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DE HENRI IV A LOUIS XV : LE COMTÉ DE RIEUX

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Des Rieux à la Maison de Lorraine. — Délaissement et décadence. — Le comté sort de la famille de Rieux. — Au pays de Rieux. 

I. — DES RIEUX A LA MAISON DE LORRAINE.

Au début du XVIIème siècle, le Comté de Rieux est partagé entre deux seigneurs : Guy XX de Laval et Charles Ier de Lorraine. Tous les deux meurent en 1605 et leur succession revient en totalité à la Maison de Lorraine, à charge cependant pour celle-ci de verser une rente annuelle à la mère de Guy XX, devenue la maréchale de Fervacques. Nous voyons, en effet, le 14 février 1618, Marguerite de Chabot, duchesse d'Elboeuf, veuve du prince Charles Ier de Lorraine et tutrice de ses enfants, affermer les terres de Rieux et de Rochefort à Jacques Lefebvre « pour la somme annuelle de 12.000 livres, dont 3.000 étaient la part de madame la mareschale de Fervacques ».

Charles II de Lorraine, né en 1576, succède à son père Charles Ier et devient ainsi duc d'Elboeuf, pair de France, comte de Rieux, Rochefort et Harcourt. Il épouse Catherine-Henriette de France, fille naturelle d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrée. Il en eut six enfants dont l'un, Henri, fut abbé d'Hommières en Picardie, et une autre, Catherine, religieuse cistercienne à Port-Royal.

Les vocations n'étaient pas rares dans la famille de Rieux à cette époque. En 1570, Françoise de Rieux est carmélite du couvent de Nazareth à Paris. Thomasse de Rieux est abbesse des Cisterciennes de Notre-Dame-de-Joie à Hennebont de 1605 à 1626 (morte en 1638). Anne de Rieux, sa soeur, bénédictine du Calvaire sous le nom de « Mère Madeleine de la Passion », devient supérieure générale de son ordre (morte en 1663). Son frère, René de Rieux, fils cadet du marquis d'Ouessant, branche de Rieux-Sourdéac, né en 1588, abbé du Relecq, devient évêque de Léon en 1613 ; il meurt au Relecq en 1651 avec la réputation d'être « l'un des prélats les plus splendides et les plus éloquents de l'épiscopat du royaume ». Il fut inhumé dans la cathédrale Saint-Pol.

Plus tard, on rencontre Louise de Rieux et sa soeur Hélène, chanoinesses de Remiremont.

Pendant la Guerre de Trente Ans, Charles II fut blessé au siège de Saint-Jean-d'Angély. Il guérit de sa blessure et mourut d'hydropisie à Paris, le 5 novembre 1637, âgé de 61 ans.

Charles II laissait le Comté de Rieux à son troisième fils, François-Louis de Lorraine, né en 1623, époux d'Anne d'Ornano. Celui-ci fut fortement mêlé à la Guerre de la Fronde, engagée pendant la minorité de Louis XIV par la noblesse et le Parlement contre la régente Anne d'Autriche et son ministre Mazarin (1648-1653). « En 1652, raconte Guizot (Histoire de France, tome IV, p. 228), le baron de Rieux se prend de querelle avec le duc de la Trémouille. Le grand Condé intervenant brusquement, lui donne un soufflet ; sans s'émouvoir, Rieux le lui rend. Qui fut bien étonné alors ? Ce fut le grand Condé ! Il fit enfermer Rieux à la Bastille ; mais les gentilshommes prirent parti pour le prisonnier qui fut relâché ».

François-Louis de Lorraine, tige de la branche des comtes d'Harcourt, possédait bien le Comté de Rieux, mais non celui de Rochefort, Charles II l'ayant cédé à son quatrième fils François-Marie, dit Jules de Lorraine. Il mourut le 27 juin 1694, mais depuis 1662, il n'était plus Comte de Rieux, ayant vendu sa seigneurie bretonne.

 

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II. — DÉLAISSEMENT ET DÉCADENCE.

De plus en plus, la haute noblesse vit à la Cour et aux Armées ; par là, les rois achèvent de l'assouplir et de lui ôter toute velléité d'indépendance. Les sires de Rieux de la Maison de Lorraine, comme leurs prédécesseurs du XVIème siècle, ne paraissent guère dans leur comté, sauf pour les rites de la prise de possession, et encore parfois sont-ils représentés par un délégué. Aussi ne se préoccupaient-ils pas de restaurer leur château de Rieux.

