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FONDATION DU COUVENT DES CAPUCINS A ROSCOFF

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Histoire d’une Fondation.

« Au prosne tenu à l’issue de la Messe ordinaire dicte et célébrée dans l’église cathédrale de Saint-Pol, le dimanche 5ème jour de juillet de l’année 1615, se sont assemblés en la dite église... pour traiter et délibérer de leurs affaires générales et publiques... les cy-après nommés : François Philippe, Jean le Bescond, Jean Marzin, Vouyer, Guillaume Pierre le Maistre, Jean Bouyant, Jacob Guillou, Hiérosme le Pape, Yvon Prigant, Mathurin Caroff, Guillaume Olivier, auxquels a été remonstré par honorable homme Laurens Sioc’han, procureur syndic du dict bourg de Roscoff, comme dès le mois de mars 1614, la plus saine partie des bourgeois et habitants assemblés exprès en la chapelle de Monsieur saint Ninien, il leur fût proposé par noble et vénérable et discrète personne Messire René du Louet [Note : René du Louet — sieur de Kerguilliau — devint en 1640 évêque de Cornouaille], chantre de Léon, et le grand bien et l’utilité qui peut arriver... s’il était basti et construit un couvent pour la demeure des vénérables et dévosts Pères Capucins au dict bourg de Roscoff ; Que chacun savait que leurs prières continuelles, prédications publiques, exhortations pieuses, visitation des infirmes, enseignements salutaires et exemples de piété et bonne vie apportent beaucoup de consolations et contentement spirituel à ceux qui ont ce bien d’être auprès d’eux.

Par quoi les dicts ci-devant nommés, représentant le corps politique et généralité du dict bourg, ont d’un commun consentement et nul ne contredisant résolu et consenti sous le bon plaisir de Monseigneur l'Evêque, l’établissement des dicts Pères Capucins au dict bourg de Roscoff. Fait et passé au dict prosne par devant nous Yves Rochue! et Jean Rougied, notaire et tabellion de la cour des refaires ». Suivent les signatures.

Telles furent les premières démarches ayant trait à l’installation des Pères Capucins à Roscoff (Archives départementales du Finistère, H 214).

Les choses de juridiction ecclésiastique vont lentement. Saint Pol, toujours en rivalité avec Roscoff, possédait déjà un couvent de Minimes, Ordre fondé en Italie par Saint François de Paule. Les Evêques de Léon voulaient établir un couvent de religieux de cet Ordre à Roscoff.

De Morlaix, où les Pères Capucins étaient installés depuis 1611, à la suite d’une prédication faite par le Père Joseph de Paris, leur supérieur, le Père Bonaventure encourageait les Roscovites à revenir à la charge ; ils le font dans une adresse faite à Monseigneur de Saint Pol en date du 18 février 1621.

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La supplique.

« Supplient et vous remonstrent humblement les nobles Bourgeois Manans et habitants de votre bourg de Roscoff, Minihy [Note : On appelait Minihy l’ensemble des 7 paroisses dépendant de Saint-Pol] et diocèse de Saint-Pol, disant que quelques années y a, eux et leurs ancêtres ont eu la volonté et désirs, pour la consolation spirituelle des âmes et utilité du païs, avoir en cestre dit bourg un couvent des Pères Capucins et qu’il y a certains endroit et place pour y estre basti une maison et couvent aux dits Pères Capucins soulz votre bon plaisir, permission et autorité.

Ce considéré vous plaise, Monseigneur, d’enteriner le désir des dits Bourgeois et recevoir l’ordre cy-dessus, sans que ceux particuliers ny le général du Bourg soient obligés à la construction du bastiment ny à la nourriture des dicts Pères Capucins pour suivre en ce lieu saincte et louable coustume que en la profession et exercice de leur très haute pauvreté veulent aussi despendre en tout de la providence de Dieu et de la dévotion d’un chacun. Ce faisant vous obligerez les habitants à prier Dieu pour votre prospérité ».

L’acte signé de 45 noms est consigné, le 18 février 1621, par le notaire d’alors, Le Normand.

Cette supplique devait recevoir une prompte et favorable réponse, ainsi qu’en témoigne la lettre ci-dessous envoyée avec le dossier.

