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L'ABBAYE ET LA PAROISSE DE RILLÉ

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Abbaye de Saint-Pierre de Rillé ; paroisse de Saint-Eloi, puis de N.-D. de Rillé.

Jusqu'au XVIIème siècle, la paroisse fut sous le patronage de saint Eloi. On y substitua ensuite celui de la Sainte Vierge, avec la Purification, comme fête patronale. C'est pour cela que Rillé était parfois appelé Sainte-Marie de Fougères et que la fermeture du faubourg avait pris le nom de Portail-Marie.

L'office paroissial se faisait à un autel de l'église abbatiale ; la paroisse ne s'étendait qu'au bourg de Rillé ; le faubourg de l'Echange était en Lécousse ; mais l'abbaye en posséda une grande partie, qui lui avait été donnée par Guillaume L'Angevin. Depuis la Révolution, la paroisse de Rillé a été réunie à celle de Saint-Sulpice.

Dès le XVème siècle, l'abbaye était tombée en commende (c'est-à-dire qu'une partie de ses revenus fut accordée à un personnage qui prenait le nom d'abbé, mais qui n'en exerçait pas les fonctions, n'en avait même pas généralement les pouvoirs, et ne résidait pas). En 1713, la mense abbatiale fut réunie à la cure de Lorient. Le dernier commendataire fut Thomas l'Olivier de Tronjolly, curé de Lorient jusqu'en 1767 (depuis 1763), puis doyen de Saint-Brieuc jusqu'à la Révolution. Il avait obtenu de conserver Rillé malgré son départ de la cure de Lorient. L'écusson de l'abbaye de Rillé, enregistré en 1697, portait : d'hermine plein.

L'abbé portait crosse et mitre (D'après un sceau. — GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, II, 613). Il possédait droit de Haute-Justice dans le bourg de Rillé et dans les fiefs relevant de l'abbaye. Les audiences se tenaient le vendredi dans la salle basse de l'Auditoire de Fougères ; les appels se portaient devant le Sénéchal de Fougères.

Aux XVème et XVIème siècles, l'abbé de Rillé fut le Directeur de l'enseignement dans la baronnie [Note : L'abbé de Rillé fut débouté de ce droit en 1680 (Id.)], à cause du collège fondé dans l'abbaye.

Comme beaucoup d'autres abbayes, celle de Rillé fut l'objet d'une réforme au XVIIème siècle. Jusque-là, elle avait conservé la règle de saint Augustin, plus ou moins bien observée sans doute, car, en 1628, l'abbaye de Rillé reçut la visite du P. Faure qui avait entrepris de réformer les maisons de chanoines réguliers. Le P. Faure (+ 1644) était lui-même un chanoine régulier, qui avait été appelé en 1621, avec douze de ses confrères, à Sainte-Geneviève de Paris, par l'abbé qui était le Cardinal de la Rochefoucault, pour réformer cette abbaye. Le succès ayant répondu à ses efforts, il fit, dans d'autres maisons, les mêmes tentatives avec le même succès [Note : En 1634, le Pape approuva les nouvelles constitutions, élaborées en 1621, et le P. Faure fut élu, canoniquement, général de la Congrégation de France des Chanoines réguliers, en même temps qu'abbé coadjuteur de Sainte-Geneviève. — Les religieux prirent alors le nom de Génovéfains. Ils portaient une soutane de serge blanche, avec un collet fort large, et un rochet de toile. Sur le tout, ils mettaient un manteau noir] ; notamment à Rillé. La règle des réformés était assez dure : ils jeûnaient tous les vendredis de l'année, aux vigiles des principales fêtes et pendant tout l'Avent et tout le Carême.

