Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

CAHIER DE DOLÉANCES DE SAINT-ALBAN EN 1789

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Saint-Alban 

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Subdélégation de Lamballe. — Dép. des Côtes-du-Nord, arr. de Saint-Brieuc, canton de Pléneuf.
POPULATION. — En 1789, 220 feux (Procès-verbal) ; — en 1793, 1.198 hab. (D. TEMPIER, Rapport... au Préfet dans le volume du Conseil général des Côtes-du-Nord, session d'août 1891, 3ème partie, p. 162).
CAPITATION. — Total en 1770, 991 l. 12 s. 8 d., se décomposant ainsi : capitation, 676 l. 10 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 59 l. 3 s. 10 d. ; milice, 90 l. 6 s. ; casernement, 165 l. 12 s. 10 d. (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3981). — En 1778, 124 articles supérieurs à, 3 l. (Ibid., C 3982). — Total en 1789, 1.082 l. 4 s. 1 d., se décomposant ainsi : Capitation, 709 l. 14 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 62 l. 2 s. ; milice, 90 l. 13 s. 7 d. ; casernement, 219 l. 14 s. 6 d. (Arch. des Côtes-du-Nord, C 43).
VINGTIÈMES. — En 1787, 2.087 l. 16 s 10 d.
FOUAGES. — 17 feux 1/3 1/10 1/39. — Fouages extraordinaires et garnison, 364 l. 15 s. 11 d.
DÎMES. — 1.350 boisseaux de froment.

OGÉE. — A 4 lieues à l'E.-N.-E. de Saint-Brieuc ; à 17 lieues de Rennes et à 7 lieues 1/2 de Lamballe. — 850 communiants. — Le territoire, borné au Nord par la mer, offre à la vue des terres de bonne qualité, quelques prairies et beaucoup de landes, dont le sol paraît mériter les soins du cultivateur.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 1er avril 1789, au lieu ordinaire des délibérations, soue la présidence de Maurille-Joseph Jehannès du Haut-Champ, seul juge de la juridiction du Chemin-Chaussé. — Comparants : Jean Toublanc ; Jacques Caillibotte Saudrais ; Pierre Hourdin ; Jacques Derlot ; Pierre Bouguet ; Pierre Barbedienne ; Joseph Cornillet Roche-Morin, lieutenant du gué ; Jean Levesque, syndic ; Alain Rouget ; Alexis Merpault ; Claude Orio ; Jean Bottrel ; Jacques Briend ; Jacques Barbedienne, capitaine de navire ; Toussaint Narucet ; Pierre Trévily ; Jacques Michel ; René Tréhoret ; Antoine La Salle, marchand ; Jean Thomas ; Mathurin Merpault ; Mathurin Lanfant ; Mathurin Blanchet ; Mathurin Cornillet ; Jacques Caillibotte de Mauny fils ; Jacques Derlot du Poirier ; Louis Rouxel ; François Bouguet ; François Thomas ; Joseph Chrétien ; Charles Jégu ; Pierre Crolais ; Joseph Le Louarne ; Jean Auffray ; Pierre Bourgault ; Jean Rault ; Jean Briend ; Toussaint Goure ; François Renault ; François Grogueneuf ; Charles Pansart ; Pierre Bourgault de Saint-Prêt ; Pierre Derlot ; Jacques Jammes ; Français Grimault ; Joseph Bertrand ; Laurent Garoche ; Félix Lhostelier ; Pierre Guillois ; Jacques Briend d'OEillet : Jean Collet ; Georges Trévily ; Jacques Huchet ; Jean Gesrel ; Jean Pansart ; Pierre Bréhault ; Julien Toublanc ; Jean Bôchet ; Julien Briend ; Jacques Nivet ; Jean Mulon ; François Trotin ; Jacques Hilion ; Jean Gernotte ; Jacques Bonjour ; Jacques Thomas ; Claude Nabucet ; Mathurin Rouxel ; Jérôme. Lefebvre ; Jérôme Hourdin ; Toussaint Cahet ; Jacques Caillibotte Saudrais fils, lieutenant de la paroisse ; Hardy du Bignon, avocat et procureur fiscal. — Députés : furent d’abord désignés, Joseph Cornillet Roche-Morin ; Jacques Caillibotte Saudrais ; Jean Bôchet. Mais on lit à la fin du procès-verbal : « Les comprarants ont réduit le nombre de leurs députés à deux : M. Hardy du Bignon, avocat et procureur fiscal et Jacques Caillibotte Saudrais ».

