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ROSPORDEN DURANT LA RÉVOLUTION

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Le « Comité » et la « milice nationale ».

Comme partout en France, la prise de la Bastille, puis la suppression des droits féodaux, dans la nuit du 4 août 1789, excitèrent l'enthousiasme de la population de Rosporden. Le 30 août, elle accomplissait à son tour sa petite révolution. A 1 h. de l'après-midi, bourgeois et habitants s'assemblèrent sous les halles. A la pluralité des voix et à l'acclamation de l'Assemblée, ils élurent un « Comité de Conseil permanent » de 12 membres, qui se substitua au « Général » de la paroisse :

Président : Pierre Oliveaux, entreposeur des tabacs, tenancier de l'hôtel des Trois Marchands. Conseillers : Jean-Jacques du Laurent de la Barre, avocat. — Pierre Piriou, procureur et notaire. — Corentin Le Goff, prêtre. — François Gogué, directeur de la poste aux lettres. — Le Gorgeu du Linto, notaire royal. — Mathurin Le Scoazec, maître serrurier. — Gilles Conanou. maître menuisier. — Julien Caëric, maître maréchal. — Julien Auffredou, maître boucher. — Jean-François Dufils, maître boulanger. — Joseph Le Roi, marchand.

Puis, de concert avec le « Comité », l'Assemblée commença l'élection des officiers, de la Garde nationale qui furent :
Major : Corentin Lharidon de Kernaourlan.
1er capitaine : Jean-Marie Le Beau de Trésidy, marchand drapier.
2ème capitaine : Billette de Villemeur. avocat en Parlement.
3ème capitaine : Corniguel, receveur des impôts.
1er Lieutenant : Jean-Marie Boyer, contrôleur des actes.
2ème lieutenant : Olivier Le Goarant de Tromelin, procureur et notaire de basse juridiction.
3ème lieutenant : Charles Riquier de Kergus, marchand de vin.
1er Sous-Lieutenant : Jean-Marie Cibeau notaire et procureur.
2ème Sous-Lieutenant : Claude Corporaux, ancien militaire.
3ème Sous-Lieutenant : André Doigny,
porte-drapeau : Julien Allain, marchand.

Après le compte-rendu de la réunion, aux signatures des élus s'ajoutent celles de Daniel, Jannic, Florentin, du Temple, Deschamp, Clange, Maisonneuve, Guillo curé de Rosporden, Gouiffès. Avec quelques autres, ce sont les notabilités de Rosporden qui comptait alors environ 500 habitants. Tous s'accordaient pour souhaiter en France un ordre social sans privilèges. Monsieur Guino, le Recteur d'Elliant, dont Rosporden faisait partie, était député à l'Assemblée Nationale.

Cependant, on s'aperçut bientôt que la Garde nationale ne comprenait que des officiers. Malgré tous les appels, personne ne s'y enrôlait. La caisse était vide et il aurait fallu payer les miliciens, leur procurer un « corps de garde ». Aussi le règlement de police, que l'on avait édicté dès la seconde réunion, restait inappliqué. Les cochons vaguaient par les rues dépavées ; les postillons y faisaient galoper leurs chevaux qu'ils menaient par bandes boire à l'étang ; et les pauvres rues, vrais cloaques, étaient encombrées de tas de boue et d'ordures où l'on s'enlisait la nuit. Mais surtout, les officiers en eurent vite assez de monter, seuls, la garde, tous les soirs, de 9h. 1/2 à 11 h. 1/2. Lharidon mit en demeure les membres du « Comité » d'y passer à leur tour, sous peine d'y être conduits de force. Après avoir fait la grimace, ces messieurs s'y résignèrent, « par bonté ». — Pour encourager les enrôlements, on avait déjà décidé que le chirurgien-major Tassy, qui résidait au Kerminihy, soignerait gratuitement les malades de la milice. On ajouta que la garde se partagerait les amendes qu'elle aurait infligées. Du coup, il y eut quelques volontaires et les trois livres arrachées aux uns et aux autres, leur permirent d'absorber pas mal de bolées à la santé du public, pendant leur promenade nocturne, depuis le tronc de Saint Eloi, à l'embranchement du chemin de Parc-am-breac'h, jusqu'au puits des « Trois Marchands » au coin de la place au Beurre. On dut défendre aux aubergistes de donner à boire à la patrouille !

 

La première municipalité (24 janvier 1790).

Tout ce beau zèle n'était pas conforme aux décrets de l'Assemblée Nationale. Le 24 janvier 1790, l'élection d'une municipalité rétablit une situation légale. Le 15, le « Comité » avait fixé la journée d'un citoyen actif à 12 sols, en sorte qu'il fallait payer 36 sols d'impôts pour être électeur, et 6 livres pour être éligible. Le 24, les électeurs s'assemblèrent sous les halles. Billette de Villemeur avocat en Parlement, fut élu maire pour l'année. Les sieurs Cibeau, notaire, procureur de la commune, Le Beau, Ollivaux, Dufils, Gogué, Le Goarant, officiers municipaux, formèrent avec lui la première municipalité de Rosporden. Puis furent élus 12 notables : Hervé Le Breton, receveur des contributions, — Yves Le Naour, — M. Maisonneuve aubergiste, — Le Scoazec, — Jn Nerzic, — Le sieur Piet, maître de la poste aux chevaux, — Vallet (tenancier de l'auberge « A l'image Notre-Dame » , arrêt de la diligence nationale) — Coëric-René Le Créoff, — Barthélémy Daniel, — Jean Quenehervé, et Yves Le Demezet. Ils devaient, avec la municipalité, sous le nom de « Conseil général » discuter des affaires plus importantes de la commune.

