Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LES ANCIENNES COUTUMES DE LA ROCHE-DERRIEN.

  Retour page d'accueil        Retour " Ville de La Roche-Derrien "    

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Il existait aussi jadis à la Roche, des coutumes assez curieuses ; une d'entre elles, pratiquée encore à la fin du XIXème siècle, est restée dans la mémoire des Rochois de ma génération.

La veille de la Quasimodo, des hommes et des jeunes gens de la localité passaient dans nos maisons demandant qu'on leur remit les poteries et vaisselles fêlées ou ébréchées, gros pots de grès destinés à recevoir le lait, cruches à eau, etc., etc.

Le lendemain, à l'issue des vêpres, ces mêmes hommes, munis de ces poteries, se livraient à un jeu de destruction désigné en breton sous le nom de « Coz poudou » (vieux pots).

Parcourant à allure rapide les rues de notre ville et échelonnés à distance, ils se lançaient de l'un à l'autre ces vieilles poteries qu'il s'agissait de rattraper au vol. Et, c'était une joie lorsqu'un maladroit avait laissé choir et se briser à terre, un de ces ustensiles. Le jeu se poursuivait jusqu'à épuisement des munitions, en l'espèce les vieilles poteries.

Cette coutume n'était pas spéciale à la Roche, elle se pratiquait dans toute la Bretagne et était très ancienne, mais à quelle idée correspondait-elle ?... N'était-elle pas un symbole ?... Pâques, fête de la Résurrection venait d'avoir lieu. Ces vieilles poteries qu'il s'agissait de détruire et qui seraient à renouveler, ne figuraient-elles pas le vieil homme que nous devons détruire en nous, pour renouveler nos âmes dans la grâce, afin de ressusciter nous-mêmes un jour avec le Christ ?... Je livre cette interprétation pour ce qu'elle vaut, car elle m'est personnelle et peut-être est-elle inexacte ; mais elle n'est pas sans vraisemblance, si l'on considère d'une part la fête à laquelle elle se rapporte et, d'autre part, l'idée religieuse qui présidait à la plupart des actes de nos ancêtres, aux siècles de grande foi.

Une autre coutume, non moins bizarre, était celle-ci qui remontait au Moyen Age, assurent les vieux historiens. Le lundi de la Pentecôte, les hommes et les jeunes gens de la Roche, précédés de tambours et d'un bouffon, se rendaient en grand cortège au village de la Villeneuve, quatre d'entre eux portant sur un brancard un veau écorché.

A la Villeneuve, le bouffon faisait à l'assistance un discours de sa façon, après quoi la chair de l'animal était distribuée aux gens de ce quartier [Note : Peut-être est-ce en souvenir de cette vieille coutume que le lundi de la Pentecôte est encore aujourd'hui jour du pardon de Pitié, chapelle du quartier de la Villeneuve].

Quelque temps après la visite des hommes à la Villeneuve, les jeunes filles de ce village se réunissant elles-mêmes en cortège venaient à la Roche portant sur la tête un immense pot de lait tout enguirlandé de fleurs. Les jeunes gens de la localité venaient les recevoir à l'une des portes de la ville et les conduisaient en grande pompe sur la place, où des tables avaient été dressées par eux à l'avance. Les jeunes filles y déposaient le lait qu'elles distribuaient aux jeunes hommes, et ceux-ci, l'ayant dégusté, leur offraient, à leur tour, un goûter qui se servait sur ces mêmes tables.

Le lait versé par les jeunes filles aux jeunes gens n'était-il pas l'emblème de la douceur que la femme doit apporter au foyer et mettre dans la vie de l'homme et le goûter offert ensuite par eux, ne symbolisait-il pas l'obligation qu'à le mari de pourvoir à la subsistance de sa femme ?

Venons-en maintenant à des coutumes plus modernes, mais qui, hélas ! périmées aujourd'hui, ne provoqueraient probablement que des railleries.

Dans les jours qui précédaient le Carême, les jeunes gens de la Roche s'ingéniaient à créer un Mallargé, personnage grotesque qu'ils asseyaient le dimanche gras sur le sommet du puits couvert de notre place. Il y demeurait jusqu'au mardi suivant, semblant régner en maître sur notre ville et présider à la folle gaieté des masques, ses sujets.

Mais le mardi gras venu, Sa Majesté, arrachée de son trône improvisé, se voyait mener, sous les injures, sous les huées de ces mêmes sujets au bord de la rivière où l'infortuné Mallargé, jugé, trouvé digne de mort, condamné au supplice du feu, n'était plus bientôt qu'une torche embrasée qu'on précipitait dans le Jaudy où s'achevait ou plus exactement... s'éteignait son règne éphémère.

