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RIWALLON (ou RIVALLON)

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Un seigneur breton à la conquête de l'Angleterre

Riwallon - Rualdus Adobed - Rualdus Dolensis

La Broderie de Bayeux a été l'objet, en France et en Angleterre, de très nombreuses études. Elle constitue, en effet, un document des plus intéressants pour l'histoire de ces deux pays. M. Smart Le Thieullier en a fait une description très minutieuse avec des commentaires généralement exacts. Son étude a été traduite par M. Léchaudé d'Anisy. Mais la meilleure dissertation sur ce sujet a été écrite par l'abbé de La Rue : "Recherches sur la Tapisserie de Bayeux, représentant la conquête de l'Angleterre par les Nor­mands". (Nouveaux essais, Caen, 1832, tome 1, p. 182-292). Cet auteur affirme, avec beaucoup de raison, que la tapisserie n'offre aucun caractère intrinsèque ni extrinsèque appartenant exclusivement au XIème siècle et qu'il ne lui manque, au contraire, aucun de ceux qui caractérisent le XIIème siècle. Cette opinion est, d'ailleurs, partagée par des savants anglais, d'une grande autorité : Hume, Lyttleton et Strutt. 

La Broderie de Bayeux, appelée plus souvent et à tort la tapisserie de la reine Mathilde, puisqu'elle fut confectionnée, non pas au onzième siècle par la femme de Guillaume le Conquérant, mais bien au douzième par l'impératrice Mathilde ou simplement, sous sa direction et son patronage, représente dans une de ses parties, un fait qui intéresse l'histoire de la Haute Bretagne. 

Nous sommes en 1064. Guillaume et Harold ont franchi Le Couesnon. Le prince Saxon et le duc normand qui, deux ans plus tard, doivent se mesurer à Hastings, chevauchent de compagnie et sont liés d'une étroite amitié. Harold, dans les gués de la baie du Mont Saint-Michel, dont la silhouette est grossièrement figurée, a retiré, de sa main, plusieurs soldats, s'enlisant au milieu des tangues ou sables mouvants : Trahebat eos de arena. Ils arrivent à Dol : Et venerunt ad Dol

Rivallon, sire de Combourg, dit aussi Rivallon de Dol, ou Rouault de Dol (Rualdus Dolensis), frère de l'archevêque Junguené, y est assiégé par Conan II, duc de Bretagne, contre l'autorité duquel il a soulevé un certain nombre de seigneurs du comté de Rennes. Il est enfermé dans la Tour de Dol et assiégé par le duc. Le château de Dol, turris, est représenté par une tour ou, plus exactement, par une construction triangulaire dont la partie supérieure est crénelée d'un seul côté. Deux portes romanes s'ouvrent à sa base ; un portail du même style, flanqué de chaque côté, d'une tourelle et formant châtelet, donne un accès direct et unique à la forteresse. Celle-ci est construite sur un tertre arrondi, en forme de motte, ayant, au versant, un escalier d'une vingtaine de marches. 

L'armée normande arrive, Guillaume et Harold en tête, les lances pointées en avant. Du sommet de la tour, descend au moyen d'une corde un homme casqué, mais désarmé. C'est, à n'en pas douter, un messager de Rivallon, allant annoncer à Guillaume la fuite de Conan. On voit en effet, immédiatement après cette scène, Conan se dirigeant avec précipitation vers Rennes : Conan fugam vertit Rednes

L'armée normande entre à Dol. Rivallon, grâce à Guillaume, est débarrassé de Conan, mais il fait aussitôt observer à son libérateur que ce serait exactement la même chose pour lui d'être pillé par les Normands ou saccagé par les Bretons, attardés dans ses domaines ; et le duc de Normandie prend aussitôt la direction de Dinan. 

On sait comment se termina la guerre de Guillaume contre Conan de Bretagne, celui-là même qui, très habilement, devait susciter au futur Conquérant les plus grandes difficultés, à la veille de l'expédition contre Harold. Il est à remarquer qu'Ordéric Vital parle à peine, de cette guerre de 1064. Seule, la Broderie de Bayeux nous a conservé le souvenir du siège de Dinan, passé sous silence par les chroniqueurs de l'époque. La laine a surpassé le burin de l'histoire. 

Quelques années s'écoulent. La Normandie s'est enrichie d'un royaume. Les Bretons se sont vaillamment battus à Hastings et le Conquérant récompense maintenant avec générosité ceux qui l'ont suivi dans sa périlleuse aventure. Nous retrouvons Rivallon possesseur de biens importants dans la Grande Ile. 

