle sur l'éducation de la jeunesse, lorsque, par son ordonnance de 1312, il réorganisa l'université d'Orléans. Philippe de Valois, Charles VII et Louis XI placèrent la grande université, celle de Paris, sous la juridiction du Prévôt, puis du Parlement. C'était tout une révolution, dit M. Troplong. En effet, à partir de ce moment, dans l'instruction comme ailleurs, les jurisconsultes firent reconnaître la suprématie royale, et la jurisprudence des Parlements ne fit qu'en fortifier l'empire. 

Cette action de la royauté fut plus lente en dehors des centres universitaires. A Saint-Brieuc, l'évêque et, sous l'autorité du Prélat, le scholastique s'occupèrent seuls de diriger, l'instruction jusqu'à la fin du XVIème siècle, et personne ne leur en disputa le privilège, parce que l'évêque avait conservé, comme au moyen-âge, le pouvoir civil et politique : chef du diocèse, il était aussi seigneur du fief et de la juridiction [Note : Le fief épiscopal, connu sous le nom de fief des Regaires, s'étendait dans la ville de Saint-Brieuc et plusieurs paroisses voisines. Il relevait directement du Roi et donnait à l'Evêque une place de premier ordre dans la hiérarchie féodale. — Par Juridiction, on entendait le droit de rendre la justice, et le territoire où ce droit s'exerçait. Celle des Regaires (haute-justice) ressortissait au Parlement de Bretagne, qui prenait connaissance des causes par voie d'appel. — Le Sénéchal, dont il sera parlé plus loin, était le juge principal d'une juridiction ; il cumulait des attributions à la fois administratives et judiciaires]. Ce n'est qu'en 1560 que la royauté intervint pour réorganiser l'antique école de la cathédrale, et encore cette mesure ne prouve-t-elle pas contre l'état de l'instruction à Saint-Brieuc, car elle fut appliquée à toutes les villes épiscopales de France. Cette date de 1560 mérite d'être remarquée : c'est en effet dans une époque bien agitée, au commencement des guerres de la Ligue, que la sollicitude du pouvoir royal est éveillée, en faveur de l'instruction publique comme de la législation, par nos grands jurisconsultes et par les Etats du Royaume. 

L'ordonnance d'Orléans, rendue par Charles IX, au mois de janvier 1560, sur plusieurs points d'administration générale, d'après les plaintes et remontrances des Etats, contient 150 articles, dont plusieurs concernent l'enseignement. Le neuvième, consacré au précepteur, est ainsi conçu : « Outre la prébende théologale (Note : L'article 8, relatif à cette prébende théologale, doit être mentionné ici, car, en même temps qu'il impose une singulière discipline à l'enseignement théologique, il explique la portée que nous devons donner à l'article 9 : ART. 8. — En chacune église cathédrale ou collégiale sera réservée une prébende affectée à un docteur en théologie, de laquelle il sera pourvu par l'archevêque, évêque, ou chapitre, à la charge qu'il prêchera et annoncera la parole de Dieu chacun jour de dimanche et festes solennelles. Et ès autres jours, il fera et continuera trois fois la semaine une leçon publique de l'Ecriture-Sainte, et sont tenus et contraints les chanoines y assister par privation de leur distribution), une autre prébende ou le revenu d'icelle demeurera destiné pour l'entretenement d'un précepteur qui sera tenu, moyennant ce, instruire les jeunes enfants de la ville gratuitement et, sans salaire, lequel précepteur sera élu par l'archevêque ou évêque du lieu, appelez les chanoines de leur église et les maire, échevins, conseillers ou capitouls de la ville, et destituable par ledit archevêque ou évêque, par l'avis des susdits »

Les municipalités devenues ainsi les auxiliaires de la royauté pour surveiller l'enseignement, sans toutefois en sup­porter les charges, prirent au sérieux cette mission. Le conseil de ville de Saint-Brieuc élargit même le cercle de ses attributions et, le 13 juillet 1565, maîtres Yves Le Nepvou et Jehan Henry, se disant « procureurs des bourgeois, manans et habitants de Saint-Brieuc » présentaient requête au sénéchal de la juridiction, demandant : « que il leurs soict baille le reveneu de deulx prebendes de leglise cathedralle de St. Brieu pour lentretenement dun maitre descolle et docteur en teologie » ; qu'on procédât à l'élection d'un évêque, vu la vacance du siége ; et que, pendant cette vacance, le revenu fût régi par commissaires. 

Sur les deux derniers points, il fut répondu par le vicaire-général et le chapitre que messire Nicolas Langelier, canoniquement pourvu de l'évêché, en avait pris possession par procureur, dès le 10 juin. Quant aux prébendes, il fut bien reconnu « quil y a une dignite en ladite eglise quon appelle le scholastique, le reveneu duquel benefice est affecte pour lentretenement de celuy qui en est pourveu, a la charge d'instruire ou fere instruire les anfans de la ville de S. Brieu, lequel reveneu est plus grand et ample que le reveneu dune prebende, et nest celuy qui est pourveu dudit benefice de scolastique aucunement subject au service divin et ne doibt, come dict est, que dinstruire ou bailler maistre aux anfans de ladite ville, autrement que lorsqu'il residroit, d'assister a monsieur levesque, lorsquil officie aux bonnes festes »

Messire Nicolas Langelier ayant fait son entrée à Saint-Brieuc, au mois de Mars 1565, répondit également que le scholastique avait la charge de l'école, qu'il l'exerçait en personne et commettait un homme capable (le sous-chantre le plus souvent) « pour enseigner les petits anffans, jusques a tant quils soient capables douyr le scholastique » [Archives des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes d'Armor). Fonds de l'Evêché de Saint-Brieuc]. Une nouvelle prébende aurait donc fait double emploi, puisque le but était rempli. Ainsi, dès le XVIème siècle, l'enseignement à deux degrés était donné dans notre ville : l'enseignement primaire, par le sous-chantre ; l'enseignement secondaire, par le scholastique. 

Le bon évêque qui laissa si facilement la Cour royale de Goëllo s'établir à Saint-Brieuc et s'emparer des principaux droits de juridiction (Note : La Cour royale de Saint-Brieuc, Cesson et ressort de Goëllo, fut définitivement transférée de Lanvollon à Saint-Brieuc en 1580. On comprend quel préjudice elle dut causer à la juridiction des Regaires, qui eut à lutter bien souvent pour ne pas être réduite au role de tribunal de simple police. Il serait facile de suivre l'action des magistrats. royaux s'exerçant dans les provinces d'une manière lente, mais sûre, aux dépens de l'influence de la noblesse et du clergé, et préparant ainsi la voie à ces autres magistrats qui, sous le nom d'Intendants de justice, de police et de finances, devinrent, au XVIIème siècle, les plus actifs auxiliaires de la royauté), n'était certes pas de caractère à faire obstacle aux ordonnances royales en fait d'enseignement ; aussi conféra-t-il, en 1574, la prébende préceptoriale, vacante par la mort de maître Alexis Dupin, à Jean Lestrelin, maître-ès-arts. Celui-ci étant mort en 1576, l'évêque, sur la demande des bourgeois et de Jacques Geslin de Tremargat, procureur du Roi en la Cour de Goëllo, pourvut un autre maître-ès-arts, Jean Sauvé. Il énumère les titres de ce dernier, dans la charte de nomination : « Dum assidue in schola dictœ nostrœ civitatis, a mense octobri in hunc usque diem, docuisti ac juventutem instituisti cum omni favore et plausu, de predictorum capituli et habitantium consilio et consensu, te nunc prœsentem rectorem dictœ scholœ et juventutis moderatorem nominavimus et elegimus ». Et plus loin, il ajoute : « Ut te rectè et laudabiliter geras secundum Regis edictum et Curiarum supremarum hujus regni aresta ». Certes, l'ordonnance royale n'avait pas à Saint-Brieuc de meilleur défenseur que l'évêque. 