 

[Cahier de doléances de Saint-Alban].

Le cahier reproduit d'abord le préambule et le § 1 des Charges d'un bon citoyen de campagne (voir note qui suit).

Note : La tâche de Saint-Alban, sur la route de Lamballe à Dinard par Matignon, était de 1.553 toises, et son centre se trouvait 2 lieues du clocher (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4883). Déjà, en 1770, les habitants de Saint-Alban se plaignaient d’avoir à faire leur tâche sur la route de Matignon, éloignée de plus de deux lieues ; ils réclamaient contre le grand nombre de garnisons auxquelles ils avaient été condamnés (Ibid., C 4390).

[2] Nous nous plaignons du tirage au sort pour la garde côte, qui nous enlève quelquefois et nous prive toujours pendant quelque temps des enfants utiles et très souvent nécessaires.

[3]. — § 3 des Charges...

[4] Nous nous plaignons de ce que les seigneurs, abusant de la permission dont les souverains ont bien voulu les gratifier de chasser dans l'étendue de leurs fiefs, étendent cette permission au delà de ses légitimes bornes et se permettent même de transférer leur privilège à des gens de toute espèce, notamment à leurs domestiques, qui vont déhayer les clos, dévaster nos campagnes, tuer les chiens de garde, insulter le laboureur, en un mot faire à leur fantaisie une police particulière, qu'ils veulent exercer avec des fusils à deux coups, surtout à l'égard de ceux qui ne servent point leurs passions ou celles de leurs maîtres.

[5] Nous nous plaignons des établissements des colombiers ou fuies et des garennes, parce que les animaux qui y font leur retraite ravagent nos emblavements et moissons.

[6] Nous nous plaignons de l'inégalité de la répartition des impôts, qui fait que le Tiers Etat est écrasé, pendant que les deux autres ordres ne paient presque rien respectivement à nous, même en ce qui concerne les impositions qui jusqu'ici ont été regardées communes.

[7] Nous nous plaignons de l'injustice des impôts particuliers à notre ordre, tels que les fouages et tailles, le casernement, les milices, les francs-fiefs, les droits sur les eaux-de-vie, liqueurs, etc.

[8] Nous nous plaignons des énormes vexations que nous essuyons de la part des contrôleurs, qui n'ont à nous représenter que des règles arbitraires, ouvrages des fermiers généraux ou traitants.

[9] Nous nous plaignons de ce que les décimateurs quelconques, donnant trop d'extension à leur droit de dîme, prétendent qu'à moins d'un titre positif d'exemption ils peuvent lever cette dîme dans les franchises accoutumées et même dans les jardins des paysans, contre la disposition d'un arrêt de la Cour et l'esprit de l'ordonnance nommée la Philippine (voir note qui suit).

Note : L'abbaye de Boquen possédait des dîmes sur les terres dépendant des fiefs de la Hunaudaye et du Guémadeuc, à la 12ème gerbe ; elle en possédait les deux tiers, tandis que l'autre tiers appartenait au sieur de la Villegourio ; par bail du 3 septembre 1749, ces dîmes furent affermées pour 9 ans, au prix de 18 l. (Arch. des Côtes-du-Nord, série H, Déal de Boquen, 1703, fol. 17 . v°). D’après un aveu de 1738, le comte de la Marck possédait un trait de dîme à Saint-Alban (Ibid., E 608, Mémoire imprimé pour le comte de Rieux, au soutien de son procès contre le comte de la Marck). — La Philippine désigne l’ordonnonce de Philippe-le-Bel, de 1303, qui défendit d’exiger les dîmes insolites (J.-P. GUIBERT, Institutions ecclésiastiques et bénéficiales, Paris, 1720, p 1811) ; quant à l’arrêt visé ici, c’est assurément celui du 4 juillet 1609 ( Voy. le cahier de La Bouillie, art [10] et [45], plus loin, pp. 600 et 606).

[10] Nous nous plaignons de ce que le sieur abbé de Tronjoly, décimateur ecclésiastique dans cette paroisse, y perçoive la dîme d'agneaux et de toison, dîme odieuse, insolite et qui est inconnue dans presque toutes les autres paroisses de la province.

