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DERNIERS SOUBRESAUTS JACOBINS - LA PAIX RELIGIEUSE (1799-1802)

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Résistance à l'oppression. — Sous les déguisements. — La paix religieuse. — Le peuple réclame ses prêtres. — Rieux au sortir de la tourmente.  

I. — RÉSISTANCE A L'OPPRESSION.

La nouvelle année n'apporte guère l'espoir d'une amélioration : mêmes hommes au pouvoir, même politique. Il n'est donc pas étonnant que les royalistes ne déposent pas les armes.

L'un de leurs principaux chefs dans le Morbihan, de Sol de Grisolles, séjourne fréquemment en Rieux et au château de Trégouët en Béganne. Le 14 janvier, la garnison de Roche-Sauveur y perquisitionne une fois de plus sans résultats. C'est que, remarque Hallier, commissaire du district, « lorsque le détachement a paru près de Foleux en Béganne, on a commencé à corner. Ce cornement s'est successivement répété de village en village jusqu'à Allaire et Rieux. Ce signal est ordonné pour avertir les ennemis du gouvernement de se soustraire aux approches d'une force armée. Il serait bon de défendre de corner dans les campagnes.

L'objet de cette lettre me donne lieu de vous dire que de Sol a été sur le point de se noyer, lui et son cheval, au passage de la Vacherie, entre Saint-Vincent et Saint-Jacut (sur l'Arz), ayant voulu passer tout seul sur la glace ; mais heureusement pour lui et malheureusement pour la République, les voisins ont eu la complaisance de le sauver. Salut et fraternité ». HALLIER (Archives du Collège Saint-François-Xavier, Vannes).

Parmi les royalistes, organisés en bandes, on signale à cette date au pays de Rieux : « de Sol, de Léhellec, de Couëssin, Boyer dit Frislair, de Rieux, Bocéno, cabaretier au Lestier, Nicolas Carr, Châtiau dit Boissière, Rouxel, de Caden, Gautier dit Miton, de Peillac, digne compagnon de Cadio, de Saint-Jacut ». Celui-ci fut arrêté à Rochefort le 21 février et, accusé d'avoir participé au meurtre de Lallemand, il fut tué d'un coup de fusil par le détachement qui le conduisait à Vannes.

Cependant, en ce printemps, le mouvement chouan ne revêt pas une grande ampleur. Malgré tout, l'administration de Rieux n'ose pas réintégrer Rieux, comme le district le lui demande, et elle reste à Redon. Elle préférerait la Poterie, « plus peuplée, dit-elle, et située sur la route de Vannes à Redon ; seulement il lui faudrait l'aide de quelques bayonnettes ». Finalement, le 17 mars, le général Duthil lui accorde une garnison (Archives départementales, L. 309).

Aux fêtes de Pâques, des prêtres, payant d'audace, célèbrent les Offices dans les églises et les chapelles. Les gendarmes signalent en particulier « Toussaint Guého qui dit la messe tous les jours dans l'église de Rieux », et cela jusqu'au mois de septembre.

Avril, c'est l'époque des élections du Corps législatif. Par suite des abstentions des honnêtes gens, découragés, par suite aussi des fraudes, la majorité reste aux sectaires. D'où aggravation de la tyrannie persécutrice. Ne voit-on pas Fouché, ministre de la Police, donner cette instruction cynique : « Il ne s'agit plus de faire le triage des bons et des méchants ; dans ce pays maudit de l'Ouest, il ne peut y avoir que des coupables ».

Exaspérés, les catholiques bretons se cabrent. Ils reprennent les armes et ils se vengent sur les patriotes, les soldats et les gendarmes. « La guerre civile recommence, écrit au département le district de Josselin ; les gens veulent leurs prêtres ; leur motif est la religion ».

Le Directoire n'en a cure et partout il fait prendre des mesures pour enrayer la révolte. Au pays de Rieux, il supprime tous les passages et ordonne d'amener tous les bateaux à Redon. Néanmoins des particuliers n'obéissent pas et camouflent leurs bateaux dans les étiers et les branchages (31 mai).

La Révolution qui avait supprimé les fêtes religieuses essayait de les remplacer par des fêtes laïques. Le 12 juin, la population du canton est convoquée à une Fête funéraire, ordonnée par une loi à la mémoire des plénipotentiaires assassinés à Radstadt. Le secrétaire Picot en adresse ce compte-rendu à Vannes.