L'ordonnance de Blois, rendue dans le mois de mai 1579 par Henri III, sur les remontrances des Etats-Généraux, renouvelle en partie, dans l'article 33, les dispositions de l'article 9 de celle d'Orléans (Note : Cet article 9, trop absolu parce qu'il s'appliquait à toutes les églises cathédrales sans distinction du nombre des prébendes, avait été révoqué par provision, le 16 avril 1571. Il fut remplacé par l'article 33 de l'ordonnance de Blois, ainsi conçu : « Nous voulons que l'ordonnance faite à la réquisition des Etats tenus à Orléans, tant pour les prébendes théologale que préceptoriale, soit exactement gardée, fors et excepté toutefois pour le regard des églises où le nombre des prébendes ne serait que de dix, outre la principale dignité ». Cette restriction n'atteignait point l'église cathédrale de Saint-Brieuc, puisque celle-ci jouissait de vingt prébendes). 

Les actes authentiques les plus anciens que j'aie pu découvrir concernant l'instruction publique à Saint-Brieuc prouvent donc qu'il y avait anciennement, dans notre ville, une école et un scholastique exerçant en personne ses fonctions. Les ordonnances d'Orléans et de Blois transformèrent la pratique en principe obligatoire et associèrent la municipalité à l'action de l'Evêque et du chapitre. Toutefois jusqu'à la fin du XVIème siècle, le conseil de ville n'a eu, à Saint-Brieuc, qu'une influence indirecte sur l'instruction, puisqu'il n'avait d'autre  charge que de veiller à l'accomplissement des Ordonnances. A partir du XVIIème, son influence augmente, en raison des sacrifices financiers qu'il s'impose. C'est l'époque de la vraie fondation du collège, fondation dont je vais raconter les lenteurs et les sérieuses difficultés. 

Une délibération prônale (Note : Ce mot nous rappelle qu'à Saint-Brieuc la paroisse et la commune furent réunies jusqu'au XVIIIème siècle, et que le général ou corps politique des habitants délibérait après la Grand'Messe) du 23 juillet 1606 prouve que la ville acquit, cette année là, une maison et quelques terres rue Saint-Pierre, au prix de 900 livres, avec l'intention d'y établir un collège. Ce dessein ne fut pas exécuté, la maison ayant été louée, puis vendue, en 1609, à M. de Bréhand, pour 1,800 livres. L'affaire était assez bonne. Elle permit d'acheter, la même année, suivant un compte de Mathurin Bagot, syndic en charge, au prix de 1,890 livres la maison dite du Paradis, dans l'emplacement est occupé vers 1866 par la caserne de gendarmerie. 

Cette maison était trop petite, en mauvais état. La ville voulut l'agrandir, en dégager les abords, et rêvant peut-être déjà le bel établissement d'instruction publique qu'elle possède aujourd'hui, elle entra résolument dans la voie des constructions et demanda au roi Henri IV l'établissement d'un droit d'octroi, « pour bâtir un collège, une maison commune, un auditoire, une maison de santé, pour accroître les églises, l'hôpital de la Madeleine, le monastère des Capucins, réparer les murailles, établir des fontaines, ouvrir le chemin du Légué, repaver les rues et … acquitter les dettes » (Archives municipales de Saint-Brieuc. Les documents cités plus loin en proviennent également. Tout en ayant recours aux textes, j'ai trouvé utile de consulter les Anciens Evêchés de Bretagne, par MM. Geslin de Bourgogne et de Barthélemy, sans lesquels on ne saurait désormais étudier notre histoire locale) — Certes, il y a, dans le mémoire présenté par la commission le 21 juillet 1608, un programme plein d'espérances ; mais on alla doucement. Est-ce la faute de la municipalité ? ou celle de la royauté ? — Je ne sais. Toujours est-il que l'année 1617 seulement vit accorder par Lettres-Patentes [Note : Les expressions lettres-patentes, ordonnances, édits, bien qu'elles soient souvent confondues, n'expriment pas cependant la même idée. Les lettres-patentes (lettres ouvertes) étaient accordées par le Roi pour la concession d'une grâce, d'un privilège, d'un établissement ; les édits ne réglaient généralement qu'un point spécial ; les ordonnances embrassaient plusieurs matières, ou contenaient du moins des règlements plus généraux, plus étendus] aux bourgeois de Saint-Brieuc la permission de lever, pendant six ans, « un droit d'un sol par pot de vin et de trois deniers par pot de bierre et sildre qui sera vendu et débité en détail (sic), tant en notre ville de Saint-Brieuc que faubourgs »

En possession de ce droit, les bourgeois réfléchirent et demandèrent au Roi de n'appliquer ce revenu qu'au paiement de leurs dettes, « quoique, ajoutaient-ils, les réparations du collège, de l'hôtel de ville et des autres ouvrages publics soient autant ou plus favorables et nécessaires que l'acquit des dettes, comme il se justifie par les procès-verbaux du sénéchal ». Le Roi ne fut pas convaincu, ordonna de passer outre par ses Lettres de jussion du 27 juin 1618 et de procéder à l'enregistrement, ce qui eut lieu. On sentait la main de la royauté dans les affaires des villes ; même avant la création des Intendants, et malgré la résistance des Etats de Bretagne, qui voulaient enlever les villes à la tutelle du pouvoir central et surveiller la levée des octrois. 

Un collège sera donc bâti — mais quand? Une année se passe encore, et voici que le lundi 7 janvier 1619, le procurateur de la communauté de ville, ou, pour lui donner son nom usuel, le procureur-syndic, Jacques Hervé vient remontrer à l'assemblée que « la maison ou se font les classes du collège, par vieillesse et caducité, menace ruine, en sorte que les regens et les escoliers ny ozent plus tenir, recquerant quil soit avizé à la réparation, dautant mesme que, a ladite cause, les enfans de bonne maison, pensionnaires en cette ville en sont retirés par leurs peres et meres, ce qui emporterait avec le temps la perte et diminution audit college, ou ordinairement il y a cinq à six cents escoliers »

A la pluralité des voix, il fut arrêté qu'une commission serait nommée pour examiner l'état du collège, préparer uns devis et que le procureur-syndic serait invité à se pourvoir en Parlement pour régler les formalités, suivant l'usage. 

Le Parlement fit droit à la requête et ordonna aux juges royaux de Saint-Brieuc de procéder à l'adjudication. La séance eut lieu le 5 août, mais personne n'ayant soumissionné au-dessous de 9900 livres, le procureur-syndic fit ses réserves, vu la grande dépense, et proposa, conformément à une délibération de 1611, l'établissement d'un collège de Jésuites. 