[11] Nous nous plaignons des quêtes des religieux et religieuses mendiants, qui, par leur importunité et leurs discours insinuants, obtiennent beaucoup de grains, beurre, laine, argent, etc., malgré que la pauvreté et la misère règnent dans nos campagnes, tandis qu'il y a de riches communautés de leur sexe respectif qui seraient très en état de pourvoir leurs besoins en leur élargissant de leur superflu. On pourrait dire qu'il est indécent de voir des filles ainsi courir les campagnes et les villes de tous pays.

[12] Nous nous plaignons de ce que les Elats de la province prodiguent des sommes immenses pour pensions, gratifications et rétributions pour des services inutiles pour le bien public, ce qui est d'autant plus injuste que le poids en retombe presque entièrement sur nous, pauvre peuple, qui ne participons nullement à ces libéralités.

[13] Nous nous plaignons de l'établissment des étalons ou chevaux provinciaux, parce que cet établissement entraîne une dépense de deux cent mille livres et ne nous est aucunement profitable.

[14] Nous nous plaignons de ce que ceux qui ont le droit de moulins, et qui n'en ont pas d'existant dans la banlieue du domicile de leurs mouteaux, aient été autorisés à aliéner ou affermer leurs dits mouteaux et à les obliger ainsi de suivre des moulins étrangers (voir note qui suit).

Note : Le 26 juin 1762, Sevoy, receveur de la seigneurie de Lamballe, afferma à Joseph Dagorne, fermier des moulins de la Vallée, « tous et charuns les moutaux et étagers de la seigneurie de Lamballe en la paroisse de Saint-Alban, pour suivre les moulins de la Vallée » moyennant 40 l. par an ; le 12 janvier 1763, Sevoy réduisit le pris de la terme à 10 l., « attendu qu'on ne connaît dans la paroisse de Saint-Alban que 4 à 5 moutaux de Lamballe, vu que presque tous les fermiers de Bienassis suivent les moulins de ladite terre ». Jean Mauvret, meunier des Pontneufs, reconnaît, en juin 1768 « que les métayers du Vaublanc en Saint-Alban suivent les moulins des Pontsneufs, appartenant à Mgr de Penthièvre, avec leurs blés de toutes espêces ». Cependant, après 1770, Dagorne voulut contraindre les métayers du Vaublanc à suivre les moulins de la Vallée et à « lui payer trois quarts de froment faute de les avoir suivis dans tout le cours de l'année précédente et notamment depuis juin » ; le meunier prétendait qu'autrefois ces métayers suivaient le moulin en question. Le mémoire adressé au duc de Penthièvre sur cette affaire disait qu’on ne retirait que 8 l. du droit de moute des vassaux de la seigneurie à Saint-Alban et ajoutait : « si toutes les mouvances proches que S. A. S. a dans cette paroisse étaient bien connues, peut-être pourrait-on retirer de ce droit une somme beaucoup plus considérable » (Arch. des Côtes-du-Nord, E 608).

[15] Nous nous plaignons de ce que les seigneurs et autres nobles menacent d'envoyer des cavaliers de maréchaussée nous enlever des armes que nous n'avons chez nous que pour la garde de nos maisons et bestiaux, et dont nous ne faisons jamais aucun mauvais usage.

[16] Nous nous plaignons pareillement encore de deux choses : l'une que les seigneurs se soient arrogé la propriété des terrains vagues nommés communs ou pâtis, dont l'usage appartenait de temps immémorial aux riverains, et que, non contents de s'en être emparés, ils les closent, excluent d'autorité les passages qui avaient lieu par sur ces terrains et dévoient toute route à leur fantaisie ; et l’autre, que, suivant un arrêt obtenu au Parlement de Bretagne, les arbres plantés dans les chemins sur les bords des fossés soient censés appartenir aux seigneurs de fiefs, quoique ces arbres aient été plantés et soignés par les propriétaires des terres adjacentes, et que les dits propriétaires soient tenus aux réparations de ces chemins.

[17] Nous nous plaignons de ce que, contre la disposition textuelle de l'article 66 de la Coutume de notre province, les lods et ventes aient été introduits sur les contrats d'échange, et de ce que les seigneurs refusent depuis peu de temps une remise, ordinairement du quart sur tous les autres contrats, qui avait eu généralement lieu lorsque l'acquéreur se présentait pour les payer dans les trois mois (voir note qui suit).

Note : Divers aveux mentionnent les droits de lods et ventes au denier 8 (Arch. des Côtes-du-Nord, E 345).