« La Fête funéraire a été célébrée au chef-lieu du canton de Rieux. Les officiers municipaux des communes y étaient réunis avec les chefs militaires de l'arrondissement et leur troupe. Les caisses des tambours étaient couvertes en noir. Les chefs avaient reçu chacun un crêpe avec invitation à le porter pendant une décade.

Une fausse châsse, couverte d'un drap mortuaire, fut disposée au milieu du temple. Deux branches de cyprès, où étaient placées les affiches Français, le 9 floréal an VII furent mises à la tête de la fausse châsse sur laquelle était une couronne de différentes fleurs champêtres. Enfin tout annonçait le deuil ; et le peuple, pour obéir à l'administration, se rendit au temple en assez grand nombre. Les cris de vengeance ! furent répétés plusieurs fois et, pendant la lecture des pièces relatives à l'assassinat, le plus grand silence régna parmi le peuple.

C'est avec chagrin qu'il me reste à vous dire qu'un fonctionnaire public du canton s'est abstenu, ainsi que son greffier et son huissier ; vous devinez facilement que c'est le juge de paix qui, depuis son installation, affecte de ne plus assister aux fêtes décadaires. Il m'est bien pénible de le dénoncer, mais c'est mon devoir » (Ce juge de paix était Joseph Guiho, de la Poterie).

On offrait des branches de cyprès aux hommages du peuple, mais la croix du Christ était un emblème séditieux ! Un jour, l'on aperçoit une croix, « peinte noire avec des fleurs de lys blanches sur le clocher de Saint-Jacut ». Aussitôt, Louis Richard, agent de cette commune, en est rendu responsable, il est arrêté et conduit à Vannes dont le tribunal le relaxe. (13 juillet).

Faute de pouvoir saisir de Sol, on arrête... sans doute l'un de ses officiers ou de ses soldats ?... Vous n'y êtes pas : on arrête son chien ! Le citoyen Pignon, commissaire, signale en effet au district, et le plus sérieusement du monde, « l'arrestation du chien de de Sol, chien fort instruit, appartenant au propriétaire de Trégouët, avec son nom sur la plaque. On a voulu, après sa prise, ajoute-t-il, expérimenter ses talents, mais il n'a su ou n'a pas voulu rien faire ! ». Evidemment, ce chien avait des sentiments royalistes...

Ainsi que ces braves bêtes, les bateliers de la Vilaine sont de connivence avec les chouans. Un rapport le prétend : « Ils les prennent dans leurs bateaux et les débarquent avant les postes gardés et les reprennent après. On envoie bien des colonnes mobiles, mais elles ne découvrent pas de suspects ; ce qui n'est pas étonnant : si la colonne explore Rieux, les chouans sont à la Poterie, à Deil, à Allaire, etc. Ils viennent le soir souper au presbytère. Et puis, les espions ne leur manquent pas ».

On multiplie pourtant les battues. Inutilement. « Les brigands tiennent les campagnes des environs, annonce Redon à Vannes le 20 juillet. Ils n'ont pas assez d'armes, mais ils en attendent ; quant à la poudre, ils en ont une grande quantité cachée dans les rochers de Saint-Jacut, Béganne, la Noë, ou sous les fagots ».

Pour arriver à leurs fins, les républicains recourent à la trahison. Un ancien chouan, séduit par eux et qui vient de parcourir Rieux et ses environs, leur raconte que « de Sol est malade pour s'être caché près d'un jour dans un ruisseau plein de joncs où il avait de l'eau par-dessus les épaules. Il a appris ensuite que les chouans allaient s'assembler sur une lande entre Béganne et Caden, où doivent se trouver Georges (Cadoudal), Sécillon et autres, et qu'ils attendent un débarquement à Sarzeau » (22 juillet) (Archives départementales, L. 321).

 

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II. — SOUS LES DÉGUISEMENTS.

Contre les vexations toujours plus intolérables, l'Ouest, en août, prépare une vaste levée de boucliers. L'armée du Morbihan se réorganise sous la main puissante de Georges Cadoudal qui la constitue en huit légions. Celle de Redon-Muzillac a pour chef de Sol de Grisolles, nommé colonel par le Comte d'Artois. De ses trois bataillons, l'un est commandé par Pierre. Le Cars dit Pelo de Caden, le second par de Sécillon, le troisième par du Bot.