Il faut remarquer, à propos de cette compagnie célèbre, qu'une atteinte sérieuse avait été portée, en sa faveur, aux privilèges des Universités. Après la mort de Henri IV, des lettres-patentes de la Reine-mère, avaient accordé aux Oratoriens, puis aux Jésuites, la pleine et entière scholarité (Note : La Scholarité était le droit qu'avaient reçu les membres des universités de faire évoquer leurs causes personnelles devant le conservateur de leurs privilèges). Les Oratoriens étant soumis à la juridiction de l'Ordinaire (évêque diocésain), le Parlement ne leur fit aucune opposition, mais il refusa d'enregistrer les lettres qui concernaient les Jésuites. Ceux-ci obtinrent alors un arrêt du Conseil, du 15 août 1618, qui mit leur collège de Clermont sur le même pied que les collèges de l'Université, en leur accordant, malgré les protestations de l'Université et du Parlement de Paris, le droit de préparer aux grades académiques. Cette concession n'était pas la liberté pour tous. A cette époque de privilèges, c'était un autre privilège conféré par l'autorité royale qui maintenait ainsi sa suprématie. 

Par suite de cette position exceptionnelle qu'avaient déjà les Jésuites, les bourgeois de Saint-Brieuc trouvèrent qu'il y avait, à les posséder, « une grande économie et un grand avantage », et nommèrent une nouvelle commission pour s'entendre, à cet effet, avec l'Evêque et solliciter l'agrément du Roi. 

La question ne resta pas longtemps en suspens car, dans l'intervalle, les juges royaux avaient adjugé le marché de reconstruction du collège au prix de 9900 livres, et tout ce que l'on put obtenir du sénéchal, ce fût de procéder à une nouvelle adjudication au rabais sur le prix qui avait été offert. Mathurin et François Rouxel prirent le bail à 800 livres de moins et donnèrent un dédommagement au premier adjudicataire. 

Nous ne suivrons pas la communauté de ville dans l'oeuvre laborieuse de la construction qui dura de 1620 à 1623, dans les procès qu'elle soutint au sujet de la réception du bâtiment. Il fallait que la ville eût à coeur l'oeuvre commencée, car elle ne craignit pas de faire d'autres dépenses encore pour agrandir le collège et réaliser le plan primitif. C'était faire preuve d'une vaillante espérance dans l'avenir : les premières années du XVIIème siècle ont vu, en effet, la peste désoler plusieurs fois notre cité ; les habitants fuyaient ; la Cour royale transférait ses audiences au Légué, à Quintin, dans d'autres villes du ressort ; les élèves prolongeaient trop souvent leurs vacances, en raison des progrès du fléau. C'est pourtant dans un moment de calme, entre deux invasions de la peste, que le collège a été bâti et inauguré, grâce à la sollicitude de la communauté de ville et de Mgr. André Le Porc de la Porte, ce prélat qui créa au collège une chaire de théologie, et qui fut toujours si zélé pour les oeuvres utiles. 

Pendant cette période laborieuse, la charge de principal était confiée à maître Thomas Jouannin, dont quelques documents authentiques constatent les rapports avec la municipalité, du moins de 1623 à 1627. A cette dernière date, la communauté ayant présenté à l'Evêque deux candidats pour les fonctions de principal, maîtres Geoffroy Poullain et Jacques Durand, celui-ci fut choisi. Les lettres de collation transcrites sur le registre des délibérations municipales, indiquent qu'il fut institué « ad triennum, tantum, per liberam cessionem seu demissionem magistri Thomœ Jouannin ». Il était chargé de former la jeunesse « in fide ac religione catholica, bonis moribus, litteris grœcis atque latinis ». Le grec avait donc acquis droit de cité à Saint-Brieuc. 

Sous cet administrateur, la question de la rétribution scolaire fut résolue. La communauté de ville qui avait déjà imposé au principal, en 1619, l'obligation de faire examiner ses régents, en réclamait maintenant un plus grand nombre. Maître Durand choisit un excellent moment pour se créer de nouvelles ressources. Le 5 octobre, à la rentrée des classes, il déclara qu'il ne pouvait servir la charge avec le nombre des régents requis, si on lui refusait 5 sous par mois sur chaque écolier « habitant et natif de la ville ». Les bourgeois en vinrent à composition et l'autorisèrent d'abord à prélever 5 sous par chaque maison dont les enfants iraient au collège. 

Le principal, soutenu par l'Evêque, trouva la concession insuffisante et l'affaire ayant été portée devant le sénéchal, les bourgeois furent obligés de céder. Le principe de la gratuité qu'ils soutenaient était de vieille date, puisqu'il remontait à l'époque du scholastique, mais les temps avaient changé, et il était impossible, en développant l'instruction sur une plus large base, d'économiser les deniers des familles sans grever le budget de la cité. Le pouvoir royal le comprit ainsi, et un arrêt du conseil d'Etat, du 21 avril 1691, rejetant les exceptions présentées par la communauté de ville, ordonna qu'il serait payé, chaque année, par le miseur (receveur municipal) une somme de 600 livres pour l'entretien du collège et les gages du principal. La rétribution scolaire n'en fut pas moins perçue et le budget fut dès lors fixé, à l'aide des ressources locales, ainsi qu'il suit :  

1° le produit d'une prébende canoniale, environ

1,500 liv.

2° la contribution de la communauté de ville .....

  600 liv.

3° la rétribution de 300 élèves environ, à 5 livres

1,500 liv.

                                                                                          TOTAL ......

3,600 liv.

J'ai insisté sur la période de fondation du collège parce que cette étude nous a permis d'apprécier, en dehors des centres universitaires, l'esprit public d'une bonne ville de Bretagne ; le besoin d'apprendre qui agitait nos pères ; les économies bourgeoises qu'ils poursuivaient en réalisant un projet libéral ; le rôle de la royauté qui se bornait à fixer aux pouvoirs locaux, c'est-à-dire au clergé et à la municipalité, leur part contributive à l'entretien du collège. Cet état de choses fut maintenu dans son ensemble jusqu'à la Révolution. Je vais donc me borner à indiquer quelques points du développement. 

Le mode de nomination du principal eut toujours lieu suivant les dispositions de l'ordonnance d'Orléans, le meilleur accord existant, à cet égard, entre l'autorité ecclésiastique et l'autorité civile. Les registres des délibérations municipales nous ont conservé les noms de presque tous les principaux, depuis la fondation du collège. Ce sont :

MM. Jouannin .......... 1623

Durand ............... 1627

Brochet .............. 1630

Rouxignol ............ 1665 - 1671

Le Huby .............. 1671 - 1677

Gendrot .............. 1677 - 1687

MM. Jean Le Huby … 1687 - 1690

Gme Trébouta ….. 1690 - 1715

Oliv. Bonamy …. 1715 - 1733

Chouesmel …. 1733 - 1773

Despons …. 1773 - 1784

Courcoux ….. 1784 - 1791

Les principaux que nous venons de citer ont tous été prêtres, à l'exception de M. Gendrot. Ils pouvaient être chanoines, puisque M. le chanoine Despons donna, en 1784, sa démission du principalat ; mais la prébende préceptoriale dont ils jouissaient était parfaitement distincte de tout canonicat, même de celui auquel était resté attaché le titre de scholastique. Ce n'est qu'en 1735 que le chapitre, sur la demande de l'Evêque, décida que le principal, quand il serait prêtre, aurait l'entrée au choeur et pourrait porter l'habit canonial, mais en prenant rang après le dernier chanoine prêtre. 