Le 26 janvier 1790, la municipalité de Rosporden se réunit pour la première fois. La séance débuta comme il se devait, par un discours du maire. Il recommanda la modération dans la soumission aux lois et l'éxécution des décrets de l'Assemblée Nationale. « Nous touchons, dit-il encore, au terme si désiré, semblables au nautonnier qui, après avoir été bien longtemps ballotté par les flots agités, voit l'horizon s'éclaircir et sent naître dans son cœur l'espoir de rentrer au port ! ». On applaudit ; et le maire suggéra d'envoyer son discours à Paris en hommage au Président de l'Assemblée Nationale! Ce qui fut fait.

 

Politique rospordinoise de 1789 à 1875.

De 1789 à 1875 les Rospordinois adhéreront avec le même enthousiasme, aux systèmes de gouvernement les plus variés. Tour à tour, on prêtera serment de fidélité " au Roi et à la Nation, " puis aux différentes " Constitutions " qui vont se succéder. On criera « Vive la Montagne » après qu'elle aura fait guillotiner 26 membres du Directoire du Finistère. On fêtera l'Être Suprême avec Robespierre, qui aura fait mettre à mort les chefs de la Montagne. Avec le Directoire on commémorera l'éxécution de Louis XVI, à qui on a pourtant juré fidélité. Le Consul Bonaparte, puis l'empereur Napoléon 1er recevront des protestations de soumission. Mais en 1814 on enverra une adresse à Louis XVIII « que les plus heureux évènements ont replacé sur le trône de ses Pères », et le portrait du roi viendra orner la salle des réunions. Celui de Louis-Philippe l'y rejoindra bientôt. Et cependant, jusqu'en 1832, les mêmes hommes, à quelques exceptions près, participent à l'administration de la commune. Enfin, nos édiles recommanderont à sa Majesté impériale, Napoléon III, « ses fidèles Bretons » de Rosporden, qui lui jurent obéissance ainsi qu'à sa Constitution, en attendant d'être républicains en 1875.

 

Le « don patriotique » et les levées de troupes.

La révolution avait besoin d'argent et de troupes. Dès le 28 octobre 1789, le " Comité " de Rosporden avait reçu notification du décret de l'Assemblée Nationale imposant aux citoyens, le " don patriotique " du quart de leurs revenus ! Cinq mois plus tard, la générosité des Rospordinois ne s'était pas encore manifestée. Le 9 avril 1790, la municipalité avertit la population, que l'on était dans l'obligation d'envoyer à Quimper les listes des dons reçus. Le 6 mai rien n'avait encore été versé. Ce fameux don patriotique semblait définitivement oublié lorsque le 19 juin 1791, le Directoire départemental s'avisa de le réclamer. Il devenait difficile d'y échapper, surtout pour les officiers municipaux. Messieurs Olivaux et Le Goarant essayèrent pourtant de l'éluder. Le premier fut exonéré de la moitié, à cause du marasme des affaires, mais le Goarant dut le verser tout entier. Le 24 mars 1793, tous les Rospodinois taxés ne s'étaient pas encore exécutés. Il y eut de nouvelles réclamations. Cette fois, on présenta comme excuse l'absence des deux prêtres (Messieurs Guillot et Le Goff s'étaient exilés en Espagne) dont la cote-part restait à payer. Et l'on n'en parla plus.

Il s'agissait maintenant de bien autre chose. La France était envahie. Le 24 février 1793, la Convention avait décrété la levée de 300.000 hommes. Le Finistère devait fournir 4.400 recrues, et l'on fit appel aux volontaires. A Rosporden, personne ne se présenta et l'on désigna d'office les défenseurs de la Patrie. Le 23 août, le " Comité de Salut public " ordonnait la levée en masse de tous les citoyens. Les jeunes gens de 18 à 25 ans furent convoqués à Quimper le 17 Septembre. Dès le 19 novembre on demandait encore des volontaires pour Dinan que les Anglais menaçaient. Il s'en présenta deux, et sans doute, des sujets peu intéressants, car la municipalité prévint le Directoire départemental, que si l'on ne voulait que des hommes de conduite, on n'en trouverait pas. Pourtant, le 29 décembre de cette même année 1793, arrivaient de nouvelles demandes de troupes. On voulait que la Garde Nationale de Rosporden se rendit à Quimper pour y être équipée. La municipalité répondit : " notre Garde Nationale, nullement habituée au maniement des armes, serait bien mieux placée à Concarneau, dont la garnison pourrait rejoindre Quimper ". Rosporden avait déjà versé pour la Patrie le sang d'un de ses enfants. Le 8 décembre 1792, la veuve de Guillaume Le Roux mort à Cherbourg sur le vaisseau de la République, Le Cléopâtre, réclamait assistance pour elle et ses deux enfants.

 

Manifestations révolutionnaires.

