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LE TOMBEAU DE SAINT CARADEUC EN ROZLANDRIEUC (ou ROZ-LANDRIEUX)

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La paroisse de Rozlandrieuc, d'origine bretonne, remonte certainement à une haute antiquité. Elle renfermait autrefois deux chapelles, sises aux villages de Landrieuc et de Langast, dont les noms, appartenant également à la langue bretonne, indiquent eux-mêmes une grande ancienneté.

La tradition locale prétend que saint Budoc naquit à Landrieuc, ce qui n'est pas impossible, car dom Lobineau pense que ce saint évêque de Dol était originaire des environs de la ville épiscopale. Quoi qu'il en soit, il ne reste plus de traces de la chapelle de Landrieuc et celle de Langast a également disparu.

Une maison occupe aujourd'hui dans le village de Langast l'emplacement du vieux sanctuaire ; celui-ci a dû, au reste, tomber en ruine il y a longtemps, car nous n'avons pas trouvé mention de son existence dans les registres de l'état civil de Rozlandrieuc aux siècles derniers. Mais son souvenir est resté gravé dans la mémoire des habitants de Langast, qui montrent encore l'endroit où il s'élevait jadis.

A quelque distance de cet emplacement, et près d'une autre maison du même village de Langast, gît à terre un cercueil de granit qui provient de l'ancienne chapelle, et que tout le monde nomme le tombeau de saint Caradeuc.

A demi-enfoui dans le talus d'un fossé, ce cercueil est brisé à son extrémité inférieure, mais il mesure encore extérieurement 1m 95 de longueur, de sorte qu'on peut le considérer comme presque entier. Il affecte la forme d'un coffre moins large vers les pieds que vers la tête ; il n'a de largeur intérieure que 40 centimètres au haut et 30 centimètres au bas. Les parois du coffre ont environ 12 centimètres d'épaisseur et sa profondeur est de 30 centimètres. La forme du cercueil est simplement rectangulaire, sans qu'il y ait une sorte de cellule spéciale pour renfermer la tôle. Enfin, dans le fond du coffre, vers le milieu, on remarque une petite excavation circulaire formant égout du dedans au dehors.

Tous ces caractères permettent d'attribuer ce cercueil à l'époque mérovingienne ; malheureusement, nous n'avons pu en retrouver le couvercle.

Mais qu'était saint Caradeuc dont cette antique sépulture conserve le nom ? Saint Caradeuc ou Caradec, anciennement Caradoc (Caradocus), a sa légende assez détaillée dans les Acta Sanctorum publiés par les Bollandistes. Elle est placée au 13 avril ; mais l'on y voit que ce saint Caradeuc, ermite dans le pays de Galles, en Angleterre, y mourut en 1124. Ce n'est donc point ce bienheureux qu'on honore en Bretagne.

Nos hagiographes nationaux ont, au contraire, conservé le souvenir d'un autre saint du nom de Caradeuc, vivant en Bretagne à une époque bien plus reculée, et dont la fête se célèbre le 16 mai.

Dom Lobineau a écrit dans la vie de saint Guénaël, abbé de Landévenec, que ce saint « se rendit à l'île de Groïe » et qu'allant « un jour au monastère d'un solitaire nommé Caradoc, situé, selon toutes les apparences, en terre ferme, il vit venir à lui un cerf poussé par les veneurs de Guérech II, comte du païs de Vannes, etc., » (Vie des Saints de Bretagne, p. 84).

Il est encore fait mention de saint Caradeuc dans la légende de saint Ténénan, évêque de Léon. Mais là il s'agit de la Grande-Bretagne, où naquit Ténénan ; celui-ci y fut mis par ses parents « à l'écolle d'un saint et docte personnage appelé Karadocus ou Karentec, sous la direction duquel il profita tellement que sous l'âge de treize ans il devint bon el parfait philosophe, mais encore meilleur chrestien » (Vie des Saints de la Bretagne-Armorique, par le P. Albert Le Grand). C'est aussi à ce saint Caradeuc que Ténénan dut la guérison de l'horrible lèpre dont il avait obtenu d'être frappé pour se soustraire aux obsessions d'une méchante femme.

D'après dom Lobineau, saint Guénaël et saint Ténénan vécurent au VIème siècle ; c'est donc à cette époque qu'il faut placer l'existence de saint Caradeuc lui-même. Quant à savoir s'il y eut deux saints personnages portant le nom de Caradeuc ou s'il n'y en eut qu'un seul, habitant d'abord outre-mer, puis réfugié en Bretagne comme tant d'autres de ses compatriotes, nous n'osons rien affirmer. Le seul fait positif, — et il nous suffit, — c'est qu'un saint Caradeuc a vécu en Armorique durant le VIème siècle.

Cela admis, où vivait ce saint ? Il existe en Bretagne trois paroisses placées sous son patronage et portant son nom : Saint-Caradec près de Loudéac, jadis dans le diocèse de Quimper, aujourd'hui dans celui de Saint-Brieuc ; — Saint-Caradec-Hennebont et Saint-Caradec-Trégomel, sises l'une et l'autre dans le diocèse de Vannes. Comme c'est un très ancien monastère qui a donné son nom à la paroisse de Saint-Caradec près de Loudéac, appelée jadis Mostoer Caradec ou parochia monasterii Caradoci, l'on est porté à croire que ce monastère fut la résidence de saint Caradeuc (Voy. l'intéressant article de M. Robert Oheix, Saint Caradec appartient-il à la Bretagne ? publié dans la Revue de Bretagne et de Vendée, XLVIII, 21. — Saint Caradeuc est aussi le patron de Carantec, et primitivement de Saint-Carreuc ; il est honoré à Quimperlé et des chapelles lui sont dédiées à Mellac et à Pontaven. Il est représenté à Saint-Caradec-Loudéac en costume abbatial, crossé, mitré et bénissant, — et à Carantec en simples vêtements religieux, accompagné d'un disciple représentant S. Ténénan. (Essai d'iconographie bretonne, par Gaultier du Mottay).