Bien que leur nomination fût renouvelée tous les trois ans pour la conservation du principe, les derniers principaux restèrent longtemps en charge, ce qui fut un bonheur pour l'établissement. L'administration de MM. Chouesmel et Courcoux marque l'apogée de la prospérité du collège. 

Au point de vue matériel, un nouveau bâtiment fut construit. La communauté de ville en accepta le plan en 1737, et consentit, l'année suivante, à payer une somme de 3000 livres pour aider aux frais de la construction, dont une large part fut supportée par l'Evêque. Dans le procès-verbal de la pose de la première pierre, les délégués de la communauté de ville proclamèrent la munificence du Prélat et la reconnaissance des habitants. Le principal, le digne abbé Chouesmel, concourut aussi à l'érection du nouveau bâtiment, et les dons qu'il, fit sur sa fortune privée montèrent, pendant ses 40 années de principalat ; à plus de 30,000 livres. 

En même temps que le local s'agrandissait, un certain nombre de bourses étaient fondées, en faveur d'étudiants pauvres, par des particuliers qui, quoiqu'on en ait dit plus tard, faisaient un noble et libéral emploi de leur fortune. Du nombre de ces bienfaiteurs était encore le bon abbé Chouesmel qui, de concert avec M. Le Borgne, ancien professeur, fondait, en 1762, six bourses au capital de 12,000 livres, constituées en rentes sur le clergé de France (Note : A la suite d'emprunts, ces rentes avaient été constituées par le clergé de France, au profit de divers particuliers, sur les Décimes que payaient les bénéfices  ecclésiastiques). Ce bel exemple trouva des imitateurs. Louis Le Saulnier, petit mercier originaire de Trémuson, avait fait fortune aux Antilles. Se préparant à de nouveaux voyages, il fonda par testament cinq bourses de 120 livres de rente chacune, en exigeant qu'elles fussent données de préférence à ceux de ses parents qui se présenteraient au collège. « Comme il a plu, dit-il, à la divine Providence de faire fructifier mes travaux et de me conserver entre autres biens une somme de 13,500 livres, je veux employer cette somme et les autres biens qu'il plaira à la Providence de me départir, au bien de mes compatriotes et de mes parents, en aidant à l'éducation des uns et des autres »

Ces ressources, ajoutées au revenu plus considérable de la prébende et à la rétribution scolaire un peu plus large, représentaient, en 1791, suivant un compte qui fut rendu à la municipalité, la somme, peut-être exagérée, de 10,620 livres. D'ailleurs le budget aurait toujours suffi à couvrir les dépenses, car chaque professeur n'avait guère, en moyenne, outre la nourriture et le logement, que le modique traitement de 275 livres. 

Si la situation financière était suffisante, la situation morale et celle des études ne l'étaient pas moins. En pareille matière, un bon règlement est indispensable. Celui du collège de Saint-Brieuc fut fait par Mgr Vivet de Montclus, en 1731. Il y est surtout question de discipline, de la pratique des devoirs religieux, de la surveillance des élèves pensionnaires en ville. Un article supplémentaire menace d'exclusion ceux qui se livreraient à des jeux de hasard, ou qui fréquenteraient des assemblées mondaines. 

Ce règlement nous fait connaître que les classes de théologie, de philosophie, de physique et de rhétorique avaient leurs vacances à d'autres époques, et leurs cours à d'autres heures que les classes secondaires. Celles-ci s'étendaient de la seconde à la sixième inclusivement, sans qu'il soit fait mention de classes spéciales de mathématiques. Les études de l'ancien collège étaient donc beaucoup plus littéraires que scientifiques. La culture littéraire elle-même semble n'avoir guère compris que le latin et le français, mais, dans ces limites, on avait obtenu d'heureux résultats. Nous en avons acquis la certitude en parcourant un gros in-folio que M. l'abbé Souchet, doyen du chapitre actuel, a bien voulu mettre à notre disposition. Ce volume manuscrit intitulé : Théâtre ancien du collège de Saint-Brieuc, contient les tragédies, en vers français et en vers latins, qu'on jouait le jour de la distribution des prix, suivant la coutume du XVIIIème siècle. Pour ne pas être trop sévère, je me bornerai à dire, que ces pièces témoignent d'une certaine facilité qui ne s'élève jamais, pour le fonds ni pour la forme, au-dessus de la moyenne ordinaire. A ces grandes compositions je préfère les compliments adressés à l'Evêque, bien qu'on y trouve plus d'une fois de la prétention, et les Causes (Note : Pour donner une idée du genre, il est bon de citer quelques titres : « de la supériorité de l'histoire, de l'éloquence, de la poésie, de la sculpture pour célébrer les louanges du Prince ; — utilité comparée des services rendus à la cité par quatre généreux citoyens », etc.) plaidées en public par les Rhétoriciens, quoi qu'elles appartiennent au genre inévitable des lieux communs. Le caractère sérieux et solide de nos prédécesseurs, qui est peut-être le cachet de la race bretonne, se retrouve dans les thèses de théologie et de philosophie que soutenaient aussi  les élèves du collège, et qui font, plus que les tragédies, honneur à l'enseignement des maîtres. 

Des études sérieuses, voilà donc le résultat obtenu dans l'ancien collège de Saint-Brieuc ; aussi la Sorbonne le citait-elle au Roi, en 1762, comme une preuve qu'on pouvait se passer des Jésuites dans l'enseignement ; et Mgr de La Ferronnays, dans un document que nous mentionnerons plus loin, rappelait-il, à bon droit, que ce collège passait depuis longtemps pour l'un des meilleurs et des plus florissants de la province. 

A la suite du règlement de 1731 qui ne concernait que le collège de Saint-Brieuc, il faut citer l'édit en forme de règlement général, rendu par Louis XV, au mois de février 1763. Après y avoir rappelé « que les écoles publiques, destinées à l'éducation de la jeunesse dans les lettres et les bonnes moeurs, ont toujours été regardées comme l'un des fondements les plus solides de la durée et de la prospérité des Etats ; que, sans l'autorité des rois, il ne peut être permis d'établir aucune école publique dans le royaume », — laissant de côté les collèges desservis par des corporations, (on était  à la veille de l'expulsion des Jésuites) l'édit royal s'occupe spécialement des collèges que j'appellerai volontiers communaux. Il établit à leur tête des bureaux d'administration composés de membres du clergé, de la justice et de notables du lieu, investis d'attributions considérables, non-seulement au sujet de la discipline, mais encore de la direction, puisque ces bureaux avaient le droit de nommer et de révoquer les principaux et les régents, autres que ceux de théologie, qui ne relevaient évidemment que de l'Evêque diocésain. 

