Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LE COUVENT DE ROSCOFF PENDANT LA REVOLUTION

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Roscoff   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Entre les divers articles que les deux électeurs de la commune de Roscoff feront insérer sur les cahiers de Doléances à Lesneven, nous lisons à l'article 14ème, à la date du dimanche 29 mars 1789...

« Les dits habitants de Roscoff, étant patrons et fondateurs du couvent des Capucins, demandent qu'il ne soit permis à qui que ce soit de les interrompre ou troubler dans la jouissance de leurs droits, privilèges et possession ».

Ville de Roscoff (Bretagne)

Cette déclaration, tout à l'honneur des Roscovites, était faite aux beaux jours de la révolution, à l'aurore de cette ère de justice, de fraternité, de paix sociales, que la foule crédule et enthousiaste croyait voir se lever.

Les événements devaient marcher rapidement, à Roscoff comme ailleurs, et démentir ces belles espérances.

Avant d'en arriver là, usant du décret du 14 décembre 1789, qui accordait à toute localité de 500 âmes, le droit de s'administrer individuellement, Roscoff s'était détaché de Saint-Pol et s'était donné une municipalité ; on y comptait à l'époque 1.500 habitants.

Un décret du 13 novembre 1789, de l'Assemblée Nationale, ordonnait à tous les titulaires de bénéfices et aux Supérieurs de maisons et établissements ecclésiastiques, de faire dans les deux mois la déclaration de tous les biens dépendant des dits bénéfices, maisons et établissements. Le R. P. Athanase de Lannion, gardien des Capucins, s'exécuta, mais sa déclaration n'eut pas le don de plaire aux municipaux de Roscoff qui, en la transmettant le 24 mars au Président du comité ecclésiastique de l'Assemblée Nationale, la qualifièrent « d'aperçu informe des revenus de la Communauté ».

Ville de Roscoff (Bretagne)

Inventaire du Couvent.

Dans la nuit du 4 août 1789, le clergé avait spontanément renoncé à ses privilèges, ce qui n'avait pas empêché l'Assemblée Nationale de voter, le 2 novembre, le principe de la confiscation des biens ecclésiastiques.

Le 13 février 1790, elle s'attaque aux religieux ; le 1er article du décret décide que la loi ne reconnaîtra plus les voeux monastiques solennels. Elle déclare en outre que les Ordres dans lesquels on fait de pareils voeux, sont et demeureront supprimés en France.

Comme corollaire à cette loi, un décret du 20 mars. ordonnait aux municipalités de faire l'inventaire des couvents et d'interroger les religieux sur leur volonté de rentrer dans le monde ou de rester dans le cloître. Ceux qui voudraient demeurer fidèles à leurs voeux seraient concentrés, pour y attendre la mort, dans quelques monastères.

Les religieux Capucins, faisant des voeux solennels, rentraient dans la catégorie visée par l'assemblée. L'inventaire du couvent fut fait par les membres du bureau municipal ; bien plus, ce couvent fut même choisi plus tard, pour recevoir les religieux qui voudraient demeurer fidèles à leurs obligations sacrées.

Mais revenons à l'expédition du maire de Roscoff et de quatre officiers municipaux, accompagnés d'un greffier secrétaire s'en allant faire l'inventaire du couvent.

Une expédition.

Le récit de cette expédition mériterait d’être rapporté dans tous les détails : nous nous en tiendrons à l'essentiel.
Reçus au réfectoire, les exécuteurs des hautes oeuvres de l'Assemblée commandent de réunir tous les religieux présents dans la maison, leur font lecture des lettres patentes du Roy, du 25 mars, lettres vérifiées à Rennes le 20 avril par M. du Valon, intendant de la Province de Bretagne ; lettres patentes affichées en ville, le 1er mai ; puis ils interrogent les religieux. Ils étaient peu nombreux à cette époque : au moment de la Révolution, la vie religieuse subissait un fléchissement en France, sous les coups répétés des jansénistes et philosophes du XVIIIème siècle.

