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La curiosité du lecteur aimerait, peut-être, savoir ce que sont devenus les exécuteurs des hautes oeuvres de la Révolution dans l’expulsion des religieux et dans la spoliation du couvent des Capucins de Roscoff ; les pages qui suivent vont la satisfaire.

Ville de Roscoff (Bretagne)

Malgré les gages si nombreux de son civisme et de son zèle, Ed. Quarre, (2ème inscrit sur la liste des suspects) dit d'Alligny, le secrétaire qui rendait compte au District, dans les termes que l’on sait, de la fermeture du couvent et de l’expulsion des religieux, le 23 novembre 1792, fut peu après suspendu de ses fonctions d’officier municipal, expulsé de Roscoff et mis en prison à Saint-Pol, comme un vulgaire moine.

On relève sur son dossier judiciaire :

« Quarré d'Alligny, âgé de 50 ans, cy-devant chevalier au point d’honneur, ou exempt des maréchaux de France, se disait cultivateur, parce qu’il travaille son jardin ; peu fortuné, mais singulièrement attaché à son titre de noblesse, disant souvent qu’on n’était pas gentilhomme si l’on n’était Quarré d'Alligny ».

« Homme caché et dissimulé, continue la note, il se croyait impénétrable, revêtu de l’écharpe par cabale en même temps que Villancourt, favorisant les aristocrates et faisant partir pour la frontière les patriotes lors de la levée des 300.000 hommes en 1792, disant qu’il fallait ménager les gens de la campagne pour se les attacher ».

Il sera remis en liberté en 1795.

Gérard Mège, le maire de Roscoff, qui depuis le début de la Révolution, dirigeait les destinées de la cité et partant fut mêlé à tous les événements dont nous avons parlé, ne fut pas plus heureux.

Dénoncé près du comité du salut public par les deux compagnons qu’il s’était associés pour expulser les Pères Capucins, il fut emprisonné à Saint-Pol d’abord, puis à Morlaix et à Brest sous la surprenante inculpation, si fréquente à l’époque, d’être un aristocrate et un ennemi de la Révolution.

Mandat n° 41.

Il proteste d’abord contre sa destitution, affirmant qu’il n’avait pas de parents émigrés « et qu’il avait été toujours un bon patriote, prêchant l’obéissance aux lois, n’ayant que des moeurs bien républicaines » (Archives Roscoff, L. 13).

Tels n’étaient pas les sentiments des membres du comité du salut public si l’on en juge par cette pièce jointe à son mandat d’arrêt :

« Accusé de capter la bienveillance, de s’estre fait nommer juge de paix pendant les trois ans où il a été maire, il a protégé les émigrations et le transport du numéraire, fréquentant les suspects et les gens comme luy ennemys de la Révolution, des ex-nobles qui auraient rougi avant la constituante de l’admettre parmi eux, chassé même des jeux publics, ils l’ont entouré et en ont fait une espèce d’automate qu’ils tournent à volonté pour influencer d’une manière perverse le peuple qui, peu éclairé, avait machinalement placé en luy une confiance aveugle...

Dans sa prison il insulte au patriotisme, gagné par les nobles. Quant à son opinion religieuse, nous savons qu’il n’a jamais plus préféré un culte qu’un autre. Nous pouvons dire même que sa religion est nulle, encore passe s’il eut celle de la Raison. Mais les ex-nobles et les aristocrates et toutes les couleurs s’étant fait un égide de la bande noire, en religion du Pape, il s’est montré en vrai singe le protecteur le plus ardent. Nous pouvons ajouter qu’il n’a point accepté la constitution ».

Il sera remis en liberté plus tard.

Un des plus étranges associés du Maire dans la gestion des affaires roscovites et qui, du reste, subit un sort semblable au sien, est sans contredit Villancourt.

Il est également sur la liste des suspects que le comité de surveillance fait incarcérer à Saint-Pol, le 3 floréal, an II de la République une et indivisible, 22 avril 1794.

Son acte d’accusation ne manque pas de saveur ; nous le transcrivons à peu près intégralement, malgré son sens équivoque :

« Le cy-devant comte de Villancourt, âgé de 66 ans, chevalier de Saint-Louis, officier dans le régiment cy-devant royal contois, ensuite et après sa sortie du château de Guise, employé dans la garde Coste où il était parvenu au grade de chef de bataillon, a eu des relations intimes avec la maison d’origine anglaise Macculhoth, établie à Roscoff depuis 25-26 ans, aussi peu attaché au gouvernement anglais que français, puisqu’il faisait un commerce interlope qui devait naturellement nuire à sa mère patrie, ne parlait néanmoins que d’après Pitt, ne voyait que par lui. C’est probablement là que Villancourt a puisé ses principes entravés, principes qui l’ont conduit à être l’homme le plus dangereux dans la circonstance. Cette famille, grâce à Villancourt, était fréquentée de préférence à celle des républicains. Mais la municipalité dont Villancourt était membre ayant été culbutée, cette famille a été incarcérée. Quant à Villancourt, il aurait dû être depuis longtemps soustrait de la société ».

« Comme un patriote lui reprochait un jour de porter la croix de Saint-Louis, malgré la loi qui avait aboli de porter toute espèce de décoration méritée ou non, il répondit qu’il portait toujours sur luy les droits de l’homme — c’était une paire de pistolets — et que le premier qui s’aviserait de la luy demander ne le ferait pas deux fois... ».