Appuyés sur cet édit, les deux chefs de la Cour royale de Saint-Brieuc et les deux représentants officiels de la communauté de ville se réunirent, neuf ans plus tard, pour organiser le bureau, après avoir prévenu par un simple billet, le Principal et même l'Evêque qui, aux termes de l'Ordonnance, devait présider le conseil. Mgr Ferron de la Ferronnays et M. Chouesmel signifièrent une protestation à ces magistrats zélés et blâmèrent, non le principe posé par le Roi, mais la forme insolite de la réunion. Cet oubli momentané des services rendus au collège par l'autorité ecclésiastique, fut du reste effacé par l'aveu suivant, qui fut consigné sans retard sur le registre des Délibérations municipales : 

« La Communauté, bien persuadée du bon ordre, de l'intelligence et de l'harmonie qui règnent dans l'administration du collège, a arrêté et nommé MM. Bagot et Le Saulnier de Saint-Jouan, afin d'écrire à NN. SS. les ducs de La Vrillière, de Penthièvre et le Procureur-général, et leur représenter humblement combien il est intéressant pour notre ville que le collège subsiste dans la même forme qu'il est aujourd'hui, et que toute novation en causerait nécessairement la décadence ; et MM. les Commissaires en conféreront avec Mgr l'Evêque ; avec prière de vouloir bien appuyer leurs représentations »

Il y eut encore, en 1786, un léger dissentiment entre les deux administrations. Le maire avait offert au ministre de la marine, dans l'intérêt de la ville, d'annexer au collège une des écoles de marine fondées par une récente ordonnance. Le principal fut obligé de combattre ce désir et allégua, entre autres difficultés, l'exiguité du local et la différence du régime à suivre par la clientèle ordinaire du collège et par les élèves destinés à la marine. Il ne fut pas donné suite à ce projet plus qu'au précédent. 

Le collège eut à subir, vers la même époque, un essai qui modifiait sa constitution d'une manière peu libérale : il s'agissait d'un nouveau règlement, élaboré par le Tiers-Etat pour la concession de bourses aux enfants de son Ordre. C'est en vain qu'on cherche le texte et la discussion de ce règlement dans les procès-verbaux des Etats de Bretagne ; on n'y trouve que les votes accordant des subventions à l'hôtel des gentilshommes et à MM. du Tiers, « pour les bourses que ceux-ci se proposent de fonder dans les collèges de la province ». Les conditions imposées émanent donc du Tiers-Etat qui, ayant eu toute la liberté de son acte, en a aussi toute la responsabilité. Or, dans le rapport fait à la communauté de Saint-Brieuc par le maire qui revenait d'assister aux Etats, on trouve l'historique de ce projet, suivi d'une réclamation assez vive non pas contre l'esprit illibéral du règlement, mais contre le choix des boursiers fait par les Etats : « Il m'a toujours paru juste que ces bourses devaient être données de préférence aux enfants des officiers municipaux qui n'auraient pas assez de fortune, et que nul ne devait y prétendre avant eux ... les officiers municipaux abandonnant souvent leurs propres affaires pour s'occuper des affaires du Roi, de la province et du public. J'ai vu avec peine que d'autres enfants ont été préférés ». Le Conseil partagea cet avis, et résolut de s'entendre avec les autres villes de Bretagne, afin d'adresser des réclamations aux Etats. 

Du beau projet enfanté par la municipalité il ne resta que la proposition de fixer la pension des élèves du Tiers à 406 livres, « pourvu que MM. de l'Ordre veuillent bien s'engager de leur côté à fixer l'établissement de leurs élèves au collège de Saint-Brieuc ». Telle est l'influence de l'esprit local et des positions acquises, souvent même sur les esprits les plus avancés de leur époque ! Ne doit-on pas conclure de pareils faits que le Tiers-Etat, bien qu'il fût sincère en demandant des réformes, voulait être, lui aussi, en 1785, une classe privilégiée ? Quant au règlement, la Révolution en a fait elle-même justice, car nous lisons dans une délibération de l'Assemblée générale du département, prise le 4 décembre 1790 : « Le Conseil ...... en attendant le nouveau plan d'éducation que l'Assemblée nationale se propose de décréter, arrête que le règlement de 1731 sera provisoirement observé.... Lecture ayant été ensuite commencée d'un règlement du 29 janvier 1785, fait par le soi-disant ci-devant ordre du Tiers pour l'établissement des bourses dans les collèges, des murmures d'indignation ont interrompu la lecture de l'article 2, disposant que les enfants d'artisans et laboureurs ne pourraient point concourir aux places, et l'impatience de la plus vive improbation a déterminé l'assemblée à faire cesser la lecture de ce prétendu règlement, qui désormais doit rester dans l'oubli, et ne peut avoir d'autre mérite que de faire justement détester l'ancien régime »

Une pareille protestation, faite cinq années seulement après l'acte, permet suffisamment d'apprécier, d'une part, les essais trop hâtifs et quelquefois contradictoires de rénovation faits dans l'instruction publique, vers la fin du XVIIIème siècle ; et d'autre part, le mérite de l'organisation à laquelle était due la prospérité de l'ancien collège de Saint-Brieuc.

 

Seconde Période.

Cette prospérité fut tout-à-coup suspendue par le grand événement qui bouleversa la France à la fin du XVIIIème siècle. Tant que la Révolution s'annonça comme une oeuvre de progrès pacifique accomplie avec le concours des hommes les plus distingués de la nation, il eut, au collège de Saint-Brieuc, un enthousiasme vrai parmi les professeurs et les élèves, et, le 22 février 1790, une députation, représentant toutes les classes, même la sixième, prêta le serment civique au sein de la municipalité. Le principal et un élève de Rhétorique exprimèrent vivement leurs sentiments dans des discours qui furent transcrits sur les registres ; mais cette agitation politique ne pouvait convenir aux études qui réclament le calme et la paix. 

Le même Conseil de département (Note : Sous l'empire de la loi du 22 Décembre 1789 et jusqu'à la mise en vigueur de la Constitution du 5 fructidor an III, les départements étaient administrés par une assemblée élue, qui avait le titre de Conseil-général ou d'Administration de département. Le Directoire de département était la section nommée par le Conseil-général, qui était spécialement chargée de l'expédition des affaires. Chaque district avait également un Conseil et un Directoire) qui avait si bien rendu justice au règlement fait par M. de Montclus, avait ajouté dans la même délibération : 

« Désirant au surplus hâter le moment de faire germer les principes de la Révolution dans le coeur de la jeunesse, qui en doit principalement recueillir les avantages, le Conseil autorise son Directoire à faire l'achat des livres élémentaires des Droits de l'homme et du citoyen, et à les faire distribuer tant aux professeurs qu'aux élèves de chaque classe, qui auront le mieux mérité lors des prochains exercices littéraires »

Ainsi appelés à étudier leurs droits plutôt que leurs devoirs, ces jeunes enfants subirent naturellement l'influence du milieu brûlant dans lequel ils vivaient, à tel point que, tout en applaudissant à leur patriotisme, le Conseil fut obligé de leur interdire l'usage des armes et les exercices militaires. Cette défense tardive était superflue. La vie active étant trop séduisante, les élèves commencèrent à déserter le collège. De son côté, le 26 janvier 1791, le principal, M. Courcoux, fit connaître au district qu'il allait se retirer avec ses collègues, en disant que cette résolution lui était imposée par le décret rendu, le 27 novembre 1790, sur la Constitution civile du clergé. 