Dès 1567, ce château était fort délaissé : on lui préférait celui de la Forêt-Neuve en Glénac, plutôt maison de plaisance. C'est là que, le dimanche 7 mai 1570, descendit la reine-mère, Catherine de Médicis, accompagnée de ses fils : le roi Charles IX et le duc d'Anjou (futur Henri III) ; le cardinal de Lorraine et d'autres princes et nobles étaient de leur suite. On imagine aisément la splendeur de cette réception.

Durant les Guerres de Religion, le château de Rieux avait été gravement endommagé par un incendie. Mais sa destruction totale fut l'oeuvre de Richelieu. « Le tout-puissant ministre de Louis XIII, raconte l'historien Ogée, se promenait un soir, vers 1630, sur la terrasse de l'abbaye de Redon, dont il était abbé commendataire, pour contempler le paysage, quand il aperçut la masse noire du vieux donjon : elle se dressait de toute sa hauteur au fond de l'horizon et projetait sa silhouette sinistre sur les immenses marais de Rieux. Le cardinal n'aimait pas les châteaux-forts. Il s'informa du nom du propriétaire de ce donjon. Le nom de Rieux éveilla dans son esprit des souvenirs de révoltes et aussitôt il décida la destruction de cette forteresse. Pour l'opérer, il convoqua les paysans de dix-sept paroisses environnantes. Mais la construction était solide et leurs efforts n'aboutirent qu'à renverser les tours et des pans de murs dans les douves. Quant au donjon, s'il fut ébranlé par les mines, il resta debout, un peu penché toutefois ».

Dubuisson-Aubenay décrit ainsi, dans son Itinéraire de Bretagne, en 1636, Rieux et ses abords.

«    Passez l'eau de Vislaine, très profonde et hors de la sonde quelque perche que ce puisse être, et fut-ce de dix piés. L'eau est rapide et impétueuse, large comme Marne à Conflans sous Paris. La marée y donne même au-delà de Redon et jusqu'à Messac, mais l'eau ne se sale point qu'ès grandes marées et à l'esté.

«    A Rieux (Rex), il y avait jadis un pont de bois dont les pilotis paraissent encore, deux ou trois, et ont été depuis dix ans les autres arrachés. Il était immédiatement au-dessus du passage à chaland qu'ils appellent, ou à bac. Ils tiennent, comme il est vrai, que c'était l'ancien, l'ordinaire et le plus court chemin de Nantes à Vannes par vingt-deux lieues petites de Bretagne.

«    De l'aultre côté de l'eau et en la rive droite, il y entre un ruisseau provenant d'un marais voisin et dans lequel la mer entre et y fait un estier. Par côté de la rive gauche, et un peu plus bas, il y a même chose ; mais au confluent de l'estier droit et à la procute au-dessous d'icelui, est une petite motte, bâtie d'un château à machicoulis, maintenant démoli... C'est le château du seigneur de Rieux, maintenant à M. d'Elboeuf. Au-dessus est un monastère de Trinitaires ou de Mathurins qui sont six ou sept, avec un petit couvent et une église fort malpropre.

«    Puis est le bourg, dit ville, fort long et serré, avec une petite chapelle de Saint-Antoine dépendant de ladite abbaye, et puis, tout au bout du faubourg, la paroisse. Il y a aussi le prieuré Notre-Dame de Rieux.

«    Sortant du bourg, rasant la paroisse (l'église) de la main gauche, vous trouvez un chemin large ; et, au bout d'un quart de lieue, passez cent pas de bois, vous trouvez vestiges de chaussée romaine qui se perd ; et aussi, au bout d'un autre quart de lieue, vous entrez dans un second bois dit Forêt de Rieux, où la voie romaine est élevée de trois piés sur l'autre sol... ».

On le voit, l'auteur parle de Rieux comme d'un bourg ordinaire : sa gloire est passée à la suite du départ de ses illustres seigneurs ! Pour la même raison, son commerce a notablement diminué ; n'habitant plus le pays, ils négligent l'entretien des ponts et du port, choses essentielles cependant pour le transit. En 1582, les aveux au roi de France parlent encore de ces ponts et des droits que l'on y perçoit : soixante ans plus tard, ces ponts sont en ruine et l'on doit, souligne l'historien Oger, « les remplacer par un bac, ce qui nuit aux transactions commerciales ».

Pour la même raison, les foires périclitent d'année en année au point que, en 1650, seule subsiste la foire des Milleries.

