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Yves MÉVEL, prêtre guillotiné à Brest
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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Yves MÉVEL, dit le P. Joseph de Roscoff, et Julie et Perrine-Eugénie LE COANT, ses receleuses.

223. — Yves MÉVEL fut baptisé à Roscoff, le 18 octobre 1729, le jour même de sa naissance. Ses parents Jean Mével et Françoise Lahaye lui firent donner une éducation très chrétienne, aussi prit-il l’habit de capucin au noviciat de Quimper, le 24 décembre 1751 et le 26 décembre de l’année suivante il fit profession sous le nom de P. Joseph de Roscoff. On assure qu’il avait beaucoup travaillé au salut des âmes et qu’il avait le titre de missionnaire apostolique.

224. — En 1790, le couvent de Morlaix, dont faisait partie le P. Joseph, se composait de neuf religieux, qui tous optèrent pour la vie commune. Le 1er octobre de cette même année, les Capucins adressèrent à la municipalité de Ploujean, dont dépendait leur couvent, une requête que le P. Mével signa avec ses frères et dans laquelle ils affirmaient « leur ferme et constante résolution de terminer nos jours dans le cloître, et dans l’étroite observance de la règle de saint François, ainsi que nous l’avons promis à Dieu tout-puissant aux pieds des saints autels, et devant les témoins présents qui en ont signé l’acte porté sur nos registres le même jour de notre profession solennelle ».

Le 28 juin 1791, le P. Joseph était encore au couvent de Morlaix, et protestait avec les autres religieux contre l’arrêté du Département, qui leur a été signifié le 4 juin, et qui leur mande « de se retirer de jour à jour au couvent de Roscoff », désigné pour ceux qui avaient choisi la vie commune. Quoique le décret définitif de l’Assemblée nationale ne leur eut pas encore été signifié, ils consentirent à s’y retirer provisoirement, « se réservant néanmoins dans un temps plus heureux le droit de réclamer la jouissance du couvent de Morlaix et de ses dépendances, dont la propriété doit appartenir aux fondateurs ; les Capucins n’en ayant que le simple usage selon l’esprit de leur règle, qui leur défend la propriété de chose quelconque ».

Un état du 13 juillet 1791 apprend que le P. Joseph faisait partie du couvent de Roscoff où se trouvaient réunis vingt capucins, venus des différents couvents du Finistère.

Les jours s’écoulaient bien tristes à la maison de Roscoff. Les nouvelles, qui arrivaient du dehors aux reclus, n’étaient pas rassurantes : arrestations de prêtres insermentés, expulsions de religieuses, troubles un peu partout, menaces de la part des patriotes, visites domiciliaires de gardes nationaux pendant la nuit ; tout leur donnait à entendre, ainsi que l'écrivait l’un d’eux, « que leurs jours étaient comptés et qu’il leur faudrait bientôt prendre le chemin de l’exil ».

Déjà quelques-uns avaient pris des passeports pour l’Angleterre ; ceux qui restaient au couvent en furent brutalement expulsés, le 23 septembre 1792. « Nous venons », écrivait de Roscoff à cette date le citoyen Quarré au directoire du district de Morlaix, « nous venons de faire vider définitivement la maison nationale des ci-devant Capucins par les individus qui l’occupaient, les quels ont quitté leur costume. L’un d’eux, Yves Mével, sexagénaire, demande entrée à l’hôpital ».

225. — Ce religieux fut-il admis à l’hôpital, combien de temps y resta-t-il ? ce sont là deux points que l’on n’a pu éclaircir, faute de documents. Mais, on l’entendra bientôt nous dire comment s’écoula sa vie pendant ces années terribles jusqu’à son arrestation à Morlaix chez les personnes qui lui avaient donné asile.

Celles-ci ne nous sont connues que par les trop brefs renseignements que nous fournit l’acte d’accusation : leurs interrogatoires à Brest manquent au dossier. Julie Le Coant, veuve Ruvilly Le Saux, âgée de 66 ans, était née à ..... vers 1728 et demeurait à Morlaix avec sa sœur, Perrine-Eugénie Desmarets Le Coant, née à Port-Louis, le 22 janvier 1730, d’Olivier Le Coant, sieur Desmarets, capitaine de patache, et de demoiselle Marie Piou.