Pour rassurer les parents alarmés, la municipalité fit une proclamation annonçant que, le premier jeudi de Carême, les classes seraient rouvertes et pourvues de professeurs ecclésiastiques ; mais on vit une fois de plus qu'il ne suffit pas d'une adresse pour ramener la confiance. Les officiers municipaux recrutèrent néanmoins quelques ecclésiastiques, car, le 4 avril 1791, nous voyons figurer, dans un acte public, le sieur Clech, ancien chanoine régulier de Beauport, qui se dit : « professeur au collège de St-Brieuc ». L'année suivante, dans un rapport adressé, le 21 janvier, par la municipalité au district, on remarque que les professeurs sont tous jeunes gens et laïques, à l'exception de celui de physique, le sieur Boyer, qui se dit : « clerc minoré ». La chaire de théologie n'a plus de titulaire. Conformément aux idées de l'époque, l'instruction était gratuite, et la ville s'était engagée à donner 1,200 livres au principal, et 900 à chaque professeur. Le 18 mai 1792, le citoyen Boyer fut nommé principal par le Directoire du district, et, le 31 juillet, six commissaires furent délégués par le Conseil général du département pour assister à la pièce dramatique, que les élèves devaient représenter le lendemain, en terminant l'année classique. Ce fut la dernière preuve de vie de l'ancien collège. Les professeurs et les élèves firent également défaut, et, au milieu du désordre général, l'administration locale, se trouvant insuffisante pour organiser l'instruction publique, laissa le champ libre à l'initiative individuelle. 

L'époque n'était guère favorable, il faut le reconnaître, pour attendre d'heureux résultats d'une pareille liberté d'enseignement. Pendant la tourmente révolutionnaire, la ville de Saint-Brieuc n'eut qu'un petit cours professé par M. Bidan ; un pensionnat tenu par M. Fromaget ; un autre, par dame Jeanne Manoir, veuve Duhasay, où M. Grovalet dirigea, quelque temps, l'enseignement du français et du latin. Ces professeurs laïques ont eu le mérite assez rare, dans une société si agitée, de conserver la tradition des études sérieuses et pacifiques ; mais que pouvaient faire quelques hommes isolés ? — Il fallut que l'Etat intervînt. 

Aux derniers jours de l'ancienne monarchie, les cahiers des Etats-Généraux avaient demandé, en grand nombre, que l'instruction fût organisée sur d'autres bases. L'Assemblée constituante, tout en abordant largement la reconstruction de l'édifice social, n'eut que le temps de jeter, dans un décret de 1791, « le principe d'une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes ». A partir de cette proclamation jusqu'au Consulat, il n'y eut que des essais éphémères, dus à la Convention et au Directoire. 

La Convention posa, dès 1793, et renouvela, dans la constitution de l'an III, le principe de la liberté d'enseignement. Elle essaya en même temps d'organiser l'instruction primaire gratuite et obligatoire, et plaça, au second degré, les écoles centrales. Le 8 germinal an III, elle en établit deux dans le département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), aux deux extrémités opposées de la région : Dinan et Guingamp. Par décret du 3 brumaire an IV, elle n'en conserva qu'une dans chaque département. Ce fut pour nous celle de Guingamp. Le principe était posé ; mais, malgré la vigoureuse initiative qui distinguait les hommes de cette époque, les gouvernements se succédaient avec une telle rapidité qu'ils n'avaient pas toujours le temps de réaliser leurs projets. Le 4 brumaire, en effet, la Convention se séparait, et le Directoire était chargé du pouvoir exécutif. 

Le 25 messidor, le Directoires arrêta que les écoles centrales seraient établies dans les maisons ci-devant connues sous le nom de collèges, et qu'on ne pourrait, adopter un autre local sans une loi particulière. S'appuyant sur ce texte formel, les habitants de Saint-Brieuc réclamèrent l'école centrale et finirent par l'obtenir. 

Malheureusement, tout se ressentait en France de la mollesse d'administration du Directoire : le mois de vendémiaire an V seulement vit le jury d'instruction publique des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) examiner les candidats aux places de professeurs. Le 17 pluviôse an VI, le Directoire exécutif entra dans une voie nouvelle en chargeant les administrations locales de la surveillance des écoles de leur ressort. Nous voici de nouveau en présence de la municipalité de Saint-Brieuc, municipalité ayant à compter, non plus comme autrefois, avec une autorité ecclésiastique qui prenait la plus large part du fardeau, mais avec un pouvoir central qui, en lui laissant la dépense, lui impose un système d'enseignement incomplet et repoussé par la tradition nationale. 

Ce fut le 10 prairial an VII que la municipalité profita du jour de la fête publique de la Reconnaissance pour inaugurer l'école Centrale. La fête eut lieu dans l'ancienne cathédrale, et 300 fr. furent accordés par le Directoire du département pour en rehausser l'éclat. Ainsi quatre ans s'étaient écoulés entre le projet de fondation d'une école centrale et l'exécution de ce projet. 

Le bâtiment de l'ancien collège ayant été abandonné à la gendarmerie et au conseil de guerre, un décret affecta à l'école centrale le local des Cordeliers. Ce couvent, fondé en 1503, avait été occupé jusqu'à 1791 par les fils de Saint-François, et consacré, de l'an IV à l'an VII, au service de la manutention. 

L'école centrale fut placée sous la direction de l'assemblée des professeurs et d'un bureau d'administration de trois membres nommés par l'assemblée. Les professeurs étaient MM. Dayot, Jégou, Fromaget, Néther, Le Maout et Le Boyer, auxquels fut adjoint, quelque temps, M. Le Deist-Botidoux, l'auteur d'une traduction estimée des Commentaires de César. On enseignait, à l'école centrale, la législation, l'histoire, la grammaire générale, les belles-lettres, les mathématiques, la physique, l'histoire naturelle, le dessin et les langues anciennes réduites à quelques éléments de latin. Les élèves, au nombre de 125 en moyenne, se faisaient inscrire dans les différents cours, suivant leurs désirs, et assistaient, en plus grand nombre, à ceux des sciences. Dès l'an VIII, des thèses de mathématiques et de physique furent soutenues en public. 

Avec la première année du XIXème siècle s'ouvre un beau spectacle : l'esprit français secoue le système défectueux d'enseignement que la Révolution lui a imposé, et, de toutes parts, le besoin de l'étude renaît avec l'ordre. Mais aussi la France vient de confier ses destinées, en lui donnant le titre de Premier Consul, au jeune général qui sait, à la fois, vaincre et organiser. C'est assez dire que l'époque de transition et d'incertitude est passée, et qu'une société nouvelle va se fonder, en prenant ce que l'ancienne a eu de glorieux et de salutaire, tout en élargissant et en fortifiant la base. 

Les écoles centrales avaient rompu trop nettement avec l'enseignement classique pour que le Premier Consul songeât à les conserver. S'il aimait les sciences, il appréciait aussi l'avantage d'une forte culture littéraire, et il préparait déjà le vaste système d'instruction publique qui a reçu plus tard le nom d'Université. La loi du 1er mai 1802 fut l'ébauche de son oeuvre. Elle emprunta à un célèbre rapport fait par M. de Talleyrand, sous la Constituante, quelques idées entre autres : la sécularisation et la division de l'enseignement en trois degrés. A côté des écoles libres, il y eut des écoles publiques, placées sous l'autorité d'un conseiller d'Etat, directeur-général, qui relevait du Ministre de l'intérieur. Ces écoles s'appelèrent Lycées et Ecoles secondaires communales. 

Conformément à ces dispositions, le Préfet Boullé réclama du Maire de Saint-Brieuc, par ordre du Gouvernement, la fermeture de l'école centrale et l'organisation, d'une école secondaire communale. 