Les patriotes qui toléraient les prêtres depuis quelques mois, se remettent à les poursuivre. Le 1er septembre, les gendarmes de Roche-Sauveur notifient ainsi à Vannes la prise de l'un d'eux.

« Ayant eu avis que le prêtre. Toussaint-Jean Guého, rentré en France depuis deux ans, disait la messe tous les jours de fête dans l'église de Rieux, nous nous sommes embusqués dans un champ de sarrazin, vis-à-vis de l'église. Nous étant aperçus qu'il n'y entrait plus personne, nous nous sommes précipités et y avons trouvé ledit Guého sur le point de s'habiller pour dire la messe à 8 heures. Lui ayant demandé s'il avait fait acte de soumission, a répondu que non, mais que, depuis son retour d'Espagne, il ne s'était jamais caché et avait vécu sous la surveillance de l'administration municipale, et qu'il n'avait jamais fait de mal à personne... La Sûreté arrête qu'il sera détenu à la maison d'arrêt de Vannes ».

En même temps que M. Guého, les gendarmes avaient saisi son calice d'argent et tous ses ornements. Et pourtant, Lallemand avait jadis écrit à Vannes en sa faveur et quatre citoyens de Rieux étaient allés à Redon le 2 septembre témoigner que « ce prêtre n'avait fait parler de lui qu'en bien ».

« Ce même 1er septembre, écrit Picot, une troupe de soldats s'est fait battre à la Béraye et il y eut plusieurs morts parmi eux. De Sol, blessé d'une balle à la cuisse, dut être emporté par quatre de ses hommes. Trois volontaires (des soldats) furent enterrés dans le même trou (sic) à la Touche. On devrait faire des expéditions plus fréquentes, mais auparavant tuer tous les chiens qui sont dressés à annoncer l'arrivée des soldats (les braves bêtes !) Il y a bien 400 brigands dans les environs. Ils enlèvent les plombs des églises pour faire des balles ».

La gendarmerie de Roche-Sauveur organise alors une grande expédition, mais, pour tromper les gens, les policiers se déguisent en chouans. Résumons le curieux rapport de Couffine, chef du détachement (11 septembre).

« Après avoir passé la Vilaine à Cran, nous sommes arrivés à la Perrière en Rieux. Là, nous avons demandé à une femme nommée la Marthe si elle n'avait pas vu de bleus, disant que nous étions royalistes. Elle a répondu que non.

Nous lui avons demandé si M. de Sol n'était pas en ce lieu, que nous voudrions nous mettre en relation avec quelqu'un de sa compagnie. A répondu qu'elle voyait que nous étions de braves gens et qu'elle allait nous chercher un jeune homme de sa compagnie, et elle est allée quérir Julien Guéveneux de la Poterie. Celui-ci cause avec le chef, lui dit de marcher devant et qu'il allait le conduire. Mais, pris de soupçons, il lui fausse compagnie.

Les gendarmes vont alors à la chapelle des Landes, chez François Bihan, se disant chouans poursuivis. Les habitants de la métairie, mis en confiance, leur racontent que de Sol avait passé chez eux cinq jours auparavant. Bihan conduit alors la bande chez Pierre Loyer à Blaye, le priant de la conduire directement à M. de Sol. — Oui, répondit-il. — De Sol est-il à sa compagnie et combien compte-t-elle de soldats ? Il répond qu'il l'ignore.

Là-dessus, les gendarmes se concertent et prennent le parti de rétrograder à Allaire, toujours avec Bihan et Loyer. " Ah ! s'écrie celui-ci, si je pouvais parler à ma femme ! ". — Pourquoi ? dit Couffine. — Parce que je vois bien que vous allez me fusiller.

Arrivés à Allaire, Couffine requiert la force armée pour arrêter les deux hommes et, apercevant Guéveneux, il le fait également saisir. Interrogés à Redon, les prisonniers déclarent n'avoir pas vu de Sol depuis deux ans. Il fut impossible de rien en tirer.

Voici quelques lieux où séjourne de Sol : la Grée Pelée en Caden, le Bois de la Noë dont l'investissement nécessiterait deux cents hommes. Du reste, de Sol ne fait que voltiger. Il est souvent à cheval avec un manteau blanc » (Archives départementales, L. 320).