Nota : « Cet inventaire fut fait, conformément à la loi, par les soins de la municipalité elle-même. Le maire, Gérard Mège, Pierre Diot, René Toulgoat, Alexandre Péron et Jean Chapalain, officiers municipaux et le secrétaire-greffier, Yves Prat, vinrent faire l'inventaire du couvent le 8 mai 1790. Ils ne trouvèrent à la maison que les Pères Athanase de Lannion, Vicaire, Alain de Pont-l'Abbé et François de Quimper. Le P. Ignace de Quimperlé, Gardien, était absent, il prêchait la mission de la Roche-Bernard, et le Frère Séraphin de Brest était également absent " pour la recommandation de la quête ". Les religieux présents, " de ce interpellés, ayant déclaré n'avoir aucun moyen empêchant la descente et la réquisition des officiers municipaux ", ceux-ci se mettent en devoir d'exécuter leur mandat. Ils énumèrent les ustensiles de la cuisine, comptent les draps et les serviettes de la lingerie, les tables du réfectoire, les barriques de la cave, les arbres du jardin, " tant en plein vent qu'en espaliers ", les 23 cellules du dortoir et les 5 chambres de l'infirmerie ; les 1.200 volumes de la bibliothèque. Ils trouvent à la sacristie 4 calices, 1 ostensoir et 1 ciboire d'argent, 12 ornements en soie et en laine et le linge nécessaire pour le service du culte, au maître-autel des chandeliers en cuivre et en bois doré. En fait d'argent monnayé, il n'y a au couvent que 18 livres ; il n'existe pas d'argenterie de table ; ils n'ont ni dettes, ni rentes, ni registres de comptes. Il leur reste 104 messes à dire, pour lesquelles ils ont reçu 78 livres ; au clocher il y a une cloche et une horloge ».

La famille.

La famille de Roscoff se composait de 4 Pères et d'un Frère lai. Le Père gardien, le P. Ignace de Quimperlé (Furic du Ligou) était âgé de 49 ans. Il se trouvait à ce moment en prédication à la Roche-Bernard, où se donnait une grande Mission. Il ne revint pas en son couvent à la fin de sa prédication, en mai 1790. Nous le trouvons au Croisic, deux ans plus tard, en mai 1792 ; arrêté et conduit en prison à Nantes, il fut déporté en Espagne [Note : Bulletin d'histoire et d'archéologie du diocèse de Quimper, année 1925, p. 259].

Le Père Athanase de Lannion, (François Gouélou), âgé de 57 ans, était le vicaire [Note : On donne ce nom, chez les Frères Mineurs Capucins, au religieux qui préside la communauté en l'absence du supérieur, le Père Gardien] du couvent. Venaient ensuite, par rang d'ancienneté en religion, les PP. Allain de Pont-l'Abbé (Barthélémy Veillet) et François de Quimper (Louis-François Cornic, âgé de 64 ans). Le Frère Séraphin (Mathieu Bouriec, 40 ans) faisait l'office de quêteur ; il était absent lui aussi, en raison de son emploi.

S'il faut en croire le procès-verbal, les Pères ne se sont résignés que par la force des choses à l'inventaire de leur couvent, fait dans toutes les pièces avec une grande minutie et un grand sérieux, puisque après la visite du chauffoir, de la cuisine, du réfectoire, de l'office et de la cave, « attendu qu'il est six heures sonnées à l'horloge de cette ville, dit le rapport, avons clos la présente journée et renvoyée la continuation d'icelle à lundy prochain à huit heures du matin ».

Le 1er mai, fidèles à leur tâche, comme des moines à l'office canonial, nos édiles continuent leurs investigations dans la lingerie, menuiserie, jardin, verger, bois, infirmerie, aux étages, dans la sacristie, la chapelle et le choeur des religieux. Tout est soigneusement noté, jusqu'aux moindres objets. A la bibliothèque, il y avait environ 1.600 volumes de format différent, tous reliés en veau ou parchemin.

Poussant plus loin leur enquête, les municipaux inspectent une petite maison mise à la disposition du jardinier du couvent, ainsi que celle de la « mère ».

On appelait de ce nom, une Tertiaire qui recevait les aumônes pour les religieux. Elle habitait la maison qu'on appelle encore aujourd'hui « les Petits Capucins ».

Le relevé des biens achevé, nos braves enquêteurs demandent qu'on leur présente l'argenterie et tout l'avoir en or et en argent que possédait la communauté. Le couvent n'avait évidemment ni argenterie de table,. ni médaille précieuse, ni monnaie, hormis 18 livres.