Il ne faudrait pourtant pas croire que Rosporden s'abstint de donner des preuves de son zèle révolutionnaire, de son « civisme », comme on disait alors. Ce sont, tout d'abord, dès août 1789, le « Comité », et la « milice ». Puis, on enregistre fidèlement tous les décrets des différents gouvernements. On les affiche, on les publie au son de la caisse. Et pour solenniser cette proclamation, on décide, en janvier 1790, que le drapeau blanc et rouge accompagnera le tambour de ville. Surtout, on célèbre avec éclat les fêtes révolutionnaires. En février 1790, un représentant de Rosporden prend part à la fameuse fédération de Pontivy, que la France va imiter. Le 14 juillet suivant, premier anniversaire de la prise de la Bastille, la population se rassemble sur la place de l'église autour d'un feu de joie. La milice renouvelle son serment de fidélité au Roi et à la Nation. Les municipaux arborent une belle écharpe blanche et rouge, dont l'argent de l'église a fait les frais, puisque la caisse communale est vide. Et sous les halles, ils ouvrent la danse qui se prolongera toute la journée au son des binious. En 1791, à cette solennité, on ajoute des chants patriotiques et le “ Te Deum ". Le 24 novembre 1793, on adopte le calendrier républicain, et le compte-rendu de la séance est daté « du 4ème frimaire 1793, l'an 2ème de la République ». Février 1794 vit planter « l'arbre de la liberté » sur la place au bout des halles, « pour se conformer à la loi » dit le régistre, qui ajoute : « autour d'un bûcher, on a chanté des hymnes patriotiques » pendant lesquels ont retenti les cris « Vive la République ! l'égalité ! la liberté ! Vive la Montagne ! ». Et l'on a encore bien dansé.

Le 4 juin suivant l'Etre Suprême de Robespierre était fêté de la même manière.
Le 29 pluviôse, an IV (18 février 1796), on décide de célébrer le dimanche, 2 ventôse (21 février), « la fête mémoriale de la mort de Louis Capet, dernier roi des Français » ! Et l'on prête serment de « haine à la royauté et à l'anarchie, » ! au lieu de « la monarchie », comme le voulait la Révolution. Ce qui nous laisse un peu perplexe, mais semble n'avoir alors étonné personne. Comment douter encore du « civisme » des Rospordinois !

 

Affaires religieuses.

En Janvier 1790, les municipalités furent habilitées à administrer les biens des églises à la place des conseils de fabrique. Le 18 avril, les édiles de Rosporden jugèrent que c'était en effet, pour ces derniers, un embarras dont il convenait de les décharger. Comme des voleurs avaient récemment pillé les coffres de plusieurs églises voisines, on décida qu'il était bon d'épargner à Rosporden un pareil malheur. Dès le lendemain, sept délégués du Conseil général de la commune se rendirent à la sacristie, d'où ils rapportèrent 1.247 livres 16 sols, qui furent bien accueillis. Pour justifier cette opération, on prit à charge les réparations de l'église ainsi que des chapelles de Saint Eloi, et de la Croix, à Diwolann. Puis on nomma de nouveaux fabriques pour percevoir, dans ces divers sanctuaires, les offrandes, qui reviendraient aussi à la commune.

Dans l'église, un chancel en longs fuseaux de bois fermait le sanctuaire. Il gênait évidemment la vue de l'autel. Il fut remplacé par une grille en fer forgé à hauteur d'appui. En août, le Christ qui surmontait ce chancel, fut réparé, puis placé sur la poutre au-dessus de l'entrée du sanctuaire. Il est au milieu du XXème siècle dans la nef, devant la la chaire.

Au début de Juillet 1791, le sieur Magado, « l'homme de l'art », de Quimper, refit les dorures et les peintures du beau rétable du maître-autel [Note : On le dit venu de Ploaré. Monseur Waquet, dans « l'Art breton » l'a classé parmi les belles sculptures sur bois de nos maîtres de la Renaissance, à la fin du XVIIème siècle]

Puis il donna plus de relief à l'habillement de Notre-Dame de Rosporden. Le tout lui fut payé 800 livres. — En Janvier 1792, l'autel du Rosaire exigeait aussi des réparations. Un grand tableau entre des colonnes supportant un fronton, en formait le rétable.

Ces tableaux du Rosaire représentaient d'ordinaire la Vierge et l'Enfant Jésus remettant chacun un chapelet à Saint Dominique et à Sainte Catherine de Sienne. Tableau et autel ont depuis longtemps disparu.

Cependant, le curé, Monsieur Guillot, et son auxiliaire, Monsieur Le Goff, n'avaient point prêté serment à la « Constitution civile du clergé », condamnée par le Pape comme contraire à l'enseignement catholique, et déclarée schismatique. La municipalité en avait averti le District, mais les deux prêtres ne furent pas inquiétés. La prestation du serment de fidélité au gouvernement révolutionnaire, par les autorités, devait rehausser la célébration du 14 Juillet 1791. Nos deux prêtres eurent soin de s'absenter ce jour là. Quelques fortes têtes en dirent leur mécontentement. Le soir, après les copieuses libations de la journée, un exalté entraîna quelques hommes à manifester violemment, avec lui, sous les fenêtres du curé, proférant des menaces de mort. La municipalité le fit mander pour l'admonester, tandis que le tambour de ville prévenait la population que ces procédés ne devaient pas se renouveler.