Les Génovéfains de Rillé furent les seuls religieux qui conservèrent l'administration spirituelle des paroisses jusqu'en 1790. Ils desservaient les suivantes :

Bazouges-la-Pérouse (depuis le XIIème siècle) ;
Fleurigné (depuis le XIIème siècle) ;
Landéan (depuis le XIIeme siècle) ;
Les Loges-Marchix, évêché d'Avranches ;
Martiny, évêché d'Avranches ;
Montours (depuis le XIIème siècle) ;
Québriac, évêché de Saint-Malo (depuis le XVIIIème siècle) ;
Rillé (depuis le XIIème siècle) ;
Saint-Christophe-de-Valains. — Ce prieuré dépendait de Rillé ; mais il était occupé depuis plusieurs siècles par des prêtres séculiers quand vint la Révolution;
Saint-Ouen-des-Alleux. — Etait également passé aux mains des Séculiers, mais revint aux Réguliers au XVIIème siècle ;
Saint-Rémy-du-Plain (diocèse de Dol). — Aux mains des chanoines réguliers depuis le XIIIème siècle, jusqu'en 1776 où, faute de religieux, la cure fut occupée par un séculier ;
Sens (depuis le XIIème siècle) — tomba en commende et revint, au XVIIème siècle, aux chanoines réguliers de Rillé.

L'abbaye de Rillé possédait aussi des prieurés simples, sans charge d'âmes, notamment celui de Notre-Dame du Château ; ce prieuré, dont le revenu était, en 1790, de 1.217 livres, et les charges de 384 livres [Note : Parmi les charges : 3 messes par semaine, qui depuis longtemps étaient dites à Saint-Sulpice], tomba en commende au XVIIème siècle. Le dernier titulaire fut Gilles Deric, vicaire général de Dol, auteur d'une savante histoire ecclésiastique de Bretagne. Le prieuré du château avait pour armoiries : d'or au château de gueules, accostés de 2 branches de Fougères de sinople. Il y avait jadis dans l'enceinte du château un logis prioral.

Un règlement de 1772 prescrit que les supérieurs des Chanoines réguliers ne pourront retirer, de leurs cures, les chanoines qui en sont chargées, sans l'autorisation de l'Evêque. Au décès des recteurs-prieurs, leur pécule appartenait à la Congrégation, à charge des réparations auxquelles ils étaient tenus.

Le nombre des religieux, dans l'abbaye, ne dépassa jamais dix, mais il faut compter en plus ceux qui desservaient les paroisses rurales. M. Guillotin de Corson (Pouillé II, 605) donne une liste de 36 abbés de Rillé ; plusieurs ont été des personnages importants ; certains étaient déjà ou devinrent évêques. L'un d'eux, Melchior de Marconnay, pourvu de l'abbaye de Rillé en 1581, devint évêque de Saint-Brieuc en 1601. Il joua un rôle considérable pendant la Ligue, se montrant fougueux partisan de Mercœur. Cela valut à son abbaye de Rillé d'être pillée en 1589 par le prince de Dombes lorsqu'il vint faire une tentative contre Fougères. Les archives furent brûlées, les moines expulsés momentanément, et les biens de l'abbaye saisis, momentanément aussi.

Les revenus de l'abbaye atteignaient, en 1790, 18.149 livres en argent, et la valeur de 2.300 livres environ en grains, soit un total de 21 à 22.000 livres, dont 10.200 provenaient des dîmes, affermées en diverses paroisses (Rébillon). De ce revenu, il fallait défalquer 7.500 livres de charges (décimes, 2.792 livres ; aumônes, 1.174 livres ; messes de fondation, 650 livres ; frais de sacristie, 700 livres ; réparations, 1.300 livres), auxquelles charges il faut ajouter 3.400 livres, versées à l'abbé commendataire. Il restait donc un revenu net d'une dizaine de mille livres pour les religieux.

De l'abbaye primitive, il ne reste rien. Malgré des réparations importantes, faites en 1603, il fallut, un siècle plus tard, tout démolir pour reconstruire à neuf.

Cette reconstruction (1724-1750) [Note : Voir LE BOUTEILLER, IV, 264 ; — MAUPILLÉ, Histoire, p. 174] se fit sous l'abbatiat de Louis-François Coholan (+ 1761), aumônier de la Compagnie des Indes nommé par le Roi à la cure de Lorient. Une pierre, gravée au chiffre de Nicolas de Limagues, NL, et datée de 1636, a été retrouvée en 1924 et replacée dans les constructions élevées cette année.

De cette abbaye du XVIIIème siècle, il reste seulement une partie du bâtiment conventuel et la tour, dont le sommet est richement orné et qui renferme un monumental escalier de granit.