En partant, consigne sévère est imposée aux Pères de veiller avec grand soin sur tous les objets, et d'exploiter le jardin avec le plus grand dévouement. En outre, les officiers ordonnent que l'on traite avec charité les religieux, s'ils s'en trouvaient parmi eux, qui auraient le dessein de quitter l'Ordre. A quoi les Pères Athanase de Lannion, François de Quimper et Séraphin de Brest, rétorquent que leurs intentions sont formelles : ils resteront dans l'Ordre.

Par contre, le Père Allain de Pont-l'Abbé exprime son désir de reprendre sa liberté.

Ce long et minutieux inventaire est signé par les religieux présents et par les représentants de la Municipalité.

Dans le relevé, des arbres que contenait la propriété, mention est faite d'un grand figuier qui, dès cette époque, était déjà une curiosité.

Le procès-verbal porte un post-scriptum qui mérite d'être cité :

« Depuis la clôture de notre procès-verbal, s'est présenté devant nous le nommé Jacques Salaün, garçon servant chez les Pères Capucins depuis environ 50 ans, lequel nous a présenté un engagement réciproque qu'il aurait contracté avec la dite communauté le 11 septembre 1740 ».

Cette pièce atteste que Jacques Salaün, issu d'une excellente famille de la paroisse Saint-Pierre de Santec, s'est spontanément offert à se « dévouer au service des Pères Capucins pour réaliser son salut plus aisément qu'en restant dans le monde et pour s'assurer les prières des religieux. Etant donné la probité, la fidélité de cet homme, après avoir consulté le Père vicaire et les Pères anciens, le Père Gardien accepte de le nourrir et de l'entretenir sain et malade, jeune et vieux et de luy fournir tous ses besoins spirituels et temporels ; tandis qu'il sera honnête homme et fidèle ».

Cette déclaration si savoureuse et si expressive de ces dévouements généreux que l'on trouvait aux âges de foi, est signée de l'intéressé, de Pierre Parsera, son oncle, et du P. Ange de Quintin, gardien du couvent de Roscoff.

Il ne sera plus question de ce pauvre Jacques Salaün au cours de ce récit. Vraisemblablement il sera à sa manière une victime de la Révolution.

Nota : Que sont devenus ces cinq religieux de Roscoff.

« - Le P. Gardien, Ignace de Quimperlé (François-Joseph Augustin Furic, fils du Seigneur du Leignou en Scaër) mena la vie commune au Croisic, fut emprisonné à la citadelle de Port-Louis, passa ensuite au couvent breton de Lisbonne, enfin revint en France avec les Pères Paul de Tréguier et Symphorien de Lannion et se retira à Paimpol.

- Le P. Athanase de Lannion, né à Brélévénez, fut Supérieur de la maison de réunion de Roscoff, se déporta à Jersey, puis probablement à Lisbonne.

- Le P. François de Quimper fut emprisonné aux Capucins de Landerneau avec P. Antoine-Marie de Douarnenez et vingt-deux autres prêtres. Là, ils sont, disent-ils, " plongés dans la misère, manquant presque de pain, réduits à un seul repas ", Il fut plus tard détenu au ci-devant collège de Quimper.

- Le P. Alain de Pont-l'Abbé (Barthélemy Pelliet), qui avait demandé à sortir des maisons de son Ordre, mit sans doute son projet à exécution. Le P. Augustin de Quimper, gardien de Landerneau, annonce dès le 11 mars 1791, la mort du P. Alain.

- Le Fr. Séraphin de Brest, se rendit au Croisic pour y mener la vie commune. Au bout de quelques mois, on le retrouve au couvent d'Orvieto (Italie) afin d'y avoir la vie conventuelle qui lui était interdite en France ».

Un cas.

Il n'en sera pas ainsi du P. Allain de Pont l'Abbé, que nous avons trouvé résolu de rentrer dans le monde. Quelques mois plus tard, le 29 décembre, il écrit une lettre aux officiers municipaux « pour leur rappeler son désir de jouir des privilèges accordés par les lettres patentes du Roy sur un décret de l'Assemblée du 13 février, données à Paris le 19 du dit mois, et de ne pas souffrir plus longtemps sous la tyrannie de ses Supérieurs de Roscoff et implore le secours de leur autorité pour sortir de la communauté ». « Je requière de plus, Messieurs, ajoutait le P. Allain, que vous ayiez la bonté de venir avec moy à ma communauté, afin que je puisse avoir 27 livres 16 sols en argent et mes petits effets qui sont dans ma chambre ».