En annonçant l'ouverture de celle-ci pour le premier mois de l'an XII, l'administration municipale indiqua bien le but du Gouvernement : « On a tâché, dit-elle, de réunir à la sagesse des anciens collèges dans la gradation des études, l'avantage des écoles centrales dans le choix et l'enseignement des sciences ». C'était à la fois profiter du passé et marcher avec son temps. 

Tout en se préparant à renouveler son ancien collège, la municipalité avait des vues plus hautes : elle demanda officiellement la création d'un Lycée, en prouvant que celui de Rennes, récemment fondé, était insuffisant pour toute la Bretagne. Le conseiller d'Etat, chargé de l'instruction publique, Fourcroy promit à la ville de Saint-Brieuc un bienveillant concours, si l'arrondissement du Lycée de Rennes était partagé, mais l'espoir donné par le Gouvernement ne s'est réalisé qu'en 1848. 

Il fallut donc se résigner à n'avoir qu'une école secondaire. L'institution Boyer en avait déjà reçu le titre par arrêté du 5 frimaire an XI. Elle transféra ses cours dans le bâtiment de l'ancienne école centrale, et le 5 vendémiaire an XII, le citoyen Baschamps prêta serment en qualité de directeur provisoire. Il mourut l'année suivante, et eut pour successeur M. Jégou, l'auteur de la Grammaire, lequel occupa en même temps une chaire de belles-lettres récemment fondée. Sous son intelligente direction, un règlement, conçu en 1808, établit que l'étude du grec commencerait en troisième, et celle des mathématiques, en quatrième. Il fut puissamment aidé, dans la partie scientifique, par M. Boyer qui, après avoir successivement dirigé l'ancien collège, fondé une institution, professé à l'école centrale et à l'école secondaire, fut appelé, en 1808, à l'une des chaires de mathématiques du Lycée de Nantes et remplacé par M. Legrand, dont les débuts furent ceux d'un maître consommé. 

M. Jégou s'était aussi chargé de l'ancien pensionnat Boyer, et l'avait fait transférer dans le local mieux emménagé où l'on faisait déjà les classes. Le prix de la pension entière était, à cette époque, de 575 fr ; les externes payaient une rétribution mensuelle de 3 fr. Ces douces conditions et la bonne composition du personnel amenèrent des élèves dont le nombre fut, en moyenne, de 170, internes et externes. Cette situation fut sur le point d'être compromise, lorsque l'école perdit son habile directeur, nommé en 1808, comme M. Boyer, professeur au Lycée de Nantes. Il accepta, quoique, à regret, et il fut remplacé dans ses deux fonctions par M. Grovalet. 

Sous l'administration de ce dernier (1808-1815), l'organisation de l'école secondaire fut encore modifiée. C'était l'époque où Napoléon Ier réunissait tous les éléments épars et peu vigoureux encore de l'instruction publique, pour en former l'Université. L'action du Souverain s'y exerçait directement par la main du Grand-Maître, et, comme la pensée de l'Empereur était, non d'accorder la liberté, mais d'avoir sous la main une forte institution, il lui donna le monopole de l'enseignement à tous les degrés. 

Les écoles secondaires prirent leur place dans ce vaste réseau et devinrent des collèges communaux. Ce système, dont la base avait été posée dans la loi du 10 mai 1806, fut organisé par le décret du 17 mars 1808, et complété par celui du 15 novembre 1811. Il ne fut appliqué à Saint-Brieuc que dans le courant de cette dernière année. 

L'histoire du collège restauré de Saint-Brieuc n'offre pas de particularités remarquables. A l'abri désormais de modifications subites et fondamentales, soutenu par l'administration municipale tout en faisant partie de l'Université, notre collège suit un perfectionnement lent, progressif, interrompu par quelques crises de peu de durée. Je vais donc me borner à citer quelques noms de professeurs justement honorés, à indiquer sommairement les grandes phases de cette vie de collège tranquille et laborieuse, dont le souvenir est resté cher à bien des hommes de ce pays. 

Un bureau d'administration, présidé par M. le baron Boullé, préfet, et comprenant Mgr Caffarelli, évêque de Saint-Brieuc, MM. Leuduger-Fortmorel, maire ; Lamotte­-Gautier, juge, et Courcoux, curé de la cathédrale et ancien principal, reçut pour mission de s'occuper de l'administration, de la discipline, de la comptabilité du collège. Ce bureau installa, en mars 1811, le personnel composé de MM. Grovalet, principal et régent de rhétorique ; Lagadeuc, régent de seconde année d'humanités ; Georgelin, de 1re d'humanités et de 2ème de grammaire ; Bidan, de 1re de grammaire et de la classe élémentaire ; Rochat et Legrand, de mathématiques. Les cours de mathématiques n'étaient pas obligatoires dans le principe. 

Une circulaire du Grand-Maître, du 12 octobre 1810, ayant prescrit d'envoyer au collège les élèves des institutions qui étaient en état de suivre les cours, l'école annexée au séminaire obtint, sur la demande de Mgr Caffarelli, de n'y conduire les siens que depuis la quatrième. Le nombre total des élèves fut alors de 250 environ. 

L'Université et la municipalité, songèrent aussitôt à donner satisfaction aux désirs des familles, en augmentant le nombre des régents. M. Marée fut chargé, en 1811, des classes élémentaires, et reçut du Bureau un premier témoignage de la haute estime dont il a joui, pendant sa longue carrière de professeur. En 1812, M. Grovalet, principal, fut proposé par le bureau et agréé par le Grand-Maître pour la chaire de logique. Un nouveau règlement rendit les mathématiques obligatoires, à partir de la seconde année de grammaire, ainsi que le dessin ; mais il imposa un travail pénible aux élèves en plaçant ces cours en dehors des heures ordinaires des classes. 

Les études furent assez fortes au collège sous l'Empire. C'est de Saint-Brieuc que sortirent les élèves les plus distingués qu'eut le Lycée de Mayence à sa création. Chaque année, Saint-Brieuc fournissait quelques élèves à l'école Polytechnique ; 10 à 15 sujets, à l'école militaire de Fontainebleau ; autant ou plus, à la marine, d'où il résulte que les classes supérieures des lettres étaient peu nombreuses. — La rétribution universitaire était de 15 fr. par an ; la taxe municipale, de 36 fr. Le budget se soldait par 28,000 fr. de recettes environ ; 36,000 de dépenses, soit un déficit de 8,000 fr. que supportait la ville, ce qui, avec la crainte de grandes réparations dans les bâtiments délabrés, fit demander un secours au ministre de l'Intérieur. 

Sur les entrefaites, l'Empire était tombé. L'Université se ressentit de la chute de son fondateur. Toutefois Louis XVIII, qui avait supprimé cette institution après la première restauration, la conserva, après la seconde, par l'Ordonnance du 15 août 1815 ; mais les attributions du Grand-Maître passèrent à la commission de l'Instruction publique. La Commission, par décision du 7 novembre 1815, nomma principal M. l'abbé Souchet, en lui laissant la chaire de rhétorique qu'il avait occupée sous l'Empire ; cinq professeurs furent ecclésiastiques ; cinq, laïques. Un nouveau règlement fut promulgué ; et, pour diminuer les charges de la ville, on crut devoir supprimer deux chaires : l'une, de mathématiques ; l'autre, d'élémentaires ; la subvention communale fut réduite de 8,000 à 3,500 fr. De pareilles économies tendaient à la ruine du collège. Il se forma un nouveau déficit chaque année : les rapports de M. Souchet en font foi, et prouvent qu'il fallut demander à l'administration municipale les moyens de le combler. 