[18] Nous nous plaignons de n'avoir eu jusqu'ici aucun représentant aux Etats de la province, à quoi on peut attribuer les charges qu'on fait tomber sur les campagnards.

[19] Nous passons sous silence d'autres sujets de plaintes, que la charité nous ordonne de taire, et nous articulons nos souhaits.

[20-22] Suivent les §§ 9 et 10 des Charges..., puis le § 11 modifié ainsi, après « ecclésiastiques » : « ni même fermiers des privilégiés actuels, mais toujours librement choisis parmi nous autres gens du Tiers ».

[23] Que, dans toutes nos assemblées, nul n'ait le droit de présider que celui dont nous ferons le choix.

[24-27] §§ 13, 14, 15 et 16 des Charges..., avec cette additions au § 16 : « Et qu'à l'avenir on n'en ouvre plus à la demande des seigneurs pour conduire des villes à leurs châteaux ».

[28] Que le fonds des droits seigneuriaux, tels que rentes, soit prescriptible, que même le vassal fût autorisé à faire le franchissement sur le pied fixé par la Coutume, suivant les différents degrés de juridiction, des redevances seigneuriales, surtout de celles de par deniers, qui souvent pour un ou deux liards obligent le vassal de se rendre, pour satisfaire à sa dette, à une lieue, quelquefois plus loin, et le font perdre une journée qu'il emploierait au travail pour substanter sa famille.

[29] Que la sergentise féodale soit supprimée, comme étant une corvée odieuse et souvent ruineuse, à laquelle jusqu'ici les seuls possesseurs de terres dites roturières étaient sujets ; et que les propriétaires des bailliages reçoivent ou fassent à leurs frais recevoir leurs rentes, jusqu'à la consommation du franchissement.

[30] Que toutes autres corvées féodales quelconques soient pareillement supprimées, et que les aveux généraux et en commun soient les seuls que les seigneurs puissent exiger dans chaque tenue consorte, pareillement jusqu'à la consommation du franchissement (voir note qui suit).

Note : Nous voyons que les tenues dépendant des seigneuries de la Hunaudaye, de Montafilant et du Vauclerc étaient des tenues consortes, devant des rentes solidaires, payables à l'apprécis de Lamballe et à la mesure du Chemin-Chaussé (Arch. des Côtes-du-Nord, E 1831, Minu du comte de Rieux, de 1759). Le fief de la Rivière, d'une superficie de 9 journaux, devait au seigneur du Guémadeuc 6 percées de froment, 2 s. mon. rente mangière, payable au tablier du Guémadeuc en Saint-Alban, à peine de 15 s. mon. d'amende : les rentes et les amende étaient solidaires (Ibid., E 1809, Minu du seigneur du Guémadeuc, de 1759). Dans la déclaration de Jamart Gicquel, rendue à la seigneurie de Lamballe, en 1745, il est fait mention de la « tenue consorte, solidaire, égaillable, revengeable et amendable de Carman Largentaye, sur laquelle tenue est due au tablier de la seigneurie, le jour de Saint-Etienne après Noël, 1 perrée de blé seigle, mesure du Chemin-Chaussé, payable par argent suivant l’apprécis des mangiers, avec amende de 15 s. mon. faute de painement » (Ibid., E 396).

[31] Que les juridictions seigneuriales soient, pour la commodité des vassaux, conservées, et que les juges de ces juridictions soient autorisés à porter des jugements définitifs et sans appel jusqu'à cinquante livres de principal ou cent sols de rente, et qu'au-dessus de cent livres ils soient autorisés à marquer des épices. Que l'appel des dites sentences, dont les condamnations excéderont cinquante livres, ne puisse être porté que dans un seul tribunal supérieur pour y être jugé en dernier ressort ; c'est le moyen d'éviter la ruine des familles (voir note qui suit).

Note : D’après l’état de 1766, les seigneuries de Lamballe, de la Goublaye, du Guémadeuc, du Vauclerc, de Montafilant exerçaient la haute justice à Saint-Alban ; les seigneuries de la Sorais et de Bleporo y exercaient la mayonne justice ; la seigneurie de Saint-Vreguet, la base justice (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1819).

[32] Que les dites juridictions seigneuriales soient exercées dans l'endroit le plus commode pour les vassaux dans l'étendue des seigneuries et non ailleurs ; c'est encore un moyen pour éviter aux dits vassaux beaucoup de frais et de fatigues.