Si les seigneurs de Rieux négligent les services publics de leur fief, ils n'en palpent pas moins les revenus. Ainsi, en 1634, un Aveu rappelle « les droits de communs, pâturage, coupage de litières ès communs dudit sieur, comme les autres bons subjects qui les tiennent à pareil titre de par héritage perpétuel ». D'autres Aveux mentionnent « le droit sur les communs, tant landes que marais, avec pouvoir d'y mener les bestiaux pour pâturer, d'y couper et estrepper landes et ajoncs pour faire du marni et en engraisser les terres... ; droit encore de glandée pour les cochons ». Et tout cela, moyennant le paiement de taxes au profit du sire de Rieux.

Il continue également à toucher les dîmes ; seulement, au cours des âges, le taux en a bien diminué : de la douzième gerbe au XIVème siècle, il est tombé à la trentième, et même à la quarantième, au XVIIème siècle.

Le maintien de son autorité est encore l'un de ses soucis. Le 19 octobre 1615, un nommé Joseph Morin, accusé d'assassinat, est emprisonné à Rieux. Evadé, puis repris, il est jugé par le sénéchal du Vaudequip en Allaire, car il relève de cette seigneurie. Le juge prononce cette sentence : « Ledit Morin, convaincu d'avoir tué, est condamné à être pris par l'exécuteur criminel et conduit en chemise, tête et pieds nus, la corde au cou, une torche de cire ardente de deux livres à la main, devant la grande porte de l'église paroissiale d'Allaire ; là, à genoux, il demandera pardon à Dieu, au roy et au seigneur du Vaudequip, et ensuite il sera mené au lieu patibulaire pour être pendu et étranglé jusqu'à extermination de vie. Ses biens seront confisqués et feront retour au seigneur ».

La Dame de Rieux, Marie de Chabot, curatrice de son fils Charles II de Lorraine, sire de Rieux, fait opposition à ce jugement. Néanmoins, la Cour de Rennes le confirme, « attendu, porte la sentence, que le Vaudeguip a droit de haute, moyenne et basse justice ». Sans doute le condamné fut-il exécuté...

Plus tard, nous voyons le fils de Charles II, François de Lorraine, appelé plus généralement M. le duc d'Elboeuf ou M. d'Elboeuf, s'occuper d'afféager les communs de lieux. Il en obtient l'autorisation par Lettres patentes du roi Louis XIV en 1646. Ses vassaux font appel de cette autorisation et, après bien des discussions, ils obtiennent, le 8 septembre 1652, que « les marais, landes, pâtis, broussailles et autres terres nommées communs seront par les paroissiens de Rieux mises en trois loties : une au choix pour le duc d'Elboeuf, les deux autres à l'usage des vassaux et arrière-vassaux, sans qu'ils puissent à l'avenir y être troublés ».

A la suite de cette décision, « des priseurs nobles et des arpenteurs royaux sont nommés et se transportent à Rieux le 10 septembre. Les paroissiens se trouvaient réunis avec les frairies de la Ville, Saint-Gildas, le Quéfer, la Poterie, Saint-Jean, Trévolo et Tréfin, des paroissiens de Béganne et des habitants de Bocquéreux, avec leurs fabriques, marguiliers et procureurs-syndics. D'autre part, on remarquait missire Louis Letourneau, ministre du couvent, missire Pierre Gaultier, recteur, et missire Charles Garnier, prieur ».

Le partage des loties commence par les marais de la Crolais. Dans les Pâtureaux, les commissaires comptent 87 journaux et 15 cordes, sans les issues et les chemins. Le seigneur en prend la plus mauvaise partie, ce qui était tout à son honneur. Le jour suivant, partage des marais de Cohier, Prisco et l'Isle ; enfin le troisième jour, partage des marais de Comenan, la Roche et Roru.

En retour du tiers qui leur est concédé, les paroissiens s'obligent à verser 2.000 livres au seigneur [Note : Environ 240.000 francs en 1956, le sou du XVIIème siècle équivalant à 6 francs et la livre à 120 francs].

Ces mesures sont notifiées le dimanche suivant au prône de la grand-messe, puis ratifiées par le Général.

Malgré cela, certains refusent ces conventions et vont jusqu'à renverser les fossés et talus établis par le seigneur pour enclore ses loties. D'où procès, amendes et saisies, comme il advint le 27 novembre 1660 ; ce jour-là, « les bestiaux de Rieux et Fégréac furent pris par les habitants de Rochefort sur l'ordre de monseigneur le Prince » (prince de Lorraine, comte de Rieux).