« Sçavoir faisons que après avoir reçu la requestre cy devant de l’autre part signée des habitants et manans de Roscoff y dénommés ; Nous avons loué, approuvé, ratifié leur bon dessein volonté et piété des dicts habitants, consentons que le contenu en la présente requestre sorte son plein et entier effet, permettons aux dévots Pères Capucins de planter la Croix et poser la première pierre au lieu et place qui leur sera assigné par les dicts habitants ou et quantes que bon leur semblera pour y faire bastir et construire une maison selon la constitution de leur Règle ainsy qu’il est requis ». Signé : RENATUS DE RIEUX, Evêque de Léon.

Quelques jours plus tard, le 24 février 1621, il rédigeait une lettre patente portant notification de sa décision.

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La réponse.

« René de Rieux, par la grâce de Dieu, Evêque de Léon et abbé commendataire des abbayes de Daoulas, du Relec et d'Orbaix, à tous ceux quy ces présentes lettres verront, salut.

Sçavoir faisons que désireux de promouvoir en nostre diocèse la gloire de Dieu et le salut des âmes et estant düement informé des bonnes moeurs, humilité et obéissance, sainsteté de vye, et érudition des Pères Capucins, par laquelle ils attirent les coeurs les plus endurcis à l’amour de Notre-Seigneur, joint les instantes prières des habitants de nostre bourg de Roscoff, quy de longue main nous ont témoigné l’ardent désir qu’ils ont d’avoir une maison de l'Ordre de ces bons Pères.

Pour ces causes et autres, à ce nous mouvant, avons charitablement concedé et par ces présentes concédons aux dicts Pères Capucins, de planter leur Croix au lieu du dict bourg qui leur a été destiné et là dorénavant faire les fonctions de leur vocation comme aux autres lieux ou ils ont été établis.

En témoin de quoy nous avons signé de nostre main ces dicts présentes et à celles faict apposer le cachet de nos armes.

Donné en nostre abbaye du Relec [Note : C’est dans cette abbaye du Relec qu’on trouva Mgr. de Rieux, inanimé à son bureau, le 8 mars 1654] le vingt quatrième jour de février mil six cent vingt et un ». RENÉ DE RIEUX, Evêque de Léon.

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Les actes.

Autorisés à s’établir à Roscoff par l'Evêque du lieu, les Pères Capucins, à la suite des démarches du Père Bonaventure, reçurent sans tarder le consentement du noble et vénérable Chapitre de Léon. Le greffe du Chapitre assigne l’obtention de cette faveur à la date du 6 Mars. Les archives départementales nous livrent les délibérations longues et minutieuses qui ont précédé la fondation du couvent de Roscoff. Deux pièces fondamentales pourtant font défaut : l’acte de donation du couvent et de l’érection canonique de la chapelle. Il semble bien qu’il faille se résigner à ne jamais retrouver ces deux pièces, si intéressantes qu’elles soient, car l’auteur des Annales Roscovites, auquel nous nous en rapportons pour l’histoire des Capucins jusqu’à la Terreur, fait cette remarque quand il arrive à l’année 1621 :

« Si je puis recouvrer l’acte de fondation du Couvent des Capucins de Roscoff, que l’on dit estre etably cette année, j’en donnerai la copie. Elle sera d’autant plus intéressante qu’elle sera sans doute souscrite par les bienfaiteurs. Ce qu’il y a de positif, c’est que Messieurs de Sioc’han, Marzin, etc... en ont donné le fond, et que, par une modération extraordinaire, les Révérends Pères ne prirent pas tout le terrain que les charitables fondateurs voulurent leur donner ».

« Cette maison est une des plus agréables et des plus gayes qu’il y ait. Elle est située sur le penchant d’une colline, dont la pente est douce, mais néanmoins assez sensible pour que le jardin soit formé de trois terrasses ».

Cette réflexion de Pascal de Kerenveyer, qui écrivait entre 1750 et 1794, est significative au premier chef ; elle semble vouer à l’insuccès toute recherche des documents en question rédigés 170 ans avant la tourmente révolutionnaire [Note : Un tableau, représentant la décollation de saint Jean-Baptiste, dominait le maître-autel jusqu’à la Révolution ; ce qui permet de supposer, non sans quelque raison, que la chapelle et le couvent étaient placés sous la protection du saint Précurseur]. Les Annales nous rapportent que la plantation de la Croix a été faite devant un grand concours de peuple, prêtres, religieux et fidèles.

La prise de possession d’un couvent se réalisait toujours selon ce rite. Nous ne savons exactement quel jour eut lieu cette cérémonie.