[33] Que les dits seigneurs ne puissent révoquer leurs officiers qu'en cas de prévarication de la part de ces derniers ; la liberté de les révoquer ad nutum les rend trop complaisants pour les seigneurs et la crainte d'une révocation peut les porter à exercer des vexations sur ceux qui, ayant soutenu de justes prétentions, auraient encouru la disgrâce du seigneur.

[34] Que, comme les propriétaires de moulins sont peu soigneux de faire choix de bons et d'honnêtes meuniers et qu'ils préfèrent celui qui offre le plus, sans s'informer de sa probité, qui est d'ailleurs assez rare chez les gens de cette profession, il serait juste que les dits propriétaires répondissent de la gestion et des friponneries qui peuvent être commises par leurs meuniers, ou que les mouteaux eussent la liberté de suivre un autre moulin à leur choix, même quand, par la faute du meunier ou du moulin, il ne serait fait que de mauvaise farine ; sur quoi le témoignage de la majorité des mouteaux ferait la loi ; les dits vassaux auraient la même liberté, comme aussi que le propriétaire du droit de moulin qui n'a pas de moulin existant et en bon état ne puisse obliger ses mouteaux à suivre un moulin étranger.

[35] Nous demandons, attendu ce que nous avons ci-devant dit touchant l'abus du droit de chasse, qu'il soit défendu aux propriétaires de fiefs d'autoriser qui que ce soit à chasser, entre autres leurs domestiques, gens souvent insolvables et violents, qui abusent de leurs armes dans l'espoir que l’autorité de leurs maîtres les mettra à l’abri de toute repréhension ; que, dans le cas qu’ils commissent à l’avenir quelques délits, leurs dits maîtres en répondisset civilement et fussent condamnés à tous dommages et intérêts suivant l'exigence des cas [Note : En marge : « Voyez la déclaration du 3 mars 1604 »] (voir note qui suit).

Note : Il semble résulter d'un arrêt du Parlement de Paris, du 12 août 1760, que les seigneurs de fiefs avaient le droit de chasser même dans les enclos, parcs et jardins de leurs tenanciers roturiers, mais qu'ils ne pouvaient se faire accompagner de personne et qu'il ne leur était pas permis d’ « y envoyer chaser leurs domestiques » (GUYOT, Répertoire de jurisprudence, art. Chasse, t. III, pp. 296-297).

[36] Nous demandons la suppression des pensions et gratifications que les ordres privilégiés distribuaient entre eux aux Etats de notre province, même de tous arrérages.

[37] Nous demandons une formation plus régulière des Etats de notre province, et qu'en conséquence ils soient, par exemple, composés d'un nombre de 96 individus, savoir : 24 pris dans le premier et le second ordre du Clergé, 24 dans l'ordre de la Noblesse et 48 dans l'ordre du Tiers, partie dans les villes, partie dans les campagnes ; que l'une des places de procureur général syndic appartienne à l'ordre de la Noblesse et l'autre à l'ordre du Tiers ; que celle de greffier soit alternativement occupée pur un membre de la Noblesse et par un du Tiers. Quant à la place de héraut, nous en faisons l'abandon au profit de l'ordre de la Noblesse, parce qu'il ne sera plus payé à celui qui occupera cette place en gages et gratifications deux mille écus, mais seulement une somme proportionnée à la nature du service.

[38] Nous demandons l'abolition des francs-fiefs, impôt odieux, désastreux et humiliant pour le Tiers Etat et qui a causé la ruine de plusieurs malheureux habitants des campagnes ; un seul exemple suffit pour en convaincre : M. le comte de Rieux afféage une métairie 27 perrées de froment mesure de Lamballe ; on ne reconnaissait aucun mieux-vaut ou plus-value dans cet afféagement, et cependant l'afféagiste a été forcé de payer sept à huit cents livres de francs-fiefs.

[39] Nous demandons que l'impôt sur les cuirs soit supprimé, cet impôt ayant fait porter le prix des cuirs, quoique d'une très grande nécessité, à un taux exorbitant [Note : Il y avait un certain nombre de tanneries à Lamballe].

[40] Nous demandons que les sommes que l'on exige et que l’on applique au profit des hôpitaux dans les cas de dispense pour parenté ou autrement soient destinées à l'avenir au soulagement des pauvres de la paroisse des impétrants, attendu que nos pauvres ne sont point reçus dans les hôpitaux (voir note qui suit).