Que fit-on des prisonniers ? Aucun document ne nous l'apprend.

Les semaines suivantes se passent ainsi en incursions des Chouans, en battues des Bleus, celles-ci accompagnées d'arrestations et même d'exécutions sommaires, comme celles de Pierre Pottier, du Pontavin en Saint-Jacut, et de Julien Méhat, de Caden, vers la mi-octobre. Mais souvent les expéditions des Bleus se terminaient comme celle dont parle Picot le 18 octobre : « Nous sommes revenus à Redon bien fatigués, bien mouillés, ayant fait au moins une dizaine de lieues, et bredouilles, à part une tabatière et un mouchoir laissés par Guégan. Il ne faut pas se décourager ; à la battue générale annoncée, on sera plus heureux ».

 

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III. — LA PAIX RELIGIEUSE.

Il est probable que la battue générale dont parlait Picot n'eut pas lieu, car le règne des Jacobins touchait à sa fin. Le général Bonaparte, ayant appris en Egypte les défaites de l'armée d'Italie et les agitations croissantes de la République, accourut à Paris, le 15 octobre. Le 18 brumaire — 9 novembre — de connivence avec plusieurs personnages, il renverse le Directoire et le remplace par un Consulat dont il est le chef, le Premier Consul.

Devant l'incertitude du lendemain, le chouannage continue avec Cadoudal. De Sol, toujours au pays de Vilaine, s'empare de Redon le 10 novembre ; il en part le 12 avec un riche butin. Mais voilà que, le 8 décembre, le général républicain Hédouville, commandant le Morbihan, proclame qu'une suspension d'armes a été conclue entre lui et les chefs chouans. Les coeurs commencent à se rasséréner. Cependant, le département n'a pas encore trop confiance : « Nous voudrions, écrit-il à Rieux, que ces mesures rétablissent la paix, mais le peu de succès des tentatives de ce genre, les rassemblements que nous voyons continuer à Plumelec, à Allaire et à Rieux, nous donnent peu d'espoir ».

Néanmoins, le 13 décembre, la Constitution de l'An VIII vient ranimer la confiance, car elle ne touchait en rien à la question religieuse et n'imposait au clergé aucun serment spécial ; d'où l'on conclut à la liberté des cultes.

De fait, le gouvernement répond favorablement à la demande de libération pour les prisonniers tant ecclésiastiques que laïques, internés comme opposés à la République. Le 25 décembre, M. Guého, de Rieux, et sept autres prêtres voient leur requête admise par le tribunal de Vannes, « considérant qu'ils ne sont pas dangereux, mais ils resteront à Vannes sous la surveillance des autorités et devront se présenter à toute réquisition. Un logement leur est assigné : pour M. Guého, c'est chez la citoyenne Perrine Le Monihy » (Archives départementales, L. 317).

Continuant leur politique d'apaisement, les Consuls abrogent les lois qui excluaient des fonctions publiques les anciens nobles et les parents d'émigrés. Ils rappellent également la plupart des proscrits ; tous les déportés sans jugement régulier étaient ainsi autorisés à rentrer en France.

Le 14 février 1800, la paix était conclue entre Cadoudal, le grand chef royaliste, et le général Brune, commandant l'armée républicaine de l'Ouest ; cette paix accordait à la Bretagne l'amnistie du passé et la liberté des cultes.

Depuis quelque temps déjà, bon nombre d'insurgés avaient fait leur soumission. Le commissaire de Rieux, Picot, encore réfugié à Redon, en parle dans sa note suivante.

« 17 février 1800. — Depuis que les jeunes gens du canton, qui avaient fait partie des chouans, ont déposé leurs armes et sont rentrés dans leurs foyers, la joie, la tranquillité, la gaîté sont peintes sur leurs visages. Mais, quatre ou cinq coquins, vagabonds accoutumés du meurtre et du pillage et qui ont perdu l'amour du travail, troublent depuis huit jours la tranquillité publique... Ils exigent de l'argent, le dépensent à l'auberge et se font nourrir par les paysans. Il est de vérité que, d'ici longtemps, l'honnêteté républicaine ne pourra habiter avec sûreté les campagnes. Puisse la paix des chouans être durable et sincère ! Voilà mon voeu ». En même temps, Picot exprime le regret de quitter son poste, supprimé par suite de modifications administratives. Le département lui en promet un dans l'organisation nouvelle en voie de formation.