M. l'abbé Souchet eut pour successeur, en 1823, M. l'abbé. Botrel, qui conserva les fonctions de principal jusqu'en 1830. Nous n'avons trouvé, concernant cette période, aucun document officiel, aucun acte du Bureau. On sait seulement que le collège n'avait point de concurrence à soutenir, et que le nombre des élèves variait de 300 à 350. 

En 1830, M. Grovalet fut réinstallé dans la charge de principal par M. Thieullen, préfet, au nom du Bureau qui reprit régulièrement ses séances. 

M. Marée administra le collège de 1833 à 1837 ; M. Héroux, de 1837 à 1840 ; M. Letellier, de 1840 à 1848. — Dans cette période, une chaire d'anglais fut créée et un cours spécial organisé pour les candidats à l'Ecole militaire. Pour stimuler la noble ambition des élèves, le prix Legrand fut fondé. Une souscription avait été ouverte pour honorer la mémoire de M. Legrand, qui avait été l'une des gloires de l'instruction publique à Saint-Brieuc comme élève et comme professeur, et qui venait de mourir recteur de l'Académie de Rennes. Sur le montant de la souscription, une rente annuelle de 40 fr. fut offerte à la ville de Saint-Brieuc, afin de lui permettre d'accorder un prix spécial à un élève de philosophie ou de rhétorique « d'une supériorité éminente, incontestable, et rappelant celle de l'homme dont le prix porte le nom ». Le premier lauréat du prix Legrand fut en 1840, M. Joseph Bellom ; le second, en 1849, M. Joseph Martin. Les autres appartiennent à l'histoire du Lycée. 

Ainsi, par des améliorations persévérantes, dues à la générosité de la ville de Saint-Brieuc qui donnait, en dernier lieu, une subvention annuelle de 9 à 10,000 fr., et au concours du Gouvernement qui veillait à la force des études, le collège communal avait pris une place honorable dans l'Université de France. Voulant assurer à l'avenir la perpétuité de cette institution et offrir aux familles les ressources d'une instruction complète, la ville reprit le projet de l'an XI et demanda l'érection de son collège communal en collège royal. 

La révolution de 1848, au lieu d'arrêter l'exécution de cette pensée, ne fit que la favoriser : la République annonçait, en effet, à la France la liberté d'enseignement. Pour répondre à la concurrence qui devait résulter de la situation nouvelle, il était, plus que jamais, nécessaire de transformer le collège. Cette considération fut particulièrement développée dans la réunion des délégués qui eut lieu, le 5 juin 1848, conformément à deux délibérations du Conseil municipal. Un décret du 16 juillet érigea le collège de Saint-Brieuc en lycée de 3ème classe, et fixa un délai de trois ans pour l'achèvement des bâtiments et l'acquisition du mobilier. 

Le 23 avril 1848, M. Tranois accepta la mission délicate de diriger le collège pendant cette période de transition, et il la remplit à la satisfaction universelle. L'organisation des cours devint complète : un régent d'histoire, un régent de huitième furent nommés, et l'on ouvrit une classe primaire élémentaire, pour répondre aux demandes des familles. 

En même temps, à côté du vieux bâtiment, s'élevait un beau et vaste Lycée, sous la direction de M. Guépin. La première pierre en fut posée le 23 avril 1849. Le département fut représenté dans cette occasion solennelle par MM. Mars-Larivière, préfet ; Thieullen, président du Conseil général, ancien préfet ; la ville, par MM. Boullé, maire, et Hérault, premier adjoint ; l'Université, par MM. Théry, recteur de l'Académie, et Tranois, principal. Les sentiments de la société nouvelle y furent noblement exprimés. C'était l'époque où l'on commençait à saluer dans le Prince-président le fondateur de l'ordre, en même temps que le promoteur sincère des libertés publiques. L'année suivante, en effet, la loi du 15 mars 1850, acceptée plus tard et consacrée par l'Empire, accordait la liberté d'enseignement. 

L'article 7 de cette loi établissait des Académies départementales. L'instruction publique, à Saint-Brieuc, n'eut qu'à s'applaudir de cette création, pendant la trop courte administration de M. le recteur Lamache. Il n'en fut pas de même au sujet des réformes annoncées, quand on les vit, en 1852, aboutir à ce fameux système de bifurcation et de programmes, auquel le Ministre, qui gouvernait alors l'instruction publique, a laissé son nom. Il suffit, pour les hommes de la génération actuelle, de mentionner cet essai aventureux, dont l'expérience a fait heureusement justice. 

C'est dans ces conditions que s'ouvrit le Lycée impérial, à la rentrée du mois d'octobre 1853 ; mais, quelques années encore, à côté du monument inachevé, il fallut conserver le vieil édifice qui avait abrité la jeunesse de nos pères. C'est que la ville, malgré sa bonne volonté, ne pouvait réaliser immédiatement le plan grandiose qu'elle avait adopté, pour établir dignement le service de l'instruction secondaire. 

Enfin, grâce au concours de l'Etat et du Département, les dernières difficultés furent aplanies et, le 28 mai 1860, la première pierre de la nouvelle chapelle fut bénite par Son Eminence le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, à qui Mgr Martial, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, avait cédé l'une des fonctions de son ministère qu'il aimait le mieux à remplir. Auprès des deux Prélats, à la tête de nombreux fonctionnaires, on remarquait MM. le Comte Rivaud de La Raffinière, préfet des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) ; Bonnefin, maire de Saint-Brieuc ; Mourier, recteur de l'académie de Rennes ; Amiard, inspecteur d'académie, et Alliou, proviseur du Lycée. Ce jour là, comme en 1738, dans une cérémonie semblable, il y avait aussi affluence des habitants de la cité. C'est qu'il s'agissait également de compléter l'oeuvre matérielle de la construction, de répondre non pas à une convenance architecturale, mais au besoin le plus impérieux du coeur de l'homme, au besoin religieux. Développant largement cette idée, M. Moutier expliqua comment l'Université comprend l'union de la science et de la religion dans l'instruction de la jeunesse ; M. Bonnefin rappela les sacrifices de la ville et communiqua ses espérances au sujet de l'avenir du Lycée ; Son Eminence fit sentir la poésie et la force du sentiment religieux dans les églises catholiques, et proclama que prêtres et séculiers n'ont qu'un même but : « en formant des chrétiens, faire par là même des Français, des citoyens dignes de leur pays et de ses institutions »

Cette parole, si pleine d'autorité, puisqu'elle émane d'un Prince de l'Eglise, complète et résume mon étude sur l'ancien collège de Saint-Brieuc. Dans ce travail, en effet, j'ai voulu payer, aux hommes qui ont soutenu et dirigé le collège, une dette de coeur et de reconnaissance, au nom de la dernière génération de leurs élèves ; j'ai voulu aussi rappeler que, si les murs ont été rebâtis, si des transformations nécessaires ont eu lieu, il y a toujours eu dans l'établissement une tradition sacrée, qui a survécu aux crises sociales. Elle est composée de vertus chères à la ville, chères au pays : l'obéissance, le travail, le respect de la religion, l'amour de la patrie.

M. Jules Lamare - 1866

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