Note : Le Comité de mendicité de la Constituante allait bientôt constater que les campagnes ne profitaient nullement de l’assistance hospitailière (Camille BLOCH, L’assistance et l’Etat en France à la veille de la Révolution, p. 447 ). Pour la region de Vitré, voy une plainte analoge du cahier de Saint-Didie. — Il y avait un hôpital à Lamballe, mais dont les ressources étaient assez faibles, comme le constate le maréchal de Ségur dans une lettre du 11 mai 1787 ; celui-ci annonce à l’intendant que le Roi vient d’accorder à cet hôpital une gratification de 300 l. pour qu’on puisse « se pourvoir de linges indispensables au service » ; l’hôpital de Lamballe recevait beaucop de soldats malades (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1260 ; voy aussi Ibid., C 1273).

[41] Nous demandons qu'il nous soit permis, comme à tous autres citoyens, d'avoir chez nous des armes pour notre sûreté personnelle et celle de nos familles, surtout pendant la nuit, et qu'il soit fait défense à quiconque de nous les enlever, attendu que les gens de notre ordre n'en abusent jamais.

[42] Nous demandons qu'il soit établi dans notre paroisse une espèce d'hôpital pour recevoir les pauvres infirmes, à l'exemple de ce qui se pratique dans plusieurs autres paroisses de campagne, et que les fonds nécessaires pour cet établissement et l'entretien soient pris sur les revenus dont partie était originairement destinée par leur nature à un pareil emploi ; cet établissement paraît d'autant plus nécessaire que dans notre paroisse il y a une infinité de pauvres et toujours beaucoup de malades et d'infirmes et peu d'habitants aisés. Le seigneur de la paroisse, il est vrai, répand de fréquentes aumônes dans le sein de nos pauvres, mais il est à peu près le seul à le faire de tous les riches possesseurs de biens dans notre paroisse (voir note qui suit).

Note : Dans une épidémie, qui a éclaté dans les derniers mois de 1786, 28 malades pauvres ont été soignes à Saint-Alban par les chirurgiens des épidémies ; deus autres malades ont payé les visites et les remèdes ; 200 l. ont été accordées à Prevel, chirurgien, pour 40 journées qu'il a employées au traitement des malades de Saint.Alban et de Planguenoual. En 1785, le chirurgien Poulain avait passé 34 journées à Saint-Alban pour soigner les malades atteints de « fièvres putrides et bilieuses ». — Dans la dernière quinzaine de décembre 1785, le recteur Pattard a fourni aux pauvres malades 290 livres de pain et 232 livres de viande, qui ont coûté au total 113 l. 12 s., et, dans la première quinzaine de janvier 1786, 341 livres de pain et 322 livres de viande, qui ont coûté au total 147 l. 15 s. Le recteur déclarait, dans son état du 12 janvier 1786 : « Notre paroisse est dans une extrême misère ; j'ai sur les bras environ 150 pauvres ; on n'a donné des aliments qu'aux malades » ; sur le fonds de 200.000 l., il lui fut attribué, le 8 janvier:, 1786, 113 l., et le 22 janvier 1786, 80 l. En 1786, le chirurgien Poulain s'était plaint de la façon dont le recteur distribuait les secours et de son peu de générosité personnelle (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1368).

[43] Nous demandons que le sort de notre recteur soit amélioré et son revenu augmenté par la réunion à sa cure de biens ecclésiastiques jusqu'à deux mille livres au moins, sa portion congrue actuelle comprise, comme aussi que la pension de notre curé soit portée à mille livres (voir note qui suit).

Note : Le recteur de Saint-Alban donnait 12 l. pour les décimes, le curé, 3 l., un prêtre, 1 l. 10 s., la fabrique 15 l. 17 s. ; il y avait 11 fondations dans la paroisse (Arch. des Côtes-du-Nord, série G, rôle des décimes de l'évêché de Saint-Brieuc, 1783). Vers 1775, le revenu du recteur était de 600 l. (Le clergé du diocèse de Saint-Brieuc…, loc. cit., p 325).