M. Le Bouteiller a publié (IV, 265) un document précieux : c'est une gravure [Note : Elle doit être antérieure à 1734, date d'achèvement de l'église neuve, selon M. du Boisnouault. (Voir LE BOUTEILLER, IV, 264)] qui représente l'abbaye encore inachevée. On y accédait du Bourg-l'Echange par une grande porte fortifiée. On reconnaît fort bien, dans la gravure, la partie sud du bâtiment conventuel et la tour actuelle ; mais l'église n'y figure pas, à moins que ce ne soit sa toiture que l'on aperçoit au-dessus du toit en appentis de la galerie occidentale du cloître. L'ancienne église est représentée ; elle n'était pas au voisinage de la tour ; elle est dominée par une flèche très aiguë, et son aspect général semble indiquer un édifice du XIIIème siècle.

Cette vieille église ne subsista pas jusqu'à la Révolution. Une église neuve fut construite pour la remplacer ; commencée en 1724, elle fut achevée en 1734 (Le Bouteiller, IV, 264) et bénite le 20 novembre 1735, par M. de Guersans, vicaire général de Rennes. Le Saint Sacrement fut porté processionnellement au bas du bourg de Rillé, comme à la Fête-Dieu (Le Bouteiller, IV, 278).

La nouvelle abbaye, ainsi entièrement construite au XVIIIème siècle, était un monument assez remarquable. La tour de l'église, qu'on voit mal maintenant, parce qu'elle est entourée de constructions, est un beau spécimen de l'architecture du XVIIIème siècle. Quant au bâtiment conventuel, cette description, puisée dans les archives du District, en donnera une idée : « … la maison (de Rille) est située dans un bel air; elle est vaste, commode, et contient 26 pièces…… Le rez-de-chaussée consiste en une cuisine, un salon, un vaste réfectoire de 24 à 25 pieds de large sur plus de 60 de longueur; une grande salle de compagnie, sur laquelle il a été pris 3 cabinets et une petite chambre noire,..... reste encore à environ 25 pieds en carré.... Outre ces bâtiments, il y a une écurie, et un pavillon dans la cour au nord, et un superbe jardin sa midi…. ». De ce bâtiment, il reste la cuisine et le salon, à l'usage actuel de réfectoire : c'est une pièce superbe ; elle renferme une magnifique et vaste cheminée de marbre de style Louis XV ; les poutres reposent sur des consoles richement ornées. Un cloître existait entre l'église et le couvent. Il y avait un long promenoir planté d'arbres, en bordure de la rue.

Lorsqu'arriva la Révolution, résidaient à l'abbaye quatre religieux seulement : dom Yves Delaunay, prieur-recteur, âgé de 66 ans en 1792 ; dom Dufayel, vicaire de la paroisse ; dom Marye (68 ans et infirme), et dom Beaulieu.

Le 3 mai 1790, des délégués de la municipalité vinrent prendre connaissance des comptes de l'abbaye, firent l'inventaire du mobilier et demandèrent aux religieux leur intention « au sujet de la liberté qu'ils ont d'abandonner la maison ou d'y rester ». Les déclarations des religieux furent hésitantes ; on ne voyait pas encore très clair dans les projets de l'Assemblée nationale. On sait qu'on leur laissa la faculté, ou de rentrer dans le monde, ou de se retirer dans des maisons où seraient assemblés au moins 20 religieux.

Les 21 et 22 décembre 1790, l'inventaire fut vérifié par les Commissaires du District, les scellés mis sur le chartrier et sur la bibliothèque, qui comprenait 3.000 volumes ; les registres furent emportés.

Ni le prieur ni son vicaire ne prêtèrent le serment exigé, au début de 1791, des ecclésiastiques exerçant un ministère public.

Dom Beaulieu et dom Dufayel durent quitter l'abbaye dans la seconde quinzaine de février 1791 ; on ignore ce qu'ils devinrent. Quant au prieur-recteur, il était autorisé à rester à Rillé jusqu'à la suppression de la paroisse, suppression réclamée par le District dès le 30 septembre 1790. Dom Marye, de son côté, put séjourner encore un peu de temps à l'abbaye, en raison de son état de santé.

La vente du mobilier dura du 2 au 17 niai 1791. Elle produisit 3.429 livres, 17 sols, 9 deniers.