 

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IV. LE PEUPLE RÉCLAME SES PRÊTRES.

Profitant des bonnes dispositions du gouvernement, les catholiques s'empressent d'adresser des pétitions aux autorités pour le retour de leurs prêtres exilés ou déportés.

Le 20 avril, les habitants de Béganne les réclament « persuadés qu'ils cimenteront la paix et la tranquillité ». A la même date, le maire et l'adjoint d'Allaire, au nom de leurs administrés, demandent « un passeport pour M. Charles Baston, leur curé, déporté en Espagne, âgé de 71 ans. Il se trouve à Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice et y vit dans la plus affreuse misère. Nous désirerions l'avoir parmi nous, afin de pouvoir lui témoigner notre juste reconnaissance pour les soins et les fatigues que ce digne et vénéré pasteur a eus pour nous pendant plus de vingt ans. Au nom des habitants ». Signé Voisin, Fleury.

A ces deux pétitions, le préfet — car il y a un préfet à la tête du département — répond que ces prêtres peuvent revenir librement, en promettant simplement de se soumettre à la Constitution.

Le 2 juin, Rieux à son tour exprime au citoyen préfet, M. Giraud, son désir de revoir M. Poisson. Après un préambule à la louange du Premier Consul, la pétition continue :

« La religion n'est qu'imaginaire si elle n'est enseignée par ses ministres. Or la sagesse du citoyen Poisson a toute notre confiance ; il serait digne d'obtenir la vôtre, si vous le connaissiez. Il resta parmi nous durant les temps révolutionnaires, ne nous enseignant que la patience et la soumission. Il ne nous a quittés que quand il a su que sa présence nous était plus nuisible qu'utile.

Il a eu des ennemis puissants qui n'ont cessé de le calomnier. Peut-être, en ce moment, vont-ils renouveler leurs calomnies, mais nous leur défendons d'articuler un seul fait capable de lui attirer le moindre blâme d'une administration intègre, tandis que nous vous assurons qu'il n'a cessé de nous prêcher l'obéissance aux lois, qu'il a toujours empêché les voies de fait ; dès qu'il a été enlevé, on a vu s'organiser l'assassinat. La meilleure preuve des intentions pacifiques du citoyen Poisson, c'est qu'il ne veut quitter sa paisible retraite et revenir parmi nous qu'avec une autorisation formelle de votre part.

C'est pour obtenir cette autorisation que nous envoyons vers vous Joseph Perrin, notre concitoyen des plus notables... Ce faisant, ce sera justice. Salut et respect ». Ont signé : Thomas Beuve, Julien Le Breton, Pierre Lucas, Jean Magré, François Jouan, Yves Le Lièvre, Joseph Cottin, Guillaume Rouxel, Jacques Pondard, Joseph Le Lièvre, Joseph Chemin, Joseph Perrin, Joseph Torlay, François Thaumoux, Mathurin Penhaleux, Claude Desgrée, Vincent Briand, Jean Cornu, Jacques Goupil, Julien Torlay, Joseph Clinchard, Joseph Goupil, Louis Potier, Guillaume Tual, Jean Tual, Melaine Le Lièvre, Guillaume Penhaleux, Joseph Perrin. Pétition qui fait autant honneur aux signataires qu'à leur recteur.

Le citoyen Heinleix, nommé le 14 mai, maire provisoire de Rieux, ne figure pas au nombre des signataires. Ancien agent de la commune, ce révolutionnaire gardait rancune à M. Poisson de lui avoir résisté ; il lui créera plus tard encore des difficultés lorsque, le 2 août, il sera devenu maire définitif avec Joseph Perrin pour adjoint.

Sous le régime de la liberté, le culte constitutionnel a vite fait de mourir, tandis que la religion catholique, si longtemps comprimée, s'épanouissait au grand jour.

Un grand pas de plus est fait en faveur de l'Eglise : le 23 septembre. 1800, annonce-t-on, des pourparlers s'ouvrent entre le Premier Consul et le Pape en vue de conclure un Concordat.