Par la teneur du procès-verbal de l’arrestation du P. Mével, il semble qu’il venait de célébrer la sainte messe chez ces pieuses personnes, lorsque surgirent les sbires du gouvernement persécuteur. Le religieux proscrit se tenait en effet près de l’autel portatif dressé dans la mansarde où il se tenait caché.

Voici du reste les circonstances de son arrestation :

« L’an second de la République française, une et indivisible, le 19 messidor » (7 juillet 1794), Maurice Jézéquel, juge de paix de la commune de Morlaix, était prévenu que l’on venait de découvrir un capucin caché en ville. « Nous étant transporté, dit le procès-verbal qu’il rédigea, dans une maison située quartier du Dossen, où demeure la dame veuve Ruvilly-Le Saux, et étant monté dans une petite mansarde, à côté d’un autel, y étant, nous avons trouvé cet ex-religieux, lequel nous avons interrogé comme suit de ses prénoms, nom, âge, lieu de naissance et grade de son cy-devant ordre.

A répondu s’appeler Yves Mével, âgé de 64 ans, natif de Roscoff, ayant pour nom de religion, Joseph de Roscoff, gardien.

Interrogé depuis quel temps il est dans la maison où nous le trouvons ? — A répondu que sa mémoire, non plus que son esprit ne lui permettent de s’en rappeler.

Sur quoi, ayant fait venir devant nous la citoyenne veuve Ruvilly et la ci-devant citoyenne Desmarets-Le Coant, ses receleuses, nous les avons interpellées, l’une après l'autre, de nous déclarer depuis quel temps cet ex-religieux était chez elles ? — Ladite veuve Ruvilly a répondu qu’il y était depuis trois mois et demi.

Interrogée comment et par quelle voie cet individu a été conduit chez elle ? — Répond qu’il a été conduit chez elle par quatre femmes à elle inconnues, à l’exception de la nommée Marie-Yvonne Jago, blanchisseuse, demeurant rue des Côtes-du-Nord.

Interpellée de nous déclarer si, connaissant la Loi, elle n’eut pas dû sur le champ faire sa déclaration de la retraite qu’elle accordait à cet ex-religieux ? — A répondu qu'elle ne se croyait pas obligée de faire cette déclaration, qu’au reste, ELLE CROYAIT FAIRE UN ACTE D’HUMANITÉ.

Passant à l’interrogatoire de sa sœur Perrine-Emilie Le Coant-Desmarets, âgée de 64 ans, et avec elle demeurante, sur l’époque de la retraite qu’elle et sa sœur ont accordé audit ex-religieux ? — A répondu comme la précédente qu’il y a trois mois et demi, et faisant même déclaration que sa sœur, que Marie-Yvonne Jago, blanchisseuse, avec trois ou quatre de ses ouvrières, étaient ses conductrices.

Passé desquelles interrogations, ayant réuni en paquet les calices, ornements, bréviaires, missel, orsos ou burettes, cierges, robes d’ordres et autres habillements trouvés dans ledit appartement que dans le grenier adjaçant ; desquels effets nous nous sommes saisis comme pièces de conviction pour être envoyées avec le présent procès-verbal au Tribunal révolutionnaire séant à Brest ».

226. — A la suite de ces déclarations formelles, les commissaires du Comité de surveillance de Morlaix, présents à cette visite domiciliaire, ordonnèrent l’arrestation du P. Mével et de ses deux receleuses, les sœurs Desmarets, ainsi que de trois autres personnes, qui se trouvaient présentes dans l’habitation et dont nous ne nous occuperons pas ici, leur histoire étant étrangère au but poursuivi en la circonstance. — La tradition rapporte que le pauvre capucin, déjà sexagénaire, était si débile, qu’il fallut le soutenir afin de le conduire jusqu’à la prison de Morlaix.

Arrêté le 19 messidor (7 juillet), le P. Mével et ses receleuses étaient encore en prison à Morlaix, le 26 (14 juillet). Le juge de paix Jézéquel annonça à cette date à l’accusateur public que « profitant du renvoi des voitures ambulantes des hôpitaux militaires de Brest, les inculpés et leurs complices lui parviendront. ».

Quelques jours plus tard, les inculpés étaient à Brest dans la prison du Château, et le 1er thermidor an II (19 juillet 1794) ils comparaissent devant leurs juges.