Arriva la Fête-Dieu (23 juin 1791). A cette date, les deux cures de Saint-Sulpice et de Saint-Léonard étaient occupées par des curés assermentés et on se demandait si, conformément aux usages anciens, le prieur-recteur de Rillé se réunirait aux curés schismatiques pour la procession. Malgré toutes les instances, dom Delaunay s'abstint de le faire. D'autre part, l'église de Rillé servait de refuge à plusieurs prêtres fidèles qui y célébraient leurs messes, auxquelles une foule considérable assistait, au grand désespoir des autorités qui attendaient, avec impatience, l'autorisation de fermer l'église et de supprimer la paroisse de Rillé.

L'arrêté départemental de suppression parut le 16 novembre 1791 : il fut exécuté dès le 19 : deux détachements de militaires se rendirent au monastère, accompagnant les délégués municipaux, et, en l'absence du prieur, on fit un nouvel inventaire, et on mit les scellés sur la sacristie ; puis le curé intrus de Saint-Sulpice, M. De Ruan, fut requis de porter processionnellement dans son église les Saintes Espèces, sous l'escorte des troupes ; après quoi l'église abbatiale fut fermée à son tour. Le 22 décembre de la même année, les cloches étaient descendues et envoyées à la fonderie.

En vertu de l'arrêté du 16 juin 1791, dom Delaunay fut mis en demeure de quitter l'abbaye et de se retirer au moins à 3 lieues ; ce qu’il fit vers la mi-janvier 1792. Quant à dom Marye, n'étant ni recteur ni vicaire, il lui était loisible de rester à Fougères ; il se retira dans une maison du quartier. L'arrêté d'internement du 15 avril 1792 obligea les deux prêtres à se rendre à Rennes. Ils furent enfermés à Saint-Melaine le 14 août 1792, passèrent à la Trinité, puis au Mont Saint-Michel (16 octobre 1793). Dom Marye ne fut relâché qu'en 1795, et il dut mourir peu après. De son côté, dom Delaunay profita du passage des Vendéens, le 13 novembre 1793, pour quitter sa prison. Il ne tarda pas à être arrêté, près de la Pouardière, en Saint-Germain, semble-t-il [Note : Dans son interrogatoire devant le Tribunal criminel, le 2 août 1794, dom Delaunay déclare qu'il fut arrêté, lorsqu'il récitait son bréviaire, dans un champ entre Romagné, Lécousse et Saint-Germain. Or, dans cette région se trouvait une ancienne métairie de Rillé, la Pouardière, où il y avait une chapelle. C'est là que dom Delaunay avait dû se réfugier. Il déclara aussi avoir dit la messe une fois à Saint-Sulpice de Fougères], fut condamné à mort et exécuté (3 août 1794) [Note : Le jugement est du 3 août 1794. — M. Guillotin de Corson dit que l'exécution eut lieu le lendemain, — M. Piron, d'après le registre d'écrou de la Porte Saint-Michel, croit qu'elle eut lieu le jour même].

Quant à l'abbaye, elle fut vendue le 28 mars 1792 à Gabriel Desfeux pour le prix de 32.100 livres. L'orangerie fut vendue au même, et le même jour, 2.250 livres. Enfin, le « Lazaret », adjugé à un maçon qui ne put payer, dut être remis en vente, je ne sais à quelle date.

Avaient été exceptés de la vente à Desfeux l'horloge et le mobilier de l'église qui semble avoir été assez artistique, à en juger par le maître-autel de Tremblay qui provient de Rillé. Cette exception fut l'objet d'une contestation entre le District et Desfeux.

Ce dernier, pour en vendre les matériaux (Archives de la bibliothèque municipale), se décida, vers la fin de 1797, à démolir la plus grande partie de l'abbaye, y compris l'église qui n'avait pas un siècle d'existence. Ce vandalisme provoqua une grosse émotion à Fougères. Des troubles même se produisirent (2 décembre 1797). Ainsi fut mutilé et disparut ce remarquable édifice.

Vers la fin de la Restauration, ce qui restait de l'abbaye de Rillé fut acheté par M. Coëdro, supérieur des Missionnaires de Rennes, qui revendit le 24 octobre 1833 à M. Le Taillandier, recteur de Laignelet, pour y établir en ce lieu (28 octobre 1833) la Congrégation des Soeurs de la Justice de Dieu qu'il venait de fonder à Laignelet (1830) et dont on connaît le magnifique développement. La « Sainte Colline » n'a pas déchu.

(Emile Pautrel).

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