Cette fois, M. Poisson n'hésite plus à rentrer dans sa paroisse sur la fin de 1800. Dès le 5 janvier, nous le voyons administrer le baptême et il signe comme autrefois L. F. Poisson, recteur de Rieux, v.g. — v.g. veut dire vicaire général, titre qu'il aura le droit de garder tant que Mgr Amelot ne sera pas remplacé sur le siège de Vannes.

La pacification continue et, le 18 avril 1801, nous voyons plusieurs émigrés du canton de Rieux rayés de la liste des émigrés : Guillaume Pondard, de Rieux ; Gardon, de Béganne, cultivateur ; de Pontbellanger.

Enfin arrive l'événement attendu impatiemment : la conclusion du Concordat, signé le 15 juillet 1801. Cette fois, tous les coeurs catholiques et français sont dans la joie !

A la suite de ce Concordat, le Pape Pie VII demande la démission de tous les évêques de France qu'il doit remplacer. L'évêque de Vannes, Mgr Amelot, hésite à la donner ; le Pape va nommer quand même un nouvel évêque.

Le pays de Rieux continue à faire partie du diocèse de Vannes qui a pour cadre le département du Morbihan. Mais dans le voisinage, Redon passait au diocèse de Rennes et Fégréac restait au diocèse de Nantes.

Le 10 avril 1802, le siège de Vannes était pourvu d'un titulaire : Mgr Maynaud de Pancemont, curé de Saint-Sulpice à Paris. Le nouvel évêque prit possession de son siège le 11 août. A dater de ce jour, M. Poisson cesse d'être Vicaire général et il ne signe plus que Recteur de Rieux. Le 4 septembre, il signe même ancien Recteur de Rieux : c'est que, à ce moment, se préparaient de profondes modifications dans les circonscriptions ecclésiastiques.

Ces modifications furent notifiées aux fidèles par le Mandement épiscopal du 13 octobre 1802. L'évêque créait dans son diocèse 37 cures — une par justice de paix — et 201 succursales dépendant des cures. Rieux devenait succursale de la cure d'Allaire avec Saint-Gorgon, Béganne, Saint-Jacut, Peillac, Saint-Perreux et Saint-Vincent-sur-Oust. M. Poisson en était nommé desservant, et c'est ainsi qu'il signe depuis lors. Mais le peuple conserve l'appellation de recteur. Le curé d'Allaire dont dépendait Rieux, fut M. François Hellard, ancien vicaire à Béganne ; il remplaçait M. Charles Baston, trop âgé — il avait 73 ans — pour reprendre du ministère à son retour d'exil.

Parmi les premiers chanoines titulaires du Vénérable Chapitre de la cathédrale, nous relevons le nom de M. Grignon, dont la famille possédait le château de Villeneuve à Rieux.

 

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V. — RIEUX AU SORTIR DE LA TOURMENTE

En cette année 1802, prenait véritablement fin la tourmente révolutionnaire. Comment en sortait le pays de Rieux ? Hélas ! il en sortait bien diminué, bien appauvri !

Au point de vue religieux, le vaste doyenné de Rieux avait disparu : il était remplacé par le doyenné d'Allaire, mais ce doyenné était réduit aux dimensions d'un simple canton de huit paroisses. Sans doute, sous l'Ancien Régime le recteur de Rieux n'avait personnellement aucune juridiction sur le reste du doyenné, mais la Ville de Rieux n'en était pas moins son chef-lieu. Et c'est sans doute la principale raison pour laquelle Mgr Amelot avait choisi M. Poisson pour son fondé de pouvoir à l'Assemblée provinciale de 1780 et plus tard pour Vicaire général. La paroisse de Rieux restait cependant importante puisqu'elle comprenait encore sa trêve de Saint-Jean-des-Marais.

Quant aux biens de l'église, le presbytère n'avait pas trouvé d'acquéreur et avait continué d'être habité par M. Poisson et sa soeur, parfois par celle-ci seulement. Le verger et la vigne de la cure, mis en vente, avaient été rachetés par M. Poisson lui-même. Deux prés et quatre pièces de terre furent adjugés à un du Couédic, comme le Pré-des-Bandes, propriété des Bénédictins de Redon. Une maison en ville, de la chapellenie Desvaux, fut vendue à « Murot et consorts ».