Le sire de Dol ou de Combourg figure, en effet, au Domesday sous le nom de RUALDUS ADOBED. Sa part de conquête est enregistrée sous cette appellation dans la partie du Liber Censualis relative au Devonshire. Il tenait en baronnie Lamberton-Bridge et vingt-sept autres manoirs qui en dépendaient dans le comté de Devon. L'Exon Domesday, dont l'original est déposé au chapitre de la cathédrale d'Exeter et qui renferme les comtés de Cornwall, de Devon, de Dorset, de Sommeset et de Wilts, nous fait connaître le nom des terres et leurs revenus. Le tableau ci-joint en est extrait. 

Exon Domesday

Hodie

Value

Lanbretona

Brige

Wenforda

Panerton

Tamarlade

Pach

Chiemparbera

Radecliva

Potaford

Wera

Hochevilla

Holnham

Mirlanda

Tucabeara

Winescota

Lovecota

Tucabeara

Hancheforda

Loba

Polham with Prawmby

Crochevella

Sigeford

Pochehella

Dochorda

Aveton

Alfelmerton

Hainemardon

Wicherche

Machesville

Lamarton

Bridge

Wanford

Panson

Tamarland

Peek

Kimber

Radecliffe

Portford

Wear (Gifford)

Huxwell

Holham

Marland

Twigberre

Winscot

Lovacot

Twigberre

Henkford

Lob.

 

 

 

Ponghell

Dockworthy

 

Yealmston

Hemmerdon

Whitechurch

 

12 livres

50 shillings

15 sh.

20 sh.

10 sh.

5 sh.

10 sh.

5 sh.

20 sh.

40 sh.

5 sh.

10 sh.

30 sh.

15 sh.

15 sh.

4 sh. d. 2

4 sh.

3 sh. d. 4

20 sh.

3 livres

15 livres

5 livres

5 livres

5 sh.

3 livres

15 sh.

10 sh.

70 sh.

3 sh.

Les cinq dernières possessions ne sont pas mentionnées dans l'Exon Domesday, mais figurent dans l'Exchequer Domesday. Ruald avait aussi, à Exeter, une maison qui payait au roi le droit coutumier, qu'il occupait in Exonia, in terra occupata (Exon. Dom. Add., p. 494). 

Voici comment l'Exon Domesday détaille « The land of Ruald Adobat (or Adobed, dans l'Exchequer Domesday) dans le Devonshire, in Devensira : Rualdus has a manor called Lanbretona (hodie Lamarton) which Ordulph held T. R. E. and it paid geld for a hide and a half. This 17 ploughs can till. Thereof R(uald) has 1/2 hide ande 5 ploughs in demesne and the villeins one hide and twelve ploughs. There R(uald) has 34 villeins, 16 serfs, 5 swincherds, 4 beasts, 20 twine, 75 sheep, 3 mills paying, 9 shellings a year, wood (land) seven furlongs long by 3 broard, 40 acres of meadow, pasture 1 1/3  leagues long by 1 broad, worth 12 pounds ; when Ruald received it, was worth 9 pounds ». Fol. 411. (TRADUCTION. « Ruault possède un manoir appelé Lanbretona (aujourdhui Lamarton), qu'Ordulph possédait du temps du roi Edouard ; il paie le geld pour une hide et demie. Dix-sept charruées y sont jointes. En ce nombre Ruault possède, en domaine, 1/2 hide et 5 charruées ; les vilains 1 hide et 12 charruées. Là, Ruault possède 31 vilains, 16 serfs, 5 porchers, 4 bêtes, 10 paires de boeufs, 75 moutons, 3 moulins loués 9 shellings par an ; une terre boisée, ayant 7 furlongs de long et trois de large (1407ms x 603m = 848.421m2 où près de 85 hectares) 40 acres de pré ; (l'acre valant à peu près 40 ares 45, le pré avait pour superficie un peu plus de 16 hectares) une pâture d'une lieue, un tiers de long sur une lieue de large. (A cette époque la lieue valait le mille ; la pâture décrite avait donc une surface de 340 hectares), valant 12 livres ; quand Ruault la reçut elle ne valait que 9 livres ». Note : Les mesures anglaises étant essentiellement variables à cette époque et changeant même de valeur suivant les comtés et même les centenies, l'évaluation précédente n'est qu'approximative. 