Au cours de ses visites en Bretagne, le comte de Rieux descendait à son château de la Forêt-Neuve, celui de Rieux étant inhabitable à cette époque. Un Aveu de 1650 nous fournit les détails suivants sur ce fief, dénommé de Rieux à Peillac, qui comprend huit paroisses, plus le domaine de la Pachonnie.

« En cette terre, il y a une fort grande maison ou château, appelée la Forêt-Neuve, autant bien bâtie et commode qu'on puisse dire, avec un jardin fermé de murailles d'une contenance de 16 arpents. Joignant ladite maison, une cour, des écuries bien cernées de murs, couvertes d'ardoises ; proche ledit château, une belle fontaine et plusieurs autres sources, un fort beau vivier garni de poissons, un bois de haute futaie de 400 arpents... Il y a proche le château une chapelle de Saint-Jacob où il y a messe le mercredi, le vendredi et le dimanche. La maison possède, haute, moyenne et basse justice... Les officiers de justice sont nombreux ».

L'on comprend que les sires de Rieux aient négligé la restauration du château de leur chef-lieu, alors qu'ils possédaient non loin de là une splendide demeure de plaisance, d'où la vue embrasse un panorama merveilleux.

Cet Aveu de 1650 contient ensuite le détail des revenus des offices qui, au décès du titulaire, reviennent au seigneur, ainsi que le tarif officiel des terres nobles. Il y en a environ 70 dont les revenus s'étagent de 9.000 livres à 200 livres ; les revenus inférieurs sont classés menus rachats. Les plus forts sont ceux du Brossay, 9.000 livres ; Sourdéac, Branféré et Cancouët, 4.000.

En dehors des fiefs nobles, chaque paroisse paie une taxe au seigneur : le rôle de Saint-Jacut est de 56 livres en deniers, grains et poules ; celui de Saint-Martin, de 240 livres, etc, A noter en plus « 300 arpents de terre en prés, landes, labours, qui fournissent un revenu très considérable, car les prés se vendent, quand ils sont bons, 500 livres l'arpent, les labours 300, les landes beaucoup moins » (Aveu 1660).

 

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III. — LE COMTÉ SORT DE LA FAMILLE DE RIEUX.

François II de Lorraine était l'un des seigneurs les plus brillants de la Cour de Versailles. Mais cette vie de courtisan était fort dispendieuse et, pour y suffire, il se décide en 1662 à vendre ses lointaines terres de Bretagne. Elles sont acquises peu après par « messire du Plessix de Guénégaud, conseiller du Roi en tous ses conseils, secrétaire d'Etat et des commandements de Sa Majesté, commandant de ses Ordres, ancien Garde des Sceaux sous Louis XIII ». C'était, on le voit, un personnage important, mais le Comté sortait de l'illustre famille des Rieux qui le possédait depuis plus de huit cents ans.

Peu après son acquisition, messire du Guénégaud vient prendre solennellement possession de son fief et il s'occupe activement d'y rétablir l'ancienne activité commerciale. Dès février 1664, il obtient de Louis XIV des Lettres de rétablissement des foires et marchés ; puis il restaure les halles et les agrandit « en sorte qu'elles contiennent une grande allée au mitan et deux plus petites aux deux costés ». Un juge en la juridiction, Jean Bourneuf, sieur du Haindreuff, assisté d'hommes de loi, de marchands et d'autres habitants, est chargé par le comte de régler les emplacements. Ce qui est fait par un Acte du 12 août 1664 en présence de Noble homme Pierre Grangeron, secrétaire de messire du Guénégaud. En voici les principales dispositions.

«      Une moitié de la grande allée vers le levant, aux marchands bouchiers pour les estauts et crochez. L'autre bout avec l'allée joignant la grande rue, pour les marchands de draps et toiles, les merciers, droguistes, chapeliers, quincailleurs et aultres marchandises qui se gasteraient à la pluye.

«      L'autre allée vers le midy pour les tanneurs et cordonniers. Les marchandises qui ne souffrent pas de la pluye, comme pouaillers (poêles), sabotiers et autres pareils estalleront entre la chapelle Sainct Anthoine et ladite halle le long de la grande rue, en laissant un chemin le long des maisons.

«      Les vendeurs de chevance se placeront à l'occident de ladite place du Fresche, le long de la haie du pré ; les vendeurs de bestes, à l'orient de la place, le long de la muraille du jardin de Cadoudal ; les marchands et vendeurs de porcques au bout de la place vers midy où pourront se mettre les cabarettiers ; les boulangers au bout de la halle vers le soleil levant.