[44] Nous demandons aussi l’établissement d'un second vicaire ou curé, absolument nécessaire dans la paroisse, attendu sa grande étendue et l'impossibilité où se trouvent les deux tiers des habitants d'assister à la première messe de paroisse, parce qu'il fera sa résidence dans le voisinage de la chapelle succursale nommée Saint-Jacques (3), qui est placée dans le centre de la paroisse, tandis que l'église matrice est presque à l'extrémité, et qu'il soit assigné à ce second vicaire une pension convenable sur les biens à ce destinés [Note : Cette phrase, depuis « et qu'il soit assigné », a été ajoutée en interligne]. Nous demandons que la dîme d'agneau et de toison du sieur abbé de Tronjoly soit supprimée, comme odieuse et insolite partout ailleurs [Note : Ces deux derniers mots ont été ajoutés après coup].

Note : Nous savons par un mémoire imprimé de 1746-1749 que LE comte de Rieux prétendaint à des droits de prééminence dans la chapelle Saint-Jacques (Arch, des Côtes-du-Nord? E 608). D’après HABASQUE (Notions historique su le litoral du département des Côtes-du-Nord, p 71, n° 1)? « cette chapelle est distante de la paroisse d’une demi lieue, et il y a des hameaux qui se trouvent encore à trois quarts de lieu au delà de la chapelle ».

[45] Nous demandons qu'il soit fait très expresse inhibition et défense à toute personne, de quelque qualité, état, sexe et condition qu'elle soit, de se comporter irrévéremment dans les églises par parole, geste ou autre action indécente, ni occuper le sanctuaire des autels, conformément à l'ordon nonce du 13 mai 1650 (voir note qui suit).

Note : Le 13 novembre 1725, Louis XV avait confirmé les anciennes ordonnances relatives au respect dû aux églises et « enjoint à toutes personnes de se comporter dans les églises avec la décence et la vénération convenables à la sainteté du lieu » (ISAMBERT, Anc. lois francaises, t. XXI, p. 296). D’autres ordonnances sur la police des églises furent édictées au cours du XVIIIème siècle, et notamment le 24 avril 1768 (mentionnée par ISAMBERT, op. cit., XXII, p. 482). Cf aussi GUYOT, Répertoire de jurisprudence, art. Eglise, t. VI, p. 640.

[46] Nous demandons qu'il soit fait défense à toutes personnes nobles ou autres de nous injurier, menacer ni excéder, sous aucun prétexte que ce soit.

[47] Nous demandons que les seigneurs, qui recueillent la succession des bâtards dans l'étendue de leurs fiefs, soient tenus de pourvoir à la subsistance et entretien de ceux qui y naissent, lorsque les père ou mère n'ont aucun bien suffisant à cette dépense, et que les enfants exposés, dont les pères et mères ne sont point découverts, soient pareillement élevés aux frais des propriétaires du fief.

[48] La fâcheuse condition des bâtards, qui ne sont point cause de leur origine, excite notre commisération et nous demandons qu'ils soient habiles à succéder à leur mère, sans qu’en aucun cas ils puissent prétendre à aucune succession collatérale.

[49] Nous demandons que, lorsque le rentier présentera à la recette le grain provenu ou crû sur l'hypothèque de la rente, toutefois après l'avoir accommodé suivant l'usage, s'il est refusé, le rentier nepuisse être inquiété de la part du propriétaire de la rente, qui sera seulement exigible en argent et au parix fixé par l’apprécis du jour le plus prochain du terme où la rente doit être fournie.

[50] L'administration actuelle des tabacs entraîne des frais considérables ; il serait, croyons-nous, possible de restreindre cette dépense en diminuant le prix de la denrée ; alors, le profit sur la fraude étant peu considérable, personne ne s’en mêlerait ; le nombre des employés pourrait être considérablement diminué et nous y gagnerions. Nous nous plaignons, aussi que, dans notre paroisse, il n'y ait qu'un seul bureau pour la distribution du tabac, ce qui gène beaucoup, attendu que des extrémités de la paroisse il y a à y venir une lieue et demie ; de plus, que ce bureau, apportant un certain bénéfice, soit assez ordinairement confié à des nobles, contre lesquels la crainte empêche de porter plainte, soit dans le cas où ils fournissent de mauvaises marchandises, soit lorsqu'ils pourraient ne pas donner juste poids (voir note qui suit).