Voici l’interrogatoire d’identité du P. Joseph ; rien ne laisse à désirer dans ses réponses. Elles sont aussi fermes que prudentes et font honneur autant à son courage qu’à sa sagesse :

D. Quels sont vos nom et prénoms ? — R. Yves Mével.

D. Votre nom de religion ? — R. Joseph de Roscoff.

D. Votre âge ? — R. 65 ans.

D. Le lieu de votre naissance ? — R. Roscoff.

D. Votre profession ? — R. Capucin.

D. Votre demeure avant votre arrestation ? — R. Morlaix.

D. Vos moyens d’existence avant la Révolution, et depuis, et maintenant ? — R. De la quête et d’aumônes.

D. Connaissez-vous les motifs de votre arrestation ? — R. Non.

D. Avez-vous prêté le serment constitutionnel ? — R. Non.

D. Dans quelle maison avez-vous été arrêté à Morlaix ? — R. Chez la citoyenne Ruvilly-Le Coant.

D. Par qui avez-vous été conduit chez la citoyenne Ruvilly ? — R. Je ne les connais point, il était nuit ; c’était par quatre femmes à moi inconnues.

D. A quelle époque avez-vous été conduit chez la citoyenne Ruvilly ? — R. Je ne m’en rappelle pas.

D. Combien de temps avez-vous demeuré chez elle ? — R. Près de quatre mois.

D. Avez-vous dit la messe chez cette citoyenne ? — R. Quelquefois.

D. Avez-vous confessé dans cette maison ? — R. Oui, j’ai confessé la citoyenne Ruvilly et sa sœur.

D. Allait-il plusieurs personnes à votre messe ? — R. Un peu.

D. Dans quel endroit de la maison disiez-vous la messe ? — R. Dans la mansarde.

D. Depuis quand erriez-vous, et quels sont les endroits où vous avez été ? — R. Depuis quatre ans seulement dans la ci-devant Bretagne.

D. D’où veniez-vous quand vous êtes venu à Morlaix ? — R. De Roscoff.

D. Chez quelles personnes avez-vous logé depuis que vous n’êtes plus au couvent ? — R. Je ne m’en rappelle pas, parce que je ne les connais point.

« Telles sont ses réponses à ses interrogatoires qu’il déclare contenir vérité, et y persister, et a signé avec nous ».

De plus, il a été interrogé :

D. D’où vient les ornements qu’on a trouvé chez la citoyenne Ruvilly ? — R. Je les avais emporté du couvent de Roscoff, et les portais avec moi partout où j’allais.

D. Personne ne vous aidait à porter ces ornements de l’Eglise ? — R. Quelquefois je trouvais des personnes qui voulaient bien les porter.

D. A qui appartient le calice, et les boètes à hosties, les pierres sacrées et le Reliquaire ? — R. A répondu que c’était à lui à l’exception de la grande pierre.

Signé : Yves Mével, de Roscoff, dit Joseph de Roscoff. PALIS, juge. CABON, greffier.

Les interrogatoires subis par les dames Desmarets-Ruvilly et Desmarets-Le Coant, on l’a déjà dit, ont malheureusement disparu du dossier du procès de ces servantes de Dieu.

227. — C'est le 12 thermidor que le P. Mével et ses receleuses comparurent devant le tribunal révolutionnaire de Brest. Le réquisitoire de Donzé-Verteuil prouve surabondamment le caractère religieux de la condamnation du P. Mével et de ses receleuses. Voici ce que lui reprochait ce féroce ennemi du clergé catholique romain : « Cet ex-capucin, dit-il, en parlant du P. Joseph, habitait depuis environ trois mois et demi une mansarde, dans laquelle était dressé un autel pour servir aux prétendues fonctions de son culte. Tout l’attirail nécessaire à son charlatanisme, et saisi en même temps que lui, consiste en un missel, un calice avec sa patène, une chasuble, une aube, une robe de capucin, une boîte dans laquelle se trouvait ce que l’on appelle des hosties, ainsi que plusieurs autres effets qu’il serait trop long de décrire.

Dans le repaire de Mével, se rendaient les superstitieux et criminels sectateurs d’un culte exercé par des ministres séditieux et rebelles ; là, cet ennemi de la République et du bonheur du peuple s’efforçait par ses mensonges et ses impostures, de les retenir sous l’étendard de la contre-Révolution ».

Ce sur quoi du reste le préopinant eût été bien embarrassé d’apporter des preuves, à moins d’affirmer que le culte catholique était essentiellement contraire à la doctrine révolutionnaire.