Le 31. mars 1792, avait été remise officiellement au curé, une lettre pastorale de l'évêque schismatique constitutionnel. Monsieur Guillot, s'abstint de la lire en chaire. Appelé à la mairie pour s'expliquer, il répondit que, n'étant point conformiste (assermenté), il ne reconnaissait pas Monsieur Expilly pour son chef spirituel. D'autre part, sa lettre « n'était pas revêtue d'une ordonnance expresse du District, seul chargé de faire exécuter les lois. Il n'avait donc pas à lui obéir ». La municipalité l'avertit qu'elle transmettrait sa réponse au Directoire du Département. Alors Monsieur Guillot déclara nettement que jamais il ne publierait cette lettre. Le 27 mai suivant, l'Assemblée Législative condamnait à l'exil ou a la déportation, les prêtres réfractaires (non assermentés). Malgré ces menaces, le lendemain du 14 Juillet 1792, Monsieur Corentin le Goff se présentait à la mairie pour réclamer les honoraires des fondations de Messes qu'il avait acquittées, de mai 1791 à mai 1792, à la mère paroisse, à l'autel du Rosaire, à Saint Eloi et à la chappelle de la Croix. On lui remit 112 livres, 11 sols, 6 deniers. Puis, nos deux prêtres quittèrent Rosporden et s'embarquèrent pour l'Espagne. Le 24 Juillet, arrivait un desservant schismatique (assermenté). Le 5 août, sous prétexte d'appliquer un ancien décret de l'Assemblée Nationale, tous les bancs furent sortis de l'église. La municipalité justifia cette mesure en disant qu'ils étaient un encombrement et que l'on ne versait pas pour eux les cotisations imposées. Le 28 octobre, pour prévenir encore les voleurs, les objets précieux de l'église furent mis en sûreté chez le procureur de la commune, mais à la disposition du desservant. Alors, celui-ci, s'étant fait régler les services qu'il avait célébrés pour les trépassés, quitta Rosporden pour Melgven. Un autre prêtre schismatique lui succédait, le 27 Janvier 1793, remplacé à son tour, le 16 juin, par un troisième, le dernier, qui ne resta pas plus d'un an.

Cependant, la Convention avait proclamé la République (21 septembre 1793), fait guillotiner Louis XVI (21 janvier 1793) et mis hors la loi les prêtres réfractaires (mars 1793). Le Coup d'état de la Montagne (2 juin 1793) et la terrible loi des suspects condamnant à mort tous ceux qui étaient soupçonnés de n'être pas révolutionnaires, achevèrent de jeter la France dans la Terreur.

Notre municipalité tint à manifester son zèle. Elle adopta le calendrier républicain, confisqua les objets du culte, mais se garda bien de les vendre, comme elle en avait l'ordre. Le 16 prairial an II, (4 juin 1794) elle célèbre la fête de l'Être Suprême, mais sur la place. Elle ose pourtant refuser, au nouveau « Comité révolutionnaire », de déclarer le décadi jour de repos, la population continuant, malgré l'absence de culte, à respecter le dimanche. Du moins, ce « Comité » obtient-il la confiscation des lits et des matelats déposés dans la prison, par des personnes charitables, pour les prêtres réfractaires de passage dans la ville, après leur arrestation. Mais il ne put mettre la main sur les objets du culte, gardés jusqu'au retour des prêtres. Car l'église et les chapelles étaient fermées et abandonnées. Puis dans des alternatives de terreur et de tranquillité, on arriva au Coup d'État et au Consulat de Bonaparte, ( 9 novembre 1799). Enfin le 18 juillet 1801, le Concordat était signé avec le Pape. C'était la fin d'un long cauchemar.

Aussitôt, la population manifesta le désir de voir réparer l'église et les chapelles, dont les toitures surtout étaient délabrées. La municipalité en chargea Monsieur Billette avec le concours des habitants.

Monsieur Bonden, prêtre réfractaire de Melgven, qui était resté dans le pays, échappant à toutes les recherches, fut nommé Recteur de Rosporden, devenu paroisse. Et le culte catholique, interrompu depuis 1794, fut rétabli en 1803.

 

Les Chouans.

La chouannerie contre-révolutionnaire fut beaucoup moins active dans le Finistère que dans le centre et l'Est de la Bretagne. On a voulu l'expliquer par l'absence de chefs. Un des plus fameux était pourtant de notre région. Jean François Edme Le Paige-Dorsenne, dit De Bar, l'Irréductible, était fils d'un notaire procureur de Concarneau, que des revers de fortune avaient fait entrer dans la Gendarmerie Nationale. Son fils, Edme Le Paige, frère de Jean François, fut gendarme à Rosporden, du 21 septembre 1792 au 12 ventôse an II ( 2 mars 1794 ), date à laquelle il passe comme brigadier, à Montagne-sur-Odet (Quimper). On comprend que l'Irréductible lui-même n'ait pas voulu s'exposer à le rencontrer. De la forêt de Conveau, sa division opérait sur les Districts de Rostrenen, Carhaix, Le Faouët, mais ne s'avança point de notre côté. D'autres chefs, qui n'avaient pas les mêmes scrupules, des Kernilis dit notre registre de la mairie, firent avec leurs bandes, quelques apparitions entre Quimper et Rosporden, d'Élian à Fouesnant. Dans la nuit du 22 au 23 floréal an IV (11 au 12 mai 1796), un homme, se disant porteur d'un ordre de Quimper, se présenta chez le receveur des contributions d'Élian. Dès que la porte fut ouverte, dix-huit à vingt hommes armés se précipitèrent dans la maison. Leurs fusils braqués sur la poitrine du receveur ils l'obligèrent à leur remettre ses fonds, : 400.000 livres en assignats et 200 livres en numéraire, plus le rôle de l'emprunt forcé et les quittances de versements. Dans son armoire, ils prirent encore 500 livres en numéraire. Du coup, le receveur dégoûté donna sa démission à l'Administration centrale de Rosporden.

Quelques années plus tard, dans la nuit du 22 au 23 vendémiaire an VIII (13 au 14 octobre 1799) une autre bande de chouans qui portaient au chapeau la cocarde blanche pilla la maison du nouveau receveur d'Élian. Mais ils ne trouvèrent pas chez lui les deniers de la République. Après avoir coupé, dans le bourg, l'arbre de la liberté, ils disparurent.