Les P. Capucins s’installèrent donc dans un bâtiment de fortune qu’ils agrandirent dans la suite, et aménagèrent en couvent. Les habitants de Roscoff leur offrirent plus tard quelques parcelles de terrain, jardins, parcs, bois, avec charge, selon la coutume de l’époque, de prier pour leurs défunts ; si bien que l’enclos des Capucins se composait, il y a peu d’années encore, d’un ensemble de terrains entourés de murs très épais d’une hauteur de 4 m. Le tout s’évaluait à plus de 3 hectares de superficie.

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La vie au couvent.

Les Couvents heureux, comme les peuples, n’ont pas d’histoire. De 1621 à 1789, la vie du Couvent de Roscoff s’identifie, sans doute, très étroitement avec celle de la cité.

Au cours du XVIIème siècle, on compte 14 entrées chez les P. Capucins, de jeunes gens originaires du pays, 9 Pères et 5 Frères.

Le plus célèbre de tous, celui qui porta le plus loin le nom du pays qui l’avait vu naître, fut, sans contredit, le Père Césarée. Qu’il serait curieux et agréable de faire revivre son existence étrange, inconnue aujourd’hui de ses compatriotes.

Les détails nous manquent actuellement pour reconstituer cette figure originale de moine érudit, de prédicateur éloquent, de missionnaire intrépide, de religieux exemplaire. Il prit l’habit le 16 mars 1615.

Quelques années plus tard, il devait être mêlé à l’événement religieux qui transforma fort avantageusement la piété en Bretagne.

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Le célèbre pèlerinage d'Auray.

Le 25 juillet 1624, Sainte Anne apparaissait à un pauvre paysan de Keranna, village des environs d'Auray, et lui faisait savoir que, dans un enclos appelé le champ de Bocenno, l’on trouverait, en creusant la terre, une vieille statue, dernier vestige d’une ancienne chapelle élevée en son honneur. Elle demandait en même temps que l’on voulût bien reconstruire le sanctuaire et organiser un pèlerinage en ce lieu, promettant de combler de faveurs ses dévots serviteurs.

Monseigneur de Rosmadeuc, Evêque de Vannes, demanda aux Pères Capucins, installés dans sa ville épiscopale, d’étudier la question. Le Père Césarée de Roscoff, à ce moment affecté au couvent de Vannes, dut être appelé à statuer sur cette apparition. Sur la déposition des juges ecclésiastiques, Monseigneur de Vannes autorisa les Pères Capucins à ériger d’abord une sorte d’abri pour la statue, puis encouragea la construction d’une chapelle, dès 1625.

Or, le 26 juillet, alors qu’une foule énorme, évaluée à 100.000 personnes, était accourue autour des Pères Capucins pour fêter la bonne Grand'Mère, Monseigneur n’autorisa pas la célébration des Saints Mystères : grand émoi parmi les pèlerins.

Dans cette extrémité, le Père Césarée saute à cheval, parcourt d’une traite les 9 kilomètres séparant Keranna du château de Kérango en Plescop, résidence de campagne de Monseigneur de Rosmadeuc, demande une entrevue à l’évêque, lui expose la situation, remonte en selle et revient à bride abattue, porteur de la bonne nouvelle : Monseigneur accordait toute autorisation, la Sainte Messe serait dite, la foule pourrait se livrer à ses dévotions.

Cette image du moine roscovite à cheval, galopant dans les landes vannetaises, nous fait deviner la bouillante ardeur du Père Césarée. Aussi les travaux apostoliques en France ne suffisent-ils bientôt plus à son zèle. Vers 1629, il s’embarque pour la Syrie et de là, à l’exemple des grands voyageurs franciscains du XVème siècle, les Jean de Mont Corvin, Jean de Plancarpin et autres, il passe en Egypte avec l’intention bien arrêtée de pousser, à la première occasion, jusqu’en Ethiopie.

Mais le découragement provoqué par la maladie, les fatigues, l’insuccès de ses efforts, des difficultés de toutes sortes, lui font demander son retour en France.

Il revient en Bretagne avec l’auréole d’un vaillant apôtre digne de considération : aussi ne sommes nous pas surpris de le trouver dès 1647 gardien du couvent de son pays natal.