Le Père Allain quittera sa communauté, mais ne deviendra pas pour cela un prêtre jureur ; le Père Auguste de Quimper, gardien du couvent de Landerneau, signale sa mort dès le 11 mars 1791.

Notons, puisque ce fait nous en donne l'occasion, qu'au dire de M. l'abbé Tresvaux du Fraval, ce fut chez les Pères Capucins et chez les Pères Chartreux que l'on connut le moins de défections à la suite du décret du 13 février.

Tout en s'acquittant de leurs charges, avec une ponctualité quelque peu étonnante, nos braves officiers municipaux de Roscoff n'en gardaient pas moins leur estime pour les Pères Capucins, puisque le 5 novembre, ils transmettaient aux administrateurs du Directoire de Morlaix, « le vœu unanime de la commune de se voir conserver la seule communauté de Capucins qui existe dans son arrondissement ».

Ce voeu fut temporairement exaucé ; les Capucins resteront à Roscoff jusqu'en 1792. En 1791, le couvent comptera une vingtaine de membres venus des familles de Morlaix, de Landerneau et de Brest. En effet, Roscoff fut choisi comme lieu de résidence pour ceux qui avaient opté pour la vie commune, conformément aux décisions de la Constituante. Dans la liste des 25 religieux réunis à Roscoff, nous trouvons un Carme, le R. P. Corentin (François Carré, de Plougastel), ex-prieur du couvent de Carhaix ; un Récollet, le R. P. Dominique ; et 23 Capucins, dont 12 Pères et 11 Frères lais. Leurs noms ont été très précieusement gardés. Nous retiendrons de cette liste 3 figures plus particulièrement attachantes :

Le Père Joseph de Roscoff — Yves Mével ;

Le Père Paul-Marie de Landerneau — Adrien Kérautret ;

Le Père Louis-François de Morlaix.

Ville de Roscoff (Bretagne)

Vente.

Le 29 septembre 1792, les officiers municipaux reviennent vérifier l'inventaire du couvent, conformément à la loi du 16 août. Ils trouvent en parfaite condition les objets désignés dans le procès-verbal. A peu près un an plus tard, les 13, 14 et 17 juin 1793, le citoyen Joseph-Marie Guillaume, commissaire nommé par le Directoire du district de Morlaix, assisté de Charles Lavis, notable nommé par le conseil municipal de Roscoff, et de Pierre-Marie Trabert, officier municipal de Saint-Pol-de-Léon, vint procéder à la vente des dits Capucins et de la dite ci-devant communauté.

A part quelques objets dont s'était déjà emparés la Municipalité de Roscoff pour meubler ses casernes et celles des îles de Siec et de Batz, tout fut vendu et dispersé aux quatre vents.

« Cette vente, nous disent les documents, avait été annoncée par affiches à Léon, Morlaix, Landerneau, Landivisiau et Brest, et publiée à Roscoff au son du tambour par le crieur public qui vivait à l'hôpital ».

Les noms des plus ardents à la curée nous ont été fidèlement transmis par l'annaliste, avec leurs lieux d'origine ; il nomme « Maillard, de Brest ; Croc, de Landerneau ; Foustoul, Picart et Keralles, de Morlaix ; Jeanne Lesconnec, de Saint-Pol ; Yves Prat, Le Mat et La Mesnet (ou La Menut), de Roscoff ; et surtout le citoyen curé-jureur de Roscoff, Gabriel Luslac ».

Le total de la vente monta à 1.525 assignats, 14 sols, 6 deniers. Sur cette somme, 704 assignats, 9 sols, passèrent en frais divers : affichages, enregistrements, honoraires des vendeurs, etc...

Le citoyen curé eut les yeux trop grands : il acheta pour 305 livres, 17 sols de meubles, d'ornements, qu'il ne pût payer. Aussi la Commission écrivit-elle au District de retenir cette somme sur son traitement.