L'exécution de Mallargé préludait à l'entrée en Carême, temps de pénitence et de restrictions. Après les austérités qu'il comportait, une détente était indiquée. Les Rochois la trouvaient le mardi de Pâques dans leur fête annuelle du « Bouquet » qui était encore ici, versla fin du XIXème siècle, un jour de très grande liesse.

Ce jour-là, les offices (grand'messe et vêpres), célébrés très solennellement, étaient suivis par une assistance nombreuse accourue ici de tous les points du canton.

Les femmes rivalisant d'élégance venaient à la fête dans leurs plus beaux atours : c'était une profusion de grandes coiffes de dentelle, de châles brodés aux couleurs gaies, aux longues franges ; de cachemires ou châles tapis, de beaux tabliers de soie, de satin ou de velours. Cela formait un magnifique ensemble, un véritable et vivant parterre fleuri.

Ces élégantes qui appartenaient à l'aristocratie du pays, arrivaient ici dès le matin pour assister à la grand'messe et prendre part ensuite aux grands galas qui avaient lieu ce jour-là dans toutes les familles notables de la Roche. A ces festins que n'eût pas dédaignés Pantagruel, étaient conviés le ban et l'arrière-ban des parents et des amis. Ce mardi de Pâques m'est resté dans la mémoire comme un jour unique dans les fastes rochois.

Au début de l'après-midi, pendant que se poursuivaient les agapes dans les principales maisons de la Roche, accourait ici, à son tour, toute la jeunesse campagnarde du canton, jeunes gens et jeunes filles dont la principale distraction allait consister dans une interminable promenade du Chef-du-Pont au cimetière et du cimetière au Chef-du-Pont.

On se groupait généralement au gré de ses sympathies, de sa parenté ou de ses relations et on allait en deux files très denses, l'une montant, l'autre descendant la rue de la Fontaine. L'affluence était telle qu'on avait peine à se frayer un passage entre ces deux files qui prenaient toute la largeur de nos rues.

Ah ! cette promenade ! de combien de mariages n'a-t-elle pas été le prélude ?

Ici, un vieux souvenir : Lorsque dans le croisement incessant des files (montante et descendante), un jeune homme de la campagne avait remarqué une jeune fille qui semblait répondre à son idéal, il quittait sa file, allait à elle, soulevait timidement son chapeau et, délicatement, sans mot dire, s'emparait du parapluie qu'elle tenait du bout des doigts, puis, le portant galamment, se mettait en marche à côté d'elle pour continuer la promenade. On se parlait peu, souvent pas du tout : le simple geste de la prise du parapluie avait été un hommage muet en même temps qu'un tendre aveu. A partir de ce jour on devenait des amis en attendant de devenir des époux. Nous jugeons d'après ceci que Chamberlin n'a rien inauguré, que le parapluie, l'indispensable parapluie de nos jeunes filles jouait déjà un très grand rôle en Bretagne dans les négociations matrimoniales.

Une autre vieille coutume qui se pratiquait encore au temps de ma jeunesse, consistait à fêter le retour de la belle saison en plantant un « mai » sur notre place du Martray, un autre sur celle du Chef-du-Pont.

Ces « mais » étaient de hauts peupliers que des hommes y apportaient sur leurs épaules et qu'ils dressaient ensuite au-dessus de fosses profondes qu'ils avaient creusées d'avance pour en recevoir le pied. Le « mai », au sommet duquel flottaient les couleurs françaises, restait sur place toute la durée du mois dont il portait le nom.

Une vieille habitude des ouvriers rochois était les dimanches, après l'assistance aux offices (messe et vêpres, auxquels ils étaient très fidèles), de consacrer les loisirs de la soirée à de bonnes et passionnantes parties de quilles, jeu qui était ici jadis en honneur.

Les femmes se livraient, également le dimanche, à un jeu qu'elles appelaient en breton : " c'hoari poullig ". Pour y participer il fallait se procurer des noix dont on avait à l'époque une dizaine pour un sou et ces noix étaient mises en commun.

Le jeu, semblable au jeu de billes des enfants, consistait à viser un petit trou creusé en terre et à lancer dans sa direction une poignée d'un nombre déterminé de noix. Celles-ci ainsi projetées de loin tombant à terre roulaient en tous sens ; celles qu'une adroite joueuse avait réussi à faire pénétrer dans le « poullig » (le petit trou) lui étaient acquises, devenaient sa propriété.

La partie achevée, l'heureuse gagnante partageait aimablement son butin avec ses partenaires et ses amies. « Bean po eur c'houblad kraou ? » telle était souvent la formule employée pour leur offrir une couple de noix.