Peu après, le 12 brumaire de cette même année, (4 novembre 1799), un jeune garçon de quinze ans, de Rosporden, Julien Squiriou, qui était de noce à Locmariaan-Hent, se fit prendre par des chouans. Ils le contraignirent à les accompagner jusqu'à la grand-route de Rosporden à Quimper. Là une autre bande les rejoignit, et le groupe compta alors de 80 à 100 hommes. Une moitié prit, au Nord la route de Briec. L'autre, à laquelle appartenait notre jeune Rospordinois, descendit vers le bois de Pleuven en Saint-Yvi. Le bruit d'une fusillade lui fit rebrousser chemin pour porter secours aux camarades, que l'on croyait attaqués. On venait d'éxécuter un homme que notre Rospordinois ne connnaissait pas.

Après quelques jours sur la lisière du bois de Pleuven, le groupe se rendit à Élian. En passant au moulin du Jet, on y prit de l'argent, un cheval, et l'on gagna les abords du bourg. Le jeune Squiriou reconnut alors le pays, et il en profita pour s'esquiver dans l'obscurité.

Un autre exploit des chouans eut lieu sur la route de Rosporden à Concarneau, dans la journée du 27 nivôse de la même année (17 janvier 1800) Un convoi de blé, que Rosporden envoyait à Concarneau, rencontra une troupe de 25 chouans. Que se passa-t-il ? Les hommes du convoi furent-ils maltraités ? le blé répandu ou emporté ? Le président de l'Administration centrale de Rosporden, qui relate le fait devant ses collègues, n'a pas le temps do s'arrêter à ces bagatelles. Il va tout de suite, dit-il, au plus important. Or, quelques-uns de ces misérables chouans, les Kernilis, qu'il ne connait pas, ont chargé très expressément le commandant de l'escorte républicaine de lui faire des compliments, bien des compliments, de leur part. Et comme il descendait de cheval sur la place d'armes, le commandant et la troupe se sont acquittés de la commission, avec toute l'insolence désirable. Il a été hué, traité de vrai chouan, chef de chouans, et on lui a crié que l'on attendait le bon moment pour mettre le feu chez lui et le faire disparaître. Affolés, ne se sentant plus en sûreté, les pauvres Administrateurs écrivent au Département, qu'ils ne peuvent plus vivre à Rosporden si on ne change pas la garnison. Et le président donne sa démission.... qui ne fut pas acceptée.

Ce fut, dans les environs de Rosporden, le dernier exploit des chouans. Ils attaquaient les convois officiels, pillaient les caisses publiques, fusillaient les dénonciateurs des insoumis et des réfractaires, et même les prêtres assermentés. Ils se tinrent toujours à distance de la ville de Rosporden, qui avait une garnison composée d'étrangers au pays, et une gendarmerie. Il ne faut pas les confondre avec les « chauffeurs », qui se faisaient aussi passer pour des chouans, mais étaient des gens sans aveu profitant des évènements pour commettre des crimes de droit commun. On en voit apparaître à toutes les époques troublées.

 

La situation économique.

Rosporden se ressentit longtemps, et cruellement, des désordres de la Révolution, de ses guerres et de celles de l'Empire. Dès 1789, il fallut réglementer la vente et l'achat des denrées. Il fut interdit de les céder aux étrangers, avant midi. En avril 1790, apparurent les assignats, vite dépréciés. Le 2 février 1791, la municipalité avait obtenu de percevoir elle-même les octrois de Rosporden qu'elle mit en adjudication. Elle exigea du receveur, de l'argent effectif, à moins qu'il ne justifie avoir reçu lui-même des assignats. La méfiance envers le papier provoqua la hausse des prix. Les denrées furent taxées, mais aussitôt les marchés furent désertés par les paysans des paroisses voisines. Les commerçants de la ville refusaient naturellement, aux assignats des Rospordinois, les marchandises qu'ils accordaient au numéraire des étrangers. En 1794, la pénurie de blé obligea de réserver le pain pour les malades. Les paysans ne cédaient point leurs céréales, au prix de la taxe. Alors apparurent les réquisitions. Deux ou trois hommes de troupe s'installaient chez le paysan récalcitrant, et vivaient à ses dépens, jusqu'à livraison du grain demandé. Du coup, les marchés furent complètement désertés. Le commerce tomba. En 1796, l'agent de la commune, ruiné dans ses affaires par les réquisitions, déclarait ne plus travailler gratis, et abandonnait sa charge. Bientôt, les fournisseurs de vivres pour les troupes de passage, durent cesser le ravitaillement. En 1800, Rosporden comptait 300 indigents sur 765 habitants. En 1812, la municipalité décide une quête à domicile pour les pauvres les plus misérables. En 1817, la situation est encore pire. La commune dit le registre, ne compte pas 800 âmes. La population de la ville n'est composée, pour plus des trois quarts, que de malheureux, dont plus de la moitié demande l'aumône. Cette année 1817 fut calamiteuse, les récoltes précédentes ayant été nulles. L'année suivante, les foires et les marchés reprirent un certaine importance. Evidemment, les auberges en profitèrent tout d'abord. Il y en a un bon nombre. Voici les mieux cotées : « à la descente des marins » place au Beurre, — « à la croix d'or » place de la Mairie, — « aux deux coqs » rue de Quimper, — « au cheval blanc » rue de Quimper. Longtemps encore il y aura trop de malheureux. En 1846, la municipalité doit procurer du travail, sur les routes et les champs de foire, aux indigents réduits à la plus grande détresse. Et dans le même but, elle renouvelle en 1855, l'empierrement de la route d'Elian. Mais un autre fléau, l'alcoolisme, fait des ravages, surtout parmi la population rurale. Les médecins le constatent, lorsqu'il s'agit de prendre les jeunes gens pour l'armée.