Mais la direction spirituelle d’un couvent, les prédications à Roscoff et dans les environs ne calment pas son ardeur missionnaire. L’Afrique l’attire encore. Auprès de ses frères en religion, venus à Roscoff pour s’embarquer à destination de Lisbonne et de là gagner le Congo qu’ils ont mission d’évangéliser, le Père Césarée cultive ses aspirations apostoliques. Il médite le projet de se rendre d’abord au Congo et là, de gagner l'Ethiopie par le Sahara en traversant le continent noir.

Décidément l'Ethiopie le fascine, comme elle fascinera plus tard deux de ses Frères, les Pères Agathange de Vendôme et Cassien de Nantes, qui, sur la terre dont on a tant parlé ces dernières années, verseront leur sang pour la cause du Christ.

Les projets du Père Césarée ne furent pas mis à exécution ; il resta dans sa province où il fut fréquemment en charge : on le trouve en effet gardien des différents couvents de Vannes, d'Auray, de Lannion et de Roscoff.

Tout en se livrant au labeur apostolique des Carêmes, Avents, retraites et Octaves du Très-Saint Sacrement, il se préoccupe des questions linguistiques. En relation épistolaire avec Peiresc, un des savants les plus renommés du XVIIème siècle, il lui communique ses études personnelles, ses remarques sur la langue des peuples qu’il évangélisa, ainsi que des dictionnaires et des livres de langue celtique connus à l’époque, spécialement ceux de son compatriote, Guillaume Kiger de Roscoff.

Le Père Césarée mourut en 1654 alors qu’il était gardien du couvent de Landerneau et il fut enseveli, selon la coutume, dans la chapelle.

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Le travail des capucins à Roscoff.

Au XVIIème siècle, l’apostolat n’avait pas les spécialisations qu’il comporte aujourd’hui. Les prédicateurs donnaient des Avents, des Carêmes et des Octaves du Très-Saint Sacrement. Les Capucins de Roscoff se dévouèrent au service des habitants qui les avaient si ardemment et si généreusement accueillis.

En 1641, deux d’entre eux donnèrent la station quadragésimale en l’église de Croaz Batz ; les exercices étaient, sans nul doute, plus nombreux qu’aujourd’hui.

Les prédications de Roscoff étaient en renom à l’époque, si l’on en juge par la qualité des prédicateurs qui y sont venus.

En 1609, M. Tronson [Note : Sulpicien célèbre par ses méditations sacerdotales] prêcha les sermons de l'Avent. Il reviendra en 1611, accompagné d’un Père Récollet de Tréguier, offrir ses services pour les prédications d'Avent et de Carême.

En 1649, le célèbre P. Maunoir, Jésuite, y donna les exercices de la Mission ainsi qu’à Saint Pol et dans l’île de Batz.

En raison de la rivalité séculaire entre les deux cités, les Capucins de Roscoff devaient être écartés des prédications de Saint Pol. Ainsi le 9 juillet 1645, pour célébrer la prise de possession de leur couvent, les religieuses Ursulines firent appel au Père Joseph de Morlaix.

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Le ministère des confessions.

Jusqu’alors, les Pères Capucins retirés dans leurs ermitages aux abords des villes, ne se livraient pas dans leurs chapelles conventuelles au ministère de la confession. A Roscoff comme ailleurs, cette règle de la Réforme était observée ; mais elle ne pouvait satisfaire les Roscovites qui avaient demandé les Pères pour cette fonction.

En 1634, une dame de qualité (l’histoire n’a pas gardé son nom), se fait le porte-parole des Roscovites et demande à l’évêque de Saint Pol d’user de son influence pour leur obtenir cette faveur. Le T. R. P. Provincial, Joseph de Morlaix (Yves Nouet de Kerven) reste sourd à cette demande. Les Roscovites reviennent à la charge directement auprès du T. R. P. Joseph lui-même, mais sans succès. Douze ans plus tard, en 1646, alors que le Révérendissime Père Simplicien de Milan, Ministre Général de l'Ordre, visitait les couvents de Bretagne, les notables de Roscoff lui envoyèrent une supplique à cette fin. Nous donnons ici la traduction de la lettre rédigée en latin dans le style majestueux, quelquefois par trop pompeux et maniéré, qui caractérise le XVIIème siècle. Nous nous sommes efforcés de sauvegarder la forme des belles périodes cicéroniennes de l’épître.

Une lettre émouvante.