Saint Caradec, ayant vécu au VIème siècle en Bretagne, y est-il mort ? Quoique les hagiographes ne le disent point, tout le fait supposer.

« Autrefois, à Donzy, diocèse de Nevers, on faisait le 16 décembre l'office de la Translation de saint Caradeuc, confesseur non pontife. Cette translation aurait eu lieu au XIIème siècle, et des religieux fugitifs, émigrant devant les armées qui ravageaient leur pays, en auraient été les instruments. D'après une ancienne légende de la collégiale de Saint-Caradeuc, le corps fut transporté dans l'ancienne paroisse de Bagneaux, près Donzy ; une chapelle s'éleva dans le lieu où il fut déposé, nommée la chapelle du Saint Breton, puis la Chapelle Bretonnière ; enfin, le village qui s'y forma prit le nom de la Bretonnière, qu'il porte encore. Une fontaine qui coule au-dessous du village se nomme fontaine de saint Caradeuc ; auprès d'elle sont quelques pierres provenant de la chapelle, aujourd'hui détruite. Vers 1170, le corps fut porté de la Bretonnière à Donzy ; en 1180, Hervé III, baron de Donzy, y bâtit une église, et fonda un chapitre » (M. Oheix, Saint Caradec appartient-il à la Bretagne ?).

Maintenant encore, on honore à Donzy quelques ossements du corps de saint Caradeuc.

Or, comment admettre qu'il s'agisse ici des reliques de saint Caradeuc, mort en 1124 dans le pays de Galles ? Les Anglais n'ont point à cette époque, apporté leurs corps saints en France. Les Bretons, au contraire, ont fait aux IXème siècle et Xème siècles de nombreuses translations de reliques qui ont souvent voyagé dans les différentes parties de la France pendant les siècles suivants, au lieu d'être rendues à l'Armorique. Rien de plus vraisemblable que la translation du corps de saint Caradeuc de notre région bretonne dans une région française quelconque, translation finissant par définitivement échouer en Nivernais.

Revenons maintenant à Rozlandrieuc et au tombeau de saint Caradeuc. Il y eut à Rozlandrieuc un établissement monastique très ancien : au commencement du VIIème siècle, saint Malo construisit un monastère appelé Roz ou Raux : « S. Machutus œdificans monasterium construxit quod vocatur Raux » (D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 192). Il est vrai qu'on ne sait pas au juste s'il s'agit ici de Rozlandrieuc ou de Roz-sur-Couesnon ; mais l'on peut dire en faveur de Rozlandrieuc que cette paroisse continua durant tout le moyen-âge d'avoir un petit monastère dont l'église, encore debout quoique sécularisée, offre tous les caractères d'architecture du XIème siècle [Note : Ce prieuré de Rozlandrieuc, situé près du bourg, appartint longtemps aux Bénédictins de l'abbaye du Tronchet], tandis qu'il ne reste aucun souvenir d'un établissement monastique à Roz-sur-Couesnon.

Nous ne pouvons pas en conclure rigoureusement que saint Caradeuc vint mourir aux environs de Rozlandrieuc, ni que ce furent les moines de ce monastère qui transportèrent en France le corps de ce bienheureux, décédé à Langast ; mais ces hypothèses ne sont pas inadmissibles, et elles expliquent la présence en Rozlandrieuc de ce cercueil mérovingien appelé constamment tombeau de saint Caradeuc.

Il est certain que saint Caradeuc a vécu au VIème siècle en Bretagne ; il est très vraisemblable qu'il y est mort ; nulle part, dans la Basse-Bretagne, l'on ne vénère sa sépulture, demeurée inconnue jusqu'ici ; à Rozlandrieuc se trouve un cercueil contemporain de ce bienheureux et portant le nom de saint Caradeuc ; voilà l'état de la question, au lecteur de conclure.

L'on peut dire, il est vrai, que la chapelle renfermant jadis cette sépulture pouvait s'appeler Saint-Caradeuc, et que ce cercueil, renfermant à l'origine le corps d'un inconnu quelconque, en a pris le nom de tombeau de saint Caradeuc. Mais nous répondrons à cette objection, qui ne manque pas de spécieux, que si la chapelle avait dès ses commencements porté le nom de Saint-Caradeuc, le village où elle se trouvait eût pris infailliblement la même dénomination. Or, ce village s'est toujours appelé Langast, ce qui prouve que si saint Caradeuc est devenu le patron de la chapelle, — ce que nous ignorons, — c'est parce que le petit sanctuaire renfermait le tombeau de ce bienheureux. L'abandon dans lequel se trouve depuis des siècles la sépulture de saint Caradeuc s'explique facilement, d'ailleurs, lorsqu'on songe à la translation du corps de ce saint, faite à l'étranger depuis plus de huit cents ans, et au peu d'importance de la chapelle de Langast, tombée en ruines depuis fort longtemps.

Quant à nous, retrouvant, au mois de septembre dernier, ce tombeau de saint Caradeuc dans la paroisse de Rozlandrieuc, nous avons regardé comme un strict devoir de le faire connaître à ceux, — nombreux heureusement encore, — qui s'intéressent aux antiquités locales et au souvenir des Saints, apôtres et civilisateurs dès le VIème siècle de la fidèle et catholique Bretagne.

(abbé Guillotin de Corson).

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