«      Et pour marques desdits establissements, ont esté, suivant la coustume, cassés des pots de terre par lesdits marchands. Et sur ce, le sieur de Grangeron a présenté et donné un boeuf et du pain et du vin » (Suivent 23 signatures).

Le lendemain de ce règlement, 13 août, eut lieu la foire rétablie de l'Assomption. Avant qu'elle s'ouvre le sénéchal convoque à l'auditoire « les hosts (hôteliers) et débitants de vin et cidre de ladite foire en vue d'étalonner leurs mesures. Celles-ci ayant été jugées conformes au jaillon de Rieux, le sénéchal autorise à vendre ».

La restauration de la halle en fit un vaste édifice à trois nefs très élevées, remarquable par ses deux toitures superposées et ses colonnes de chêne assises sur des socles de granit.

M. du Guénégaud rétablit encore en la ville de Peillac les deux foires annuelles et les marchés tous les vendredis, comme à la Poterie la foire de Saint-Jacques le 1er mai « tenue de temps immémorial ».

En ces foires et marchés, le seigneur avait « droit de coutume, aulnage, étalage et mesure de grains » (Aveux).

Signalons encore la transaction de 1667 relative aux communs par laquelle le seigneur remettait en partie les amendes, tandis que les paroissiens acceptaient pour toujours cet arrangement.

C'est vers cette époque que M. du Guénégaud obtint du roi l'érection de son fief de Rieux en Comté, titre que la seigneurie avait perdu du fait de son aliénation. Le 16 mars 1674, il mourait à l'âge de 67 ans.

Il a comme successeur son fils Henri du Guénégaud, marquis de Plancy, comte de Rieux, chevalier de Malte. Peu soucieux de ses propriétés de province, celui-ci se hâte de les mettre en vente et il propose son Comté de Rieux au roi de Pologne, Jean Sobieski, pour lors résidant souvent en Lorraine. Ce prince recherchait en effet pour ses favoris les belles terres de France et il achète le Comté pour 400.000 livres. Mais le destinataire du domaine était un agent très subalterne de Sobieski ; Louis XIV l'apprend et, jaloux du bon renom de sa noblesse, il refuse son agrément à la vente. Et la seigneurie de Rieux reste invendue pour le moment.

Cependant, Henri du Guénégaud dépensait follement à Versailles, si bien qu'il devient incapable de solder ses dettes. Sur la plainte de ses créanciers, le Parlement de Rennes ordonne de saisir ses biens, particulièrement « le château et les propriétés de la ville de Rieux, la Forêt-Neuve en Glénac, les seigneuries de Rieux à Peillac, de Rieux à Fégréac », etc. (Arrêt des 3 et 4 mai 1686).

Les propriétés de M. Henri du Guénégaud restèrent en vente jusqu'en 1697. Quant à lui, il mourut le 22 mai 1722 sans enfants de Anne de Mérode, son épouse.

En 1697, le Comté de Rieux trouve enfin un acquéreur en la personne de Noël Danycan de l'Epine, riche armateur de Saint-Malo. Dans son Acte de prise de possession, sont mentionnés en particulier : le droit de soule (ballon) le lendemain de Noël à Béganne, Saint-Gorgon et Avessac et le droit d'amputation d'oreilles.

C'est à la fin de cette année 1697, en décembre, que Aucfer vit passer Jacques II, roi d'Angleterre, chassé de son royaume par la Révolution et qui avait en vain cherché à le reconquérir. A cette occasion, le sieur de Launay, syndic de Redon, dut lui fournir vingt chevaux pour son voyage de Redon-Aucfer à Questembert.

Quelques années après, le Comté de Rieux change à nouveau de titulaire, non par vente cette fois, mais par mariage. En 1707, messire Danycan de l'Epine marie l'une de ses filles, Marie-Anne-Guyonne, à messire Charles de la Bédoyère et lui donne en dot la seigneurie de Rieux et Rochefort.

La famille de la Bédoyère était illustre en Bretagne par la longue suite de procureurs généraux qu'elle avait fournis au Parlement de Rennes. Charles devait, lui aussi, occuper cette haute fonction à partir de 1710.

 

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IV. — Au PAYS DE RIEUX.

Les Officiers du seigneur. — Pendant que le sire de Rieux vivait à la Cour ou aux Armées, ses officiers le représentaient dans le Comté. Citons-en quelques-uns.