« Très Révérend Père dans le Christ, la ville de Roscoff s’approche de votre Seigneurie et se prosterne aux genoux de votre Paternité. Cette population confiante y est fortement encouragée par le témoignage de bienveillance, de piété, et de charité, qu’un immense concours de peuple rempli d’admiration a reconnu dans la suavité de ses paroles, dans la modestie quasi-divine de son visage et dans la dévote célébration du Très-Auguste sacrifice de la Messe.

La pieuse population de Roscoff, d’un coeur tout affectueux, demande à votre Clémence, des ministres du Sacrement de Pénitence, chose assurément onéreuse et à Votre Paternité et à l'Ordre, mais très agréable au zèle de l’un et de l’autre pour promouvoir le salut des âmes. Très agréable assurément au Christ, prince des Pasteurs, et à ses Anges. Quoi en effet, de plus cher au Christ que nos âmes qu’il a rachetées, non par des matières corruptibles d’or et d’argent, mais par son sang précieux, Lui l’agneau immaculé et sans tache, ainsi que l’a dit le premier des Pasteurs dans l’ordre du temps et de la dignité, le divin Pierre, vicaire du Christ Jésus.

Cette population de Roscoff, sait très bien ce qu’elle doit aux prières de ses Pères Capucins, à leurs exemples et à leur doctrine, mais elle souffre grandement en raison du petit nombre des confesseurs, de se trouver écartée de son très cher Epoux dans les embrasements du festin Eucharistique.

Souvent des hommes et des femmes, en grand nombre, parcourent une lieue afin de confesser leurs péchés aux Pères Carmes, et aux Pères Minimes de Saint François, mais par suite de la grande détresse de cette région, de l’incroyable difficulté de se procurer le vivre, il n’est pas loisible à tous d’aller aussi loin en vue de recevoir les secours spirituels.

Sera-t-il dit que des âmes privées de toute assistance matérielle et spirituelle demeureront engourdies dans le mortel refroidissement du péché près de séraphins brûlants : les Révérends Pères Capucins ?

Sera-t-il dit qu’elles mourront de faim et de soif, ces âmes auxquelles le Dieu fait homme, par une mort honteuse et cruelle, a restitué la vie, au prix de son propre sang ?

Les héritiers légitimes du Séraphique François ne souffriront pas, son Vicaire fraternel, le Ministre Général des Frères Mineurs Capucins, le Très Révérend Père Simplicien de Milan ne supportera pas de voir périr des âmes que son Séraphique Père a reçu mission de réchauffer et de sauver.

Il ne permettra pas qu’un jour ou l’autre, lui soit adressé le reproche du prophète : " Les petits enfants ont demandé du pain et il n’y avait personne pour le leur rompre ". Certes, si les Pères Capucins ne rompent pas le pain sacré, presque personne ne recevra un petit morceau de la table du Seigneur ; ainsi, contrairement à la volonté de Jésus-Christ, les pauvres seront privés et des biens matériels et des biens spirituels. Livrés au désespoir par cette double privation, ils crieront et ne seront pas entendus, ils redoubleront de clameurs et personne ne répondra : " Voici que je viens à votre aide ". Je ne puis croire que le R. P. Simplicien puisse se désintéresser de cette affaire, ni souffrir que son Ordre soit dépassé dans l’ardeur de son zèle par les Chérubins, les Trônes, les Puissances et autres choeurs terrestres, c’est-à-dire par d’autres instituts religieux. Deux instituts, les Récollets et les Minimes ont demandé déjà, sous prétexte d’administrer le sacrement de Pénitence, d’établir un hospice dans cette place forte, où, bien volontiers, la population préférerait procurer la subsistance à six Capucins plutôt qu’à deux religieux de n’importe quel Ordre.

Cette humble et ardente supplique adressée à Votre Révérende Paternité est le propre de tous les habitants de cette ville de Roscoff ; elle sera entendue de Votre Clémence ; le fait que, par une spéciale assistance non des hommes, mais de Dieu et de ses anges, Votre Paternité ait visité les couvents de la Province de Bretagne, malgré la fureur des vents et des marées, chose qui n’avait encore jamais été réalisée, est un gage de bénédictions pour cette contrée extrême de la terre. Tel est, du moins, l’espoir, la volonté et le ferme désir des habitants de Roscoff ».

Cette requête porte la signature de Jean Guillerm Querdu, Jean Hélès, syndic, Jean Hervé, Symon Jean Hervé, G. Boranlay, G. Salaün, O. de la Croix, G. Loguen, P. Guillou, Hélias, Nicolas Guillou, Brettouare, Guillou, Jean Marzin, Thomas Le Gac, Kerauguen, Hervé Le Bleiz, J. Kerautret, Nicolas Geffroy, Fr. Guillou, Le Gac.