Au point de vue civil, la déchéance paraît plus sensible. Durant un millénaire, le ville de Rieux avait été le chef-lieu de l'immense Seigneurie et Comté de ce nom, et voilà que ce Comté avait disparu ! Son titulaire, Louis-Charles de Rieux, fusillé à Auray en pleine jeunesse, n'avait pas laissé d'héritier direct. Son père, il est vrai, vivait encore, et héritait de son fils. Mais, émigré dès le début de la Révolution, il était demeuré à Londres et ne s'occupait guère de recueillir ce qu'il subsistait des biens des Rieux. Qu'en restait-il d'ailleurs ? Ces biens avaient été déclarés biens nationaux et en partie liquidés au profit des bourgeois révolutionnaires, comme partout.

Le 2 août 1796, Pierre Cornu acheta pour 29.700 livres 54 journaux de prairie dans les marais de la Roche, partie appelée Le Tout. Le 13 août, la métairie de Gléré était adjugée à Lallemand au prix de 9.900 livres. Le 2 septembre, la métairie du Chêne-Vert passait au juge Claret pour 11.000 livres ; le même s'attribuait encore les Prés-Salés en Argandin moyennant 17.138 livres et le Pourpris-du-Plessis pour 4.400 livres. Le 25 novembre 1797, Heinleix achetait pour 270 francs une maison à Rieux. Le 1er mai 1798, Pierre Cornu augmentait ses propriétés en acquérant pour 11.000 livres le moulin à eau de Glére et le moulin à vent de Beauregard. Le fameux Le Clainche, administrateur de Roche-des-Trois, ajoutait à ses acquisitions, déjà fort importantes ailleurs, les prairies dénommées Les Parcs de Rieux, en Rieux et Allaire, pour 250.100 livres. Plus tard, le 17 octobre 1800, un Le Goff d'Hennebont achète les Prairies de Roru pour 9.000 francs (Franc : unité monétaire du nouveau système décimal). Dix ans après, le 8 octobre 1810, le four banal et l'auditoire, en ville, seront cédés à la commune au prix de 425 francs et les halles au prix de 525 francs. Les Bois de Rieux, en Allaire, étaient acquis le 2 octobre par Claret au prix de 6.325 francs.

Ainsi, tandis que le paysan n'avait pu augmenter son avoir, tandis que beaucoup de nobles avaient perdu le leur, les bourgeois, partisans de la Révolution, avaient arrondi leur fortune, plusieurs même de façon scandaleuse.

Comme les autres propriétés du Comte de Rieux, la Forêt-Neuve, avait été confisquée par la Nation et Julien Joyaut, fermier des terres des Rieux, constitué gardien des scellés. A l'époque, cette propriété valait au moins un million. Lors de la mise en vente, Joyaut se retira volontairement, s'y trouvant trop malheureux. Mais auparavant il fut obligé de déclarer la récolte : « environ 175 demés de seigle, 12 demés de froment, 30 d'avoine mesure de La Gacilly, et 23 milliers de foin ». La majeure partie des foins fut transportée à Redon le 11 avril 1795. Quant aux grains, une troupe de brigands (chouans) s'en saisit et laissa chez Joyaut, le gardien, cette déclaration : « De par le Roy, je me suis transporté chez le nommé Joyaut avec 200 hommes pour enlever les grains destinés à la République. Fait dans la nuit du 21 avril 1795, l'An III du règne de Louis XVII, roi très chrétien — Constant, capitaine de l'armée catholique et royale de Bretagne ». A côté, l'empreinte d'un cachet rouge.

L'une des principales conséquences de la disparition du Comté, ainsi que de la suppression des juridictions seigneuriales ou sénéchaussées, ce fut pour Rieux la perte de ses nombreux officiers de justice, tels que sénéchal, alloué, et autres, ainsi que de la police. Rieux ne conserve même pas la justice de paix, puisqu'elle cessait d'être chef-lieu de canton au profit d'Allaire.

Bref, la plus que millénaire ville de Rieux est devenue une tranquille bourgade à l'aurore du XIXème siècle. Mais elle tient à son titre de ville. On raconte que, au XXème siècle, un étranger, parlant à une femme de Rieux, s'était oublié à dire : Votre bourg. « Monsieur, repartit vivement la paysanne, ça vous écorcherait-y la goûle de dire la ville de Rieux ? » (abbé Henri Le Breton).

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