Enfin, sous le Second Empire, Rosporden, comme toute la Bretagne, retrouve une certaine aisance. En 1870, la place aux bestiaux, près de l'étang, contenait en moyenne 500 bêtes à cornes, les jours de foire. La voie ferrée Paris-Quimper, arrivée à Rosporden en 1862, en avait fait un centre important d'expéditions des divers produits du pays, et surtout du bétail.

 

La ville : ses monuments, ses rues, ses places et ses issues.

L'église. — A la restauration du culte, en 1803, les bas-côtés de l'église étaient en grande partie découverts, les fenêtres de la sacristie complètement disloquées, le cimetière au Sud de l'église, ouvert de toutes parts. Avec le concours de la population, et quelques subsides accordés par la commune, Monsieur Billette fit, à tout cela, les réparations les plus urgentes.

Le cimetière : — Le cimetière, au Sud de l'église inchangé vraisemblablement depuis la construction de Notre-Dame de Rosporden, était insuffisant. En 1812, on en ouvrit un second, au Nord, pris sur le champ de foire.

Les cloches. — Le timbre monté dans la tour avec le gros bourdon, en 1765, dut être descendu pendant la Révolution. Le 25 mai 1806, on se propose d'acheter une nouvelle horloge et une petite cloche, le gros bourdon ne pouvant être utilisé journellement, sans danger pour la solidité de la tour. Cloche et horloge y furent installées. Mais la petite cloche, qui ne pesait que 200 livres, fut fêlée. En 1835, Monsieur Bonden, toujours desservant de Rosporden, demandait une aide de 226 f., pour compléter le prix de celle de 600 livres, qui la remplaçait. Elle sortait de la maison Chalmé de Lorient.

Saint Eloi et la Croix. — Le zélé pasteur s'était également intéressé au sort des chapelles. Celle de la Croix, à Diwlan, était en ruines. Elle fut abandonnée. Mais le 30 mars 1818, le Conseil lui permit de réparer Saint Eloi, avec les ressources que lui procureraient un frêne du cimetière de Rosporden, et les douze du cimetière de la chapelle. Un particulier fournit les bois de la charpente. Et Saint Eloi, cher aux Rospordinois, fut rendu au culte.

Les halles. — Rosporden doit posséder une cohue, autrement dit des halles, au moins depuis 1500 environ. A la fin de ce siècle, en 1589, quand éclatent les Guerres de la Ligue en Bretagne, Rosporden, d'après le chanoine Moreau de Quimper, est en effet une ville assez importante.

Le gouvernement royal vendit, en 1688, les halles, l'auditoire, le four banal, le moulin et l'étang. Le tout dut être acheté par les de Ploeuc, qui possédaient encore, en 1789, le four banal, le moulin et l'étang. L'auditoire avec sa prison, abandonnés, étaient en ruines et retombés dans le domaine public. Les halles avaient été afféagées, en 1698, à Julien Le Lièvre. Sans doute par héritage, elles appartenaient, en 1789 à Madame de Penguilly L'Haridon, C'est donc elle qui touchait alors les « droits de hallage », des commerçants qui y étalaient leurs marchandises. Elle estimait à 2.000 livres, le profit annuel qu'elle en retirait. Après la suppression des Droits féodaux, dans la nuit du 4 août 1789, les marchands prétendirent ne plus acquitter les droits de place. La municipalité leur rappela qu'en justice on ne pouvait utiliser une propriété privée sans verser une redevance. Cependant ces " droits de hallage " furent supprimés par l'Assemblée Nationale. Alors, le 6 janvier 1791, L'Haridon de Kernaourlan, fils de Madame de Penguilly, demanda une place dans la Gendarmerie Nationale, pour compenser le dommage qu'il avait subi. Il devint brigadier à Rosporden. Cependant, les halles, abandonnées de leurs propriétaires, furent bientôt en très mauvais état. Le 7 floréal an V (26 avril 1797), les marchands offrirent de réparer la toiture à leurs frais, moyennant le privilège d'une boutique. La municipalité préféra rétablir et réglementer les droits de hallage, et employer l'argent aux réparations nécessaires. Enfin, en 1820, les halles furent achetées au sieur Gilbert, héritier des Penguilly. Elles se composaient d'un grand bâtiment central, clos, contre les côtés duquel s'appuyaient, dans toute leur longueur, les petites halles ouvertes. Mais tout cela était délabré. Le 1er avril 1824, on décida, enfin, de rebâtir les bas-côtés, qui croulaient. On utilisa pour ce travail, les pierres de la chapelle en ruines, de la Croix.

La mairie. — Depuis la révolution, la municipalité tenait ses séances chez le maire, qui mettait une salle à sa disposition. En même temps que les petites halles, on décida de construire, pour elle, une chambre, sur l'extrémité Sud du bâtiment central et d'aménager un corps de garde sous le bas côté Est. Le 30 décembre, on revint sur cette décision et l'on entreprit en 1825, la construction d'une mairie, avec un corps de garde, en avant des halles, sur l'emplacement de l'auditoire et de la prison en ruines. C'est l'édifice actuel.

Gendarmerie. — En 1791, il est déjà question de troupes en garnison dans la ville, chez les habitants. La municipalité envoie, le 7 avril de cette année, quatre fusiliers et un officier, maintenir l'ordre chez l'entrepreneur des Tabacs, monsieur Oliveau, que la population menace parce qu'il n'a point diminué le prix de sa marchandise, conformément au décret de l'Assemblée Nationale. Une brigade de gendarmerie s'installe aussi en ville, dans la rue du Moulin, en juin 1792, Cette première gendarmerie, qui précédait immédiatement la rue de la fontaine, a été démolie par son propriétaire, Joseph Flatrès, pour faire place à une maison moderne.