Le jury, consulté à son tour, apporta sa pierre, à la condamnation des receleuses du P. Mével en déclarant :

« 1° Qu’il est constant qu’à Morlaix, dans le mois de messidor dernier, il a été recélé un prêtre réfractaire ;

2° Que J. Desmarets, veuve Ruvilly-Le Saux et P.-E. Desmarets-Le Coant sont convaincues d’être auteurs ou complices de ce délit.

En conséquence, le tribunal, jugeant le P. Mével convaincu d’être prêtre réfractaire non assermenté et comme tel d’avoir été passible de la déportation, ordonna que celui-ci serait livré dans les 24 heures à l’exécuteur des jugements criminels pour être mis à mort, conformément aux art. X, XIV, XV et V de la loi du 30 vendémiaire.

De même il condamna Julie Desmarets, veuve Ruvilly-Le Saux ; Perrine-Eugénie Desmarets-Le Coant à la peine de mort conformément aux art. 1 et 2 du décret de la Convention du 22 germinal ». C’est-à-dire comme COUPABLES D’AVOIR DONNÉ ASILE A UN PRÊTRE RÉFRACTAIRE, DONT ELLES CONNAISSAIENT LA QUALITÉ.

« En outre, les juges décidèrent que le présent jugement serait mis à exécution dans les 24 heures, imprimé, publié dans toute l’étendue de la République française, et en breton dans les départements maritimes ».

L’exécution de la sentence eut lieu le jour même, 30 juillet 1794, sur la place du ci-devant château.

228. — S’il est vrai que l’on ne connaît sur le passé des deux sœurs Desmarets que peu de chose, sinon qu’elles payèrent de leur vie l’acte de sublime charité qu’elles accomplirent en procurant depuis plusieurs mois asile à un vieux capucin errant sur les chemins de Bretagne, ce fait, si plein de redoutables conséquences suffît à lui seul pour asseoir leur haute réputation de vertu. Dès 1821, l’abbé Aimé Guillon consacrait un article à chacune d’elles aux tomes III et IV de ses Martyrs de la Foi et les dépeignait comme deux pieuses veuves, adonnées l'une et l’autre à la pratique de toutes les vertus [Note :  Il semble bien que des deux sœurs Le Coant, filles d’Olivier, sieur Desmarets et de Marie Piou, Julie seule avait été mariée. Aucune recherche n’a permis jusqu’ici de retrouver son acte de baptême et son acte de mariage].

Quant au P. Mével, un témoin oculaire, cité par du Châtellier, rapporte qu’après avoir soutenu et encouragé les victimes de la barbarie des lois persécutrices qui périrent avec lui, il mourut courageusement sur l’échafaud. A cet admirable capucin, l’abbé Guillon a également consacré un article conservant son nom et sa mémoire : Tresvaux du Fraval, en 1845, a donné place à son tour à ce bon religieux dans son Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne.

Son cas, du reste, celui de ses deux receleuses, sont les cas classiques prévus par les lois du 30 vendémiaire et du 22 germinal an II, lois de sang, destinées à provoquer l’extermination du clergé catholique en France ainsi que des personnes assez courageuses pour recueillir alors un prêtre pourchassé et sans asile. Ceux ou celles qui ont péri, victimes de leur application, paraissent mériter l’appellation de martyrs.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, etc., op. cit. (1821) ; Mével, IV, p. 66 ; Desmarée-Le Coant, II, p. 503 ; Desmarée-Ruvilly, IV, p. 349. — Du Châtellier, Histoire de la Révolution dans les départements de l'ancienne Bretagne, Paris, 1836. in-8°, t. IV, p. 179-180. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, op. cit., II, p. 8-9. — Lévot, Histoire de la Ville et du Port de Brest sous la Terreur, Brest, s. d., 1869, in-8°, p. 356 et sq. — Téphany, Histoire de la Persécution religieuse, etc., op. cit. (1879), p. 541. L.-A. Besson, Souvenirs d’un détenu au château de Brest, in Bulletin de la Société Géographique de Rochefort, 1889. — R. P. Armel, Une fournée au Tribunal criminel de Brest, in Etudes Franciscaines, juillet 1909, p. 26-40. — R. P. Norbert, La Bretagne franciscaine, Saint-Brieuc, 1911, in-16, 158-159. — Pevron, Les prêtres morts pour la Foi, etc., op. cit. (1919), p. 136. — Peyron, Pondaven, Perennès, Le Manuscrit de M. Boissière, op. cit. (1927), p. 136.

(Archives Nationales, série W, n° 542).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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