Sénéchaux (ou premiers juges) : « Noble homme Monsieur Maître Jehan Fabron, sieur du Parc-Anger », 1604 ; Yves Boullido, sieur des Moulins, 1615 ; François Yvon, 1622 ; François Nyol ; Lucas, sieur de la Villetané ; Pierre Evain, sieur de la Montagne ; Jehan Bourgneuf, sieur du Haindreuff ; Jacques Boussu, sieur de Cutran ; Joseph Cadoret, notaire et sénéchal de Comenan.

Alloués ou seconds juges : Laurent Chesnay, 1605 ; François Nyol, sieur de la Cheminerie (plus tard sénéchal) ; Julien Viard, sieur des Noës, avocat en la Cour ; Louys Bonnet, sieur de la Vallée, avocat en cette juridiction ; Alain Hochard, dit Alain de Fleurimont, 1668.

Procureurs-fiscaux : Julien Conan, sieur du Val ; Jacques Quellard, sieur de Kergo.

Procureurs postulants : Roland Boullido ; Jehan Courée, sieur de la Gourlaye ; Julien Poulain ; Julien Sérot.

Procureurs et notaires : Alexandre Besnier, sieur de Boisgaudin.

Procureurs et avocats : François Besnier, François Nyol.

Notaires : François Tual, Pierre Conan, Joseph Boullido, Jean Guérin, Pierre Le Breton.

Avocats en la Cour : Joseph Sauvourel, Jehan Bourgneuf, Julien Viard.

Avocats en la juridiction de Rieux : Alain Marquier, sieur du Boispérigaud ; Louys Bonnet.

Greffiers : Nouel Chauvel, Jehan Boullido, Pierre Le Breton, « honorable femme Yvonne Carré, greffière ».

Sergents : Guillaume Branier, Julien Penhalleux, Bertrand Bohalay, sergent et concierge aux prisons de Rieux.

Capitaine de Rieux : Claude de la Vigne, « un des Cent soldats de la Garde du Roy », 1616.

Châtelain-receveur : Jehan du Mourier, sieur de Saint-Rémy, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy.

François Tual est conterolle (contrôleur) et garde de la Forest et Eaux de Rieux et Antoine Penhaleuc, chirurgien de la ville.

Ces officiers de la seigneurie sont de la noblesse ou de la haute bourgeoisie et ont droit au titre de Maîtres.

Les Vassaux. — Au cours des temps, les seigneuries vassales changent souvent de titulaires, par suite d'alliances, de ventes, d'héritages. Parmi les acquéreurs, l'on compte des bourgeois enrichis, hommes de loi ou marchands et artisans, issus eux-mêmes de la paysannerie. Certains achètent plusieurs domaines dont ils s'arrogent le titre et qu'ils font exploiter par des métayers. Parfois le fief tombe en roture : alors le manoir devient une simple ferme.

Propriétaires des seigneuries de 1600 à 1715 :

Le Plessix-Limur : Jehan de la Villegué, époux Julienne de Limur ; Ysaac du Matz, époux N. de la Villegué. En 1681, cette seigneurie est réunie au Comté.

La Bousselaie. — Julien du Matz, époux Yvonne de la Haye, 1649 ; Guillaume de Forges, sieur de la Gaudinaye en Glénac, époux Gillette du Matz, 1678.

Comenan. — Famille de Rosmadec qui, en 1711, vend le fief à Pierre Menand, seigneur du Plessix, la Coppuais, etc.

La Ricardaie. — N. de la Chapelle, époux d'une de Chamberlan, 1640, puis les Devay qui cèdent à Pierre Menand, 1700.

Kerbonnaire. — Pierre de Kervérien, 1645. Par autorité de justice, les biens de son fils Alexandre furent saisis et vendus à Gabriel Fabrony, ou Fabron, sieur du Plessix, 24 juillet 1684. On note dans le mobilier saisi : un lit à quenouilles, une armoire à quatre battants, six chaises en bois, une grande vieille table, etc. De Kerbonnaire dépendaient, Camzon, Cavaro et la Fosse.

La Courberie. — Alexandre du Matz, sieur de Gléré, la Courberie, Beaulieu, le Plessix, 1613, époux Renée de la Villegué ; Claude du Matz, 1657 ; Pierre Viel, 1677 ; N. Péniguel, époux N. Viel.

Camzon. — Pierre de Kervérien, sieur de la Pommeraye, 1645, époux Mathurine Picaud, dame de Quéhéon (Ploërmel) et Morgan (Taupont) ; Gabriel de Kervérien, 1677 ; de Fabron après 1687.

La Lande. — Du Helfau ; Yves Boullido ; Claude de la Haye, époux Jeanne Boullido.

Gléré. — Du Matz.