Mais l'hébergement de la troupe restait une gêne pour la population parmi laquelle elle était répartie. Le 2 fructidor an VI (19 août 1798), on put louer, pour servir à tous de caserne, une grande maison donnant sur la place aux blés, à l'Est des halles. Ce nom de caserne est resté à la gendarmerie de Rosporden. Transférée une première foi dans la rue nationale, devant l'embranchement de la route de Sant Tiler, elle est aujourd'hui sur la route de Quimperlé, hors de la commune.

La fontaine. — La première agglomération gallo-romaine, sur la rive de l'Aven, près du gué où passait la voie de Cascadec, dut chercher à proximité, une source d'eau potable. Elle la trouva non loin de la rivière, au Sud de la voix romaine. Quand furent fondés la motte féodale et le hameau de Rosporden, avec la chapelle de Saint Alar, la source devint " la fontaine de Saint Alar ". Vers 1300, l'église changeant de titulaire, la fontaine en fit autant. On dira désormais : « la fontaine de la Vierge de Rosporden ». Ainsi l'appelle-t-on encore en 1843. Son bassin s'appuie contre un muretin dans lequel une niche abrite une statuette surmontée de l'inscription : MARIA. Ce fut donc, de tout temps, une fontaine publique. Au milieu du XXème siècle, elle était munie d'une pompe, et son bassin était recouvert d'une dalle.

Le puits communal. — La ville utilisait des puits privés auxquels recourait le public : Tel le puits des Trois marchands, près de l'hôtellerie de ce nom, au coin de la place au Beurre. En 1808, il est devenu propriété communale. La municipalité le fait entourer d'une margelle en pierres de taille, haute de 1m20, avec deux ouvertures, sur la rue principale et sur la rue de l'église, garnies, chacune, d'une pierre plate debout. L'auge pour l'usage commun, est du côté de la place au Beurre. On nous dit que cette margelle fut construite avec les pierres provenant de la Croix en ruine, de la place du Boulouar.

Ecoles. — Le 26 mai 1806, Rosporden exprima le désir d'avoir un instituteur communal, et désigna, pour cette fonction, un de ses enfants, René Girard. Il fut agréé l'année suivante par le Préfet. La ville avait depuis des siècles, ses écoles tenues par des personnes suffisamment instruites. Elles touchaient, des parents, une certaine allocation qui fut maintenue pour l'instituteur communal. Il fut exigé 1 fr. par mois pour chaque élève de la première classe où l'on apprenait seulement à lire, — 2 fr. par mois, pour la lecture, l'écriture et le calcul, — 3 fr. par mois pour les éléments de grammaire française et latine.

En 1836, fut construite, « à l'écart du centre de la ville, et à proximité de l'église paroissale, » la première école communale des garçons — Le 25 mars 1845, Posporden eut aussi une institutrice communale. L'école fut installée dans un local loué rue du Moulin, et plus tard, dans la maison actuellement de Monsieur Postic, maire, près du passage à niveau de la route de Coray traversant la voie ferrée Paris-Quimper.

 

Emplacements des marchés. — D'après un règlement de police du 18 septembre 1821, les divers marchés étaient ainsi répartis : le froment sur la place de ce nom, — le seigle et le sarrazin au nord des halles, — l'avoine au pignon de la caserne de la gendarmerie, — les farines, légumes, pommes de terre, fruits de toutes espèces devant la caserne de la gendarmerie, à l'est des halles, — le marché du beurre et de la volaille sur la place du puits banal (le puits des Trois Marchands).

Les halles closes contenaient vingt boutiques on exposaient surtout les marchands étrangers. Sous les petites halles, non closes, se tenaient les marchands de toile, de berlinge, les chapeliers, bouchers... La place aux bestiaux, ou champ de foire, fut toujours, comme aujourd'hui, près de l'étang, au nord de l'église. On y accédait par des chemins étroits, presque des sentiers, devenus des ruelles. L'église et le champ de foire se trouvaient au bord de l'étang. La berge, en cet endroit était si raide et si profonde qu'on l'appelait « le précipice de l'étang ». Afin de secourir « les nombreux indigents réduits à la plus grande détresse », la municipalité y fit travailler à l'aplanissement du terrain. Les deux cimetières, de part et d'autre de l'église, se trouvèrent ainsi réunis en 1847. Et cette même année, le champ de foire fut planté d'arbres.

En 1862, la voie ferrée, venant de Quimperlé, avait atteint Rosporden sur un pont par-dessous lequel on accédait à la moitié nord de l'étang. La compagnie d'Orléans se chargea de relier directement, par ce pont et le bord de l'étang, le champ de foire à la route de Coray. Elle dégageait ainsi le passage à niveau proche de la gare. Ce terrain, qui formait le glacis du château féodal, était, depuis toujours, le « commun » de Rosporden, ou chacun pouvait mener paître sa vache et laisser vaguer son cochon. L'emplacement du château en ruines était tombé lui-même dans le domaine public. La commune le vendit, en 1857, à Henri Cœur.

Le marché aux chevaux se tenait en haut du champ de foire. Dès 1791, il avait été transféré au Boulouar, autour de la Croix, jusqu'à l'entrée du chemin de Coat-Canton. Cependant, on l'y trouva gênant. Le 4 novembre 1818, il fut installé sur la route de Quimper « en face de la métairie d'en bas », c'est-à-dire peu après la route de Sant Tider. Enfin, le 1er octobre 1871, on résolut d'acquérir le terrain d'une place aux chevaux, en bordure de la route de Rosporden à Concarneau et de la rue de La Fontaine (l'ancienne voie romaine). Deux ans plus tard, cette place fut reliée directement à la route nationale, par la rue dite actuellement de Pierre Loti.