Note : Le Parlement, de Bretagne, en 1784 et 1785, fit une violente campagne contre les agissements fermiers généraux : il leur reprochait surtout la mauvaise qualité du tabac qu'ils mettaient en vente dans leurs bureaux ; voy. A. LE MOY, Le Parlement Bretagne et le pouvoir royal au XVIIIème siècle, pp. 511 et sqq. — Ce qui contribua à la cherté du tabac, ce furent les sous pour livre que l’on imposa au cours du XVIIIème siècle : 4 s. p. 1. en 1758 et 2 nouveaux sous pour libre, en 1781 (Encyclopédie méthodique, Finances, art. Tabacs, t. III, p. 635). Nous voyons d'après le bail du 16 septembre 1738 que les débits dépendaient des bureaux généraux ; le bail explique qu'il ne doit pas y avoir un trop grand nombre de débits, car, dans ce cas, les débitants, n'ayant que de trop faibles bénéfices, « se hasarderaient plus aisément de se librer à la contrebante » (Ibid., pp 618-619).

[51] Nous demandons que, conformément à nos privilèges, il ne soit établi dans la province aucun impôt que d'après le consentement et acceptation des trois ordres réunis.

[52] ll est important qu'un pasteur ne soit point impunément outragé, afin que ceux qui l'environnent apprennent à le respecter. Nous demandons donc qu'il soit fait défense à toutes personnes, de quelque qualité, état, sexe et conditions qu'elles soient, d'outrager notre pasteur et nos ecclésiastiques, soit par des menaces de coups de fusils, propos injurieux, gestes dénotant du mépris ou autrement.

[53] La dîme se prélève à différents taux dans notre paroisse, dans quelques champs au douze, dans d'autres au trente-six, dans d'autres au soixante-douze ; cette variété occasionne de fréquentes contestations ; nous demandons qu'elle soit généralement fixée au trente-six sur tous les champs où l'on est dans la possession de la lever.

[54] Nous demandons que les frais des aveux et minus soient supportable par les seigneurs, attendu que ces espèces de redevances entrainent quelquefois des poursuites ruineuses pour les vassaux, surtout quand le seigneur et ses officiers n’affectionnent point les paroissiens.

Fait et arrêté en la sacristie, lieu ordinaire des délibérations.

[58 signatures, dont celle du président Jehannès].

 

DÉLIBÉRATION du 2 février 1789.
(Arch. communales de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, L).

[Les délibérants et notables adhèrent aux arrêtés de la communauté de ville et des paroisses de Rennes, qui] sont absolument conformes au vœu général de toutes les paroisses de campagne ; tout ce que nous avons vu, entendu et connu à ce sujet ne nous laisse aucun lieu d'en douter ; que, si quelques habitants de campagne semblent ne prendre aucune part aux réclamations du Tiers Etat, c'est qu'ils en sont détournés par surprise, crainte ou menaces ; que le fait des menaces est un fait très certain ; que plusieurs gentilshommes s'en sont rendus coupables [Nota. — La noblesse menace de faire pendre, de ne donner aucune aumône dans les paroisses ; les pasteurs menacés, le despotisme du noble est trop grand et à craindre dans les campagnes (Note marginale, de la même main que le corps du texte)] ; qu'il n'en faut pas davantage pour empêcher les gens qui sont dans la dépendance de la Noblesse, comme fermiers, rentiers et vassaux, de se réunir aux autres roturiers pour manifester le vœu général ; que nous sommes bien éloignés de vouloir offenser en rien les deux premiers ordres ; que nous les avons toujours respectés et que nous les respecterons toujours, mais qu'ils ne doivent pas trouver mauvais que nous demandions ce qui nous paraît juste ; qu'il est certain, dans le fait, que les deux premiers ordres n'en font qu'un respectivement à nous, témoin l'extrait raisonné des séances des Etats, qui nous a été communiqué de la part de quelque émissaire de la Noblesse ; que cet extrait prouve en effet l'accord parfait qui règne entre les deux ordres en tout ce qui peut être relatif à leurs intérêts contre ceux de l'ordre du Tiers ; que les daux premiers ordres s'étant promis par serment d'être toujours animés des mêmes sentiments, il en résulte que les opinions par ordre seraient toujours funestes au Tiers Etat, et qu'ainsi ce dernier ordre doit persister à demander que les opinions se prennent par tête, et que le Tiers ait autant de représentants de son ordre que les deux premiers ensemble.

[20 signatures, dont celles de Joseph Cornillet et de Jean Bochet].

(H. E. Sée).

© Copyright - Tous droits réservés.