Sigeforda, hodie Sidford - Rualdus habet 1 mansionem quae vocabur Sigeforda, quam tenuit Bristritius ea die qua rex Eduardus fuit vivus et mortuus et reddidit geldum pro 1 virga. Hanc potest arare [una] carruca et dimidio. Modo tenet hanc Salomon de Rualdus. In ea habet Salomon IIII boves et Voves et x capras et I vaccam et VI agros nemoris et VII agros pascuae et valet per annum V solidos et quando Rualdus accepit valebat III Solidos. Fol 114. b. Voir aussi Devonshire, folios 114 b. 115. Ed. Nichols [TRADUCTION « SIGEFORDA, aujourd'hui Sidfort : Ruault y possède une maison appelée Sigeford, que tenait Bristritius le jour où le roi vivait et mourait ; il payait le geld pour une vergée (mesure extrêmement variable dans le D. B. ; en général il y avait 4 vergées à l'acre). Il faut une charrue et demie pour labourer cette terre maintenant c'est Salomon de Ruault qui le tient. En elle, le dit Salomon à 4 boeufs, 5 brebis et 10 chèvres 1 vache, 5 acres de forêt, 8 de pâtures valant par an 3 sols, et quand Ruault le reçut elle ne valait que 3 sols ». Cet extrait et le précédent démontrent l'importance des biens reçus par Rivallon puisqu'il y a, au Domesday, près de 30 articles de ce genre, le concernant et que Sigeford est une des plus petites possessions de cette énumération. Il semble ainsi que le seigneur breton ait fait souche en Angleterre puisque, au moment de la transcription des enquêtes des hauts commissionnaires, vers 1086, la terre de Sigeford était aux mains de Salomon. Enfin l'augmentation du revenu des terres prouve que Ruald ou sa descendance exploitaient les biens concédés par Guillaume avec soin et intelligence]. 

Mais pourquoi le nom de Rualdus est-if suivi du mot Adobed ? C'est le seul exemple de Domesday-Book. 

On trouve cette expression dans de nombreux romans de chevalerie. Le Roman de Garin dit : 

Ricart s'en vet à Laon, la cité, 
En sa compagne trois cens des adobez (II. 64. 3). 

Et le Roman de Girard de Vienne : 

Mes d'une chose me dites vérité,  
Se oncques fûtes chevalier adobé. 

A une époque plus rapprochée de la conquête, celle où Wace écrivait son Roman de Brut, le trouvère disait: 

Cil que del mur pièces jetoient, 
A grand dolor se desfendoient : 
De novel erent adobé 
Et de l'asalt erent hasté. 

(Vers 6414-6418). Edition de Lincy.

Marie de France dans Yvenec s'exprime ainsi : 

Quand il fut venu en aé 
A chevalier l'unt adoubé. 

Adober ou adouber signifie donc armer chevalier ; la cérémonie d'investiture porte même quelquefois le nom d'adoubement. Dans certaines chartes latines, on lit assez souvent miles adobatus

L'expression s'est conservée dans la langue anglaise : to dub. Palsgrave, (Esclarcissement de la Langue Francoyse London : 1530), écrit to adubbe. L'aphérèse de l'A est conforme à cette particularité de l'anglo-normand qui consiste dans la tendance à l'abréviation. C'est le retranchement initial. C'est ainsi que les verbes abaier, abeter, acater ont donné to bay, to bait, to cater. Il en est de même pour un grand nombre de substantifs et le vieil anglais, comparé à l'anglais moderne, nous offre souvent l'exemple d'aphérèses semblables. Ainsi, dans Halliwel on trouve grement pour agreement, to noynte pour to anoint, etc. 

Faut-il enfin chercher dans l'adouber du vieux français et dans le to dub anglais, l'allemand dubban frapper, à cause du coup donné au chevalier, quand on l'armait ? Non n'osons pas le prétendre. Nous y verrions plutôt le mot ados, qui signifie protection, arme et qui est assez souvent employé dans les petites épopées du Moyen-Age et les Romans de la Chevalerie. 

Au mort tous les ados osta, 

Roman de la Violette, vers 1471. 

François ont esté à repos 
Et ont de secors bon ados. 

Parlanopus de Blois, vers 1432. 

Benoist de Saint-More, dans la Chronique des Ducs de Normandie dit : 

Racet ni aureit ni ados 

Chron. vers 26963. 

Dans Tristan, Ados prend la forme d'adoul qui est bien voisine d'adouber. 

Un osa prendre ses adoul 

Tristan, vers 111. 

Rualdus aurait été, croyons-nous, armé chevalier par Guillaume qui n'était pas prodigue de cet honneur, après la prise de Dol, en dédommagement du mal fait aux domaines de Ruald par les troupes normandes lancées à la poursuite d'un ennemi commun. On objectera, peut-être, que l'armement du seigneur breton ne figure pas sur la Broderie de Bayeux, tandis que celui de Harold y est minutieusement figuré. La réponse est facile. Il ne faut pas oublier que la Broderie avait surtout pour but de commémorer la conquête et les faits antérieurs s'y rattachant directement. Rualdus n'y figure que dans un épisode secondaire ou plutôt préparatoire : son armement n'avait pour personne, excepté pour lui, l'importance de l'investiture du prince saxon. 

Etienne Dupont

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