Quant aux 1.600 (ou 1.200 ?) volumes si soigneusement reliés de la bibliothèque, ils furent expédiés le 13 novembre au Directoire du District de Morlaix par le gabarrier Morvan de Locquénolé (Archives départementales, H. 214). Sont-ils arrivés à destination ? La péniche les a-t-elle transportés en bon état ? Sont-ils devenus la nourriture des poissons qui peuplent la rivière de Morlaix ou forment-ils le premier apport de la bibliothèque de cette ville ?

Les archives restent muettes sur cette question.

Quant à la cloche, elle fut expédiée au District en 1794, pour y être fondue et son bronze fut utilisé dans la fabrication des canons.

Dépouillé de son mobilier, le couvent des Capucins devint pendant quelque temps la caserne d'une compagnie de soldats hébergés à Roscoff. Aussi, quand la Direction de Quimper le mit en vente, la commune de Roscoff lui demanda, le 8 Prairial an VII — 28 mars 1799 — de le garder « comme seule et unique maison nous restant dans le canton, l'église elle-même servant à l'exercice des troupes par mauvais temps ».

La demande de la Municipalité ne fut pas entendue. La Communauté et ses dépendances furent achetées par un nommé Heurtain qui, durant la période révolutionnaire, remplit les fonctions d'officier municipal et fut membre du trop fameux comité de surveillance.

Yves Heurtain n'était pas du Léon ; il était originaire de Maisdon, au pays de Nantes, où, du reste, on retrouve encore aujourd'hui nombre d'homonymes, telle cette Marie Heurtain, la pauvre sourde, muette et aveugle qui, à une certaine époque, a retenu l'attention publique.

Installé à Roscoff avant la Révolution, Yves Heurtain s'y était marié avec Angélique Philippe et exerçait la profession de tonnelier. A cette époque, le métier de tonnelier nourrissait son homme à Roscoff, centre de contrebande. En effet, de là on expédiait en fraude, en Angleterre, d'importantes cargaisons d'eau-de-vie, de vin, de tabac ; et ces expéditions se faisaient toujours dans des barils.

La Révolution devait évidemment fournir à notre homme une excellente occasion de grandir dans l'échelle sociale. En 1793, il est déjà « gros négociant », puisqu'il peut déclarer conformément au décret du 8 Thermidor, 28 juillet, qu'il possède en ses magasins 55 veltes d'eau-de-vie, 74 barriques de vin, 58 pieds de chênes, 220 barils vides, 220 livres de tabac.

Par quel prodige de travail, d'économie, de génie, le tonnelier de Maisdon était-il si rapidement devenu directeur d'une telle entreprise ? Il nous est facile de le deviner en le voyant donner de tout coeur dans le mouvement révolutionnaire.

Il acheta successivement tout l'ensemble des « Capucins ». Le 4 Thermidor, 22 juillet 1796, l'enclos proprement dit lui était adjugé, ainsi que la maison de la « mère », les « Petits Capucins », pour 7.452 assignats. Trois ans plus tard, le 26 Prairial, 14 juin 1799, il se rendait acquéreur de tous les bâtiments constituant le couvent pour 2.200 assignats. 100 assignats, à cette époque d'inflation générale, an IV de la République, ne valaient pas grand-chose ; aussi, humainement parlant, le fabricant de tonneaux réalisait-il une bonne affaire : en effet, un ensemble de 2 hectares et un corps de bâtiment important lui revenaient pour une modique somme d’argent.

L'année précédente, il avait cru faire une meilleure opération en mariant sa fille Marguerite avec un capitaine d'infanterie démissionnaire, Jean-Baptiste-Alexandre Deschamps, originaire du Chablis, au pays de Langres.

Le mariage Deschamps-Heurtain fut béni par un Père Capucin, le Père Paul de Landerneau, qui, à cette époque, caché dans les bois de Kérestat et des environs, prodiguait le bénéfice de son ministère aux Roscovites restés fidèles à Dieu et à l'Eglise.. Ce qui n'empêcha pas notre capitaine, plus soucieux d'arrondir son patrimoine que de conquérir des galons, puisqu'il quitte l'armée à 29 ans, de se rendre acquéreur de biens nationaux en diverses ventes s'échelonnant jusqu'en 1808 [Note : Archives départementales. Vente des biens nationaux. Reg. VI, n°s 1264-1265. Reg. XIII, n° 125].

(F. de Paule).

 © Copyright - Tous droits réservés.