Aucfer et l'Angle. — Jean Le Gal, sieur de Kermeur, époux Isabeau du Clivier.

Le Branguérin. — Simon de Préchâteau, 1657.

Le Boschet. — Jehan du Bochay, sieur de Livonnet et Belorient, époux Jeanne Mouraud.

La Montagne. — Pierre Evain, sieur du Poirier, sénéchal de Rieux ; autres Evain, officiers du Comté.

Brambécart. — Jehan Sauvourel, procureur-fiscal 1613 ; Guillaume Le Gaignon, 1662 ; René Poulain, demeurant à Rieux, qui « reconnaît devoir dix sous de rente à Sainct-Antoine sur la Bande Bahurel » 1672.

Launay. — François Le Gall, avocat au Parlement.

Bélorient. — Les sieurs de Bélorient-Le Bourre.

La Graë. — François Bouëxic, sieur du Val Campel, époux Marguerite Fabron, 1626 ; le sieur de la Touche-Bouëxic, 1672.

Renac. — Du Matz, sieurs du Brossay.

La Tabariaie. — Davy, riches marchands de drap à Redon, également propriétaires de Botudal.

Beaulieu. — De la Houssaye, seigneur de Bodigon, le Tertre, Lézalair, la Jouardaie et Beaulieu.

Bériolet. — Debray, sieurs de la Rive, marchands à Redon.

Bellenoë. — Julien Tual, 1666, puis les Le Gal, notaires, de Rochefort-en-Terre. Le plus illustre est René-François Le Gal, sieur de Bellenoë, né en 1651. Il prend une part brillante à toutes les guerres de Louis XIV et mérite les éloges de Condé, Turenne, Villars, du Roi lui-même qui le nomme Brigadier des Armées en 1693. Revenu à Versailles, il est vraiment l'homme du jour, excitant ainsi la jalousie du duc de Saint-Simon qui disait de lui :

« Bellenoë agit en audacieux qui espère tout et ne regarde pas d'où il est parti ». En 1701, il prend le titre de Baron Le Gal et va combattre en Italie. L'année suivante, à l'Armée du Rhin, Villars lui reconnaît « les qualités les plus désirables dans un officier général ». C'est alors qu'il remporte sur les Impériaux l'importante victoire de Mindenkingen qui lui vaut le grade de lieutenant-général, une pension de mille écus et la Croix de Chevalier de Saint-Louis. Après Malplaquet, que l'on a qualifiée de « défaite glorieuse » de Villars (1709), le baron Le Gal rentre dans l'obscurité et meurt en excellent chrétien le 8 janvier 1724.

Villeneuve, aux de Mellac ; — Le Fresche, aux du Matz ; — Le Hindreuf, à Jehan Bourgneuf, sénéchal de Rieux, 1662. — Le Tertre, à René de Vaufrenier, époux Louise de la Lande 1621 ; Jehan du Vaufrenier, 1628 ; Louis du Vaufrenier, 1645 ; Olivier de la Haye, 1667 ; François Germain, sieur du Tertre (Titre clérical de 1700).

La Touche. — Famille Roland. Vendue en 1683 par René Roland, sieur de la Bajoterie, à Pierre Chaillou, au port de Redon.

La Garenne. — Famille Coppale, 1619.

Les paysans. — Si au XVIIème siècle, vassaux nobles et bourgeois mènent bonne vie, il n'en est pas de même des paysans. Sans doute, en 1595, Henri IV leur a fait remise de 20 millions sur l'impôt de la taille, ce qui a sérieusement soulagé les campagnes. Mais, à dater de 1640, les impositions redeviennent cruellement lourdes, conséquence de la guerre. Aussi, quand il a versé la taille, les droits féodaux, la dîme, il ne reste guère au laboureur que le quart du produit de ses champs.

Sa nourriture est plutôt fruste : du pain noir (pain de seigle), galette, bouillie de blé noir appelée gigourdène, choux, pois, féverolles, lait caillé et, de temps en temps, du lard. Nombreux sont les débiles, mais les disettes et les épidémies fréquentes suppriment les faibles et grâce à cela, la race demeure forte. Les cas de longévité ne sont pas rares, témoin Jean Chalain, de la Minière, enterré le 6 février 1689, « âgé d'environ 100 ans », Guillaume Courcé, des Rues Richard, 95 ans (1684).

Une plaie de l'époque, ce sont les usuriers qui accaparent les grains pour les revendre à des prix exorbitants : « Avaricieux, s'écrie saint François de Sales (t 1622), laisse l'usure, ne prends pas tant sur le pauvre laboureur, ne ronge pas tant ses pauvres os martyrisés sous tant de travaux ».