Dès les origines de Rosporden, la chaussée du moulin seigneurial forma l'étang, dont les eaux entouraient presque le « ros » et la motte féodale de Préden. Il n'y a pas si longtemps, il atteignait, en hiver, les jardins des maisons qui bordent, au nord, la rue Nationale, depuis le Boulouar jusqu'à la route de Park-am-breac'h. Lorsque fut ouvert, avant 1341, le chemin qui, de Pont Poullaouen, gagne Pont Bastard et Tourc'h, une chaussée basse franchit le bras ouest de l'étang. Il y eut alors le grand et le petit étang. En 1762, le duc d'Aiguillon fit passer la route Quimperlé-Quimper sur la chaussée du moulin, qui fut entièrement reconstruite. On l'appela « le grand pont », et la chaussée de la route de Coray devint « le petit pont ».

Le grand pont comprenait cinq voûtes. Le pavé de la petite voûte à l'est, sous laquelle s'écoulait le trop plein de l'étang, marquait le niveau qu'il ne devait pas dépasser. Ce fut là, pendant les années révolutionnaires, et au début du XIXème siècle, un sujet de chicanes continuelles entre les riverains et le meunier. Celui-ci bouchait, en partie, les voûtes du côté de Kernével, haussait les vannes de son moulin et celles du déversoir, pour avoir plus d'eau. Mais les prairies étaient inondées, le « petit pont » ou chaussée de la route de Coray, très bas, était impraticable. Il arrivait même que l'eau envahissait les prairies presque jusqu'à Roudon, sur la route d'Elian, comme le 22 mars 1792. Vers le milieu du XXème siècle, les vannes du déversoir ont été abaissées. L'étang n'atteint plus son niveau normal.

En 1862, la voie ferrée venant de Quimperlé, arrivait à Rosporden. On choisit comme emplacement de la gare, une lande qui bordait la ville à l'Ouest, après la métairie d'en bas, et s'avançait en pointe, dans le petit étang. Pour y accéder, on construisit un remblai, de la terre sortie de la tranchée par laquelle la ligne traverse de part en part, la butte ou « ros » de la motte féodale de Preden. Cette voie ferrée détruisit la belle perspective de l'étang, depuis le Moulin jusqu'à Ros-an-duc. L'aspect du petit étang fut lui-même complètement modifié. Le développement de la gare et de la ville devait, peu à peu, le faire disparaître.

 

Kerminihy pendant et après Révolution.

Par la suppression du régime féodal, dans la nuit du 4 août 1789, la seigneurie de Kerminihy cessait d'exister. Marie-Louise de la Marche et son mari, Monsieur de Kerjean, n'étaient plus que de simples propriétaires. Et bientôt, ces droits de propriétaires sur le fonds des domaines congéables seraient encore restreints tandis que les chefs-rentes et autres redevances féodales étaient complètement supprimées. Aussi, la terre de Kerminihy, déjà partagée en 1714, entre Pierre et Anne Le Pappe, voyait ses revenus considérablement amoindris. Madame de Kermorial mourut à Quimper le 8 avril 1790, laissant trois fils mineurs. Alors, Monsieur et Madame de Kerjean quittèrent le vieux château de Kerminihy et se retirèrent près de leurs petits enfants, leurs derniers héritiers.

L'aîné, Joseph François Marie de Kermorial, s'engagea dans l'Armée de l'Ouest, à 18 ans, le 12 mars 1802. On le suit avec l'armée impériale à Austerlitz, à Iéna où il est blessé, à Badajoz. Lieutenant des Grenadiers de la Garde impériale, chevalier de la Légion d'Honneur, il est encore blessé à Leipzig. Enfin, capitaine et officier de la Légion d'Honneur, il est renvoyé en non-activité en 1814. Dès Janvier 1815, il épouse à Morlaix, Mademoiselle de Kermellec, et s'installe à Kerminihy, dans le bâtiment du XVIIème siècle. Le vieux château, délaissé depuis 1790, complètement délabré, inhabitable, est abandonné à qui voudrait en utiliser les matériaux. Monsieur de Kermorial y prend lui-même les pierres dont il construit, à Rosporden, plusieurs maisons, dans la rue du Moulin. En 1830, il est nommé député pour l'arrondissement de Quimperlé, qu'il représente aussi au Conseil Général. Réintégré dans l'armée en 1832 et nommé lieutenant-colonel, il obtient le commandement de la place de Lorient où il meurt en 1833, âgé de 47 ans.

Il laissait quatre enfants mineurs. On dut vendre le château avec sa réserve et sa ferme, ainsi que les maisons de Rosporden, pour payer les dettes et régler la succession. Puis Madame de Kermorial se retira à Lorient avec ses enfants. Plus tard, les héritiers des Kermorial vendront, peu à peu, toutes leurs propriétés des environs de Rosporden.

L'adjudicataire du château et de ses dépendances, Monsieur Eloury, fabricant de faïence à Quimper, fit couper la plus grande partie des bois et défricher le sol pour y constituer une nouvelle ferme. Il laissa même les fermiers s'installer, avec leurs animaux, dans le château. Puis, au bout de quelques années, il revendit la propriété à Monsieur et Madame Avril. Ils eurent le mérite de restaurer et même d'agrandir le château, après avoir construit des fermes pour leurs locataires, de rendre la chapelle au culte, et de reconstituer un massif boisé autour de leur demeure. On y voit aujourd'hui, le plus beau douglas de France.

(H. Pérennès).

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