Il était également accusé « d’avoir propagé une certaine bulle du Pape qu’il a envoyé au cy-devant recteur de l’île de Batz. Cette bulle a été lue au prosne, et pour lui donner plus de relief, Villancourt a été dénommé au prosne comme l’ayant lui-même adressée au recteur ».

« Il n’a pas accepté la Constitution de 1793, vieux style ».

Villancourt sera remis en liberté après la chute du Directoire.

Heurtain seul semble avoir été assez rusé pour échapper au châtiment infligé à ses complices. Mais son petit-fils, Léopold Deschamps, à la fois notaire, banquier et industriel, faisait, en 1884, une faillite évaluée à deux millions, ruinant les cultivateurs de Roscoff et des environs qui lui avaient confié leurs petites économies, d’aucuns la veille même où il déposa son bilan.

Pendant quelque temps, « les Capucins » demeurèrent sans acquéreurs ; puis achetés par un homme du pays, le couvent et les jardins furent loués à un marchand de primeurs qui, quelques années plus tard, se suicidait pour éviter la banqueroute.

La maison passa aux mains de divers propriétaires. Après la mort du dernier, des désastres financiers très rapides mirent les siens dans la nécessité de vendre l’immeuble et ses dépendances.

Retour en chrétienté.

Alors se constitua une société immobilière qui racheta le couvent et une très petite partie du jardin, afin de permettre aux Pères de revenir dans leur ancienne maison. C’était le 8 janvier 1936.

Malheureusement en revenant chez eux, les frères des Martyrs de la Terreur trouvèrent les choses bien changées. Pendant les 140 ans qu’il a été habité par des séculiers, le couvent a subi de multiples transformations. Une aile a été abattue, et dans les deux autres, les pauvres cellules ont été remplacées par de grandes chambres trop spacieuses pour des moines ; les petites fenêtres qui caractérisent les ermitages capucins ont fait place à de larges baies aux multiples carreaux qui donnent un cachet original à l’ensemble des bâtiments, un aspect de maison de maîtres du XVIIème siècle. Les murs se sont couverts d’un épais manteau de lierre, qui semble protéger le couvent du froid, de la pluie et des vents.

La chapelle, comme dans les autres couvents de l'Ordre, était le lieu de sépulture des religieux et de certaines personnes de qualité qui obtinrent, au cours des temps, la faveur d’y être ensevelies. Les annales roscovites signalent, en 1731, la sépulture d’une Jeanne Provost, fille d’un écuyer, en 1741 d’une Marie Lucas et d’une Dame Douglas.

En 1795, les officiers municipaux voulant fêter le décadi dans un local qui puisse contenir les « vrais républicains les plus désireux de répandre l’amour de la paix, de l’union, et les plus soucieux de donner l’exemple de la soumission aux lois, y établirent leur quartier général ».

Plus tard, ce sanctuaire devint, selon les besoins des divers occupants, un hangar ou un magasin de légumes, voire une écurie à chevaux.

C’est donc un couvent mutilé, amputé, que les Enfants de saint François ont recouvré et qu’ils doivent à nouveau réadapter aux exigences de la vie monastique. Dans cette oeuvre, ils ont été d’abord soutenus par la haute bienveillance de son Excellence Mgr. Duparc, qui favorisa grandement leur retour et qui, au soir de Pâques 1936, en remerciant son prédicateur de Carême, un des Pères revenus dans le Léon, faisait réciter un Pater et un Ave pour la résurrection du couvent de Roscoff.

Les Pères Capucins de Roscoff (Bretagne)

Le même délicat accueil leur a été fait par le clergé paroissial, et par le clergé de Saint-Pol.

L’on ne saurait également passer sous silence la joie et la générosité des roscovites, qui voient, dans le retour des religieux, un gage de bénédiction pour la paroisse et pour les familles, en même temps qu’une délivrance du péril communiste. Le couvent avait été convoité par une municipalité moscoutaire.

Les Pères Capucins de Roscoff (Bretagne)

Devant la persistance de malheurs sur les « Capucins », persistance que l’on retrouve du reste en d’autres lieux, à propos de semblables acquisitions de biens ecclésiastiques, des légendes se sont accréditées à Roscoff.

Selon une rumeur, un certain Père Célestin, lors de l’expulsion définitive des Capucins, se serait retiré dans la direction de Saint-Pol, et parvenu au lieu appelé la « Croix de tonton Job » se serait retourné et levant la main dans la direction du couvent que l’on aperçoit fort bien de là, aurait appelé la malédiction divine sur l’audacieux qui oserait s’en emparer.

Nous savons qu’il n’y avait pas de Père Célestin à Roscoff à cette époque ; il ne pourrait être question que du Père Paul Marie. Quant à l’idée d’une malédiction, on ne peut s’y arrêter de la part d’un religieux qui n’hésite pas à baptiser le petit-fils de son persécuteur, deux mois après l’achat de son couvent par ce dernier.

Espérons que du haut du ciel les Martyrs qui ont favorisé le retour de leurs frères dans le Léon, les protégeront et leur permettront de faire du couvent de Roscoff un foyer de paix et de joie franciscaines (F. de Paule).

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