A cette supplique, si bien dans le goût de l’époque et si pleine d’allusions, le Révérendissime Père Général se contente de répondre laconiquement :

« Je suis désolé qu’il ne soit pas en mon pouvoir, en dehors du Chapitre Général, de concéder à la ville de Roscoff la faculté demandée pour tant de motifs et avec tant de courtoisie, au sujet des Pères Capucins.

Ce pouvoir regarde le Souverain Pontife ; c’est pourquoi il sera nécessaire de recourir à Lui ou d’attendre le prochain Chapitre Général dans lequel, si j’y suis présent, je m’efforcerai de toute mon âme de satisfaire le zèle et la pitié des auteurs de la supplique.

Donné à notre couvent de Rennes, le 12 janvier 1658 ».

Cette lettre est adressée à M. de Kerdu, en sa Maison de Roscoff.

Pour comprendre la raison d’être de cette correspondance, il est nécessaire de se rappeler que l’église de Roscoff jusqu’à la Révolution, n’était pas paroissiale, mais était une succursale dépendant de Toussaint, l’une des 7 paroisses de Saint-Pol. Notre-Dame de Croaz était desservie par un vicaire et des prêtres auxiliaires au nom et à la place du recteur du Minihy.

Les Roscovites obtinrent gain de cause, et c’est peut-être grâce à eux que, dès cette époque, les Pères Capucins s’adonnèrent à ce qui devint plus tard une partie essentielle de leur ministère : l’administration du Sacrement de Pénitence et la direction spirituelle, oeuvres dans lesquelles ils excellèrent, au dire de l’abbé Brémond, écrivant ainsi l’une des pages les plus glorieuses de leur Ordre avec les Benoît de Canfeld, Honoré de Paris, etc...

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Planteurs.

S’il faut en croire certains auteurs d’ouvrages sur Roscoff, ce serait également les Pères Capucins qui auraient importé dans le pays la culture des primeurs et spécialement des oignons. D’aucuns prétendent même que cette culture avait été enseignée par les Pères espagnols vivant à Roscoff. Il est aisé de rétablir la vérité. Les Pères Capucins avaient reçu en charge l’évangélisation du Congo ; pour s’y rendre plus aisément et avec moins de fatigue, ils avaient établi un couvent à Lisbonne (Portugal) qui leur servait de relais sur la route de l'Afrique ; néanmoins ce couvent était attaché à la Province de Bretagne.

L’on comprend fort bien que des vétérans des Missions revenus à Roscoff, aient fait bénéficier leurs Frères en religion et les habitants du pays des expériences dont ils avaient été les témoins, et leur aient rapporté, sinon des oignons, du moins la manière de les cultiver et de leur faire rendre le maximum de production.

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Digne des Fiorotti.

M'efforçant d’évoquer les événements religieux survenus au Couvent de Roscoff à l’époque pré-révolutionnaire, je me garderai bien de passer sous silence un trait rapporté par une bonne petite vieille qui le tenait elle-même de sa tante morte à 90 ans. A quelle date faut-il situer cette histoire... Je ne sais ?

Un Frère cuisinier, du nom de Junipère, (c’était sans doute un surnom qu’on lui avait donné parce que, dans ses faits et gestes, ce bon religieux évoquait l’image du fameux compagnon de Saint François, et mon histoire ne le contredira point), se rendait de temps à autre au port, au moment de la marée, pour y quêter quelques petits poissons.

Pour le taquiner, les pêcheurs lui affirmaient chaque fois que la pêche avait été mauvaise et qu’ils n’avaient rien il lui offrir. Toutefois, devant l’air désolé du pauvre cuisinier qui se retirait les mains vides, les marins le  rappelaient : « Frère Junipère, lui disaient-ils, si vous voulez danser, nous vous donnerons du poisson ».

Le bon Frère, après quelques hésitations, faisant une application personnelle et utilitariste d’un texte de Saint Paul, saisissait les pans de sa robe de bure et exécutait, sous le regard malicieux des pêcheurs, quelques pas de danse appris dans son jeune âge, en disant : « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous dansiez, faites tout pour l’amour de Dieu ».

Et le Frère Junipère rentrait au couvent des Capucins, les mains chargées de provisions pour la communauté. 

(F. de Paule).

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