Pour lutter contre le froid, le campagnard partage sa demeure avec les bêtes dont il n'est séparé que par une mince cloison ou même une demi-cloison. Le soir, aux veillées, c'est dans l'étable, dans cette tiédeur de litière et d'haleines, que les hommes tressent paniers et corbeilles et que les femmes filent la quenouille. Ajoutons que, dans ces réunions, la gaîté ne perd pas ses droits : un joyeux luron lance un couplet d'une vieille chanson du terroir et tous, en choeur, reprennent le refrain ; pour finir, le maître de céans, ou un voisin, apporte un pot de cidre que l'on déguste avec volupté et rires.

Parfois, le froid constitue un véritable fléau, comme le grand froid de 1709. Le 6 janvier de cette année, sur le soir, commença une période de température glaciale qui s'aggrava singulièrement à partir du 13 janvier. Le 2 février survint un dégel si brusque que la débâcle des glaces causa partout de gros ravages. Puis le froid rigoureux reprit et dura jusqu'à la fin du mois, avec chutes de neige et vents impétueux, gelant les blés et les arbres fruitiers. A la messe, le vin glaçait dans le calice, et il fallait recourir à des réchauds pour le garder liquide. Quant aux baptêmes, on dut les administrer à domicile.

Ce fut alors la famine dans le pays. Le prix du blé monte follement : 40 livres l'hectolitre, au lieu de 4 l'année précédente !... Enfin arrivèrent des blés d'Italie et d'Afrique du Nord et l'on put faire la soudure avec la récolte de 1710, laquelle fut des plus abondantes.

Les Potiers. — Dans le Comté, certains artisans voyaient leur métier prospérer, alors qu'autour d'eux le commerce se trouvait entravé par différentes causes, dont la principale était la guerre. Ces artisans, c'étaient les Potiers de la Poterie. Aussi étaient-ils exacts à rendre Aveu à leur seigneur de leurs devoirs et de leurs droits. Voici quelques extraits de l'Aveu fait au nouveau sire de Rieux, messire Danycan.

« Les tous Potiers.. assemblez et congrégez le jour de dimanche 30 d'octobre 1701, en la Chapelle de Monsieur Sainct Jacques pour ouïr la sainte messe, laquelle parachevée... ils confessent estre hommes et subjects d'escuyer Noël Danycan, seigneur de Rieux, et tenir à foy, hommage et rachat les pièces de terre, devoir, rente et obéissance, qui s'ensuivent (voir l'Aveu de 1420), puis :

«   Leur paiement se doit le deux may au-devant de la porte de ladite chapelle de Monsieur Saint Jacques, après l'avertissement au son de la cloche.

«   Ils doivent de plus :

«   Dans chaque ménage où il y a mari et femme 16 sols et 2 pots de rente, plus 2 journées d'août ou de corvée, l'une à faner, l'autre à battre le blé ; chaque veuf, veuve ou fille tenant ménage séparé : 8 sols, 1 pot et 1 journée d'août ; à payer le 2 may devant la chapelle ».

Ces paiements continuaient, comme au Moyen-Age, à être parfois accompagnés de bizarres usages, par exemple : « A l'endroit du sieur du Plessix-Limur, tout potier, avant de cuire, doit briser un pot contre le portail du château et se sauver ensuite à toutes jambes sous peine de recevoir une correction s'il est pris » (Aveu de 1701).

Une révolte. — Les énormes dépenses occasionnées par les guerres incessantes, ainsi que les impôts somptuaires établis par le ministre Colbert, et qu'il exigeait par la force, finirent par exaspérer le monde rural. En juin 1676, la Province de Bretagne, à l'exemple de bien d'autres, se révolte. Des bandes de paysans pourchassent les agents du fisc et courent les campagnes, incendiant des châteaux, menaçant les villes et se livrant à diverses violences, tels que attroupements, vols, assassinats de receveurs, incendies, pillages des bureaux de recette, etc...

Cette révolte, dite du Papier timbré, secoua profondément les classes laborieuses à Rieux comme ailleurs. Le Parlement de Bretagne prit fait et cause pour elles et manifesta hautement contre la violation des franchises bretonnes par les édits royaux. En punition, le roi exila le Parlement à Vannes où il resta quatorze ans. La rigueur de la répression n'empêcha pas le malaise de gagner les milieux sociaux plus élevés : la Conspiration de Pontcallec qui se produisit plus tard en est la preuve (abbé Henri Le Breton).

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