Toutes ces vieilles coutumes constituaient d'innocentes et saines distractions que remplacent aujourd'hui, fort désavantageusement pour la morale, les bals et les cinémas.

Un jour de grande affluence à la Roche était le vendredi jour de marché ; on y venait de toutes les localités des environs et notre Place ce jour-là, était grouillante d'une foule qui débordait dans nos rues.

Le marché aux grains et aux pommes de terre se tenait devant le portail de l'ancienne communauté des religieuses (aujourd'hui école communale), celui de la volaille, des œufs, du beurre et du lait devant le Café de la Poste. Ce dernier marché (beurre et lait), avait lieu d'ailleurs tous les jours, mais était plus particulièrement fourni le vendredi. Dès le matin y accouraient les fermières, portant sur la tête de grands pots de grès remplis du précieux liquide dont on allait s'approvisionner là, au lieu de le faire, comme on le fait aujourd'hui, dans les fermes ou dans les épiceries.

Comme tous les marchés, ce marché du vendredi nous amenait des forains dont les boutiques couvraient notre Place, débordant parfois jusqu'à la rue de l'Eglise.

Pourquoi ce marché n'existe-t-il plus ?... Il y a eu à cela deux raisons : La première fut une question de droits que le maire de l'époque voulut imposer sur les sacs de blé et de pommes de terre, ce qui provoqua le mécontentement des cultivateurs et les détermina à porter ailleurs leurs denrées.

Une seconde raison fut l'expulsion de nos religieuses, et partant la suppression de leur pensionnat, qui se produisirent à la même époque.

On comptait parmi les pensionnaires un grand nombre de jeunes filles des meilleures familles de la campagne, dont les parents avaient adopté le vendredi pour venir les voir. Cette décision leur permettait, en même temps, d'écouler ici leurs produits et d'y faire les achats qu'ils eussent pu faire ailleurs.

N'ayant plus de raison particulière pour venir à la Roche, attirés dans d'autres localités par les enfants qu'ils avaient dû y mettre en pension, ils nous délaissèrent et ce fut la chute de notre marché. Cette expulsion des religieuses fut fatale au commerce rochois, non seulement en lui ôtant la clientèle du vendredi, mais en la privant de la grosse ressource qu'était pour lui, toute l'année, le ravitaillement en produits alimentaires, en vêtements, en chaussures, etc., de cet important pensionnat.

Un autre marché, assez curieux, spécial à la Roche, celui-ci, et tout temporaire, avait lieu ici dans la dernière quinzaine de juin et la première quinzaine de juillet ; c'était le marché des « badies » ou merises. Les merisiers, qui tendent aujourd'hui à disparaître, abondaient encore dans notre région, au temps de ma jeunesse. Nous avions donc le marché des badies et le monopole de la vente de ce fruit.

Ce bizarre marché, qui avait lieu à 3 heures du matin, offrait à la jeunesse de mon époque, peu habituée aux veillées, le même attrait que présentait la perspective d'une messe de minuit.

Dès 2 heures 30 matin, des femmes de la campagne, portant sur leur tête de grandes mannes remplies de badies, arrivaient en notre ville et se réunissaient, les unes sur la Place, les autres en plus grand nombre au Bas-du-Pont, et là, assises sur des escabeaux, derrière leurs mannes déposées à terre, en un vaste demi-cercle, elles attendaient la clientèle. Celle-ci se composait de marchands de Lannion, de Tréguier, de Pontrieux, de Guingamp, de Paimpol et d'ailleurs, qui, après avoir goûté la marchandise et s'être assurés de sa qualité, achetaient en gros le contenu des mannes pour aller ensuite le détailler chez eux.

Un souvenir de jeunesse se rattache pour moi à ce marché de badies. Sur la suggestion d'amies de mon âge, curieuses, comme je l'étais moi-même, de voir ce marché, et pour qui la perspective d'un lever si matinal était un enchantement, je demandai et obtins de mes parents l'autorisation de les y accompagner.

Affectant d'être des acheteuses, nous allâmes de panier en panier, demandant les prix et examinant la marchandise. Je doute que les vendeuses se soient laissé prendre à notre jeu, mais avec une bonne grâce et une générosité charmantes, elles nous engageaient vivement à goûter de leurs fruits, ravies, dans leur bonté, de faire plaisir à cette jeunesse qui avait écourté son sommeil pour venir les voir. Et ainsi, de panier en panier, nous avions été copieusement régalées sans bourse délier (informations produites avec l'aimable autorisation de la famille de Marie Charant - " La Roche-Derrien et son Histoire ").

 © Copyright - Tous droits réservés.